8: Luxations et subluxations des prothèses totales de hanche: Dislocation and subluxation after total hip replacement

Luxations et subluxations des prothèses totales de hanche


Dislocation and subluxation after total hip replacement




Résumé


L’instabilité des prothèses totales de hanche est une complication fréquente qui obère le résultat de cette intervention. L’analyse de ce problème a fait l’objet de nombreuses publications, tant sur l’étiologie que sur sa prise en charge qui reste difficile. De survenue précoce ou tardive, elle peut être postérieure ou antérieure, et rester unique ou récidiver. L’analyse des facteurs pouvant être incriminés est large : notion de terrain, incidence du dessin prothétique, technique chirurgicale y compris les suites. Ceci correspond à autant de paramètres à étudier. L’étiologie la plus fréquente est une position relative des deux implants, cupule et tige, qui se révèle inadaptée à l’objectif clinique. La radiographie apporte souvent une réponse mais, dans certains cas, elle est peu contributive en raison de la difficulté de l’analyse précise de la position de la cupule cotyloïdienne. Suivant les cas, le traitement peut être orthopédique, aidé d’une orthèse temporaire ; parfois il est chirurgical, entraînant la reprise des deux éléments prothétiques ou d’un seul. Ailleurs, l’amélioration des éléments de stabilité périarticulaire peut être la solution. Ces reprises chirurgicales vont dégrader un peu la qualité du résultat escompté mais permettent, le plus souvent, de résoudre le problème de la luxation ou de la subluxation. Cependant il reste pour les luxations tardives chez les personnes âgées, des traitements qui peuvent apparaître insuffisants malgré les développements récents de matériels.



Summary


Dislocation following total hip replacement (THR) is a frequent complication associated with this particular type of surgery, and can have a negative impact on outcome. This has been analysed in a large number of studies, both as regards aetiology and treatment, the latter aspect still remaining a problematical issue. Dislocation can be either of early or late onset, posterior or anterior, remain an isolated case, or be recurrent. An analysis of the possible factors involved covers a wide field: the bone and prosthetic surfaces in question, the impact of the prosthetic design, the surgical technique adopted, and the post-operative problems that might occur. These considerations correspond to as many parameters to be investigated. The most frequent aetiology concerns the relative positioning of the two implants, i.e. that of the acetabular cup and the stem, which in fact may later prove not to have been the most suitable for the intended clinical aim. X-ray frequently provides relevant information, but in certain cases its utility is limited due to the difficulty in precisely analysing the position of the acetabular cup. Depending on the case, treatment may be orthopaedic, combined with temporary fixation; or sometimes clinical, involving revision surgery for one or both of the prosthetic elements. In addition, the surgical treatment of the elements involved in periarticular stability may provide a solution to certain dislocations. Although this revision surgery will to some degree lessen the efficacy of the intended effect, it will nevertheless largely resolve most of the problems of dislocation and subluxation. However, in spite of recent advances in the field and further developments in the materials used, for late-onset dislocation in elderly persons treatment still leaves much to be desired.



Luxations et subluxations des prothèses totales de hanche


L’instabilité est, après le descellement et avant l’infection, la deuxième complication susceptible de remettre en cause le résultat d’une arthroplastie totale de hanche. Elle fait encore l’objet de très nombreuses publications sur ses causes et son traitement, ce qui permet de penser que notre compréhension de ce problème est imparfaite.


De survenue précoce ou tardive, elle peut être postérieure ou antérieure, et rester unique ou récidiver.


De nombreux facteurs peuvent être incriminés, liés au terrain, au dessin prothétique, à la technique chirurgicale et aux suites de l’intervention. Leur multiplicité explique les difficultés de la recherche étiologique et du traitement. Une des premières démarches consiste à rechercher une malposition, notamment de la cupule, mais les mesures radiologiques sont difficiles. La tomodensitométrie (TDM) est en principe l’examen idéal, mais la mesure de l’antéversion acétabulaire dépend de la version pelvienne, qui varie avec la position du patient. Le bilan d’imagerie doit également rechercher un défaut de reconstruction architecturale qui puisse entraîner une détente musculaire.


