Chapitre 8 Les sens
Les sens que sont l’ouïe, la vue, l’odorat et le goût ont tous des récepteurs sensoriels spécialisés (terminaisons nerveuses) hors du cerveau. Ils sont présents dans les oreilles, les yeux, le nez et la bouche. L’oreille est également impliquée dans le maintien de l’équilibre. Les influx nerveux arrivant dans le cerveau y subissent des processus complexes d’intégration et de coordination, aboutissant à la perception de l’information sensorielle et à diverses réponses corporelles et hors du corps. Jusqu’à 80 % de nos perceptions proviennent de stimulus sensitifs.
Audition et oreille
L’oreille est l’organe de l’audition ; elle est aussi impliquée dans l’équilibre. Elle est innervée par le 8e nerf crânien, plus précisément par la partie cochléaire du nerf vestibulocochléaire, stimulée par les vibrations dues aux ondes sonores.
Structure
L’oreille est divisée en trois parties distinctes (Fig. 8.1) :
Oreille externe
L’oreille externe comprend le pavillon de l’oreille et le conduit auditif externe (ou méat acoustique externe).
Pavillon de l’oreille (auricule)
C’est la partie visible de l’oreille qui se projette sur le côté de la tête. Le pavillon de l’oreille est fait d’un cartilage fibroélastique recouvert de peau. Il présente des sillons profonds, et il est bordé par la saillie la plus marquée, l’hélix.
Méat acoustique externe (conduit auditif externe)
Il s’agit d’un tube légèrement en S, d’environ 2,5 cm de long, allant de l’auricule à la membrane tympanique. Son tiers latéral (externe) est cartilagineux ; le reste est un canal dans l’os temporal. Il est bordé par de la peau contenant des poils, en continuité avec la peau de l’auricule. Le tiers latéral contient de nombreuses glandes cérumineuses, et leurs follicules, avec des glandes sébacées associées. Les glandes cérumineuses sont des glandes sudoripares (ou sudorifères) modifiées sécrétant le cérumen (cire), matériel visqueux contenant des substances protectrices dont l’enzyme lysozyme et des immunoglobulines. Le cérumen, les poils et la courbure du conduit auditif externe empêchent le matériel étranger, par exemple de la poussière, des insectes et des microbes, d’atteindre la membrane du tympan. Les mouvements de l’articulation temporomandibulaire pendant la mastication et la phonation massent le conduit cartilagineux, mobilisant la cire vers l’extérieur.
La membrane du tympan (Fig. 8.2) sépare complètement le conduit auditif externe de l’oreille moyenne. De forme ovalaire, un peu plus large en haut, elle est formée par trois types de tissus : la couche externe est faite de peau sans poils, la couche moyenne de tissu fibreux, et la couche interne d’une muqueuse en continuité avec celle de l’oreille moyenne.
Oreille moyenne (caisse du tympan)
C’est une cavité de forme irrégulière remplie d’air, située dans la partie pétreuse de l’os temporal. La cavité, son contenu et les sacs d’air qui s’y ouvrent sont bordés par un épithélium simple pavimenteux, ou cuboïdal.
La paroi latérale (externe) de l’oreille moyenne est formée par la membrane du tympan.
Le toit et le plancher sont formés par l’os temporal.
La paroi postérieure est formée par l’os temporal, avec des orifices conduisant à l’antre mastoïdien, par lequel l’air passe dans les cellules aériques contenues dans le processus mastoïde.
Figure 8.6 Transmission des ondes sonores.
A. L’oreille, avec la cochlée non enroulée. B. Résumé de la transmission.
La fenêtre du vestibule est fermée par une partie d’un petit os appelé stapès, et la fenêtre de la cochlée par un fin feuillet de tissu fibreux.
L’air arrive dans la cavité par le canal (conduit) pharyngo-tympanique (trompe auditive), qui s’étend depuis le nasopharynx. Long d’environ 4 cm, il est bordé par un épithélium cilié (NdT : épithélium pseudostratifié cilié). La présence d’air à la pression atmosphérique des deux côtés de la membrane tympanique est maintenue par le conduit pharyngo-tympanique ; elle permet à la membrane de vibrer quand une onde sonore vient la frapper. Le conduit pharyngo-tympanique est normalement fermé mais, quand la pression de part et d’autre de la membrane tympanique devient inégale, par exemple à haute altitude, elle est ouverte par la déglutition ou par le bâillement, et de l’air pénètre dans les oreilles, rendant à nouveau égales les pressions.
