8. Une Quadriparésie Dyskinétique

Cas 8. Une Quadriparésie Dyskinétique



PREMIÈRE CONSULTATION



HISTOIRE PÉRINATALE

Les parents sont bien portants, non apparentés, sans antécédents médicaux. L’enfant est issu d’une première grossesse, considérée comme normale jusqu’à une MAP à 32 SA, traitée par repos et bêtamimétiques jusqu’à 36 SA. À 38 SA, la mère vient à la maternité pour des contractions utérines depuis 24 heures: le col a un aspect identique à celui qu’il avait 48 heures plus tôt ; le RCF est normal et le foetus bien réactif ; elle rentre chez elle. Elle revient 4 heures plus tard, en travail. Le LA est méconial lors de la rupture spontanée des membranes ; le RCF est toujours sans anomalie, puis survient une bradycardie à 60bpm durant 8 minutes. La température maternelle est à 37,8˚ quelques heures plus tard. La CRP est élevée à 13mg/l. Des prélèvements bactériologiques sont faits et un traitement par l’ampicilline est commencé. En fin de dilatation, 3 heures plus tard survient un nouvel épisode de bradycardie à 60bpm pendant 4 minutes ; la perfusion de syntocinon est arrêtée, bien qu’il n’y ait pas d’hypertonie utérine. Le RCF est peu oscillant pendant les 15 minutes qui suivent puis se normalise ; 2 heures plus tard, la dilatation est complète ; la tête est engagée à la partie haute ; la présentation en OIGA avec une bosse sérosanguine et le RCF est normal. Un nouvel épisode de bradycardie entraîne alors une décision de forceps, posé partie moyenne-partie basse: prise facile avec un forceps Suzor non articulé, traction modérée, extraction facile. Le score d’Apgar est de 1 à 1 minute (battements cardiaques lents). Intubation trachéale et aspiration de liquide méconial: la récupération clinique est rapide, avec un score d’apgar de 8 à 5 minutes. Le pH à la naissance pratiqué sur le sang prélevé dans l’artère ombilicale est à 7,18 ; la pCO2 est à 65mmhg, et le BE à – 4,7mmol/l. Admis en USI, l’enfant est extubé 3 heures plus tard. L’eTF à 24 heures de vie est normale et le comportement neurologique également.



ÉTAPES DU DÉVELOPPEMENT JUSQU’À 2 ANS 5 MOIS




– À l’âge de 2 mois, la psychomotricienne consultée pour le suivi du torticolis remarque une hypoactivité et une hypotonie axiale ; elle donne des conseils de posture.


– Devant la persistance des signes, une kinésithérapie est proposée à l’âge de 7 mois, mais les parents préfèrent attendre et ce, jusqu’à l’âge de 14 mois.


– Acquisition de la station assise indépendante à l’âge de 10 mois.


– Manipulation de gros objets avec des gestes imprécis, parasités par des mouvements involontaires à l’âge de 2 ans.


– Langage limité à 6-7 mots, apparus très récemment, à l’âge de 2 ans 4 mois. L’enfant comprend les ordres simples non accompagnés de gestes.


– Le comportement est agréable, gai et actif à l’âge de 2 ans 4 mois.


– Acquisition de la marche indépendante (dans les semaines qui ont suivi cette dernière consultation) à l’âge de 2 ans 5 mois.


ORIENTATION ET AIDES REÇUES À CE JOUR

La kinésithérapie a été poursuivie à raison de deux fois par semaine, depuis l’âge de 14 mois. L’ergothérapie a été ajoutée récemment.



COMMENT CONCLURE CETTE PREMIÈRE CONSULTATION ?


OPINION PERSONNELLE DU LECTEUR SUR QUATRE QUESTIONS








1. Quels éléments considérez-vous comme essentiels à ce jour ?


2. Que peut-on dire à la famille aujourd’hui ?


3. Quelle prise en charge proposez-vous ?


4. Quelles investigations considérez-vous comme nécessaires ?


RÉPONSES PROPOSÉES


Éléments essentiels




Sur le plan obstétrical: faux travail de 24 heures, LA méconial à la rupture, anomalies du RCF, extraction instrumentale facile. Score d’apgar 1 à 1 minute, intubation, récupération rapide (8 à 5 minutes), acidose gazeuse.


