7: Traumatismes ouverts des tissus mous

Chapitre 7 Traumatismes ouverts des tissus mous



Ces traumatismes sont susceptibles d’intéresser tous les secteurs du pied et du cou de pied. Par commodité ont été regroupés les traumatismes de la face dorsale du pied et des secteurs antérieur et collatéraux du cou de pied et isolés les traumatismes du talon et du secteur postérieur de l’extrémité distale de la jambe, de la plante et de l’avant-pied.



FACE DORSALE DU PIED ET FACE ANTÉRIEURE DU COU DE PIED





Plaies simples


Elles exposent aux attentes d’organes nobles de voisinage.



Nerfs


Le nerf sural, dans son trajet sous-malléolaire latéral, et le nerf fibulaire superficiel, à la face dorsale du pied, peuvent être blessés en raison de leur situation sous-cutanée et susaponévrotique. L’examen clinique doit en suspecter l’atteinte, en présence d’une anesthésie de la face dorsale du bord latéral du pied et du secteur dorso-latéral adjacent pour le nerf sural, et de la face dorsale du pied à l’exception de la première commissure pour le nerf fibulaire superficiel.



Plaie souillée


En cas de plaie souillée, contuse et en présence d’une perte de substance nerveuse, il ne faut pas, en accord avec les données de la littérature, chercher à réparer ces plaies nerveuses en raison du risque (toujours possible) d’induction d’un névrome d’irritation. Ce dernier est alors particulièrement mal toléré sous la forme de conflits avec la chaussure : au bord supérieur du contrefort dans la région sous-malléolaire (nerf sural) et au dos du pied, par conflit avec l’empeigne (nerf fibulaire superficiel). C’est pourquoi, en raison de la bonne tolérance du déficit sensitif, il paraît plus raisonnable de réaliser une résection du nerf pour reporter la tranche de neurotomie le plus à distance possible d’une zone potentielle de conflit. Il est capital d’essayer d’enfouir le bout proximal en zone sous-fasciale.


Ainsi, le nerf sural doit être recoupé nettement en amont de son émergence aponévrotique.


Pour le nerf fibulaire superficiel, en cas de lésion du tronc au moment du contournement de la fibula, il est aisé de placer le moignon nerveux en sous-fascial dans la région rétrofibulaire. En cas d’atteinte d’une ou de plusieurs de l’une de ses branches (notamment la branche latérale lors de l’abord antéro-latéral), l’idéal est de disposer de suffisamment d’étoffe après recoupe pour permettre de glisser la tranche de neurotomie en sousaponévrotique, à travers une boutonnière, en veillant à rester à distance d’un secteur potentiel de conflit.




Tendons




Ce risque est à son maximum pour les plaies siégeant sur le versant dorso-médial du pied à la jonction tarso-métatarsienne en regard du cunéiforme médial. Dans ce secteur, le tendon du tibial antérieur, à l’étroit entre la peau et le plan osseux, s’écarte médialement de son voisin (LEH). Une banale petite plaie est en mesure de léser sélectivement ce tendon, de sorte que la méconnaissance est possible si l’on demande seulement au blessé de relever l’hallux et les orteils (ce qui de surcroît peut entraîner une ébauche de flexion dorsale en éversion prédominante).


Le testing méthodique et exhaustif de ces tendons est indispensable dans tous les cas :





L’atteinte isolée du tibial antérieur est également possible au cou de pied, en regard de l’interligne, lorsque, au moment du traumatisme, se produit une contraction réflexe du tibial antérieur dont le tendon se trouve ainsi projeté en avant. Il est alors particulièrement exposé.



Pédicule tibial antérieur


En cas de plaie plus importante affectant la partie proximale du dos du pied, notamment dans son secteur antéro-médial, il faut évoquer de principe une atteinte du pédicule tibial antérieur. Il s’agit habituellement de plaies importantes justifiant une exploration systématique au bloc opératoire.



