Chapitre 7 Rhumatologie
Les troubles musculosquelettiques sont fréquents et habituellement de courte durée et de guérison spontanée. En soins primaires, ils font l’objet d’environ une consultation sur cinq. Le diagnostic et le traitement précoces des affections rhumatismales contribuent à réduire l’incidence des douleurs chroniques dans les affections non inflammatoires et permettent, en cas d’arthrite inflammatoire, une orientation précoce vers des soins spécialisés où un meilleur contrôle des symptômes et la prévention des dommages articulaires à long terme seront assurés. La douleur, la raideur et l’enflure sont les symptômes les plus communs de la maladie articulaire ; ils peuvent être limités à une seule articulation ou en affecter plusieurs.
Articulation normale
On distingue trois types d’articulation : celles-ci sont fibreuses, fibrocartilagineuses ou synoviales. Les articulations fibreuses et fibrocartilagineuses comprennent les disques intervertébraux, les articulations sacro-iliaques, la symphyse pubienne et les articulations chondrocostales. Les articulations synoviales sont les articulations à rotules (par exemple la hanche) et les articulations à charnière (interphalangiennes, par exemple). Dans les articulations synoviales, les surfaces articulaires cartilagineuses opposées se déplacent sur l’autre sans douleur, la stabilité est maintenue pendant l’utilisation et la charge est répartie sur toute la surface de l’articulation (fig. 7.1).
Symptômes musculosquelettiques
Une arthralgie décrit des douleurs articulaires alors que l’articulation semble normale à l’examen.
Arthrite est le terme utilisé lorsque les signes d’inflammation (gonflement, déformation ou épanchement) sont évidents.
Chez un patient souffrant de douleur articulaire, il faut d’abord repérer, par l’anamnèse et l’examen, les articulations touchées ; leur distribution est-elle symétrique, axiale ou périphérique ? Les autres points à prendre en compte sont : la présence de raideur matinale (> 30 minutes dans les arthropathies inflammatoires), les facteurs qui aggravent ou soulagent et les antécédents médicaux et familiaux. Le tableau 7.1 énumère, sur la base de l’âge et du sexe, les causes probables de douleurs articulaires.
Les causes d’une monoarthrite d’une grosse articulation comprennent l’arthrose, la goutte, la pseudogoutte, un traumatisme, une arthrite septique. Chez les jeunes adultes, une infection gonococcique disséminée est une cause fréquente de monoarthrite ou d’oligoarthrite aiguë non traumatique. Des causes moins fréquentes sont la polyarthrite rhumatoïde (PR), les spondylarthropathies, l’infection tuberculeuse et des hémarthroses (par exemple dans l’hémophilie ou sous warfarine). Une monoarthrite aiguë requiert des investigations et un traitement d’urgence (voir encadré 7.1). L’examen principal est l’aspiration du liquide synovial avec coloration de Gram, culture bactérienne et analyse des cristaux dans la goutte et la pseudogoutte.
Encadré 7.1 – Urgence Monoarthrite aiguë
Ponction articulaire (par guidage échographique si nécessaire) et analyse du liquide synovial :
‣ Apparence et comptage des globules blancs (GB)
‣ Coloration de Gram (mais peut être négative en cas d’infection bactérienne) et culture
‣ Microscopie en lumière polarisée pour les cristaux (dans la goutte et la pseudogoutte)
Sang : hémogramme complet, vitesse de sédimentation, protéine C réactive, hémocultures
Prélèvement dans l’urètre, le col utérin et l’anus en cas d’infection gonococcique suspecte
Traitement d’une arthrite bactérienne aiguë non gonococcique
‣ Traitement initial en attente des sensibilités : flucloxacilline 1 à 2 g IV toutes les 6 heures (érythromycine ou clindamycine, si allergie à la pénicilline) et acide fusidique oral, 500 mg toutes les 8 heures. Ajouter la gentamicine chez les patients immunodéprimés pour couvrir les bactéries à Gram négatif. Modifier le traitement en fonction des résultats de la culture et de la sensibilité ; poursuivre avec deux antibiotiques pendant 6 semaines (2 semaines initiales, par voie intraveineuse) et un seul antibiotique pendant encore 6 semaines
‣ Drainage articulaire adéquat : par aspiration à l’aiguille, arthroscopie ou drainage chirurgical. Toujours adresser le patient à un chirurgien orthopédiste en cas d’infection d’une prothèse
‣ Immobiliser l’articulation au cours de la phase aiguë, mobiliser tôt pour éviter les contractures
Examens courants en cas de maladie musculosquelettique
Tests sanguins
Autoanticorps
Les autoanticorps peuvent être non spécifiques et trouvés chez des individus normaux (voir « Facteur rhumatoïde » plus loin et tableau 7.9). Un titre élevé (>1 : 160) augmente leur spécificité et ils contribuent au diagnostic en cas de signes cliniques évocateurs de maladie auto-immune. Ils peuvent parfois être utilisés pour le suivi des maladies et fournir des données pronostiques ; par exemple, une PR séropositive est associée à une maladie articulaire érosive et à plus de manifestations extra-articulaires qu’une PR séronégative. Dans cette affection, outre le facteur rhumatoïde, la sérologie comporte le dosage d’anticorps qui réagissent avec un peptide cyclique citrulliné (anti-PCC).