Le traitement est discuté. Le traitement orthopédique s’adresse avant tout à une première luxation précoce sans cause évidente. Les luxations récidivantes nécessitent une réintervention dont les modalités et les chances de succès dépendent de la (des) cause(s) de la luxation. Les malpositions importantes, les pseudarthroses lâches du trochanter, les vices architecturaux majeurs, les dessins prothétiques imparfaits sont facilement reconnus mais parfois, le bilan d’imagerie ne montre aucune anomalie. Il faut évoquer dans ces cas des lésions des parties molles périarticulaires, non décelables par l’imagerie et qui contribuent, voire expliquent à elles seules l’instabilité. En pratique, il existe fréquemment plusieurs causes diversement associées et à des degrés divers. Les luxations tardives sont une entité particulière.


Les modalités d’une réintervention, guidées par l’imagerie et les constatations peropératoires, sont discutées et vont de la simple réduction sanglante au changement d’une ou des deux pièces. Deux ou plusieurs causes sont souvent identifiées ou suspectées, ce qui conduit souvent à associer plusieurs procédés de stabilisation. Ces reprises fragilisent un peu plus les parties molles périarticulaires et leur succès n’est pas garanti, comme en témoignent les taux d’échec et de complications élevés de nombreuses séries. Ceci incite de plus en plus les chirurgiens à se tourner vers les cupules tripolaires qui garantissent le résultat précoce. Néanmoins, leur résultat à long terme est incertain et il faut donc s’efforcer d’en limiter les indications aux altérations graves des parties molles périarticulaires, d’autant plus que les patients sont âgés ou peu compliants et que d’autres procédés ont échoué.


Le traitement préventif repose sur la sélection des patients, le choix de la prothèse, la technique et la surveillance postopératoire.



Généralités



Anatomie de la hanche prothésée


L’articulation prothétique est très différente de la hanche normale et sa stabilité bien moindre, ce qui l’expose infiniment plus que la hanche normale à la luxation :




C’est dans les suites précoces que le risque d’instabilité est le plus élevé : la dépression intra-articulaire est remplacée par un épanchement, les muscles sont hypotoniques et la fonction des récepteurs proprioceptifs capsulaires et musculaires est altérée. La coaptation des pièces prothétiques est donc médiocre et des précautions sont nécessaires pendant plusieurs semaines. L’intérêt des mini-abords est de réduire l’importance de ce traumatisme local.


À long terme, l’usure et les déformations du rebord de la cupule, et à un moindre degré la distension capsulaire, sont d’autres causes d’instabilité, qui rendent compte des luxations tardives, dont la fréquence augmente avec le vieillissement de la population.



Fréquence


Il est difficile d’apprécier la fréquence des luxations qui varie de 0,16 % [88] à 9,5 % [140] dans les séries de prothèses de première intention. La dispersion est moins grande si l’on considère les plus grandes séries : 0,6 % pour 14 672 prothèses à Wrightington [22], 3,2 % pour 10 500 prothèses à la Mayo Clinic [147], 1,7 % pour 4833 prothèses à Cochin [6], 3,8 % pour 4300 prothèses dans la série de Picault [118].


Dans plusieurs méta-analyses, ce taux avoisine 2 % : 1,9 % pour 60 séries (115 008 prothèses) [81], 1,97 % pour 19 séries (15 381 prothèses) [44], 2 % pour 52 séries (105 171 prothèses) [75], 2,25 % pour 16 séries (3894 prothèses) [103].


Il est plus élevé (3,9 %) dans une enquête nationale américaine récente sur la fréquence de trois complications de 58 521 arthroplasties totales de hanche au cours des 6 premiers mois [120].


Il est probablement sous-estimé dans bien des séries pour plusieurs raisons :



La luxation étant un événement rare, il suffit d’en méconnaître peu pour en abaisser sensiblement le taux. Un taux de 3 % est donc sans doute plus proche de la réalité. On peut en déduire qu’environ 3000 des 100 000 arthroplasties totales de hanche implantées par an en France se luxeront et que tout chirurgien pratiquant cette intervention sera confronté à ce problème.