Chaîne des osselets (Fig. 8.3)
Les os auditifs sont trois très petits os qui ne mesurent que quelques millimètres s’étendant à travers l’oreille moyenne, de la membrane tympanique à la fenêtre du vestibule (Fig. 8.1). Ils forment une série d’articulations, étant mobilisables l’un sur l’autre et sur la paroi médiale de la caisse, au niveau de la fenêtre ovale. Ils sont appelés en fonction de leur forme.
C’est l’os latéral (externe), en forme de marteau. Son manche est en contact avec la membrane tympanique, et sa tête forme une articulation avec l’incus.
C’est l’os moyen, en forme d’enclume. Son corps s’articule avec le malleus, son long prolongement (ou branche longue) s’articule avec le stapès ; il est stabilisé par son prolongement court (ou branche courte) fixé à la paroi postérieure de la caisse du tympan.
Oreille interne (Fig. 8.4)
L’oreille interne, ou labyrinthe de l’oreille, contient les organes de l’audition et de l’équilibre. On lui décrit généralement deux parties, le labyrinthe osseux et le labyrinthe membraneux.
Labyrinthe osseux
C’est une cavité à l’intérieur de l’os temporal, délimitée par le périoste. Il est plus grand que le labyrinthe membraneux, qu’il englobe et qui s’adapte à lui, comme un tube dans un tube. Entre les labyrinthes osseux et membraneux se trouve un liquide aqueux appelé périlymphe ; un liquide aqueux semblable, l’endolymphe, remplit le labyrinthe membraneux.
Le labyrinthe osseux comprend :
C’est l’expansion la plus proche de l’oreille moyenne. Les fenêtres du vestibule et de la cochlée sont situées dans sa paroi latérale (externe). Le vestibule contient deux sacs membraneux, l’utricule et le saccule, qui sont importants pour l’équilibre.
Elle ressemble à la coquille d’un escargot. Elle présente une base large en continuité avec le vestibule, un apex étroit, et elle s’enroule autour d’une colonne osseuse centrale.
Cochlée
Une section transversale de la cochlée (Fig. 8.5) présente trois compartiments :
Dans une section transversale, la cochlée osseuse présente deux compartiments contenant de la périlymphe : la rampe vestibulaire, qui naît à la fenêtre du vestibule, et la rampe tympanique, qui se termine à la fenêtre de la cochlée. Les deux compartiments sont en continuité, et la figure 8.6 montre les relations entre ces structures. Le conduit cochléaire est une partie du labyrinthe membraneux ; sa forme est triangulaire. Sur la membrane basilaire, située à la base du triangle (sur la paroi inférieure du conduit cochléaire), se trouvent des cellules de soutien et des cellules ciliées cochléaires contenant des récepteurs auditifs. Ces cellules forment l’organe spiral ou organe de Corti, organe sensoriel qui répond aux vibrations en initiant des influx nerveux perçus comme des sons dans le cerveau. Les récepteurs auditifs sont les dendrites des fibres nerveuses efférentes (sensitives), qui s’associent pour former la partie cochléaire (auditive) du nerf vestibulocochléaire (8e nerf crânien) ; celui-ci passe par un orifice de l’os temporal (NdT : méat acoustique interne, où passent également le nerf facial et l’artère labyrinthique) ; les fibres cochléaires atteignent les noyaux cochléaires du tronc cérébral, où elles s’articulent avec des fibres qui traversent la ligne médiane et qui s’articulent elles-mêmes dans le tubercule quadrijumeau inférieur avec des fibres allant au corps géniculé médial (interne), d’où partent les radiations auditives allant au cortex auditif du lobe temporal (voir Fig. 7.21, p. 161) ; certaines fibres nées des noyaux cochléaires restent homolatérales, et par conséquent chaque cortex auditif reçoit des influx venant des deux organes de Corti (NdT : donc des deux oreilles).