Une plaie de l’artère dorsale du pied peut être suspectée sur la présence d’une hémorragie de type artériel ; une lésion du nerf tibial antérieur par une anesthésie de la face dorsale de la première commissure et une paralysie du court extenseur dont le corps charnu est palpé sur le versant dorso-latéral du pied immédiatement en avant de l’orifice latéral du sinus du tarse. La notion de plaies artérielles sèches (par hémostase spontanée) et la proximité de ces deux structures font que la seule présence du trouble sensitif est suffisante pour faire évoquer le diagnostic de lésion artérielle et conduire à une exploration au bloc opératoire. Bien entendu, il ne faut pas essayer de suturer ou de clamper une plaie artérielle à l’aveugle au SAU, mais pratiquer un pansement compressif avant d’envoyer le blessé au bloc opératoire. Une simple ligature artérielle est habituellement suffisante car il existe souvent une bonne suppléance par le réseau tibial postérieur.



En peropératoire, l’exploration est méthodique et complète. Toute l’attention est portée sur le nerf fibulaire profond, puis sur les structures tendineuses voisines. Pour ce qui concerne ce nerf, volumineux et situé dans une zone de conflit avec la chaussure, il faut privilégier dans la mesure du possible la réparation par suture directe. En cas d’impossibilité, il faut enfouir, en sous-fascial et dans un secteur indemne de conflit, la tranche de neurotomie.


Le tableau des hémisections antérieures est parfois extrêmement impressionnant. En l’absence de perte de substance cutanée, les problèmes ne sont guère différents des cas précédents. Il est capital, ici, de ne pas méconnaître une plaie articulaire dont la réalité peut être masquée par la flexion dorsale passive de la cheville. Toute situation à risque doit conduire à l’exploration du plan capsulaire antérieur. La situation vis-à-vis des rétinaculum est parfois difficile à préciser. Il semble préférable d’en restaurer la continuité, sans pour autant créer les conditions d’un syndrome des loges. Des temps autoplastiques locaux peuvent se discuter ou seulement la suture du plan tendineux à une berge sous-cutanée controlatérale. L’utilisation d’un fixateur externe tibio-pédieux peut dans cette circonstance s’avérer très utile, notamment en termes de surveillance locale.




Faces collatérales


Les plaies des faces collatérales sont moins fréquentes que les précédentes les organes nobles étant le plus souvent protégés par les reliefs osseux.



Sur le secteur médial


Dans la région prémalléolaire, il peut exister une plaie de la veine grande saphène, potentiellement à l’origine d’un saignement important. Il faut se contenter au SAU d’un pansement compressif et le plus souvent d’une simple ligature au bloc dans de bonne condition. L’exploration doit vérifier l’intégrité du nerf saphène, une lésion devant conduire, sauf conditions tout à fait idéales, à un enfouissement sous-fascial à distance de toute zone de compression. Il faut également vérifier l’absence de plaie articulaire de la talo-crurale et de lésion du faisceau antérieur du ligament collatéral médial.


Dans la région rétro et sous-malléolaire, peut se produire une lésion des éléments tendino-vasculo-nerveux postéro-médiaux.


Ce sont d’avant en arrière, le tendon du tibial postérieur (TP) plaqué contre le pilier postéro-médial du tibia, le tendon du LFO puis le pédicule tibial postérieur entre ce dernier et le tendon du LFH qui est médian rétrotibial.


Dans la région sous-malléolaire, le tendon du TP est relativement exposé car il passe à la face superficielle du sustentaculum tali. Toute plaie à ce niveau doit conduire à une exploration chirurgicale (le TP se testant par combinaison d’un mouvement actif de flexion plantaire et d’adduction) avec exploration méthodique de tous les éléments après ouverture des gaines fibreuses (rétinaculum des fléchisseurs).


En cas d’extension de la plaie vers l’avant, il faut vérifier la continuité de la capsule articulaire de la talo-naviculaire sur son secteur médial et en cas de lésion de cette dernière vérifier l’état du « spring ligament » pour en effectuer, le cas échéant, la réparation par des points transosseux.


Toute lésion du tibial postérieur, à ce niveau, comporte un risque de décompensation d’un pied plat sous-jacent. Il est important de parfaitement évaluer le morphotype du pied et de rechercher une brièveté du tendon calcanéen. Il faut dans ce cas prévenir le patient et être particulièrement vigilant dans les suites, une situation de décompensation devant conduire rapidement à l’indication d’une arthrodèse limitée.


Sur le secteur latéral, la fibula, protège les tendons fibulaires. Une lésion traumatique est néanmoins possible. Il faut se souvenir de la proximité du nerf sural dont il est capital de vérifier l’intégrité (figure 7.1).




