Chapitre 9
Aspect post-thérapeutique du cancer de la prostate
Place de la thérapeutique oncologique médicale et radiothérapique dans le traitement du cancer de prostate
Le cancer de la prostate occupe la première place dans l’incidence des cancers, avec environ 71 000 nouveaux cas diagnostiqués en France en 2011, contre 40 000 en 2000 et 20 000 en 1990 [1]. L’évolution de cette incidence témoigne du vieillissement de la population et d’une augmentation de l’espérance de vie, de l’amélioration de la sensibilité des techniques diagnostiques et de l’impact du dépistage par le dosage du PSA (Prostate Specific Antigen ou Antigène spécifique de la prostate). Parallèlement on observe une diminution du taux de mortalité par cancer de la prostate (en moyenne –2,5 % par an sur cette même période) du fait notamment de l’amélioration de l’efficacité des traitements, mais probablement aussi du fait du surtraitement de formes indolentes de cancer [2]. Le traitement des formes localisées et localement avancées du cancer de la prostate repose sur la chirurgie, la radiothérapie associée ou non à une hormonothérapie, ou sur une association chirurgie-radiothérapie. Nous n’aborderons dans ce chapitre que les traitements radiothérapiques et médicaux de ces formes, ainsi que les aspects post-thérapeutiques des thérapies focales, ultrasons et cryothérapie.
Diagnostic
Au terme de ce bilan, la tumeur est classée selon son stade TNM (tableau 9.1), et selon la classification de D’Amico qui distingue trois niveaux de risque de récidive biochimique à 10 ans selon les données du toucher rectal, de la valeur du PSA et du score de Gleason (tableau 9.2).
Tableau 9.2
Classification du risque de récidive biochimique des cancers de la prostate à 10 ans selon D’Amico
La chirurgie (prostatectomie radicale) tient une place très importante dans la prise en charge des patients atteints de cancer localisé de la prostate, mais elle ne sera pas abordée dans ce chapitre.
Radiothérapie externe
La radiothérapie est une méthode thérapeutique efficace à l’encontre du cancer de la prostate. Les progrès réalisés au cours des 20 dernières années sont le fruit conjoint d’avancées technologiques et de progrès scientifiques. De multiples essais randomisés ont montré une amélioration du contrôle tumoral du cancer de la prostate avec l’utilisation de fortes doses de radiothérapie [3–9]. Il est maintenant reconnu que des doses supérieures à 74 Gy permettent d’obtenir un meilleur contrôle biochimique et local que les doses conventionnelles inférieures à 70 Gy. Les études les plus récentes suggèrent même que des doses de 80 Gy, voire supérieures, pourraient être nécessaires pour obtenir un contrôle tumoral optimal [7, 10–12].
Les premiers essais thérapeutiques d’escalade de dose avec des techniques de radiothérapie conventionnelle ont été grevés de taux de complications inacceptables. En effet, avec ces techniques conventionnelles, il n’est pas possible de délivrer en toute sécurité de fortes doses à la prostate sans dépasser les doses maximales tolérables par les organes sains de proximité, vessie, rectum, intestin grêle, qui sont à l’origine de complications tardives sévères [13–15]. Les progrès techniques, comme la planification de la radiothérapie à partir de scanographies réalisées en position de traitement, et l’utilisation de systèmes informatiques puissants calculant des histogrammes doses-volumes (HDV), ont permis le développement de la radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle ou 3D (RC3D) qui permet d’augmenter les doses délivrées à la prostate tout en améliorant la protection des organes à risque. Néanmoins, malgré les progrès dus à la RC3D, la distribution de dose n’est pas toujours optimale, exposant une partie de la vessie et du rectum à des doses encore trop élevées. La fin du XXe siècle a vu le développement simultané de logiciels de planification de radiothérapie encore plus sophistiqués, et les constructeurs ont doté leurs accélérateurs linéaires de collimateur multilame, ce qui a permis l’émergence de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité. Grâce à l’utilisation d’algorithmes de planification inverse, la RCMI rend possible une distribution de dose plus conformationnelle que la RC3D, en adaptant la forme des isodoses aux contours du volume cible [16, 17].