Physiologie de l’audition
Chaque son produit des ondes sonores ou vibrations dans l’air, qui voyagent à la vitesse d’environ 332 mètres par seconde. Le pavillon de l’oreille, en raison de sa forme, concentre les ondes et les dirige dans le méat auditif externe, amenant ainsi la membrane tympanique à vibrer. Les vibrations de la membrane tympanique sont transmises et amplifiées dans l’oreille moyenne par la mobilisation des osselets (Fig. 8.6). À l’extrémité médiale de la chaîne, la platine du stapès ainsi mobilisée présente des mouvements de va-et-vient dans la fenêtre du vestibule, qui entraînent des ondes liquidiennes dans la périlymphe de la rampe vestibulaire. Une partie de ces ondes est transmise le long de la rampe vestibulaire et de la rampe tympanique, mais la plus grande partie est transmise dans le conduit cochléaire. Il en résulte une onde correspondante dans l’endolymphe, entraînant la vibration de la membrane basilaire et la stimulation des récepteurs des cellules ciliées de l’organe spiral. Les influx nerveux ainsi générés gagnent le cerveau par la partie cochléaire (auditive) du nerf vestibulocochléaire (8e nerf crânien). L’onde liquidienne est finalement consommée dans l’oreille moyenne par la vibration de la membrane de la fenêtre de la cochlée. Le nerf vestibulocochléaire transmet des influx aux noyaux auditifs dans la médulla, où ils font synapse, avant d’être conduits à l’aire auditive dans le lobe temporal des hémisphères cérébraux (voir Fig. 7.21, p. 161). Comme certaines fibres se croisent dans la médulla et que d’autres restent du même côté, les aires auditives droite et gauche des hémisphères cérébraux reçoivent des influx des deux oreilles.
Les ondes sonores ont des caractéristiques de hauteur et d’intensité (Fig. 8.7). La hauteur est déterminée par la fréquence des ondes sonores, mesurée en Hertz (Hz). Les sons de différentes fréquences stimulent la membrane basilaire (Fig. 8.6A) à différents endroits sur sa longueur, ce qui permet la discrimination de la hauteur.
Figure 8.7 Comportement des ondes sonores.
A. Fréquence différente, mais même amplitude. B. Amplitude différente, mais même fréquence.
Équilibre et oreille
Canaux semi-circulaires et vestibule (Fig. 8.4)
Les canaux semi-circulaires n’ont pas de fonction auditive, bien qu’ils soient étroitement associés à la cochlée. Ils informent sur la position de la tête dans l’espace, contribuant au maintien de la posture et de l’équilibre.
L’utricule est un sac membraneux faisant partie du vestibule, et les trois conduits semi-circulaires membraneux s’ouvrent dans l’utricule à leur extrémité dilatée, ou ampoule. Le saccule est une partie du vestibule, qui communique avec l’utricule et avec la cochlée.
Physiologie de l’équilibre
Les canaux semi-circulaires et le vestibule (utricule et saccule) sont concernés par l’équilibration. Toute modification de la position de la tête entraîne des mouvements de la périlymphe et de l’endolymphe incurvant les cellules ciliées, ce qui stimule les récepteurs sensitifs de l’utricule, du saccule et des ampoules. Les influx nerveux qui en résultent sont transmis au nerf vestibulaire, qui rejoint le nerf cochléaire pour former le nerf vestibulocochléaire. La branche vestibulaire atteint d’abord les noyaux vestibulaires du tronc cérébral, où ses fibres font relais avec des cellules nerveuses dont les axones gagnent le cervelet.
Vue et œil
L’œil est l’organe de la vision. Il est situé dans la cavité orbitaire, et d’où part le nerf optique (2e nerf crânien).
Structure (Fig. 8.8)
Les parois de l’œil sont faites de trois couches tissulaires :
Sclère et cornée
La sclère, ou blanc de l’œil (ou sclérotique), forme la couche tissulaire la plus superficielle des faces postérieure et latérales du globe oculaire ; elle se continue en avant par la cornée, transparente. Il s’agit d’une membrane fibreuse ferme qui maintient la forme de l’œil, et sur laquelle s’attachent les muscles oculaires extrinsèques de l’œil (p. 213).
Choroïde (Fig. 8.8 et 8.9)
La choroïde borde les cinq-sixièmes postérieurs de la surface interne de la sclère. Elle est très riche en vaisseaux sanguins, et sa couleur est brun chocolat foncé. La lumière entre dans l’œil par la pupille, stimule les terminaisons nerveuses de la rétine, puis est absorbée par la choroïde.
