Traitement des prothèses totales de hanche infectées
Treatment of infected total hip arthroplasty
Stratégie chirurgicale préopératoire.
Combined medical and surgical treatment.
Adapted antimicrobial therapy.
Introduction
La fréquence de l’infection a fait l’objet de nombreuses études et publications.
Un taux de 0,5 à 2 % est couramment cité et admis [15,18].
Les facteurs conditionnant le pronostic sont :
• la précocité du diagnostic parfois difficile car non évoqué ;
• la qualité de la prise en charge initiale reposant sur des règles thérapeutiques simples mais rigoureuses.
Le but du traitement des prothèses totales de hanche infectées est double :
Ces différents éléments permettent de prévoir les risques et les difficultés du traitement :
Définition, classification, formes cliniques des infections de prothèse totale de hanche
Classification, formes cliniques
• Différentes classifications ont été proposées : la plus utilisée est celle de Tsukayama prenant en considération le délai de survenue, le mode de contamination, la durée d’évolution et les données bactériologiques [26].
• La plus simple nous paraît être celle qui repose sur les constatations cliniques usuelles.
• soit sur un mode aigu (jusqu’à 1 mois par convention), associant signes généraux, locaux (inflammation, écoulement, non-cicatrisation) et biologiques ;
• soit sur un mode chronique au-delà, les signes cliniques étant très différents et n’apparaissant que plusieurs mois ou années plus tard.
• l’origine hématogène, la plus fréquente, dans le cadre d’une septicémie ;
• la contamination de contiguïté à partir d’un foyer infectieux de voisinage (abcès fessier, escarre).
Diagnostic de l’infection
La certitude n’est obtenue que par la preuve bactériologique de l’infection.
Le diagnostic peut être facile :
• signes infectieux généraux ;
• signes locaux d’inflammation ou d’infection ;
• identification bactérienne sur un prélèvement d’écoulement ou d’abcès.
Ailleurs, il est difficile et évoqué sur un faisceau d’arguments :
• problèmes de cicatrisation pouvant durer plusieurs semaines ou mois, retrouvés assez facilement par l’interrogatoire et l’aspect médiocre de la cicatrice ;
• épisodes infectieux chroniques ou récurrents. Une fièvre au long cours, la récidive d’épisodes infectieux minimes avec ou sans signe d’appel au niveau de la hanche prothésée doivent y faire penser.
Un descellement rapide de prothèse totale, surtout s’il est bipolaire, est très suspect d’infection.
Les examens complémentaires ne sont pas spécifiques.
• Examens biologiques : hyperleucocytose avec polynucléaires neutrophiles et élévation de la CRP (protéine C-réactive). Rappelons que la CRP doit suivre une courbe régulièrement décroissante pour devenir subnormale (environ 20 mg/l) vers le 15e jour postopératoire. Le retour à la normale est plus tardif, fonction de chaque patient et des conditions locales (notamment en cas d’hématome).
• Examens d’imagerie : l’ostéolyse et surtout les appositions périostées fémorales sont évocatrices d’infection. Les scintigraphies peuvent orienter également vers un processus infectieux, mais la fréquence des faux positifs ou négatifs leur ôte leur intérêt. Imagerie par résonance magnétique (IRM) et scanner sont surtout utiles en préopératoire lorsque l’infection est confirmée. Ils permettent de ne pas méconnaître des abcès en particulier intrapelviens ou le long de la cuisse. La preuve microbiologique de l’infection est nécessaire, par ponction articulaire et par prélèvements profonds peropératoires.
Physiopathologie des IPTH
Leur physiopathologie reste mal connue. La faible incidence de cette pathologie explique partiellement cette ignorance, car il est devenu particulièrement difficile d’observer dans une population de patients les effets de mesures susceptibles de faire significativement diminuer un taux inférieur à 1 %. C’est donc essentiellement de façon indirecte que la physiopathologie est abordée. Tsukayama a classiquement [26] considéré quatre circonstances d’infection de prothèse, correspondant à des scénarios physiopathologiques distincts : l’infection postopératoire aiguë, l’infection chronique tardive, l’infection hématogène aiguë et la découverte peropératoire fortuite.
Zimmerli reconnaît les infections précoces survenant dans les 3 premiers mois, les infections retardées, survenant 3 à 24 mois après l’intervention, et les infections tardives, survenant plus de 24 mois après la pose [29]. Il est admis dans cette classification que les infections des 2 premières années sont acquises lors de l’implantation, alors que les infections tardives sont d’origine hématogène.