Diagnostic



Luxations


Il est possible qu’une luxation très précoce passe inaperçue quelque temps [47,138], surtout chez un malade qui n’a pas encore repris l’appui, mais cette éventualité est rare. Le plus souvent, le diagnostic de luxation ne fait aucun doute pour le patient et son entourage. Il s’agit en effet d’un accident aigu. L’inégalité de longueur et l’attitude vicieuse (rotation interne et/ou flexion dans les luxations postérieures, rotation externe dans les luxations antérieures) ne sont pas constantes.


Il faut faire préciser la position du membre inférieur immédiatement avant la luxation : mouvement de flexion évocateur d’une luxation postérieure ou au contraire mouvement d’extension et/ou rotation externe évocateur d’une luxation antérieure. À ces mouvements peut s’associer une adduction. Le mouvement luxant, cependant, ne peut pas toujours être précisé (jusque dans 26 % des cas pour Courtois et al. [31]).


Ailleurs, on retrouve un traumatisme vrai, surtout dans les luxations secondaires chez des patients ayant repris leurs activités, jusque-là indemnes de toute luxation [77,99].


Il faut mettre à part les luxations postopératoires immédiates qui surviennent en salle d’opération, chez des patients encore sous anesthésie, lors de changements de position non contrôlés [31,77]. On peut en rapprocher certaines luxations survenues au cours d’anesthésies pratiquées pour d’autres interventions [147].


La radiographie ne fait donc que confirmer le diagnostic de luxation dans la grande majorité des cas. Un profil, qui fait malheureusement défaut dans bien des cas, est indispensable pour préciser la position postérieure ou antérieure de la tête prothétique. Cependant, la direction de la luxation ne peut pas toujours être précisée et certains [147] individualisent ainsi des luxations supérieures qu’il est tentant d’expliquer par un mouvement d’adduction. En fait, on ne peut affirmer que la tête a quitté la cupule à sa partie haute. Elle peut s’être luxée en arrière ou en avant et ensuite déplacée en haut [44]. Le terme de luxation supérieure recouvre ainsi des luxations dont la direction n’a pu être précisée. Dans cette éventualité, l’examen sous anesthésie est essentiel. Une fois la luxation réduite, l’opérateur la reproduira ou plutôt l’ébauchera prudemment, de manière à préciser le mouvement luxant et en même temps, la direction de l’instabilité. La direction de l’instabilité est ainsi ignorée près d’une fois sur cinq : 18 % pour Woo et Morrey [147], 23 % pour Amstutz et Kody [4].


On parle de luxation récidivante à partir du deuxième épisode.




Direction


La plupart des luxations sont postérieures, ce qui s’explique par l’utilisation prédominante de la hanche en flexion, adduction et rotation interne : 61 % [147], 78 % [33], jusqu’à 100 % [93].


La direction de l’instabilité dépend également de la voie d’abord. La tête se luxe plus facilement du côté où les parties molles ont été fragilisées. Woo et Morrey [147] ont ainsi observé après abord postérieur 77 % de luxations postérieures, 3 % de luxations antérieures et 20 % de luxations supérieures alors qu’après abord antérieur, ces taux étaient respectivement de 46 %, 46 % et 8 %. Dans les séries où la voie postérieure a été utilisée exclusivement ou presque, les luxations postérieures sont largement prédominantes et avoisinent parfois 100 % [47, 93, 137].


Dans certaines séries cependant, la direction des luxations est paradoxale, ce qui s’explique probablement par des malpositions. Dans la série de Fontes et al. [50], où la voie postérieure a été la plus utilisée, le taux de luxation antérieure, attribuée à un excès d’antéversion de la cupule, était de 25 %. Dans celle de Dorr et al. [40], les abords postérieurs se sont compliqués de luxations antérieures et les abords antérolatéraux de luxations postérieures. Les opérateurs, craignant des luxations du côté de l’abord, ont trop orienté les pièces vers le côté opposé.


La voie transtrochantérienne respecte les muscles antérieurs et postérieurs. Dans la série de Woo et Morrey [147], les taux de luxation postérieure et antérieure des abords transtrochantériens étaient intermédiaires à ceux des abords postérieur et antérieur : 54 % et 19 % respectivement, avec 27 % de luxations supérieures. En revanche, dans la série de Cochin [6], où la voie transtrochantérienne a été la plus utilisée, les luxations étaient « le plus souvent postérieures » et dans celle d’Eftekahr, où cet abord a été exclusif, la quasi-totalité des luxations étaient postérieures [44]. Ceci pourrait s’expliquer par un défaut d’antéversion de la cupule.


