8: Les types d’interactions cible-médicament: Les associations de médicaments : effets synergiques et antagonistes


Les types d’interactions cible-médicament


Les associations de médicaments : effets synergiques et antagonistes





Au cours des essais précliniques et cliniques, la pharmacocinétique et la pharmacodynamie jouent un rôle important car elles sont à la base de la détermination d’un schéma posologique (évaluation de la relation concentration/effet ou relation pharmacocinétique/pharmacodynamie et détermination de l’intervalle thérapeutique). Ainsi, la pharmacocinétique étudie le devenir d’un médicament dans l’organisme tandis que la pharmacodynamie mesure l’effet d’un médicament dans l’organisme, selon la dose administrée.



Effets pharmacodynamiques


La pharmacodynamie étudie les effets du médicament, dépendant de sa dose, dans l’organisme. Ainsi, un médicament peut être responsable d’un ou plusieurs effets pharmacodynamiques, pour des doses qui peuvent être variables. On distinguera alors les effets principaux, recherchés en thérapeutique, des effets secondaires, pouvant être gênants ou nuisibles.


Ces différents effets résultent d’une interaction entre les molécules médicamenteuses et les systèmes vivants par liaison avec des molécules régulatrices (appelées cibles pharmacologiques) capables de modifier (activer ou inhiber) des processus physiologiques de l’organisme.



Principe et notion de cibles pharmacologiques


L’effet d’un médicament est la conséquence de sa liaison avec une cible moléculaire. Ainsi, une substance (médicament) agit sur une cible moléculaire qui déclenche une cascade de signalisation à l’origine d’une réponse cellulaire. Les principales cibles moléculaires sont les récepteurs, les enzymes, les canaux ioniques et les transporteurs ; une part infime de molécules ne présente pas de cibles clairement identifiées à ce jour (figure 8.1).




Les différentes familles de récepteurs


Un récepteur est une protéine, localisée à la membrane des cellules, dans le cytosol ou dans le noyau des cellules, qui fixe une molécule spécifique pour induire une réponse cellulaire spécifique de son activation.


Les récepteurs membranaires incluent différentes classes, parmi lesquelles les récepteurs couplés à une protéine G (RCPG), les récepteurs canaux (ionotropiques) et les récepteurs enzymes. D’une façon générale, les récepteurs membranaires présentent un domaine extracellulaire comportant un site de liaison pour le ligand, un domaine transmembranaire et un domaine intracellulaire.



Les récepteurs couplés à une protéine G

Ces récepteurs sont les plus nombreux puisqu’à ce jour, environs plus de 700 types de RCPGs ont été identifiés. Ces derniers répondent à divers stimuli (neurotransmetteurs, ions, lipides, peptides, hormones…). Sur le plan structural, ces récepteurs sont de nature peptidique et présentent sept domaines hélicoïdaux transmembranaires reliés par des boucles extra- et intracellulaires (figure 8.2). Les RCPGs sont couplés à une proteine G trimérique qui activée, va moduler un effecteur enzyme ou canal ionique. Ce dernier modulera l’expression de messagers secondaires à l’origine d’un effet biologique.



Les récepteurs canaux sont des structures pentamériques organisées autour d’un canal ionique. Ainsi, la liaison du médiateur sur le récepteur canal entraîne l’ouverture du canal ionique à l’origine d’un efflux ou d’un influx d’ions.


Pour un récepteur dont le canal est perméable aux cations (récepteur nicotinique, récepteur NMDA…), son activation va provoquer une dépolarisation par influx d’ions positifs. Cette dépolarisation génère un potentiel d’action post-synaptique excitateur (PPSE) potentialisant l’excitabilité de la cellule.


Pour un récepteur dont le canal est perméable aux anions (récepteur GABA-A), son activation va induire une hyperpolarisation par efflux d’ions négatifs. Cette hyperpolarisation sera à l’origine d’un potentiel d’action post-synaptique inhibiteur (PPSI) diminuant l’excitabilité de la cellule.