Sur le plan neurologique néonatal: signes mineurs transitoires ; allaitement maternel établi à J4.


Sur le plan du développement jusqu’à ce jour: acquisition tardive de la marche (2 ans 5 mois) ; manipulation parasitée par des mouvements involontaires ; moins de 10 mots à 2 ans et 4 mois.


Sur l’examen neurologique d’aujourd’hui: quadriparésie dyskinétique et spastique, de degré modéré ; ralentissement tardif de la croissance céphalique entre 18 mois et 2 ans, avec sutures normales.


Interprétation proposée à la famille

Les parents sont inquiets des perspectives d’avenir qui leur ont été indiquées au cours d’une conversation récente au centre de soins: c’est la raison de leur démarche actuelle. Ils se sentent coupables de ne pas avoir compris les difficultés de leur fils au cours de la première année et donc d’avoir commencé tardivement la kinésithérapie. La mère a construit une interprétation psychogène des troubles de son fils et pose la question suivante: la grande fatigue qu’elle a éprouvée les premiers mois après la naissance, le refus de l’enfant de boire au sein au cours du deuxième mois, sa dépression sévère (elle va mieux mais elle est encore traitée) peuvent-ils être responsables de la pathologie de son fils ? Les parents expriment ensuite leurs interrogations concernant une cause obstétricale, raison pour laquelle ils ont récemment rencontré le chef de service d’obstétrique.

Les réponses qu’ils reçoivent ce jour sont les suivantes: à propos de leur retard à s’inquiéter, les difficultés de développement de leur fils n’étaient pas majeures au cours de la première année. Il a tenu assis à 10 mois et comme c’est leur premier enfant, ils n’avaient pas de quoi s’inquiéter à ce stade. Les signes crâniens et neuromoteurs observés aujourd’hui sont incompatibles avec une interprétation psychogène (affirmation qui apaise visiblement la mère).



Prise en charge indiquée

La prise en charge actuelle comporte une séance de kinésithérapie et une d’ergothérapie par semaine (la dyskinésie rend l’ergothérapie très utile, car le geste est plus précis quand l’avant-bras est stable). L’enfant est correctement stimulé à la maison et à la garderie. L’orthophonie ne sera entreprise qu’à 3 ans 4 mois.


Investigations demandées




– Aucune investigation radiologique n’a été proposée jusque-là.


IRM cérébrale indispensable pour préciser la nature des lésions ; les examens ultérieurs seront guidés par les résultats de l’imagerie.


Audition et vision seront vérifiées.


Les recherches biologiques à la recherche d’une cause génétique seront entreprises, selon les indications fournies par les résultats de l’imagerie.


SUIVI ET RÉSOLUTION DE PROBLÈME


RÉSULTATS DES INVESTIGATIONS


IRM cérébrale

Coupes sagittales et coronales en T1, axiales en T2 et FLAIR (cf.fig. 8.1). Coupes coronales FLAIR. Absence d’anomalie de la fosse postérieure. Le signal et la morphologie sont normaux dans le cervelet et le tronc cérébral. Pas d’anomalie du IVe ventricule. En sus-tentoriel, le corps calleux est complet, bien myélinisé, d’aspect normal. On ne retrouve pas d’anomalie des espaces péricérébraux ni du cortex. Les cavités ventriculaires sont fines et symétriques, d’aspect normal. On retrouve un hypersignal en T2 et FLAIR des deux thalami (diminués de volume), dans leur portion médiane, de façon bilatérale et symétrique. Une atteinte également symétrique de la tête des noyaux caudés est visible. De petites anomalies de signal dans les régions périventriculaires postérieures sont présentes, symétriques. Les radiologues suggèrent l’intérêt de rechercher une pathologie mitochondriale ; ils proposent de refaire une IRM pour rechercher une évolutivité et un scanner cérébral pour rechercher d’éventuelles calcifications.






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May 31, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 8. Une Quadriparésie Dyskinétique

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