Les luxations multidirectionnelles sont rares. Elles ont été décrites chez les patients ayant un long passé d’instabilité prothétique et/ou présentant d’importantes altérations des parties molles et de l’appareil d’abduction [5, 90].



Date de la première luxation


Le délai qui sépare le premier épisode d’instabilité de l’intervention est variable, ce qui permet de distinguer des luxations précoces, secondaires et tardives.


Les luxations précoces sont les plus fréquentes : 53 % pour André et al. [4], 59 % pour Woo et Morrey [147], 70 % pour Amstutz et Kody [4], 76 % pour Courtois et al. [31], 66 % pour Khan et al. [77], 70 % pour Williams et al. [145]. Elles peuvent s’expliquer par un défaut de cicatrisation des parties molles, l’hypotonie musculaire, la perte de la proprioceptivité [154], et éventuellement la présence d’un hématome profond [121], ce qui laisse espérer une guérison sans réintervention. Elles surviennent avant 1 ou 3 mois selon les auteurs. Ce délai devrait logiquement être celui de la cicatrisation des parties molles et de la consolidation d’une trochantérotomie, et correspondre à la date de reprise des activités courantes. Il est de l’ordre de 2 mois. Tous ne partagent pas cet avis, notamment Amstutz et Kody [4] qui considèrent que la cicatrisation des parties molles se poursuit jusqu’à la fin de la 1re année.


Les luxations secondaires surviennent alors que le patient a repris ses activités. Des mouvements de plus grande amplitude, autorisés par la récupération de la mobilité [6], voire de véritables traumatismes [77, 97] sont nécessaires. Elles sont souvent accessibles au traitement conservateur. Leur fréquence a été moins étudiée. Pour André et al. [6], il existe après le premier pic des luxations précoces un deuxième pic de fréquence au 6e mois, expliqué par la récupération de la mobilité à cette date. La série de Woo et Morrey [147] comporte également un taux de luxation secondaire élevé (18 % de 3 mois à 1 an et 17 % de 1 à 5 ans). Plus récemment, Hedlundh et al. [71] ont rapporté 22 % de luxations au-delà de 1 an et Callaghan et al. plus de 26 % au-delà de 2 ans [16].


Les luxations tardives constituent une entité particulière individualisée par Coventry chez des patients qui avaient présenté une première luxation (d’une prothèse de Charnley) au-delà de 5 ans [33]. Elles s’expliquent avant tout par une usure du polyéthylène (PE), ce qui explique ce délai. Elles ne sont guère accessibles qu’à un traitement chirurgical. Elles semblaient très rares dans les anciennes séries où elles avaient été peu étudiées (0,4 % pour Coventry et al. [33], 1,1 % pour Courtois et al. [31], 6 % pour Woo et Morrey [147]). Leur fréquence atteint 32 % dans la récente série de Von Knoch et al. [143]. Les luxations tardives étant souvent le fait d’une usure de la cupule, on peut expliquer cette augmentation par la plus grande activité des opérés et le vieillissement de la population.



Conséquences des luxations


La conséquence la plus évidente d’une luxation est un épisode douloureux aigu, qui nécessite une admission en urgence et souvent une anesthésie. Il est suivi d’un état d’anxiété du patient et de son entourage qui craignent une récidive. Les luxations entraînent par ailleurs des lésions traumatiques plus ou moins graves des parties molles et des pièces prothétiques.



Parties molles


C’est dans la période postopératoire précoce que ces lésions sont les plus graves. Une luxation sous anticoagulants expose à l’hématome, éventuellement compressif. Les sutures récentes des parties molles sont menacées de rupture. Une luxation postérieure peut compromettre la réparation capsulomusculaire d’une voie postéroexterne et peut au pire léser le nerf sciatique [47]. Elle favorise la formation d’une poche de décollement des parties molles en arrière du cotyle, point d’appel de nouvelles luxations. Une luxation antérieure peut compromettre la réparation capsulomusculaire d’une voie transglutéale. Les réinterventions précoces pour irréductibilité offrent la possibilité de réparer ces lésions, ce qui explique peut-être un plus faible taux de récidive qu’après réduction orthopédique [31,47]. Au fur et à mesure que les luxations se répètent, la capsule périprothétique se distend [51] et les espaces de décollement périprothétiques s’organisent.