Traumatismes par écrasement


Ce sont des traumatismes fréquents. Ces lésions sont particulièrement à craindre à la face dorsale du pied.



On peut s’aider d’un test à la piqûre qui a deux objectifs :





Il est primordial de prévenir le blessé de cette situation à risques dont l’évolution peut se prolonger plusieurs semaines. Différents tableaux peuvent être observés.



Lésions ouvertes




Au SAU, deux situations peuvent se présenter :






Lésions fermées


S’il s’agit d’une lésion par cisaillement avec rupture des vaisseaux à destination cutanée, comportant une collection souscutanée sous tension, l’évacuation au trocart de cette collection peut parfois permettre d’éviter l’évolution vers la nécrose. La surveillance doit être particulièrement vigilante pour évaluer l’évolution de la vitalité cutanée (la peau ayant pu être dévitalisée de façon contemporaine au traumatisme) et dépister la constitution d’une récidive évoquant la constitution d’un épanchement de Morel-Lavallée. Cette collection de contenu lymphatique a une évolution particulièrement traînante. Afin d’éviter la reproduction de cette collection, le moyen le plus simple (et peut-être le plus efficace à ce niveau) est la mise en place, immédiatement après évacuation, d’un grand pansement ouaté, compressif. Ce dernier sera changé régulièrement pour guetter la survenue éventuelle d’une plage de nécrose plus ou moins étendue. Ce mode contention doit être prolongé jusqu’à certitude d’assèchement, ce qui peut demander plusieurs jours voire semaines et le relais par une contention élastique.




TRAUMATISMES DES PARTIES MOLLES DU TALON


Les traumatismes des parties molles du talon sont dominés par les avulsions de la coque talonnière. Elles posent des problèmes thérapeutiques majeurs.





Greffe de peau


Le sous-sol, en raison de sa mauvaise vascularisation et de sa constitution ostéofibreuses, est peu propice à une greffe de peau de deuxième intention. Si, malgré tout, un bourgeonnement de qualité est obtenu, on peut, selon sa surface, se contenter d’une technique de cicatrisation dirigée ou d’une greffe de peau totale. Dans ce cas l’utilisation d’une technique de fixation sur bourdonnet est essentielle.



C’est pourquoi, dans ce cadre, il faut le plus souvent recourir à un lambeau, éventuellement en urgence, à condition de ne pas prendre de risques et d’avoir prévenu le patient. Si on ne possède pas cette technique, il ne faut pas se précipiter, mieux vaut se contenter d’un simple parage des lésions et d’un pansement à plat, laissant libre choix pour un lambeau secondaire. Deux cas particuliers doivent être discutés.




Fractures associées




Idéalement, il est conseillé la réalisation d’une ostéosynthèse interne, moyen d’ostéosynthèse le mieux adapté et conseillé par les chirurgiens plasticiens. Mais cette dernière ne doit pas comporter de risques d’exposition ou d’inoculation trop importants. Il faut savoir privilégier les ostéosynthèses a minima, par vis enfouies notamment, et l’implantation du matériel en zone saine. Il faut alors veiller à ce que la voie d’abord n’entre pas en compétition avec la levée ultérieure d’un lambeau. L’utilisation d’une immobilisation complémentaire par fixateur externe tibiopédieux (avec implantation des fiches très à distance) est un adjuvant pouvant s’avérer très utile car il supprime toute contention postopératoire, il peut servir de point d’appui à un système de suspension et facilite grandement la surveillance locale. Parfois, les conditions locales sont telles que seule reste possible une ostéosynthèse par fixateur externe. Le choix d’implantation des fiches doit être parfaitement réfléchi en termes de stabilité et de possibilité de prélèvement d’un lambeau. Il faut savoir privilégier les ostéosynthèses mixtes (quelques broches ou vis enfouies étant susceptibles d’apporter un gain substantiel de stabilité sans prise de risque infectieux excessif).



Le choix du type de lambeau dépend de la situation anatomique du site avulsé (talon vertical osseux, talon en charge plantaire, ou ensemble de la coque), de la taille de la perte de substance, de l’âge, des lésions associées, de l’état artériel, de l’état général et du pronostic fonctionnel.


May 4, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 7: Traumatismes ouverts des tissus mous

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