Les récepteurs enzymes

Ces récepteurs sont très nombreux et présentent une ou plusieurs hélice(s) transmembranaire(s) porteuse(s) de l’activité enzymatique. Parmi cette vaste famille, se distinguent :



• les récepteurs guanylate cyclase, qui sont des récepteurs qui catalysent la réaction de cyclisation du GTP en GMPc. Ces récepteurs se présentent sous deux formes membranaires (homodimérique) ou cytosoliques (hétérodimérique) ;


• les récepteurs associés à une activité tyrosine kinase. La phosphorylation de la tyrosine joue un rôle clé dans la transmission du signal à l’origine de nombreuses fonctions cellulaires (prolifération, différenciation, apoptose…). Plusieurs tyrosinse kinases catalysent le transfert de groupement phosphate de l’ATP sur un résidu tyrosine d’une protéine ;


• les récepteurs associés à une activité sérine/thréonine kinase. La phosphorylation des résidus sérine et thréonine est essentielle dans la transduction du signal impliquée dans différentes fonctions cellulaires. De nombreuses sérine/thréonine kinases sont actuellement connues et catalysent le transfert de groupement phosphate de l’ATP sur un résidu sérine ou thréonine d’une protéine.





Les transporteurs


Ces cibles sont des protéines transmembranaires qui assurent le transfert des ions à travers les membranes cellulaires selon un transport passif (transport d’un ion ou d’une molécule dans le sens du gradient de concentration) ou un transport actif (transfert d’ion ou d’une molécule contre le gradient de concentration, nécessitant donc un apport d’énergie sous forme d’ATP).


Les transporteurs qui assurent un transport actif fonctionnent avec l’aide d’un gradient ionique constitué préalablement. Ce sont les systèmes de cotransport dans lesquels le transfert d’un soluté dépend du transfert simultané d’un second soluté. Quand ces deux solutés diffusent dans le même sens, on parle de symport ; lorsque les solutés diffusent en direction opposée, on parle d’antiport.





Quantification de la liaison au récepteur



Les aspects cinétiques des interactions ligands/récepteur


La fixation d’un ligand sur son récepteur spécifique va induire l’activation ou le blocage de ce dernier. Dans le premier cas, il s’agit d’un agoniste et dans le second, d’un antagoniste. Le nombre de récepteurs sur lesquels le ligand peut se fixer étant limité, la fixation d’un ligand sur son récepteur est considérée comme saturable.


La fixation d’une molécule agoniste sur un récepteur induit un effet spécifique de cette fixation. Ainsi, l’interaction ligand-récepteur peut être appréhendée sous deux approches : d’une part, en évaluant les caractéristiques de fixation sur le récepteur (relation ligand-récepteur) et d’autre part en déterminant la relation dose-effet (ou concentration-effet). L’affinité réciproque du ligand et du récepteur détermine la puissance de l’interaction physicochimique entre ces deux protagonistes. Cette affinité dépend de la structure chimique de chacun des partenaires permettant la formation de liaisons non covalentes (liaisons hydrophobes, ioniques, hydrogène ou de van der Walls) multiples.


L’analyse de l’interaction d’un ligand sur son récepteur repose sur la loi d’action de masse. Cette dernière implique que la liaison intervient lorsque le ligand et le récepteur se rencontrent, nécessitant une orientation spatiale favorable et une énergie suffisante. Sur la base de ce postulat :



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L = concentration de ligand libre ; R = concentration de récepteur libre ; LR = concentration du complexe ligand-récepteur ; ka : constante cinétique d’association ; kd = constante cinétique de dissociation.


À l’équilibre, les vitesses d’association et de dissociation sont considérées comme égales, soit :


Vitesse d’association = vitesse de dissociation


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La constante cinétique d’association (ka ; exprimée en M− 1.min− 1) reflète la probabilité d’interaction du ligand et du récepteur dans un solvant donné. Cette probabilité dépend de leurs tailles respectives, de leur forme, de leur solubilité et leur diffusion dans ce solvant.


La constante cinétique de dissociation (kd ; exprimée en min− 1) est le reflet du nombre d’interactions entre le ligand et son récepteur, c’est-à-dire le nombre de liaisons non covalentes établies entre ces deux protagonistes. L’affinité d’un ligand pour son récepteur va dépendre du complexe ligand-récepteur formé et de sa stabilité.