Ces lésions des parties molles sont une cause d’instabilité qui s’ajoute à celles qui ont engendré la première luxation ; elles augmentent donc le risque de récidive (élevé après un abord postérieur où le plan capsulomusculaire fragilisé est très sollicité). Elles expliquent probablement les moins bonnes performances (vitesse de marche, durée de l’appui monopode) ou au moins la récupération plus lente des patients ayant présenté plusieurs luxations [19]. Elles se compliquent parfois d’ossifications [8, 47], qui peuvent avoir un effet bénéfique sur la stabilité prothétique mais peuvent aussi favoriser de nouvelles luxations par le biais d’un effet came.



Pièces prothétiques


Une tête métallique qui s’échappe du cotyle peut se rayer au contact de têtes de vis ou d’une armature cotyloïdienne. Toute rayure céphalique expose à l’usure accrue d’une cupule en PE et des rayures d’une cupule métallique. Ce risque incite à changer la tête prothétique en cas de reprise, ce qui est facile en cas de tête modulaire. Les têtes fémorales en céramique ne sont pas exposées à ce risque.


La répétition des subluxations ou luxations entraîne un éculement du rebord de la cavité de la cupule, qui facilite de nouvelles échappées de la tête fémorale [153]. Cette déformation, que l’on constate au cours de reprises pour instabilité, n’a pu être reproduite expérimentalement par Nicholas [109] qui n’a observé, après 18 luxations, que des modifications minimes du rebord de la cupule et aucune modification du moment de forces nécessaire pour luxer la prothèse.


Les pièces prothétiques peuvent encore être altérées par le biais de certaines complications particulières : interposition de fragments de ciment [6,138], de vis ou cerclages rompus, avec usure à trois composants, dissociation tête-col ou insert-cupule de prothèses modulaires, qui oblige à une réintervention [9, 78,116,148], voire mobilisation d’une pièce fémorale sans ciment [52].



Mécanisme


Deux principaux mécanismes permettent d’expliquer les luxations : les effets cames et la décoaptation articulaire. D’autres facteurs interviennent dans les luxations tardives. Quel que soit le mécanisme, le risque de luxation augmente hors charge, alors que les pièces prothétiques ne sont pas coaptées par les forces de l’appui.



Effets cames


Le contact col-cupule est la principale cause de luxation par effet came. La mobilité prothétique est limitée par le contact entre le col fémoral et le rebord cotyloïdien, et la poursuite du mouvement au-delà de ce contact expose à la luxation (figures 2 et 3).




La précocité de ce contact au cours d’un mouvement donné dépend, comme nous le verrons, de plusieurs facteurs :



Les contacts col-cupule surviennent chaque fois que le conoïde de mobilité de la hanche déborde le cône de mobilité prothétique. Ces contacts risquent d’autant plus d’entraîner une luxation que la tête est plus petite, que la capsule est plus à distance de la tête prothétique et que le plan capsulomusculaire situé du côté opposé au contact est fragilisé, car il ne peut s’opposer à la poursuite du mouvement luxant (figures 4 et 5).




Il est donc logique de penser que la récupération d’une importante mobilité, notamment en flexion et rotation interne, favorise l’instabilité prothétique [6, 33, 34, 63, 103, 147], et ce d’autant plus que cette récupération est rapide, car les parties molles n’ont pas encore cicatrisé.


La hanche est surtout utilisée en flexion ou flexion-adduction et rotation interne, et ce mouvement amène le col au contact du rebord antérieur de la cupule, avec un risque de luxation postérieure. Le mouvement d’extension-rotation externe est plus rare et amène le col au contact du rebord postérieur de la cupule, avec un risque de luxation antérieure.


D’autres contacts peuvent entraîner une luxation par effet came :




Décoaptation


La fragilisation de la capsule, l’épanchement intra-articulaire, l’hypotonie voire la détente musculaire (en cas d’accourcissement ou de médialisation fémorale) favorisent la décoaptation des pièces prothétiques (figures 6 et 7).




