8 Fractures combinées du col et de la diaphyse du fémur
Les fractures homolatérales du col et de la diaphyse du fémur sont des pathologies rares causées par des traumatismes à haute énergie. Cette lésion inhabituelle est le plus fréquemment observée chez des patients jeunes victimes d’accidents de moto1,2. L’incidence rapportée dans la littérature varie entre 2,5 et 6 %3–6. Ces traumatismes complexes à haute énergie peuvent passer inaperçus et entraîner une morbidité significative. De nombreuses options thérapeutiques ont été décrites dans la littérature. Le traitement définitif est souvent dépendant de l’expérience du chirurgien. Nous avons effectué une revue de littérature et étudié les constatations cliniques qui permettraient l’amélioration de la prise en charge et des suites des patients présentant une fracture combinée du col et de la diaphyse du fémur (fig. 8-1).
Incidence
Les fractures combinées du col et de la diaphyse du fémur sont des traumatismes rares. L’incidence décrite dans la littérature varie entre 2,5 et 6 %3–6. Dans une revue systématique de la littérature comportant 65 études publiées entre 1970 et 1996, Alho retrouvait 722 cas de fractures combinées de hanche et de diaphyse1. Cette étude représente la plus grande synthèse concernant les cas rapportés dans la littérature. Il a identifié 10 études (240 fractures) qui incluent des données démographiques utilisables. Cette lésion survient typiquement chez des patients jeunes (âge moyen 33 ans). Elle est la conséquence d’un traumatisme à haute énergie (des accidents de moto dans 85 % des cas). Seul 1 % des cas de cette revue survenaient chez des patients âgés. Environ 18 % des fractures du fémur étaient rapportées comme ouvertes. Une grande proportion d’entre elles étaient comminutives (42 % d’entre elles étaient de type III ou IV selon Winkuist)7. La majeure partie des fractures diaphysaires intéressait le tiers moyen du fémur (72 %). Pour ce qui est des fractures de l’extrémité supérieure du fémur, Alho rapportait une majorité de fractures du col du fémur vraies (61 %), l’autre partie étant des fractures du massif trochantérien. Shuler et al. rapportaient 50 cas de fractures de l’extrémité supérieure du fémur associées à une fracture diaphysaire ; dans 90 % des cas, il s’agissait de fractures du col du fémur vraies8.
Afin d’éviter une morbidité significative, il est vital de réaliser un diagnostic précis et un traitement rapide de ces lésions. Les fractures occultes du col fémoral peuvent facilement passer inaperçues, notamment lorsqu’elles sont associées à d’autres lésions plus évidentes 9 (fig. 8-2).
Mécanisme lésionnel et physiopathologie
Le mécanisme lésionnel est une force axiale appliquée le long du fémur. Elle survient habituellement lorsque le genou du passager heurte le tableau de bord dans la voiture. Si la hanche est en adduction au moment de l’impact, il en résulte une lésion de la hanche qui est soit une luxation soit une fracture acétabulaire. Si la hanche est en abduction, il se produira alors une fracture de la diaphyse et du col du fémur10. Pour Shuler et al., ces fractures de l’extrémité supérieure du fémur que l’on peut classer par types (cervicale vraie, basicervicale, ou pertrochantérienne) tendraient toutes à se propager vers la face inféromédiale du col8. Cette extension dans la partie inféromédiale du col (vers le calcar fémoral) rend ces fractures sujettes à se déplacer lors de la remise en charge. Il n’existe pas de grande série rapportée dans la littérature compte tenu de la rareté de ces lésions (elles représenteraient moins de 9 % de l’ensemble des fractures diaphysaires du fémur)1–12. Près de 60 ostéosynthèses différentes ont été décrites pour le traitement de cette fracture13,14.
Diagnostic initial et évaluation
La prise en charge initiale des patients présentant un traumatisme à haute énergie doit se faire selon les protocoles posés par l’Advanced Trauma Life Support. Ce n’est qu’une fois le patient stabilisé que les radiographies initiales peuvent être réalisées afin de confirmer les lésions suspectées. Tous les patients atteints de fracture du fémur dans les suites d’un traumatisme à haute énergie (en particulier en cas d’accident de moto) devraient bénéficier d’une tomodensitométrie (TDM) de la hanche homolatérale avant toute ostéosynthèse12.
Tornetta et al. ont conduit une étude de niveau II portant sur la fiabilité des protocoles radiographiques pour la détection des fractures non déplacées de l’extrémité supérieure du fémur associées à des fractures diaphysaires11. Le protocole standardisé comportait la réalisation d’un scanner avec la hanche en rotation interne et la réalisation de clichés de profil de l’ensemble de la diaphyse fémorale et du col à l’amplificateur de brillance. L’objectif était d’identifier le taux de fractures de l’extrémité supérieure du fémur passées inaperçues. Grâce à ce protocole, les auteurs ont permis de diminuer significativement le taux de fractures passées inaperçues (57 % avant l’institution du protocole contre 6,3 % après).
Options thérapeutiques et controverses
Pour de nombreux auteurs, les complications liées aux fractures du col fémoral seraient plus graves que celles liées aux fractures de la diaphyse. Ils suggèrent que les nécroses aseptiques de la tête fémorale sont la complication la plus importante. En conséquence, la fracture du col doit être traitée en premier15,16. Pour d’autres auteurs, le fémur doit être traité en premier afin de faciliter la réduction des lésions du col7,8,17.
Un large spectre de lésions de l’extrémité supérieure du fémur a été rapporté. La position de la hanche (le degré d’abduction au moment du traumatisme) doit être prise comme un facteur déterminant de survenue de la lésion de l’extrémité supérieure du fémur9. Ces lésions varient depuis une fracture intertrochantérienne aux différents types de fractures intracapsulaires du col. C’est pourquoi de nombreux implants et de nombreuses combinaisons ont été utilisés pour traiter cette association fracturaire.
Depuis les premières séries rétrospectives rapportées dans la littérature, le design des implants a évolué et changé sur plusieurs années (tableau 8-1). Par exemple, l’enclouage centromédullaire antérograde a évolué depuis les clous non verrouillés de type Küntscher, aux clous verrouillés de première génération, aux clous centromédullaires verrouillés de deuxième génération et, finalement, aux clous centromédullaires associant un verrouillage céphalique (fig. 8-3).
Figure 8-3 Clou de reconstruction permettant l’ostéosynthèse d’une fracture de la diaphyse et du col du fémur.