Imagerie
• Radiographies. Elles peuvent montrer des fractures, des déformations, un gonflement des tissus mous, une diminution de la densité osseuse, des zones ostéolytiques et ostéosclérotiques suggestives de métastases, des érosions, un pincement articulaires et la formation d’os nouveau. Les radiographies peuvent être normales au début des arthrites inflammatoires, mais elles sont utilisées plus tard comme bases de comparaison.
• Scintigraphie osseuse(scintigraphie osseuse isotopique). Le traceur est le diphosphonate marqué au technétium 99, qui, après injection intraveineuse, se localise aux sites de remodelage osseux accru et de circulation sanguine. Les « points chauds » ne sont pas spécifiques et sont observés dans l’ostéomyélite, l’arthrite septique, après une chirurgie ou un traumatisme, une tumeur maligne et dans la maladie de Paget. Elle est plus utile lorsqu’elle est associée à d’autres techniques d’imagerie anatomique.
• Echographie. Elle est utile pour l’examen des tissus mous et des altérations périarticulaires, telles qu’un épanchement de la hanche, un kyste de Baker et des tendons enflammés ou endommagés. Elle sert parfois à l’évaluation de la densité osseuse (au niveau du talon) comme procédé de dépistage préalable au DXA (dual-emission X-ray absorptiometry).
• IRM. Elle est particulièrement utile en cas de maladies articulaires et vertébrales. Elle n’est pas indiquée chez les patients se plaignant de lombalgies mécaniques non compliquées.
• DXA. Cette technique mesure la densité minérale osseuse (DMO) pour le diagnostic et le suivi de l’ostéoporose (abordée plus loin).
• Arthroscopie. Elle permet d’une part la visualisation de l’intérieur d’une articulation, en particulier du genou ou de l’épaule, et d’autre part le prélèvement de biopsies. Elle peut aussi convenir pour certains actes chirurgicaux, par exemple réparer ou réséquer des ménisques déchirés ou éliminer des corps flottants.
Analyse du liquide synovial
Une aiguille est insérée dans une articulation pour trois raisons principales : aspirer du liquide synovial pour le diagnostic ou pour soulager la pression ; injecter un corticoïde ou un analgésique local. Les indications les plus courantes pour l’aspiration sont la recherche d’une infection dans une seule articulation enflammée et la confirmation de la goutte et de la pseudogoutte par examen à la lumière polarisée. L’examen du liquide synovial doit porter sur la couleur, la viscosité, le nombre et la nature des cellules, les taux de glucose et de protéines ; il sera mis éventuellement en culture.
Troubles musculosquelettiques régionaux courants
Une arthrite inflammatoire ou l’arthrose provoque des douleurs dans une ou plusieurs articulations. Cette section décrit les troubles régionaux spécifiques. Le diagnostic de la plupart de ces affections est habituellement clinique, et le traitement initial consiste en analgésiques, par exemple paracétamol et AINS. La physiothérapie et des injections locales d’un corticoïde sont utilisées dans certains cas.