Il n’est pas fait référence à la quatrième catégorie décrite par Tsukayama.
Prise en charge microbiologique des IPTH
Elle repose sur la mise en culture de prélèvements profonds. C’est un exercice difficile et les meilleurs centres n’obtiendraient une identification bactérienne que dans 70 à 80 % cas [24].
Les prélèvements sont réalisés à différents stades du traitement chirurgical
Dans tous les cas, les prélèvements doivent être acheminés au laboratoire en urgence.
Prélèvements préopératoires
Ils doivent être réalisés avant toute antibiothérapie ou après arrêt de celle-ci (« wash out ») pendant 2 à 3 semaines dans les infections chroniques si l’état du patient le permet [1].
Il semble en effet que l’administration d’un traitement antibiotique préalable rende l’identification bactériologique plus difficile et parfois impossible [25].
Ponction articulaire de la hanche prothétique
Elle se fait sous asepsie rigoureuse, sous anesthésie locale ou générale.
La valeur prédictive des résultats de cette ponction a fait l’objet de publications très discordantes nécessitant des études prospectives multicentriques [21].
Biopsie synoviale
Elle se fait à l’aide d’un trocart. C’est une technique difficile devant également être évaluée [10].
Techniques de laboratoire
Dans l’infection chronique
La culture des micro-organismes est plus difficile. D’une part, les espèces susceptibles d’être rencontrées sont plus « exigeantes », d’autre part le métabolisme des bactéries responsables d’infections chroniques est volontiers ralenti et les cultures doivent être incubées durant des périodes prolongées [7], afin d’avoir plus de chances de parvenir à « réanimer » des micro-organismes très adaptés au milieu périprothétique. En pratique, il faut poursuivre l’incubation des milieux solides pour la culture des bactéries anaérobies et des bactéries « exigeantes » pendant un minimum de 5 j. Certains auteurs préconisent de prolonger l’incubation des milieux liquides d’enrichissement 3 semaines [7]. Cependant, l’extraction des bactéries par broyage mécanique des prélèvements permet de réduire cette incubation à 1 semaine, autorisant un rendu des résultats définitifs en 10 j (Rottman [19], résultats personnels).
Contaminants
Face à des micro-organismes difficiles à mettre en évidence, le laboratoire de microbiologie pousse au maximum la sensibilité des cultures qui peuvent donc mettre en évidence des contaminants. Ces contaminants peuvent provenir de défauts minimes d’asepsie lors du prélèvement ou lors de la mise en culture. Afin de distinguer les contaminants des pathogènes, on utilise encore en 2009 des critères simples : un micro-organisme isolé dans un seul prélèvement sera considéré comme non significatif, alors qu’un micro-organisme (même identification, même antibiogramme) retrouvé de façon répétée dans plusieurs prélèvements indépendants sera considéré comme significatif et retenu pour l’adaptation du traitement antibiotique. Il est donc important de réaliser de multiples prélèvements microbiologiques pour une seule intervention. On conseille, comme nous l’avons vu, de réaliser entre cinq et sept prélèvements sur des régions macroscopiquement douteuses afin d’augmenter les chances de prélever un site de division des bactéries et de pouvoir reconnaître les contaminants des pathogènes [1].
Résultats
Cultures bactériennes
On en retiendra des notions fondamentales :
• les cultures doivent être poursuivies longtemps, car certaines bactéries sont longues et difficiles à cultiver (Propionibacterium acnes, par exemple) ;
• la négativité des résultats à 48–72 h n’a aucune valeur ;
• l’interprétation des résultats ne peut se faire qu’en RCP en les confrontant aux données cliniques, en particulier infectieuses.
Traitement antibiotique des IPTH
Particularités du traitement antibiotique dans les IPTH
L’infection osseuse est mal connue et a fait l’objet de travaux déjà anciens [17].
• que la diffusion des antibiotiques dans l’os sain est variable selon la molécule utilisée ;
• que la nécrose osseuse et la présence de matériel étranger modifient l’activité des antibiotiques ;
• que l’activité des antibiotiques évaluée in vitro est différente in vivo ;
• que des traitements prolongés sont nécessaires pour couvrir la durée de cicatrisation du tissu osseux [14], ce qui se vérifie en pratique courante.