Les types d’interactions cible-médicament
Les associations de médicaments : effets synergiques et antagonistes
Effets pharmacodynamiques
Principe et notion de cibles pharmacologiques
L’effet d’un médicament est la conséquence de sa liaison avec une cible moléculaire. Ainsi, une substance (médicament) agit sur une cible moléculaire qui déclenche une cascade de signalisation à l’origine d’une réponse cellulaire. Les principales cibles moléculaires sont les récepteurs, les enzymes, les canaux ioniques et les transporteurs ; une part infime de molécules ne présente pas de cibles clairement identifiées à ce jour (figure 8.1).
Figure 8.1 Répartition des cibles potentielles des médicaments D’après Terstappen GC, Reggiani A, In silico research in drug discovery Trends in Pharmacological Sciences 2001 ; 22 : 23-26.
Les différentes familles de récepteurs
Les récepteurs couplés à une protéine G
Ces récepteurs sont les plus nombreux puisqu’à ce jour, environs plus de 700 types de RCPGs ont été identifiés. Ces derniers répondent à divers stimuli (neurotransmetteurs, ions, lipides, peptides, hormones…). Sur le plan structural, ces récepteurs sont de nature peptidique et présentent sept domaines hélicoïdaux transmembranaires reliés par des boucles extra- et intracellulaires (figure 8.2). Les RCPGs sont couplés à une proteine G trimérique qui activée, va moduler un effecteur enzyme ou canal ionique. Ce dernier modulera l’expression de messagers secondaires à l’origine d’un effet biologique.
Figure 8.2 Schéma d’un récepteur transmembranaire couplé à une protéine G
TSH : thyroid stimulating hormone ou thyréostimuline ; LH : hormone lutéïnisante ; FSH : hormone folliculostimulante ; GDP : guanosine diphosphate ; GTP : guanosine triphosphate. © Maurel Damien.
Pour un récepteur dont le canal est perméable aux cations (récepteur nicotinique, récepteur NMDA…), son activation va provoquer une dépolarisation par influx d’ions positifs. Cette dépolarisation génère un potentiel d’action post-synaptique excitateur (PPSE) potentialisant l’excitabilité de la cellule.
Les récepteurs enzymes
• les récepteurs guanylate cyclase, qui sont des récepteurs qui catalysent la réaction de cyclisation du GTP en GMPc. Ces récepteurs se présentent sous deux formes membranaires (homodimérique) ou cytosoliques (hétérodimérique) ;
• les récepteurs associés à une activité tyrosine kinase. La phosphorylation de la tyrosine joue un rôle clé dans la transmission du signal à l’origine de nombreuses fonctions cellulaires (prolifération, différenciation, apoptose…). Plusieurs tyrosinse kinases catalysent le transfert de groupement phosphate de l’ATP sur un résidu tyrosine d’une protéine ;
• les récepteurs associés à une activité sérine/thréonine kinase. La phosphorylation des résidus sérine et thréonine est essentielle dans la transduction du signal impliquée dans différentes fonctions cellulaires. De nombreuses sérine/thréonine kinases sont actuellement connues et catalysent le transfert de groupement phosphate de l’ATP sur un résidu sérine ou thréonine d’une protéine.
Les enzymes
Les molécules médicamenteuses peuvent moduler (activer ou inhiber) de manière réversible ou non le fonctionnement d’une enzyme ou détourner l’activité enzymatique. Dans ce dernier cas, les molécules médicamenteuses (antimétabolites par exemple) présentent des homologies de structure avec le substrat physiologique et occupent le site de fixation de l’enzyme en induisant la formation de produits inactifs.
Quantification de la liaison au récepteur
Les aspects cinétiques des interactions ligands/récepteur
À l’équilibre, les vitesses d’association et de dissociation sont considérées comme égales, soit :
Vitesse d’association = vitesse de dissociation
Selon la loi d’action de masse, lorsque l’équilibre est atteint :
Les méthodes d’étude des interactions ligand-récepteur
La théorie d’occupation fondée sur la loi d’action de masse et activité
La théorie d’occupation des récepteurs, datant du début du XXe siècle, est basée sur la complémentarité entre les courbes concentration-réponse et les courbes concentration de ligand-occupation des récepteurs. Ainsi, l’effet pharmacologique serait proportionnel au pourcentage de récepteurs occupés et l’effet maximal serait obtenu pour 100 % de récepteurs occupés. Sur la base de cette théorie et selon la loi d’action de masse :
En combinant (2) et (3), on obtient :
Si, initialement, on considère que tous les récepteurs sont accessibles de manière équivalente pour le ligand, qu’il n’existe pas d’état intermédiaire ou de liaison partielle ligand-récepteur, que la fixation du ligand sur son récepteur est réversible, alors il est possible de conclure que (figure 8.3) :
Figure 8.3 Relation entre la constante de dissociation à l’équilibre et le taux d’occupation des récepteurs
[LR] : concentration du complexe ligand-récepteur ; [R]totale : concentration totale de récepteurs ; [L] : concentration de ligand.
• lorsque la concentration de ligand est nulle, l’occupation du ligand sur son récepteur est également nulle ;
• lorsque la concentration est très grande, la fraction de récepteurs occupés tend vers 1 ;
• lorsque la concentration de ligand est égale à la constante de dissociation à l’équilibre, la fraction de récepteurs occupés est de 0,5.
Fixation de radioligand ou radioligand binding assay
Cette approche expérimentale n’est possible que lorsque l’on peut disposer du marquage radioactif du ligand d’intérêt. Les sources radioactives utilisées seront des sources émettrices de rayonnements β (tableau 8.1).
Tableau 8.1
Principales sources radioactives émettrices de rayonnements béta
Source | Énergie max. (keV) | Période physique (T1/2) |
3H | 18 | 12,3 ans |
14C | 155 | 5 700 ans |
125I | < 35 | 60 jours |
32P | 1 730 | 14 jours |
33P | 250 | 25 jours |
35S | 167 | 84 jours |
Pratiquement, cette approche expérimentale s’effectue en trois temps (figure 8.4) :
• l’incubation du récepteur avec un ligand radiomarqué ;
• la séparation du complexe ligand-récepteur de l’excès de radioligand libre par une technique de filtration ;
• le comptage du mélange scintillant, permettant de conclure sur la capacité de fixation du ligand sur son récepteur.
Lors de la mise en contact avec le ligand, ce dernier va interagir avec son récepteur spécifique mais va également pouvoir se fixer sur d’autres structures de nature protéique, lipidique… interférant avec la liaison réceptorielle (figure 8.5). Cette liaison non spécifique sur d’autres structures est gênante pour étudier l’interaction ligand-récepteur. De plus, cette liaison « parasite » est non saturable, c’est-à-dire qu’elle augmente avec la concentration de ligand de façon linéaire. Sur la base des données caractérisant expérimentalement ces deux liaisons, il sera possible, graphiquement, d’évaluer les capacités de liaison spécifique du ligand sur son récepteur et de définir la valeur de la constante de dissociation à l’équilibre KD (figure 8.6).