7: Traitement des prothèses totales de hanche infectées: Treatment of infected total hip arthroplasty

Traitement des prothèses totales de hanche infectées


Treatment of infected total hip arthroplasty




Résumé


L’infection de prothèse totale de hanche est une complication grave mettant en jeu le pronostic vital et fonctionnel. Sa fréquence est de 1 à 2 %. Son traitement repose sur une stratégie médicochirurgicale définie au cours de RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire). Son but est double : guérir l’infection et restaurer la fonction avec le minimum de séquelles. Le diagnostic bactériologique est une étape fondamentale. Il est réalisé sur de multiples prélèvements peropératoires faits suivant une méthodologie rigoureuse. Les prélèvements doivent être confiés à un laboratoire capable de traiter les prélèvements solides et de cultiver des bactéries exigeantes difficilement cultivables, surtout dans les infections chroniques. Le caractère polymicrobien de l’infection doit toujours être recherché. Le traitement antibiotique est toujours nécessaire. Le choix des antibiotiques se fait d’après l’antibiogramme en utilisant des molécules diffusant bien dans l’os. Les associations, les durées, les voies d’administration (intraveineuse ou orale), la surveillance du traitement sont gérées par l’infectiologue. L’établissement et la surveillance des concentrations sériques d’antibiotiques sont nécessaires. Les complications de l’antibiothérapie sont fréquentes et doivent être recherchées. Le traitement chirurgical est indispensable à la guérison d’une IPTH. Dans les infections aiguës, une excision-lavage est indiquée en urgence. Tout retard en compromet le résultat. Dans les infections chroniques, l’ablation de la prothèse et de tout le matériel étranger est la base. C’est une intervention souvent complexe et toujours lourde. La repose d’une nouvelle prothèse dans le même temps chirurgical ou lors d’un deuxième temps reste controversée, aucune étude ne permettant de conclure. Pour le moment, l’expérience de chacun et le « bon sens médical » restent les moyens de choix. La mise en résection de hanche, les traitements antibiotiques à vie sont des traitements palliatifs en cas d’échec ou d’impossibilité thérapeutique. La réalisation d’études prospectives multicentriques s’impose pour tenter de valider des stratégies tant d’antibiothérapie (durée) que chirurgicales (1 T/2 T).



Summary


Prosthetic hip infection is a severe complication compromising the functional and vital prognosis. It occurs in 1 to 2% of total joint replacements. Treatment relies on a combined medical and surgical strategy that is defined during multidisciplinary consultation meetings. It has two objectives : to cure the infection and to restore joint function with minimal sequelae. Microbiological diagnosis is a key stage that requires multiple perioperative samples according to a strict methodology. These samples must be analysed by a laboratory equipped to process solid samples and proficient in the culture of fastidious and anaerobic bacteria, especially for chronic infections. Polymicrobial infections must always be considered and searched for. Antimicrobial therapy is always required and the agents chosen according to microbial susceptibility and bone diffusion. Combination therapy, treatment durations, delivery routes (oral or parenteral) and surveillance are undertaken by the infectious diseases specialist. Serum antimicrobial levels should be monitored to ensure effective treatment. Antimicrobial therapy side effects are frequent and must be tracked down. Surgical therapy is mandatory to cure prosthetic hip infections. An emergent debridement surgery is required for acute infections and any delay compromises the efficacy of the procedure. In chronic infections, removal of the prosthesis and of all hardware is the ground rule. The procedure is often complex and always taxing. One-stage exchange or two-stage exchange of the infected prosthesis remains controversial, no single study proving the superiority of either strategy. Until now, personal experience and “ common sense ” remain the only guides. Hip resection and lifelong suppressive antimicrobial therapy are palliative treatments in case of failure or therapeutic dead-end. Prospective multicentric studies will be required to try and validate treatment strategies in terms of antimicrobial treatment (durations and routes of delivery) as well as surgical plan (one- or two-stage exchange).



Introduction


L’infection constitue l’une des complications majeures des prothèses totales de hanche. Elle en compromet le résultat et met parfois en jeu le pronostic vital.


La fréquence de l’infection a fait l’objet de nombreuses études et publications.


Le chiffre est difficile à préciser, car la mise en évidence de l’infection se fait dans des délais variables de quelques jours… à quelques mois, voire années.


Un taux de 0,5 à 2 % est couramment cité et admis [15,18].


Le traitement des prothèses totales de hanche infectées est complexe, difficile et encore mal codifié.


Reprise en un ou deux temps, mise en résection, traitement antibiotique simple ou combiné à un geste chirurgical d’excision ont fait l’objet de nombreuses publications contradictoires. Ce traitement est réalisé au mieux par des équipes médicales pluridisciplinaires associant chirurgien orthopédiste, bactériologiste, infectiologue et anesthésiste-réanimateur.


Les facteurs conditionnant le pronostic sont :



Le but du traitement des prothèses totales de hanche infectées est double :



Il nécessite une stratégie médicochirurgicale prenant en compte des facteurs essentiels discutés par les différents intervenants médicaux, définie au cours de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP).