Selon la loi d’action de masse, lorsque l’équilibre est atteint :


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KD est la constante de dissociation à l’équilibre du complexe ligand-récepteur. Cette constante renseigne sur l’affinité du ligand pour son récepteur. Ainsi, plus la valeur de KD est faible, plus l’affinité du ligand pour son récepteur est élevée.



Les méthodes d’étude des interactions ligand-récepteur



La théorie d’occupation fondée sur la loi d’action de masse et activité


La théorie d’occupation des récepteurs, datant du début du XXe siècle, est basée sur la complémentarité entre les courbes concentration-réponse et les courbes concentration de ligand-occupation des récepteurs. Ainsi, l’effet pharmacologique serait proportionnel au pourcentage de récepteurs occupés et l’effet maximal serait obtenu pour 100 % de récepteurs occupés. Sur la base de cette théorie et selon la loi d’action de masse :


image (1)


image (2)


image (3)


En combinant (2) et (3), on obtient :


image (4)


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Cette dernière équation est identique à celle qui définit l’absorption des gaz sur des surfaces et à celle qui décrit l’association d’une enzyme et de son substrat. Aussi, le rapport [LR]/[R]totale représente la fraction d’occupation du récepteur, c’est-à-dire la probabilité de formation d’une interaction entre le ligand et son récepteur.


Si, initialement, on considère que tous les récepteurs sont accessibles de manière équivalente pour le ligand, qu’il n’existe pas d’état intermédiaire ou de liaison partielle ligand-récepteur, que la fixation du ligand sur son récepteur est réversible, alors il est possible de conclure que (figure 8.3) :




La constante de dissociation à l’équilibre KD correspond donc à la concentration de ligand occupant 50 % de la totalité des récepteurs disponibles.



Fixation de radioligand ou radioligand binding assay


Cette approche expérimentale n’est possible que lorsque l’on peut disposer du marquage radioactif du ligand d’intérêt. Les sources radioactives utilisées seront des sources émettrices de rayonnements β (tableau 8.1).



Les principales sources radioactives utilisées en expérimentation sont l’iode 125I et le tritium 3H. L’iode 125I est une molécule peu ionisante dont le rayonnement est mesurable et dont la demi-vie est assez courte. Les méthodes d’incorporation font appel à une chimie simple (substitution électrophile directe ou fixation sur réactif chimique), bien que le marquage ne soit réalisable que sur certains résidus amino-acyls (tyrosine, histidine, leucine). Le fait que cet isotope puisse affecter l’affinité du ligand pour le récepteur constitue le principal inconvénient à l’utilisation de cet isotope.


Le tritium (3H) présente l’avantage de pouvoir être utilisable pendant plusieurs années et de présenter un faible encombrement stérique. À l’inverse de l’iode 125I, le tritium ne présente pas d’inconvénients particuliers pour marquer certains résidus amino-acyls. Deux voies d’incorporation peuvent être utilisées : la substitution, par échange isotopique et via la fixation d’un radical organique de faible taille.


Pratiquement, cette approche expérimentale s’effectue en trois temps (figure 8.4) :




Lors de la mise en contact avec le ligand, ce dernier va interagir avec son récepteur spécifique mais va également pouvoir se fixer sur d’autres structures de nature protéique, lipidique… interférant avec la liaison réceptorielle (figure 8.5). Cette liaison non spécifique sur d’autres structures est gênante pour étudier l’interaction ligand-récepteur. De plus, cette liaison « parasite » est non saturable, c’est-à-dire qu’elle augmente avec la concentration de ligand de façon linéaire. Sur la base des données caractérisant expérimentalement ces deux liaisons, il sera possible, graphiquement, d’évaluer les capacités de liaison spécifique du ligand sur son récepteur et de définir la valeur de la constante de dissociation à l’équilibre KD (figure 8.6).


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May 4, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 8: Les types d’interactions cible-médicament: Les associations de médicaments : effets synergiques et antagonistes

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