Chapitre 8
Maladies infectieuses
En tant que soignant, vous serez quotidiennement au contact de patients présentant des pathologies et des processus infectieux divers. Les patients porteurs d’une maladie transmissible peuvent méconnaître ce statut, choisir de ne pas vous en informer volontairement ou en raison d’une altération de leur conscience. Ce chapitre a pour vocation de vous familiariser avec les mécanismes complexes des pathologies infectieuses que vous allez rencontrer. Ce chapitre n’a pas la prétention de vous apporter plus qu’une vision sommaire d’une discipline vaste et évolutive. Sensibilisés par ce chapitre, vous pourrez enrichir et diversifier vos connaissances grâce à la bibliographie en fin de chapitre et en vous documentant sur des sites tels que www.cdc.gov, source de données actualisées.
État d’être en présence d’une force ou d’une influence (par exemple exposition au chaud, à un virus, etc.) ou d’y être soumis.
Immunoglobulines produites par les lymphocytes en réponse à une bactérie, des virus ou d’autres substances antigéniques.
Substances, habituellement des protéines, que l’organisme reconnaît comme étant étrangères et pouvant entraîner une réponse immunitaire.
État entraîné par une souillure, une éclaboussure, un contact ou une exposition à des agents nocifs, rendant un objet potentiellement dangereux à l’usage auquel il est destiné ou sans méthodes de protection. L’exemple type est la contamination d’un espace stérile par l’entrée de matériaux toxiques.
Processus d’élimination de matériaux étrangers comme du sang, des liquides corporels, ou de la radioactivité. Cela ne retire pas nécessairement les micro-organismes mais constitue une étape nécessaire avant la désinfection ou la stérilisation.
Maladie affectant un nombre suffisamment grand de personnes en même temps et se disséminant rapidement au travers d’une partie de la population humaine.
Étude des événements déterminants dans la propagation des maladies dans la population.
infections nosocomiales/infections associées aux soins
Infection acquise par l’exposition à des agents infectieux dans une structure de soins, définie par un délai de 72 heures après l’hospitalisation (en France, le délai est compris entre 48 heures et 30 jours selon le site et le type de matériel ou d’intervention [NdT]).
Maladies entraînées par un autre organisme vivant ou un virus, et pouvant (ou non) être transmises à d’autres personnes.
Toute maladie transmise d’une personne à une autre ou d’un animal à un autre, que ce soit directement comme lors d’un contact avec les excrétas ou d’autres excrétions de l’organisme ; ou indirectement par des substances ou des objets immobiles comme les verres contaminés, les jouets, l’eau ou d’autres vecteurs comme les mouches, les moustiques, les tiques ou d’autres insectes.
Maladie diagnostiquée dans une grande proportion de la population mondiale.
Administration d’un traitement par une autre voie que le système digestif.
Micro-organismes pathogènes transmis par le sang humain et pouvant entraîner des maladies chez les hommes, comme l’hépatite B (VHB) ou le virus de l’immunodéficience humain (VIH).
Recommandations préconisées par les Centers for Disease Control and Prevention (l’institut national de veille sanitaire [InVs] en France [NdT]) pour réduire le risque de transmission de pathogènes sanguins et d’autres pathogènes dans le milieu hospitalier. Les précautions standard s’appliquent (1) au sang ; (2) à tous les liquides corporels, les sécrétions, les excrétions (à l’exclusion de la sueur), qu’ils contiennent du sang ou non ; (3) à la peau non intacte ; et (4) aux membranes muqueuses.
Tout membre de la famille des virus à ARN (acide ribonucléique) contenant une enzyme, la transcriptase inverse, dans le virion. Des exemples de rétrovirus sont constitués par le virus de l’immunodéficience humain (VIH1 et VIH2) et le virus lymphotropique T humain (HTLV).
Pouvoir pathogène d’un micro-organisme.
Les maladies infectieuses sont des maladies causées par des organismes pathogènes tels que bactéries, virus, champignons, protozoaires et parasites. La plupart des maladies infectieuses – rhume et otite moyenne, par exemple – ne font pas courir un risque vital. Les maladies transmissibles (ou contagieuses) constituent un sous-ensemble de pathologies infectieuses pouvant être transmises d’un sujet à l’autre. Celles-ci peuvent ainsi présenter un risque pour le soignant. Toutes les maladies infectieuses ne sont pas transmissibles. La rage, par exemple, ne peut être transmise à l’homme que par des animaux infectés. À ce jour, aucun cas de transmission interhumaine n’a été rapporté. Ainsi, la rage est une maladie infectieuse, mais non transmissible. Les agents infectieux comme le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), l’hépatite de types B et C, la tuberculose et la méningite sont à la fois des pathologies infectieuses et contagieuses pouvant être responsable de maladie professionnelle acquise.
utilisation d’équipement de protection individuelle (EPI) adapté à la pathologie infectieuse ;
poursuite du suivi médical au décours de l’exposition ;
acquisition d’une connaissance actualisée de la progression typique de la maladie et des recommandations de prise en charge adaptée des patients.
