Chapitre 8 Cellule cancéreuse et tissu cancéreux
Décrire les bases moléculaires de la cancérogenèse et connaître quelques exemples dans chacune des trois grandes familles de gènes (oncogènes, gènes suppresseurs et gènes de l’homéostasie génétique).
Connaître les grands mécanismes de régulation de l’expression ou de la fonction de ces gènes.
Connaître les principaux facteurs de risque génétiques et environnementaux des cancers.
Connaître des exemples de dérégulation du cycle cellulaire et de l’apoptose dans les cancers.
Décrire les caractéristiques biologiques et morphologiques d’une cellule cancéreuse. Décrire les cellules constituant généralement le stroma des tumeurs.
Connaître les principales caractéristiques de la vascularisation des tumeurs
Connaître les grands mécanismes de réponse immune anti-tumorale.
Bases moléculaires du cancer
Un néoplasme est la conséquence d’altérations successives du génome des cellules tumorales, qui perturbent de façon permanente l’homéostasie tissulaire (figure 8.1).
Différents agents de l’environnement conduisent au développement d’un cancer
• Agents initiateurs : ils induisent une lésion définitive de l’ADN (ex : mutation, cassure). Souvent, ces carcinogènes sont activés par des réactions métaboliques.
• Agents promoteurs : ils favorisent l’expression d’une lésion génétique, préalablement induite par un agent initiateur. Ils n’induisent pas de lésions de l’ADN. Le temps écoulé entre l’initiation et l’apparition des tumeurs est réduit en présence d’agents promoteurs.
Les trois familles de gènes impliquées dans la cancérogenèse
Oncogènes
Certains virus animaux sont capables d’induire des tumeurs (ex : sarcome de Rous du poulet, découvert en 1911). Les propriétés transformantes de ces virus sont dues à la présence dans leur génome de séquences particulières, les oncogènes viraux (v-onc).
Les oncogènes sont schématiquement classés en :
Proto-oncogènes | Type d’anomalie | Exemples de tumeurs impliquées |
---|---|---|
ERBB1 (EGFR) | sur-expression ou mutation activatrice | nombreux carcinomes |
ERBB2 (HER2) | amplification | carcinomes mammaires et ovariens |
FLT3 | mutation activatrice | leucémies aiguës myéloïdes |
RET | mutation activatrice | carcinomes thyroïdiens |
PDGFR | mutation activatrice | sarcomes, gliomes |
KIT | mutation activatrice | tumeurs stromales gastro-intestinales |
KRAS | mutation activatrice | carcinomes coliques, bronchiques, pancréatiques |
NRAS | mutation activatrice | leucémies, mélanomes |
BRAF | mutation activatrice | mélanomes |
ABL | translocation | leucémie myéloïde chronique |
CMYC | translocation | lymphome de Burkitt |
NMYC | amplification | neuroblastomes |
cycline D | translocation | lymphomes du manteau |
CDK4 | mutation activatrice | mélanomes |
Gènes suppresseurs
Les gènes suppresseurs de tumeur (ou anti-oncogènes) sont des inhibiteurs de la croissance cellulaire. L’inactivation du produit de ces gènes par perte de fonction biallélique se traduit par l’absence d’un signal de non-prolifération cellulaire : il s’agit d’une perte de fonction.
Les oncogènes et gènes suppresseurs de tumeur codent pour des protéines qui interviennent dans les grandes fonctions cellulaires : signalisation, prolifération, différenciation, cycle, apoptose (tableau 8.2).
Gènes suppresseurs | Exemples de tumeurs impliquées |
---|---|
TP53 | nombreux cancers |
NF1 | tumeurs des nerfs périphériques |
NF2 | méningiomes |
APC | carcinomes digestifs |
WT1 | néphroblastome (tumeur de Wilms) |
Gènes de maintien de l’intégrité (care takers)
Des agents pathogènes (rayons X, UV, hydrocarbures) peuvent entraîner des lésions ponctuelles de l’ADN (cassure d’un brin, délétion, mutation d’une base). Les gènes de maintien de l’intégrité codent pour un complexe multi-fonctionnel capable de surveiller l’intégrité du génome (MSH2, MSH6.). En cas d’anomalies, différents systèmes de réparation sont mis en place (BRCA1, rad50, MLH-1). S’ils échouent, la cellule lésée meurt par apoptose.
Contrôle de l’expression et/ou de l’activation
Amplification génique
Ce phénomène correspond à une multiplication du nombre de copies d’un gène. Il en résulte une augmentation de son expression. Il serait surtout tardif dans l’oncogenèse (figure 8.3).
Facteurs favorisant les altérations
Facteurs héréditaires
Ces facteurs génétiques sont responsables de prédispositions familiales aux cancers. La transmision peut être dominante ou récessive, et la pénétrance variable. Les prédispositions génétiques aux cancers sont nombreuses, et les prédispositions monogéniques sont les mieux connues (tableau 8.3).
Gènes | Tumeurs ou prédisposition familiale |
---|---|
Proto-oncogènes | |
MEN1, RET KIT, PDGFRA CDK4 | néoplasies endocriniennes multiples tumeurs stromales gastro-intestinales mélanomes |
Gènes suppresseurs de tumeur | |
RB TP53 NF1 | rétinoblastome syndrome de Li Fraumeni tumeurs nerveuses (neurofibromatose) |
Gènes impliqués dans le maintien de l’intégrité de l’ADN | |
XPA BRCA1 MLH1, MSH2 | xeroderma pigmentosum de type A, tumeurs cutanées carcinomes mammaires et ovariens carcinomes colorectaux |
Facteurs viraux
• Rétrovirus à ARN. Certains rétrovirus sont directement oncogéniques, mais il n’en existe d’exemple connu que chez l’animal. Chez l’homme, le rétrovirus HTLV1 s’intègre au hasard dans le génome, il est dépourvu d’oncogène mais contient un gène transactivateur (tax) capable d’activer les gènes de l’interleukine 2 et de son récepteur dans les lymphocytes T.
• Virus oncogènes à ADN : ils ne renferment pas d’oncogène de type v-onc. Le plus souvent ils semblent agir par trans-activation de gènes cellulaires (mutagénèse insertionnelle).