Chapitre 8
Aspect post-thérapeutique du cancer du rein
Place de la thérapeutique oncologique médicale et radiothérapique dans le traitement actuel du cancer du rein
Traitement du cancer localisé
Le traitement de référence du cancer du rein (CCCR) localisé est chirurgical. La néphrectomie totale élargie, avec ou sans curage ganglionnaire est réalisée soit par chirurgie ouverte, soit par cœlioscopie et tout dernièrement « robot-assistée ». Lorsque la tumeur fait moins de 4 cm et se trouve localisée en périphérie du rein, une tumorectomie ou une néphrectomie partielle sera proposée afin de conserver du parenchyme sain et le capital néphronique du patient.
Traitement du cancer du rein métastatique
Thérapeutiques médicales du cancer du rein avancé
L’immunothérapie a été pendant près de 20 ans la seule option thérapeutique disponible pour les patients présentant un CCCR métastatique. La découverte fondamentale qu’un défaut du système d’immunosurveillance pouvait être à la base du développement du cancer et que la restauration des fonctions immunitaires pourrait induire des régressions tumorales a conduit au développement de l’immunothérapie. L’interleukine-2 et l’interféron, deux activateurs puissants du système immunitaire en particulier des lymphocytes, ont ainsi largement été utilisés dans le cancer du rein avancé. Mais seuls 10 à 15 % des patients sont considérés comme répondeurs et au prix de nombreux effets indésirables souvent très mal supportés.
Le traitement des cancers du rein métastatique a été bouleversé ces 5 dernières années par l’arrivée des antiangiogéniques. Les avancées de la biologie moléculaire ont permis une meilleure compréhension de la carcinogenèse rénale et ont révélé le rôle fondamental de l’angiogenèse. L’identification des voies de signalisation impliquées dans l’angiogenèse tumorale a conduit au développement de nombreux médicaments ciblant cette voie de signalisation, avec actuellement sept thérapeutiques disponibles.
Antiangiogéniques et inhibiteurs mTOR : études et recommandations
Les traitements peuvent être regroupés en trois familles : les inhibiteurs de tyrosine-kinase (TKI), les anticorps monoclonaux anti-VEGF ainsi que les inhibiteurs de l’activité sérine/thréonine kinase de mTOR. Les algorithmes de prise en charge thérapeutique reposent sur des résultats de larges études randomisées de phase III dans lesquelles les patients ont été stratifiés en différents groupes pronostiques (tableau 8.1).
Tableau 8.1
Recommandations de l’European Society of Medical Oncology pour la prise en charge des carcinomes rénaux avancés
Sunitinib (Sutent)
Le sunitinib est un inhibiteur multicible de tyrosine kinase anti-VEGFR-1, 2, 3 anti-PDGFR et c-KIT et Flt-3 ayant une activité antiangiogénique et antitumorale. Le sunitinib est à l’heure actuelle considérée comme le traitement standard en 1re ligne des cancers du rein avancé. L’enregistrement du sunitinib en 1re ligne métastatique a fait suite aux résultats d’une étude de phase III entre un bras de référence comportant de l’interféron et un bras expérimental comportant le sunitinib. Les auteurs rapportent une amélioration de la survie sans progression passant de 5 à 11 mois pour le bras sunitinib et un allongement de la survie globale atteignant 26,4 mois versus 21,4 mois [1].
Sorafénib (Nexavar)
Le sorafénib est à la fois un TKI ciblant le VEGFR et un inhibiteur de la voie des MAP-kinases (Mitogen Activated Proteins-kinases) (inhibiteur de RAS). L’étude TARGET réalisée en 2e ligne après échappement aux cytokines [2] a conclu à un doublement de la survie sans progression pour le bras sorafénib versus placebo.
