8 Préambule : principes de l’analyse étiologique des pathologies mentales en lien avec le travail
Décompensation et « double centralité »
Dans le champ de la psychiatrie et de la psychopathologie, les décompensations psychopathologiques liées au travail restent encore le plus souvent abordées essentiellement sous l’angle des vulnérabilités individuelles qui trouvent à s’exprimer dans le contexte d’une situation sociale particulière : le travail. L’investigation étiologique pour préciser le rôle qui revient au travail dans la décompensation s’avère d’ailleurs difficile dans la mesure où souvent, aucun signe dans la symptomatologie n’attire l’attention du clinicien vers le travail. En effet, la forme sémiologique de la décompensation (dépression, délire, crise somatique…) ne dépend pas des contraintes de travail qui sont pourtant au départ de la crise psychopathologique. Mais la forme de la décompensation dépend de la structure psychopathologique du sujet, de sorte que si l’investigation ne porte que sur les troubles pris indépendamment de leur contexte, il sera impossible de retrouver les traces de l’organisation du travail. La forme clinique de la décompensation liée à une situation de travail pathogène sera donc, pour une part, dépendante de l’organisation psychopathologique sous-jacente.
La clinique du travail met également en évidence qu’il est impossible de comprendre la survenue d’une pathologie mentale liée au travail en limitant l’investigation étiologique à l’histoire singulière et la dynamique intrapsychique. Les décompensations sont déterminées pour une part par les conditions sociales et par l’organisation du travail ce qui conduit à déplacer les principes de la pratique en psychopathologie clinique basés sur l’étiologie structurale. Entre les contraintes matérielles et la décompensation va venir s’intercaler toute l’épaisseur du fonctionnement psychique du sujet et en particulier les processus défensifs singuliers, ainsi que les défenses collectives élaborées dans le cadre du travail. En d’autres termes, l’analyse clinique de la souffrance doit porter non seulement sur les modes de résolution des conflits intrapsychiques à travers les destins de la sexualité infantile, mais également sur son devenir dans les rapports sociaux de travail.
Les rapports entre fonctionnement psychique et champ social ne s’articulent pas de manière directe mais sont toujours médiatisés par la rencontre avec le réel mobilisée par le travail. Les significations accordées par le sujet à la réalité sociale dépendent de l’histoire singulière, à partir des rapports d’ambiguïté et d’analogie entre la réalité intrapsychique et la situation de travail. En privilégiant une analyse qui cherche à déterminer les processus subjectifs en cause dans la genèse des troubles, il est possible de mettre en évidence que le travail joue un rôle majeur dans le déclenchement de la décompensation, pas seulement au titre d’un facteur contingent.

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