Elle se manifeste en position verticale par une subluxation inférieure de la tête prothétique sous l’effet de la pesanteur. Celle-ci peut expliquer un déclic lors de la phase oscillante du pas, surtout en terrain pentu ou dans les escaliers [112, 154], ou un ressaut de subluxation postérieure en position assise [49].


Une telle subluxation de la tête prothétique peut être suivie de luxation si un mouvement de rotation et/ou de flexion-extension se produit avant qu’elle n’ait regagné sa place dans le cotyle [154]. Ces mouvements se produisent surtout lors des changements de position ou de direction.


Les causes de faiblesse et de détente musculaire sont nombreuses. La faiblesse peut être due au vieillissement, à la non-utilisation pendant la période préopératoire [40, 47, 49], à l’étiologie (arthrite rhumatoïde) et au traumatisme opératoire [50, 154], surtout s’il est répété. La détente musculaire est le fait d’un défaut de reconstruction articulaire. La médialisation et l’ascension du grand trochanter dues à une résection fémorale excessive ou à une pseudarthrose trochantérienne lâche sont une cause évidente.


Il en est de moins connues qui détendent les muscles stabilisateurs :



l’ascension du cotyle : souvent associée à une médialisation, elle entraîne une ascension et une médialisation du grand trochanter et détend donc les fessiers si elle n’est pas compensée par un allongement du col fémoral [61,125,139]. Elle rapproche également le fémur du bassin, avec un risque de contacts osseux [125]. Charnley considérait qu’il s’agissait d’une des principales causes d’instabilité prothétique [22] ;


la médialisation fémorale, sur laquelle de nombreux auteurs ont attiré l’attention [20,47,95]. Elle est souvent due à l’utilisation de prothèses à angle cervicocéphalique plus important que celui du fémur opéré, plus rarement à une implantation en valgus de la pièce fémorale [47]. Les patients présentant une coxa vara et un col long sont les plus menacés. La médialisation acétabulaire a le même effet : l’ablation d’importants ostéophytes de l’arrière-fond permet de couvrir la cupule et de médialiser le centre de rotation de la hanche, donc de diminuer le bras de levier du poids du corps, mais elle médialise d’autant le fémur. On peut ainsi mesurer deux paramètres lors de la planification préopératoire : le déport fémoral (distance entre le centre de la tête et l’axe diaphysaire) et le déport acétabulaire (distance entre le U radiologique et le centre de la cupule confondu avec celui de la tête). La somme des deux ou déport total [74] représente la médialisation du fémur sur lequel s’insèrent les muscles stabilisateurs de la hanche et notamment les fessiers. Une médialisation de plus de 1 cm entraînerait une détente musculaire importante [112]. En fait, il n’existe pas de données précises à ce sujet et il est possible que toutes les voies d’abord n’autorisent pas la même médialisation. Un col prothétique long retend les fessiers détendus par une médialisation, mais au prix d’un allongement du membre inférieur. L’ostéotomie trochantérienne avec abaissement et surtout latéralisation du grand trochanter permet de retendre les fessiers proportionnellement à cette médialisation. L’utilisation de prothèses latéralisantes est une autre solution, mais elles augmentent le bras de levier des forces varisantes transmises à la pièce fémorale et à sa fixation (figures 8 et 9).




Le diamètre de la tête prothétique, enfin, joue également un rôle dans les luxations par décoaptation : une tête fémorale de 22 mm se trouvera plus rapidement en dehors de la cupule qu’une tête de 28 ou 32 mm, puisqu’elle n’a que 11 mm au lieu de 14 ou 16 mm à parcourir pour en sortir.