Corps ciliaire
Le corps ciliaire est le prolongement antérieur circulaire de la choroïde ; il est constitué par le muscle ciliaire (fibres musculaires lisses) et par des cellules épithéliales sécrétrices. Étant donné que beaucoup de fibres musculaires lisses sont circulaires, le muscle ciliaire agit comme un sphincter. Le cristallin est attaché au corps ciliaire par des ligaments suspenseurs radiaires, semblables aux rayons d’une roue (Fig. 8.10). La contraction et le relâchement des fibres du muscle ciliaire, qui sont attachées à ces ligaments, contrôlent la forme du cristallin. Les cellules épithéliales sécrètent un liquide aqueux, l’humeur aqueuse, dans le segment antérieur de l’œil, c’est-à-dire dans l’espace compris entre le cristallin et la cornée (chambres postérieure et antérieure) (Fig. 8.8). Le corps ciliaire est innervé par des fibres parasympathiques du nerf oculomoteur (3e nerf crânien, nerf moteur oculaire commun). Sa stimulation entraîne la contraction du muscle ciliaire, et l’accommodation de l’œil (p. 210).
Iris
L’iris est la partie colorée visible de l’œil, s’étendant en avant depuis le corps ciliaire, siégeant derrière la cornée et devant le cristallin. Il divise le segment antérieur de l’œil en chambres antérieure et postérieure, qui contiennent l’humeur aqueuse sécrétée par le corps ciliaire. C’est une structure circulaire composée de cellules pigmentées et de deux couches de fibres musculaires lisses, l’une circulaire (NdT : formant le muscle sphincter de la pupille ou de l’iris) et l’autre radiaire (NdT : formant le muscle dilatateur de la pupille) (Fig. 8.9). Il présente en son centre un orifice, appelé pupille.
L’iris est innervé par des fibres sympathiques et par des fibres parasympathiques. La stimulation parasympathique contracte la pupille, la stimulation sympathique la dilate (voir Fig. 7.46 et 7.47, p. 180 et 181).
La couleur de l’iris est génétiquement déterminée, et elle dépend du nombre de cellules pigmentées présentes. Les albinos n’ont pas de cellules pigmentées, et les personnes aux yeux bleus en ont moins que celles aux yeux bruns.
Cristallin (Fig. 8.10)
Le cristallin est un corps circulaire biconvexe très élastique, siégeant immédiatement derrière la pupille. Il est fait de fibres encloses dans une capsule, et il est attaché au corps ciliaire par le ligament suspenseur. Son épaisseur est contrôlée par le muscle ciliaire, jouant par l’intermédiaire du ligament suspenseur. Quand les fibres circulaires du muscle ciliaire se contractent, celui-ci allège la tension qu’il exerce sur le ligament suspenseur du cristallin, qui accroît ainsi son épaisseur (NdT : devenant donc plus convexe). Plus l’objet à regarder est proche, plus le cristallin devient épais (convexe) afin de permettre la focalisation (NdT : c’est-à-dire la formation de l’image de l’objet sur la rétine).
Rétine
La rétine est la couche la plus profonde de la paroi de l’œil (Fig. 8.8). C’est une structure extrêmement délicate, bien adaptée à la stimulation par les rayons lumineux. Elle est faite de plusieurs couches de corps cellulaires nerveux et de leurs axones, reposant sur une couche pigmentée de cellules épithéliales (ou épithélium pigmentaire) séparée de la choroïde par la membrane de Bruch (couche de la face profonde de la choroïde). La couche hautement sensible à la lumière est celle des cellules sensorielles réceptrices, bâtonnets et cônes, lesquels contiennent des pigments photosensibles, qui convertissent la lumière en influx nerveux
La rétine borde environ les trois-quarts du globe oculaire ; elle est la plus épaisse en arrière, et elle s’amincit de plus en plus vers l’avant pour se terminer juste derrière le corps ciliaire. La macula, ou tache jaune (Fig. 8.11 et 8.12), se trouve près du centre de la partie postérieure de la rétine. La fovea centralis est une petite dépression de la rétine située au centre de cette partie, ne comportant que des cônes (NdT : la fovea est située sur l’axe visuel de l’œil, l’acuité visuelle y est maximale). Vers la partie antérieure de la rétine, il y a moins de cônes que de bâtonnets (Fig. 8.11).