Santé publique et réglementation en matière de sécurité
Le système de santé publique et de sécurité est chargé de veiller à la santé générale de la population par le biais de l’éducation, de la réduction et de la surveillance des maladies, de l’assainissement et de la lutte contre la pollution. Une spécificité importante de la santé publique est l’épidémiologie, branche de la médecine qui s’intéresse à l’étude des causes, de la distribution et du contrôle de la maladie dans une population. L’épidémiologie appliquée permet également aux responsables de la santé publique de prévenir, d’identifier et de contrôler la diffusion des maladies infectieuses.
La protection de la santé publique est un processus à plusieurs facettes :
mise en place des mesures préventives, telles que l’établissement de programmes de vaccination ;
supervision des questions de santé environnementales, telles que la garantie d’une nourriture saine, d’un air et d’une eau sains ;
poursuite de campagnes éducatives, telles que l’abandon du tabac et les programmes de réduction de l’obésité.
Organisations étatiques
Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) à Atlanta, en Géorgie, est l’organisme responsable du suivi et de la prévention de la morbidité et de la mortalité associées aux maladies infectieuses. C’est l’institut d’épidémiologie le plus connu dans la communauté médicale internationale. Le CDC surveille les données nationales de maladies infectieuses et fait circuler cette information auprès de tous les fournisseurs de soins de santé et de la communauté par le biais d’internet (www.cdc.gov) et de publications telles que Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR) et Emerging Infectious Diseases.
Le Bureau du Surgeon General supervise le service de santé publique américain et vise à la réduction des risques, notamment en favorisant la vaccination des enfants, en veillant à la préparation du public aux attaques bioterroristes, et en remédiant aux disparités concernant les taux de maladies infectieuses et l’accès aux traitements entre les divers groupes ethniques et socioéconomiques des groupes de population de patients.
La Food and Drug Administration (FDA) est chargée de veiller à l’innocuité des médicaments sur ordonnance et en vente libre ainsi que des dispositifs médicaux, y compris ceux associés à la transmission de maladies infectieuses, tels que les cathéters à demeure.
Normes, recommandations et statuts: L’Occupational Safety and Health Administration (OSHA) veille au respect de l’application du contrôle des infections en milieu du travail, à l’inspection, à la traçabilité et à la rédaction de rapports en la matière. C’est l’organisme qui établit des lignes directrices pour prévenir la transmission d’agents pathogènes aéroportés et transmissibles par le sang, et qui développe des protocoles postexposition pour le milieu du travail. La norme de l’OSHA 1910.120 spécifie les équipements de protection individuelle (EPI) adaptés dans un environnement du travail donné et dicte la façon dont les employés doivent être formés à son utilisation afin de se protéger contre les dangers auxquels ils sont susceptibles d’être exposés.
L’un des règlements les plus importants de l’OSHA est le 29 CFR 1910.1030, qui vise à réduire le nombre d’accidents d’exposition, définis comme la transmission d’agents pathogènes transmissibles par le sang au contact du sang ou d’autres liquides biologiques avec les yeux, la bouche ou d’autres muqueuses ou bien avec la peau lésée d’un employé au cours de son travail.
Épidémies et pandémies
Si la pandémie résulte d’un nouvel agent pathogène virulent ou d’une nouvelle forme d’un vieil agent pathogène, très peu de gens seront porteurs d’anticorps efficaces. Par conséquent, les taux de morbidité et de mortalité peuvent être catastrophiques en l’absence de développement et de mise en œuvre rapide de stratégies de prévention efficaces. Bien que la vaccination soit une stratégie de prévention efficace, son développement tant sur le plan de l’efficacité et de la sécurité relève d’un long processus. Le but d’une vaccination est d’induire une réponse immunitaire protectrice chez un individu sain. Les évolutions technologiques ont permis de diminuer considérablement le délai de fabrication des nouveaux vaccins. Le tableau 8-1 énumère quelques-unes des questions biologiques de sécurité nationale auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
Tableau 8-1
Menaces biologiques et questions de sécurité nationale
Maladies disséminées en dehors des frontières, traversant les pays et les continents (par exemple choléra, méningite bactérienne, rougeole)
Émergence de nouvelles maladies résistantes aux antibiotiques se développant dans une région et s’étendant au monde entier (par exemple sida et tuberculose résistante aux antibiotiques)
Questions environnementales pouvant avoir des effets globaux (par exemple pollution, perte de biodiversité, réchauffement climatique, pouvant influencer le taux de croissance des animaux vecteurs de maladies)
Augmentation de la population pouvant conduire à la maladie, aux guerres, aux famines et à l’instabilité politique
Bioterrorisme : dispersion intentionnelle d’agents infectieux par un terroriste ou un pays
Adapté de Goldberg J : Our Africa problem, New York Times, March 2, 1997.