Pazopanib (Votrient)
Le pazopanib est un TKI plus sélectif que les deux précédents ciblant le PDGF-R, c-Kit et VEGF-R-1, 2 et 3. Son efficacité en termes de survie sans progression et de taux de réponse n’est pas inférieure à celle du sunitinib. Cependant, son profil de tolérance semble supérieur à celui du sunitinib comme l’a montré une récente étude selon laquelle 70 % des patients et médecins préfèrent le pazopanib au sunitinib [3].
Bévacizumab (Avastin)
Le bévacizumab est un anticorps recombinant humanisé inhibant spécifiquement les 5 isoformes circulantes du VEGF. La fixation de l’anticorps sur le VEGF empêche sa fixation sur le VEGF-R exprimé sur les cellules endothéliales bloquant ainsi le processus angiogénique. Le bévacizumab est actuellement recommandé en 1re ligne métastatique en association avec l’interféron suite à l’allongement de la survie sans progression rapporté dans les études [4, 5].
Facteurs pronostiques
À l’ère de l’immunothérapie, plusieurs classifications moléculaires avaient été conçues en particulier celle du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center. L’arrivée des antiangiogéniques a remis en question la validité de ce modèle pronostique de référence [6]. Un groupe de travail international sur le cancer du rein a récemment élaboré une nouvelle classification en trois groupes à partir de six critères :
Perspectives
La majorité des patients vont tôt ou tard échapper aux thérapeutiques antiangiogéniques en raison de l’émergence de mécanismes de résistance. Plusieurs approches sont actuellement à l’étude afin de retarder ou de contourner ces mécanismes de résistance. La première stratégie a été de combiner antiangiogéniques (TKI ou anticorps) et inhibiteur de mTOR. Cette stratégie n’a pas montré de bénéfice en termes de survie sans progression par rapport à un traitement séquentiel qui reste donc le standard en 2013 [8]. Une deuxième piste est le développement de l’immunothérapie de nouvelle génération avec l’arrivée d’anticorps dirigés contre CTLA4 (ipilimumab), ou encore PD-1 ou son ligand qui interviennent dans la régulation négative du système immunitaire. Enfin le dernier espoir repose sur l’arrivée des TKI de dernière génération avec de nouvelles cibles thérapeutiques.
Radiothérapie
Globalement, la radiothérapie des métastases osseuses permet d’obtenir un effet antalgique dans 70 à 80 % des cas. Il sera rapide ou au contraire retardé mais se maintient relativement longtemps.
Évaluation de la réponse précoce et tardive au traitement
Place de l’imagerie morphologique et fonctionnelle (fig. 8.1 et 8.2)
La technique de référence est la TDM avec injection de produit de contraste. Elle a d’abord permis une évaluation de la réponse thérapeutique basée essentiellement sur le critère de la taille avec le référentiel RECIST version 1.1 de 2009, de façon simple en déterminant la somme du plus grand diamètre des lésions cibles définies comme mesurables supérieures à 10 mm et à contours nets (5 lésions par patient, 2 à 3 lésions par organe), en déterminant des lésions non cibles mesurables ou non mais évaluables et en tenant compte des adénopathies supérieures à 15 mm de petit axe. La réponse est évaluée sur le pourcentage de variation de cette somme en quatre catégories :
Fig. 8.1 Tumeurs rénales bilatérales chez un patient de 55 ans : TDM avec injection.
A, B. TDM temps artériel : volumineuse masse à centre nécrotique gauche, masse polaire supérieure droite (A), petite masse de la lèvre antérieure du rein droit (B). C, D. Traitement par axitinib, bilan fin de deuxième cure, TDM injectée. Elle montre au temps parenchymateux, une réduction des dimensions des lésions et une liquéfaction des lésions, quasi complète à gauche (C) et complète pour les deux lésions droites (D). Arrêt du traitement par le patient (effets indésirables majeurs). E, F. 6 semaines après, décision RCP d’une néphrectomie partielle gauche, TDM postopératoire avec injection. Elle montre au temps parenchymateux une nette repousse tissulaire intralésionnelle à droite.