Luxations tardives


Définies par leur survenue au-delà de 5 ans, il s’agit d’une entité particulière [33]. Si l’on exclut quelques luxations traumatiques, plusieurs mécanismes, parfois associés, peuvent être invoqués :



la faiblesse musculaire qui augmente avec l’âge ;


la distension de la capsule chez les patients ayant récupéré une grande mobilité et sa fragilisation par la réaction macrophagique réactionnelle aux particules d’usure [33, 34, 147] ;


un épanchement intra-articulaire réactionnel à ces particules ;


une déformation progressive du rebord de la cupule par des subluxations répétées [154] ;


l’usure de la cupule surtout : la tête fémorale creuse dans la cupule un cylindre plus ou moins vertical selon l’inclinaison de la cupule [152], ce qui limite le débattement prothétique, en raison d’un contact très précoce du col avec le rebord de la cupule. Le débattement sera d’autant plus limité que le cylindre d’usure est profond et éloigné de la verticale : une usure de 5 mm à 45° d’obliquité diminue le débattement prothétique de 25°. Ce contact col-cupule peut entraîner une luxation du côté opposé au contact par effet came [153]. Il peut aussi, par sa répétition, entraîner une déformation du rebord de la cavité qui autorise l’issue de la tête en dehors de la cupule lors d’un contact col-cupule du côté opposé à cette déformation. Enfin, les impacts répétés du col sur la cupule peuvent la desceller et la mobiliser, avec un risque de luxation qui augmente au fur et à mesure que l’axe de la cupule s’éloigne de l’axe du conoïde de mobilité de la hanche [44, 154]. L’usure, facteur d’ostéolyse, et les impacts répétés du col sur la cupule rendent compte de la fréquence des descellements cotyloïdiens associés à ces luxations tardives [33].


Leur fréquence semble augmenter ou avoir été sous-estimée jusqu’à maintenant. Dans une série récente de la Mayo Clinic comportant 19 680 prothèses dont 2,6 % compliquées de luxation, les luxations tardives représentaient 32 % de la totalité des luxations [143]. Elles sont survenues en moyenne à 11,3 ans (5 à 24,9), avec une plus grande fréquence que les autres luxations chez les femmes et chez des patients plus jeunes lors de l’arthroplastie. Certains facteurs favorisants, dont certains seront étudiés plus loin, ont été individualisés : des antécédents de subluxation, un traumatisme important, l’apparition de troubles cognitifs ou neurologiques. Sur les radiographies ont été fréquemment notées : une usure de plus de 2 mm de la cupule, un descellement avec migration ou changement de position prothétique et une malposition initiale (rétroversion ou antéversion de plus de 30° ou inclinaison de plus de 55°). Leur pronostic était défavorable (55 % de récidives et 33 % de reprises), ce qui s’explique par les altérations de la cupule et de sa fixation.



Facteurs favorisants


De nombreux facteurs favorisants concernant le terrain, la prothèse, l’intervention et ses suites ont été invoqués. Tous agissent par le biais des mécanismes précédents.



Terrain



Âge


Plusieurs séries ont permis d’apprécier la fréquence de l’instabilité prothétique chez les patients de plus de 80 ans. Celle de Newington et al. [108] (112 prothèses) ne comporte que des étiologies dégénératives et inflammatoires et le taux de luxation y est de 15 %, sans différence entre les voies d’abord utilisées. Dans celle de Jolles et al. (2023 prothèses), il existait une différence significative entre le taux de luxation moyen (1,48 %) et celui des octogénaires (19 % de l’effectif), qui était de 2,91 % [74].


Le grand âge est un facteur reconnu de l’instabilité prothétique [103], sans doute explicable par la diminution de la force musculaire, les pathologies associées et le non-respect des précautions d’usage. Le risque de luxation est ainsi dix fois plus élevé chez les patients ayant un score ASA (American Society of Anesthesia) supérieur ou égal à 3 [74].



Sexe


Pour Woo et Morrey [147], le taux de luxation est significativement plus élevé chez la femme (3,8 % contre 2,5 %), de même que pour Turner (5,5 % contre 2,8 %) [137]. Cette différence peut être attribuée à une plus grande faiblesse musculaire [147] et une plus grande mobilité. La prédominance féminine est encore plus nette dans les luxations tardives [33, 143], ce qu’expliquent ces mêmes facteurs et une longévité plus importante.