Les essais randomisés de phase III d’escalade de dose ont démontré que les plus fortes doses amélioraient de 15 à 20 % les résultats du contrôle biochimique du cancer de la prostate [3–9]. Cependant, les résultats de ces études suggèrent que ce sont les patients atteints de cancer à risque intermédiaire qui bénéficieraient le plus de cette escalade de dose, tandis que ceux atteints de tumeurs à faible risque pourraient être traités avec des doses conventionnelles de 70 Gy, alors que l’avantage des fortes doses pour les patients atteints de cancer à haut risque serait moins probant.
Curiethérapie
La curiethérapie à bas débit de dose a fait la preuve de son efficacité pour traiter les patients atteints d’un cancer de bas risque. Dans cette population sélectionnée, la probabilité de survie sans rechute biochimique à 5 ans est de l’ordre de 80 % [18]. En revanche, pour les patients avec une tumeur à haut risque, cette probabilité chute à moins de 30 %. Les curiethérapies à bas et à haut débit de dose sont en court d’évaluation pour apporter un complément d’irradiation après radiothérapie externe dans le traitement des formes à risque intermédiaire.
Hormonothérapie
Le cancer de la prostate est particulièrement sensible au traitement hormonal, en particulier à la suppression androgénique. L’hormonothérapie est un traitement efficace des cancers au stade métastatique, et son adjonction comme traitement adjuvant à la radiothérapie a été testée depuis les années 1990. Actuellement, l’hormonothérapie de référence est la suppression androgénique par agonistes ou antagonistes de la Luteinizing Hormone Releasing Hormone (LHRH). La durée du traitement en association avec la radiothérapie est discutée, entre 4 mois et 3 ans, et pourrait dépendre du risque de récidive. Dans un essai randomisé testant l’adjonction d’une hormonothérapie pendant 4 mois, il a été observé que seuls les patients atteints d’un cancer à risque intermédiaire bénéficiaient de cette hormonothérapie courte, avec un gain de survie significatif à 10 ans, tandis que ce traitement semblait inutile pour les patients avec une tumeur à faible risque, et insuffisant pour ceux avec un cancer à haut risque [19]. Pour des patients atteints de cancer à risque intermédiaire ou à haut risque, l’hormonothérapie de longue durée pendant 3 ans, associée à une radiothérapie délivrant 70 Gy, a montré un bénéfice en termes de survie à 5 ans par rapport à la radiothérapie seule, et ces résultats ont été confirmés à 10 ans [20, 21].
Chimiothérapie
L’association de docétaxel, d’une hormonothérapie et de radiothérapie est testée dans le cadre d’essais thérapeutiques pour des patients atteints de cancer à haut risque [22].
Stratégie de surveillance à court et long terme : définition de la récidive
Une élévation de la valeur du PSA après irradiation n’est pas toujours synonyme de récidive. En effet, au cours du suivi, on peut observer des phénomènes de rebond, qui sont des élévations généralement peu importantes et transitoires de la valeur du PSA, pouvant faire croire à tort à une rechute. En 2005, une conférence de consensus a défini les critères dits de Phœnix de récidive biochimique du cancer de la prostate après radiothérapie externe, avec ou sans hormonothérapie adjuvante [23]. La récidive biochimique est définie par une élévation de plus de 2 ng/mL au-dessus du nadir (valeur de PSA la plus basse observée après traitement). Après prostatectomie radicale, le critère de récidive biochimique est une élévation de la valeur de PSA au-dessus de 0,2 ng/mL. Enfin, après radiothérapie de la loge prostatique, qu’elle soit adjuvante ou de rattrapage après chirurgie, la récidive biochimique est définie par une élévation de la valeur du PSA de plus de 0,5 ng/mL au-dessus du nadir.
Imagerie post-thérapeutique du cancer de prostate
Imagerie après prostatectomie radicale
Imagerie de la loge de prostatectomie
Aspect normal de la loge de prostatectomie radicale
En IRM
La vessie occupe l’espace libéré par la prostate. Après prostatectomie radicale il existe une fibrose périanastomotique en hyposignal T1 et T2 (fig. 9.1A). Exceptionnellement il peut persister du tissu prostatique résiduel.