Ces différents éléments permettent de prévoir les risques et les difficultés du traitement :




Définition, classification, formes cliniques des infections de prothèse totale de hanche




Classification, formes cliniques




Différentes classifications ont été proposées : la plus utilisée est celle de Tsukayama prenant en considération le délai de survenue, le mode de contamination, la durée d’évolution et les données bactériologiques [26].


La plus simple nous paraît être celle qui repose sur les constatations cliniques usuelles.



soit sur un mode aigu (jusqu’à 1 mois par convention), associant signes généraux, locaux (inflammation, écoulement, non-cicatrisation) et biologiques ;


soit sur un mode chronique au-delà, les signes cliniques étant très différents et n’apparaissant que plusieurs mois ou années plus tard.



l’origine hématogène, la plus fréquente, dans le cadre d’une septicémie ;


la contamination de contiguïté à partir d’un foyer infectieux de voisinage (abcès fessier, escarre).




Diagnostic de l’infection


La certitude n’est obtenue que par la preuve bactériologique de l’infection.


Le diagnostic peut être facile :



Ailleurs, il est difficile et évoqué sur un faisceau d’arguments :



Rappelons que toute prothèse douloureuse doit faire évoquer le diagnostic, même en l’absence de signe infectieux.


Un descellement rapide de prothèse totale, surtout s’il est bipolaire, est très suspect d’infection.


Les examens complémentaires ne sont pas spécifiques.




Physiopathologie des IPTH


Leur physiopathologie reste mal connue. La faible incidence de cette pathologie explique partiellement cette ignorance, car il est devenu particulièrement difficile d’observer dans une population de patients les effets de mesures susceptibles de faire significativement diminuer un taux inférieur à 1 %. C’est donc essentiellement de façon indirecte que la physiopathologie est abordée. Tsukayama a classiquement [26] considéré quatre circonstances d’infection de prothèse, correspondant à des scénarios physiopathologiques distincts : l’infection postopératoire aiguë, l’infection chronique tardive, l’infection hématogène aiguë et la découverte peropératoire fortuite.


Zimmerli reconnaît les infections précoces survenant dans les 3 premiers mois, les infections retardées, survenant 3 à 24 mois après l’intervention, et les infections tardives, survenant plus de 24 mois après la pose [29]. Il est admis dans cette classification que les infections des 2 premières années sont acquises lors de l’implantation, alors que les infections tardives sont d’origine hématogène.


Il n’est pas fait référence à la quatrième catégorie décrite par Tsukayama.


C’est par l’étude de cette quatrième catégorie que l’on peut approcher la physiopathologie de cette infection. Cette catégorie est la conséquence clinique d’une observation microbiologique déjà ancienne : un pourcentage important de révisions de prothèses réputées aseptiques sont colonisées par des bactéries enchâssées dans un biofilm, sans qu’il soit possible de déterminer si le descellement est la conséquence de cette colonisation ou non. Il est à l’heure actuelle impossible d’affirmer que les prothèses non compliquées de descellement sont vierges de bactéries, et également impossible d’affirmer que la réimplantation d’une prothèse de révision après découverte peropératoire fortuite nécessite un traitement anti-infectieux. En revanche, il apparaît au vu de la littérature qu’un traitement suboptimal, puisque associant une antibiothérapie orale courte au geste chirurgical, a un taux de succès de 90 %. Un grand nombre de centres éludent d’ailleurs la question en ne réalisant délibérément aucun prélèvement microbiologique en l’absence de signes d’infection.


La formation de biofilm est reconnue comme étant le premier facteur de virulence chez Staphylococcus epidermidis, premier pathogène rencontré sur prothèse. Si l’on étudie la formation de ce biofilm, il faut comprendre que la prothèse est immédiatement couverte d’un film de protéines et de glycanes de l’hôte lorsqu’elle est implantée. C’est donc une surface « humanisée » qui va rapidement être offerte à la colonisation bactérienne. Le premier stade de la formation du biofilm est l’adhésion à une surface. Ce sont des structures bactériennes, les adhésines, qui vont être responsables de la liaison entre le staphylocoque et la surface de l’implant. Une fois cette relation établie, le staphylocoque se divise et la colonie se développe à la surface, formant une structure mature organisée tridimensionnellement en plusieurs couches. Des facteurs extracellulaires sont produits, notamment l’adhésine polysaccharidique extracellulaire (PIA) sous le contrôle du gène ica.ADBC. Cette structure forme un réseau dont les canalicules et les pores permettent la diffusion des nutriments et de molécules de communication entre les bactéries. La communauté se synchronise et différentes sous-populations remplissent différents rôles. Certaines bactéries sont ainsi capables de se détacher de la gangue polysaccharidique qui les entoure et sont à même de disséminer. Il semble qu’un réseau de régulation et de communication (« quorum sensing ») règle l’activité des bactéries et maintienne une partie de la population en dormance. Ces bactéries sont vivantes mais ne se divisent pas. Cet état non réplicatif les protège de l’activité bactériostatique des antibiotiques et de l’action bactéricide ciblant la division de la bactérie, comme les β-lactamines ou les fluoroquinolones. C’est pour ces raisons métaboliques que les traitements antibiotiques doivent être prolongés et que certains antibiotiques sont inefficaces sur les infections sur matériel alors qu’ils diffusent efficacement au sein du biofilm. C’est pour son activité conservée sur les bactéries non réplicatives que la rifampicine est précieuse dans ces indications et qu’elle est l’agent déterminant l’efficacité thérapeutique. La molécule associée doit être active sur les bactéries en réplication et prévenir l’émergence de mutants capables de résister à la rifampicine. La perte de la sensibilité à cet excellent antibiotique par un traitement mal conduit peut ainsi être péjorative pour le pronostic d’un traitement d’une infection sur prothèse ostéoarticulaire.