La chaîne de l’infection
Transmission
La transmission directe ou indirecte peut se faire à travers la voie de sortie et la porte d’entrée. La transmission directe résulte d’un contact physique entre la source (réservoir) et l’hôte nouvellement infecté. La transmission indirecte se produit lorsque le micro-organisme survit dans ou sur un objet animé, comme les mains d’un soignant, ou sur un objet inanimé (appelé un vecteur passif), comme un clavier ou la lingerie. Lorsqu’une transmission indirecte se produit, l’organisme survit pendant au moins une brève période de temps à l’extérieur de l’hôte humain. Les modes de transmission directe et indirecte accompagnés d’exemples sont énumérés dans le tableau 8-2.
Susceptibilité de l’hôte
Le développement d’une maladie dépend de la susceptibilité de l’hôte : celui-ci doit généralement être fragilisé avec une certaine morbidité. Si l’hôte est en bonne santé, son système immunitaire est capable de le protéger contre l’infection (figure 8-1). Cependant, certains facteurs peuvent perturber ce mécanisme de défense. Ils sont résumés dans l’encadré 8-1.
Figure 8-1 Chaîne de transmission d’une infection. La chaîne doit être intacte pour permettre à l’infection d’être transmise à un autre hôte. La transmission peut être contrôlée par l’interruption de n’importe quel lien de la chaîne. (Source : Sanders M : Mosby’s paramedic textbook, revised ed 3, St Louis, 2007, Mosby.)
Moyens de défenses naturels de l’organisme
Le corps est équipé de mécanismes de défenses sophistiqués qui inhibent l’invasion de l’agent pathogène. L’arrivée d’un agent pathogène (voir plus haut) déclenche une chaîne de réactions complexes au niveau du système immunitaire. D’abord, une réponse inflammatoire non spécifique entraîne la migration des neutrophiles et la libération de substances inflammatoires afin de contenir et d’inactiver l’agent pathogène. Puis survient une réponse plus spécifique avec le développement de récepteurs pour un antigène spécifique de l’agent pathogène par les lymphocytes T. Cela permet aux lymphocytes T de se fixer sur l’agent pathogène et de l’ingérer. Les lymphocytes B sont ensuite activés et commencent à produire des anticorps ayant une affinité pour l’antigène spécifique. Ces anticorps circulants se lient à l’antigène de l’agent pathogène, soit pour le rendre inefficace, soit pour l’inactiver ou le détruire par l’intermédiaire d’autres mécanismes de défense. Un antigène peut être une composante d’un agent pathogène tel qu’un virus, un parasite, des acariens, ou un produit sanguin labile transfusé. L’antigène est une molécule que le système immunitaire ne reconnaît pas comme sienne. Le système immunitaire peut parfois réagir contre des composants du corps, appelés autoantigènes, mais il est activé principalement en réponse à des antigènes exogènes, introduits dans le corps. La capacité du système immunitaire de distinguer entre le « soi » et l’ « autre » est essentielle. Sans elle, le corps serait indistinctement assiégé par ses propres cellules.
Le corps humain possède d’autres moyens de défense non spécifiques tels que la peau, le mucus et les cils pour piéger les micro-organismes (figures 8-2 et 8-3). Les sécrétions acides produites au niveau du tube digestif inhibent également la croissance des micro-organismes. Plusieurs systèmes de l’organisme ont également des mécanismes pouvant influer sur l’immunité. Quelques-uns sont expliqués plus en détail dans l’encadré 8-2.
Figure 8-2 Défenses de l’hôte. (Source : Cohen J, Powderly W : Infectious diseases, ed 2, St Louis, 2004, Mosby.)
INFECTION
Bactérie: Les bactéries sont des micro-organismes unicellulaires vivant dans l’eau, à l’intérieur du corps humain, dans les matières organiques et sur des surfaces inorganiques (vecteurs passifs). Les antibiotiques sont efficaces contre la plupart des infections bactériennes. Les bactéries aérobies, telles que celles présentes dans la tuberculose et la peste, ne peuvent survivre qu’en présence d’oxygène, alors que les bactéries anaérobies, telles que les souches de Clostridium (botulisme et tétanos), survivent en l’absence d’oxygène.