Fig. 9.1 IRM après prostatectomie radicale, aspect habituel de la loge : séquence axiale T2.
A. Fibrose périanastomotique en hyposignal T2 (flèche). B. Vésicules séminales : architecture partiellement conservée en hypersignal T2, ou structure linéaire en hyposignal évoquant un tissu fibreux résiduel (flèche).
Les vésicules séminales peuvent avoir une architecture partiellement conservée en hypersignal T2 tubulaires (20 %) ou se présenter sous forme de structure linéaire en hyposignal évoquant un tissu fibreux résiduel (fig. 9.1B) [24]. Il n’y a pas d’aspect spécifique d’une technique chirurgicale par rapport à une autre en dehors de la cicatrice abdominale.
Les clips chirurgicaux peuvent également être visibles dans le champ chirurgical en hyposignal T1 et T2, en fonction de leur nombre et de leur distribution ils peuvent modifier l’analyse des structures adjacentes et masquer une récurrence [24].
Aspect de la récidive
La récidive tumorale est à rechercher :
• sur l’anastomose urétrovésicale (col vésical/urètre membraneux) dans 40 à 55 % des cas ;
• sur la berge antérieure ou latérale du lit chirurgical (releveur de l’anus) ;
• au niveau des vésicules séminales restantes ;
• au niveau de l’espace rétrovésical (entre vessie et rectum).
En IRM
La récidive se présente sous forme d’une lésion tissulaire en signal intermédiaire, plus haut que le muscle ou la fibrose, isointense en T1 et discrètement hyperintense en T2 par rapport au muscle (fig. 9.2A).
Fig. 9.2 Imagerie après prostatectomie radicale, aspect de récidive : séquence axiale en pondération T2 (A), et T1 (B) après injection de gadolinium.
Hyposignal nodulaire situé en arrière de l’anastomose urétrovésicale (A, flèche). Intense vascularisation sur le temps précoce de l’injection évoquant une récidive locorégionale (B, flèche).
Les autres sites de récidives sont l’espace rétrovésical (entre vessie et rectum), au niveau du fond des vésicules séminales (fig. 9.3A et 9.3B), ou la partie antérieure ou latérale de la loge prostatique (au contact des muscles releveurs de l’anus).
Fig. 9.3 Imagerie après prostatectomie radicale, aspect de récidive : séquence axiale T2 (A), et T1 après injection de gadolinium (B).
Infiltration tissulaire en franc hyposignal T2 (A, flèche) au niveau du fond des vésicules séminales restantes, intensément vascularisée sur le temps précoce de l’injection (B, flèche) évoquant une récidive à ce niveau.
Le plus souvent l’aspect des récidives se distingue facilement de la fibrose postopératoire grâce aux séquences de perfusion. En effet la séquence de perfusion permet de distinguer une prise de contraste intense et précoce du tissu tumoral avec un lavage sur les temps veineux, alors que le tissu fibreux se rehausse peu ou modérément sur le temps veineux. Cette séquence permet d’augmenter la sensibilité de 48 à 88 % et la spécificité de 52 à 100 % par rapport à la séquence T2 seule (fig. 9.2A et 9.3A) [25].
L’IRM permet la détection de récidives mesurant plus de 5 mm, pour un taux de PSA inférieur à 2 ng/mL, avec une valeur prédictive négative de 95 % [26]. La sensibilité et la spécificité de l’IRM pour la détection des récidives sont respectivement de 48 à 100 % et de 52 à 100 % [27, 28].
Les séquences de diffusion sont également très informatives, notamment avec l’utilisation de valeurs de b élevées à 3 T (supérieures à 1 000 s/mm2 et pouvant atteindre 3 000 s/mm2). Elles sont cependant souvent difficiles d’interprétation en raison d’artefacts dus aux mouvements digestifs [29].
Imagerie après radiothérapie
Rôle de l’imagerie
La rentabilité des biopsies après radiothérapie étant discutée, le rôle de l’imagerie est :