Le corollaire de la réaction bactérienne à la présence d’un implant est la réponse de l’hôte, le patient, à la présence d’un biofilm. Si l’on pensait initialement que le biofilm isolait la population bactérienne des acteurs de l’immunité, on sait maintenant que des leucocytes sont capables de pénétrer le biofilm et de réagir aux déterminants moléculaires bactériens. La réponse des leucocytes peut alors être indifférente ou anti-inflammatoire et ne pas interférer avec le scellement de la prothèse, ou être pro-inflammatoire et induire la différenciation en ostéoclastes des monocytes circulants recrutés vers le site de l’infection provocant le descellement de la prothèse.


Les facteurs permettant d’orienter l’hôte vers la tolérance ou vers le rejet de la prothèse colonisée par le biofilm sont encore largement inconnus, mais la compréhension de ces mécanismes permettrait d’imaginer de nouvelles générations de thérapeutiques « anti-rejet » de la prothèse, visant à rétablir l’équilibre entre le biofilm et l’organisme.



Prise en charge microbiologique des IPTH


L’identification des micro-organismes responsables d’une infection de prothèse totale de hanche est une étape capitale du traitement.


Elle repose sur la mise en culture de prélèvements profonds. C’est un exercice difficile et les meilleurs centres n’obtiendraient une identification bactérienne que dans 70 à 80 % cas [24].


L’identification permet de réaliser un antibiogramme et de déterminer le traitement antibiotique adapté.



Les prélèvements sont réalisés à différents stades du traitement chirurgical


Dans tous les cas, les prélèvements doivent être acheminés au laboratoire en urgence.


Le laboratoire doit assurer immédiatement et en permanence leur sauvegarde. Une procédure écrite, validée et une traçabilité sont donc nécessaires.





Techniques de laboratoire


Tous les prélèvements doivent être étudiés indépendamment les uns des autres et tous les germes isolés dans chaque prélèvement doivent faire l’objet d’une identification et d’un antibiogramme.


On doit reconnaître deux cas distincts : le diagnostic d’une infection aiguë et le diagnostic d’une infection chronique.




Dans l’infection chronique


La culture des micro-organismes est plus difficile. D’une part, les espèces susceptibles d’être rencontrées sont plus « exigeantes », d’autre part le métabolisme des bactéries responsables d’infections chroniques est volontiers ralenti et les cultures doivent être incubées durant des périodes prolongées [7], afin d’avoir plus de chances de parvenir à « réanimer » des micro-organismes très adaptés au milieu périprothétique. En pratique, il faut poursuivre l’incubation des milieux solides pour la culture des bactéries anaérobies et des bactéries « exigeantes » pendant un minimum de 5 j. Certains auteurs préconisent de prolonger l’incubation des milieux liquides d’enrichissement 3 semaines [7]. Cependant, l’extraction des bactéries par broyage mécanique des prélèvements permet de réduire cette incubation à 1 semaine, autorisant un rendu des résultats définitifs en 10 j (Rottman [19], résultats personnels).


Il en résulte que dans les infections chroniques, seuls des laboratoires spécialisés sont capables de mettre en œuvre les techniques microbiologiques complexes nécessaires à la culture des prélèvements périphériques. Elles seules permettent l’obtention d’une sensibilité et d’une spécificité optimales.






Traitement antibiotique des IPTH


L’antibiothérapie est, avec la chirurgie, la base du traitement des prothèses totales de hanche infectées. Son utilisation répond à des critères rigoureux et ne se conçoit que dans une stratégie thérapeutique médicochirurgicale.


Il est fondamental qu’un médecin infectiologue habitué à l’infection ostéoarticulaire soit présent pour choisir les molécules, puis adapter et surveiller le traitement dont les effets secondaires et complications sont fréquents.



Particularités du traitement antibiotique dans les IPTH


L’infection osseuse est mal connue et a fait l’objet de travaux déjà anciens [17].


On en retiendra :


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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 7: Traitement des prothèses totales de hanche infectées: Treatment of infected total hip arthroplasty

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