8. Le corps en médecine et le corps en psychanalyse

Assoun P-L, Corps et symptôme, tome 1, Clinique du corps, Anthropos, Paris, 1997.


Pour l’infirmier, il est intéressant de garder à l’esprit qu’il ne soigne pas un organe malade mais une personne souffrant d’un organe malade. Ceci implique que le « corps » malade ne se réduit pas à l’organe atteint. D’ailleurs, comment cet organe est-il atteint ? Quelle est l’histoire de la blessure, de la douleur ? Quelle est l’histoire du malade ? Que dit le patient de ses rapports à son corps et à cette atteinte ?

Si l’on prend comme exemple la conversion hystérique dont parle Freud, on verra qu’il y a atteinte des organes (un bras paralysé, une cécité…) sans que des lésions ou un dysfonctionnement biologique ne puisse venir expliquer ce qui arrive au corps. Il y a bien une inscription dans le corps d’un événement inconscient, c’est-à-dire un symptôme (voir Fiche 11, page 156) corporel (en psychanalyse, un symptôme est une « formation inconsciente ») émerge là du fait de n’avoir pu trouver une voie symbolique (à travers la parole).

L’atteinte existe belle et bien, seulement, il ne s’agit pas d’une atteinte organique mais plutôt d’une atteinte somatique dès lors qu’est prise en compte la dimension psychique et que le symptôme (voir Fiche 11, page 156) trouve dans le corps (le soma) un lieu d’inscription inexplicable de manière biologique.

En effet, dans l’hystérie de conversion (voir Fiche 15, page 163) le symptôme exprime grâce au somatique un fantasme inconscient. Le cas d’Anna O. par exemple, étudié par Freud, montre comment la parole peut libérer le corps de ses atteintes réelles.



Le cas d’Anna O




B9782294701924500089/u08-01-9782294701924.jpg is missingne patiente du Docteur Breuer, ami de Freud2, souffrait de troubles physiques tels qu’une contracture des deux extrémités droites avec anesthésie, des troubles des mouvements des yeux (strabisme) et une capacité visuelle fortement perturbée. En outre, elle avait des difficultés à tenir sa tête droite ; une toux nerveuse et intense ne la quittait pas ; Anna O. avait un dégoût pour la nourriture et ne pouvait pas boire malgré une soif intense. Elle était également sujette à des altérations de la fonction du langage et à des absences, des hallucinations.


Ces symptômes ne relevaient pas d’une atteinte cérébrale ni d’altérations organiques. Le travail de cette jeune fille avec Breuer, grâce à ses paroles et récits obtenus sous hypnose (la méthode psychanalytique était en cours de découverte par Freud) met en évidence plusieurs aspects de l’histoire de la jeune fille. Les symptômes sont apparus lorsque la jeune fille soignait son père qu’elle adorait et qui mourut par la suite. Or, les récits d’Anna O. concernaient tous l’histoire d’une jeune fille au chevet de son père malade.

Elle parla donc à Breuer des fantasmes sous-jacents à cette situation ainsi que d’un dégoût, lorsqu’elle était petite, pour le chien de sa dame de compagnie (Anna O. les détestait tous les deux et trouvait le chien répugnant) qui buvait de l’eau dans un verre. À l’époque Anna n’avait rien dit. Après avoir raconté ce souvenir, refoulé jusque-là, à cause du violent dégoût qu’il lui inspirait, la jeune fille a pu à nouveau boire de l’eau, alors qu’elle ne se désaltérait que par des melons et autres fruits juteux depuis le début de sa maladie. Une fois la chose dite, le symptôme tombait. C’est ce que Breuer remarqua cliniquement et qui fait d’Anna O. la première patiente de la « talking cure » (cure par la parole) comme elle la nomma elle-même, s’apercevant qu’après avoir parlé de l’événement du chien ou de ses fantasmes relatifs aux soins donnés à son père malade, elle allait ensuite beaucoup mieux.

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May 9, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 8. Le corps en médecine et le corps en psychanalyse

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