8. Le jeu des identifications

Chapitre 8. Le jeu des identifications



Éléments de psychopathologie


IdentificationL’identification est «un processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur un modèle de celui-ci» (Laplanche et Pontalis, 1967). L’identification est appropriation, mise en soi de quelque chose de l’extérieur. Il existe ainsi des traces (inconscientes) de l’autre en soi. C’est un mécanisme psychique habituel, qui permet au bébé et au jeune enfant de se construire, par le biais d’identifications aux parents. Ainsi, «la personnalité se constitue et se différencie par une série d’identifications» (Laplanche et Pontalis, 1967). Il en est ainsi d’identifications de type hystérique ou narcissique.

L’identification n’est pas l’imitation; il s’agit d’un mécanisme inconscient. Ce mécanisme psychologique inconscient permet aussi de se protéger au mieux face à des situations menaçantes pour le Moi. Il s’apparente alors à un mécanisme de défense (identification à l’agresseur).

De même, le processus de projectionProjection est un mécanisme de défense inconscient consistant à attribuer à l’autre ses propres pensées, ses propres conflits. C’est un mécanisme psychique qui permet au sujet de se libérer de ses angoisses et de les attribuer à un autre pour pouvoir mieux s’en défendre (identification projective). L’identification projective est un mécanisme qui se traduit par des fantasmes où le sujet introduit sa propre personne en totalité ou en partie à l’intérieur de l’objet pour lui nuire, le posséder ou le contrôler. Ce mécanisme inconscient participe aussi à la construction identitaire de la personne.

Quels sont les effets de ces mécanismes d’identifications et de projection dans la clinique? Comment et qui pour les mesurer? Que se passe-t-il quand ces identifications deviennent pathologiques? Que se passe-t-il quand le sujet ne peut se créer un espace psychique (transitoire) lui permettant de dépasser l’insurmontable? Où vont se loger toutes les angoisses de mort, de morcellement, de castration, en cas de traumatismes ou de maladies chroniques?


Implications en clinique


Il est fréquent de constater comment le jeune médecin «s’identifie» à ses malades. C’est là faire état de sentiments de sympathie, d’empathie, de commisération, de compassion, où se reconnaît beaucoup moins la notion d’identification que l’idéologie chrétienne et bourgeoise qui rend compte par là des œuvres charitables où elle acquiert bonne conscience (Clavreul, 1978). Fréquents aussi sont les troubles présentés par certaines personnes lisant assidûment le Larousse Médical. Enfin, combien d’enfants se sont glissés dans la peau du médecin ou de l’infirmière, mimant faits et gestes pour mieux «jouer au docteur»?

L’hôpital pédiatrique a pour particularité la rencontre d’un enfant ou d’un adolescent qui, de par sa maladie ou sa souffrance, nous montre un aspect de lui, une facette définie par ce qu’il a et non par ce qu’il est. Son identité est mise entre parenthèses pour ne laisser place qu’à un aspect modelé par le milieu médical, par la maladie et toutes les interventions cliniques nécessaires à sa santé (examens, prescriptions). Ce milieu façonne non seulement le patient, mais aussi toutes les personnes évoluant autour de lui. Ainsi, chaque personne gravitant autour de l’enfant (soignant, médecin, parent…) cherche dans l’autre des réponses, des conduites à tenir, une façon d’être pour pouvoir répondre au mieux aux attentes de l’enfant, pour parer au mieux à ses propres angoisses ou pour contrôler une situation tout simplement impensable.

Comme dans tout milieu, le jeu des identifications se déploie : identifications entre enfants hospitalisés (pour des raisons similaires ou non), mais aussi entre parents et médecin, entre parents et personnel soignant, entre enfant et parents, entre enfant et personnel soignant ou bien encore entre enfant et médecin. Différents enjeux sont à considérer, où la fonction et la place de chacun peuvent être mises à mal par tous ces mouvements inconscients d’identifications, de projections, de séduction, de transfert et de contre-transfert. L’admission ou l’hospitalisation d’un enfant à l’hôpital est suffisamment angoissante, pour lui et son entourage (soignant et familial), pour que se mettent en place ces mécanismes psychiques de défense contre l’angoisseAngoisse. Ils reposent sur le besoin d’être rassuré, d’être entendu et d’être reconnu. Et quelle que soit la place que l’on occupe à l’hôpital (aide-soignante, infirmière, médecin, éducateur, assistante sociale…), chacun y va de ses mécanismes de défense inconscients au travers des différentes relations qui se nouent.

Et à l’hôpital pédiatrique, nous repérons schématiquement trois places principales :




• la place de l’enfant ou de l’adolescent;


• la place du médecin et de l’équipe soignante;


• la place des parents.


La place de l’enfant ou de l’adolescent


Il n’est pas rare, surtout à la période d’adolescence, de voir un patient s’identifier à un autre en adoptant les mêmes attitudes, les mêmes expressions. C’est un processus tout à fait classique, auquel chaque jeune malade est confronté. Les identifications sont nécessaires à la quête de l’identité. Et à l’adolescence, âge où se pose la question de savoir si on est normal et comme les autres, ces questions d’identification sont centrales. Or, si en milieu ordinaire, il est parfois difficile pour un jeune malade chronique de s’identifier à ses pairs en bonne santé, à l’hôpital d’enfants, le jeune malade peut d’autant plus facilement s’identifier (ou au contraire refuser) à un autre «comme lui».


Le fait de se retrouver dans un lieu unique, avec d’autres jeunes présentant des difficultés quasi similaires, favorise des processus d’identification sur un mode où le corps devient un enjeu, un moyen d’expression et de communication.

Dans le cas de certaines pathologies graves, le danger est que l’identité du jeune ne soit réduite à ce qu’il a et non à ce qu’il est. Il s’agit d’être quelqu’un et non pas d’avoir quelque chose. Il n’est en effet pas rare d’entendre, lors de réunions médicales : «Le jeune muco de la chambre 206». Pour le pédopsychiatre ou psychologue, il est ici important de repérer ces glissements et de faire en sorte que même si l’hôpital pédiatrique est le lieu de guérison du corps, ce corps ne soit pas le seul enjeu.

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 8. Le jeu des identifications

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