Pathologies associées



Pathologie neuromusculaire


De nombreux auteurs ont mis en évidence le rôle néfaste des syndromes neurologiques (hémiplégie, spasticité, maladie de Parkinson, épilepsie, paralysies radiculaires) et des troubles psychiques (démence sénile, encéphalopathie éthylique) [4, 31, 47, 77, 114, 145]. Il faut en rapprocher les troubles du comportement d’origine éthylique dont la présence était fortement corrélée au taux de luxation des reprises dans une étude récente [115]. Dans une étude sur les luxations au cours des 3 premiers mois, les troubles cognitifs et/ou l’alcoolisme étaient les facteurs de risque les mieux individualisés [149]. L’usage de cupules particulières (tripolaires), une contention post-opératoire lorsqu’elle est possible [15, 145] sont indiqués chez de tels patients. Ces pathologies peuvent également survenir après l’intervention. Le risque de luxation est d’autant plus élevé qu’elles surviennent précocement (désorientation postopératoire avec agitation notamment), mais elles sont également incriminées dans les luxations tardives [143].



Autres atteintes articulaires


Fackler et Poss [47] ont attiré l’attention sur le rôle néfaste d’une désaxation en varus ou valgus de plus de 15° du genou sous-jacent qui expose aux malpositions fémorales. Turner [137] a surtout incriminé les importants genu valgum, où l’adduction de la hanche expose à l’instabilité. Le genu recurvatum entraîne une hyperextension de hanche qui favorise l’instabilité antérieure.



Obésité, taille


L’obésité expose aux effets cames par contact des parties molles internes en adduction [154] et aux malpositions dues aux difficultés d’installation et d’exposition [47]. Ces patients se mobilisent avec difficulté et ont du mal à éviter les mouvements luxants. À l’inverse, ils ont rarement une grande mobilité, ce qui les protège contre les contacts col-cupule. Une grande taille agirait par le biais d’un moment de force plus important lors des impacts col-cupule [115, 149].



Étiologie


Le taux de luxation est plus élevé dans toutes les séries de fractures transcervicales récentes traitées par arthroplastie totale (entre 8 et 18 %, avec une moyenne de 10 % dans sept séries publiées [63]). Il s’explique par une grande mobilité [63] mais aussi par le grand âge, la prédominance féminine et la fréquence des pathologies associées qui élèvent le score ASA [74].


Les nécroses ont également été incriminées [50, 75, 81]. L’étiologie éthylique peut expliquer des luxations précoces dues à des mouvements déconseillés. Certains ont invoqué la récupération d’une importante mobilité (souvent normale avant l’intervention) et une importante activité due au jeune âge [75, 81].


Plusieurs auteurs ont rapporté un taux de luxation plus important dans la maladie luxante de la hanche : 7,5 % [147] et 8 % [31]. Amstutz et Kody [4] l’attribuent aux difficultés de positionnement de la cupule, trop souvent verticale et antéversée. On peut aussi incriminer une capsulectomie complète et une trochantérotomie difficile à fixer. La tension des parties molles due à l’abaissement est au contraire un facteur de stabilité [75].


Ce sont surtout les antécédents chirurgicaux locaux qui exposent aux luxations : 4,8 % [147], 5,5 % [47]. Dans les séquelles de fracture opérée à plusieurs reprises, ce taux est particulièrement élevé [4], jusqu’à 22,2 % pour Woo et al. [147].


En fait, c’est surtout dans les reprises de prothèse que le taux de luxation s’élève : 8 % pour Amstutz et Kody [4], 13 % pour Woo et Morrey [147], 20,8 % pour Fackler et Poss [47], 28 % pour Lewinnek et al. [89]. L’importante série du symposium de la SOFCOT 1999 (1398 reprises) comportait 4,8 % de luxations au cours des premières semaines et 4,7 % à distance, soit 7,9 % au total [12]. Dans une série comparable de la Mayo Clinic (1548 reprises), ce taux était de 7,4 % [3] et dans l’enquête américaine de Phillips et al. (12956 reprises), il s’élevait à 14,4 %. Une cause de reprise expose particulièrement au risque de luxation : l’instabilité (24 % pour Wroblewski [154], 25,7 % pour Woo et Morrey [147]) et il faut avoir ces taux d’échec présents à l’esprit lorsque l’on traite une instabilité prothétique.


Plusieurs facteurs, diversement associés et dont la gravité augmente avec le nombre de reprises, expliquent ces chiffres :


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 8: Luxations et subluxations des prothèses totales de hanche: Dislocation and subluxation after total hip replacement

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