Une douleur dans la nuque et les épaules est souvent due à un spasme musculaire. La douleur, unilatérale ou bilatérale, peut irradier vers le haut et l’occiput ; elle est fréquemment associée à des céphalées de tension. Une compression des racines nerveuses par une hernie discale cervicale ou des ostéophytes spondylotiques provoque une douleur cervicale unilatérale irradiant vers les régions interscapulaires et vers l’épaule (voir ci-dessous). Elle est associée à des picotements et des signes neurologiques dans les bras. Une douleur cervicale peut également être causée par une PR, une spondylarthrite ankylosante ou une fibromyalgie (douleurs musculaires chroniques répandues chez les jeunes femmes, souvent sans cause sous-jacente ; associées à des facteurs psychologiques chez certains patients). La pseudopolyarthrite rhizomélique provoque des douleurs et des raideurs dans la ceinture scapulaire.
Une blessure ou une inflammation de la coiffe des rotateurs est l’une des causes les plus courantes de douleur à l’épaule. Les muscles de la coiffe des rotateurs (sus-épineux, sous-épineux, sous-scapulaire, petit rond) sont positionnés autour de l’articulation de l’épaule ; ils stabilisent l’articulation et aident au mouvement. Les tendons musculaires se rejoignent pour former le tendon de la coiffe, qui s’insère sur l’humérus. La tendinite et le syndrome d’impingement (ou de rétrécissement) de la coiffe des rotateurs causent des douleurs scapulaires lors de l’abduction du bras entre 70 et 120°, alors que des déchirures de la coiffe empêchent le mouvement actif dans les premiers 90°. Une capsulite adhésive (épaule « gelée ») provoque de fortes douleurs scapulaires lors de tous les mouvements. Une échographie est le meilleur examen pour différencier ces lésions.
Une douleur au coude est due à une inflammation au site d’insertion du tendon extenseur du poignet dans l’épicondyle latéral (coude du joueur de tennis ou tennis elbow) ou du tendon fléchisseur du poignet sur l’épitrochlée (coude du golfeur). Le site est sensible et la douleur irradie dans l’avant-bras lors de la contraction des muscles concernés.
Affections de la hanche. Une fracture du col fémoral (douleurs à la hanche, généralement après une chute, jambe raccourcie et en rotation externe) ou une nécrose avasculaire de la tête fémorale (forte douleur à la hanche chez un patient à risque) seront suspectées souvent sur la base de l’anamnèse et de l’examen. Une douleur sur le trochanter qui s’amplifie à la montée d’escalier et à l’abduction de la hanche peut être causée par une bursite trochantérienne ou une déchirure du tendon du moyen fessier à son insertion sur le trochanter. L’IRM permet de différencier les deux. Une méralgie paresthésique (compression du nerf cutané latéral de la cuisse) provoque un engourdissement et une sensibilité accrue à un toucher léger de la région antérolatérale de la cuisse. Elle guérit généralement spontanément.
Le genou est fréquemment victime de blessures sportives qui endommagent les ménisques ainsi que les ligaments croisés, et provoquent des saignements (hémarthrose). Le genou est également souvent impliqué dans les arthrites inflammatoires, l’arthrose et la pseudogoutte. Un épanchement provoque un gonflement, de la raideur et de la douleur avec, à l’examen, le « signe du bombement » et le « choc rotulien ». Chez certains patients, l’épanchement forme un kyste (kyste de Baker) dans le creux poplité. Celui-ci peut se rompre, et la fuite de liquide dans les tissus mous du creux poplité et de la partie supérieure du mollet déclenche une brusque et forte douleur avec gonflement et sensibilité au toucher. Cette rupture peut être confondue avec une thrombose veineuse profonde (TVP) ; l’échographie fournit le diagnostic. Les soins comprennent des analgésiques, le repos avec la jambe surélevée, l’aspiration et l’injection de corticoïdes dans l’articulation.
Mal de dos
Douleur lombaire
La douleur lombaire est un symptôme commun dont la plupart des gens souffrent à un certain moment de leur vie. Seuls quelques patients ont une affection grave sous-jacente. Des douleurs dorsales d’origine mécanique sont fréquentes chez les jeunes. Elles se manifestent soudainement, sont souvent unilatérales, et peuvent être soulagées par le repos. Les facettes articulaires, des ligaments ou des muscles spinaux peuvent être en cause. L’anamnèse, l’examen physique et quelques analyses simples suffiront souvent à identifier la minorité de patients chez qui les douleurs dorsales ont une autre origine (tableau 7.2).
Causes | Antécédents et examen | |
---|---|---|
Mécanique | Hernie du disque intervertébral | Souvent début soudain |
Arthrose | La douleur augmente le soir | |
Fractures | La raideur matinale est absente | |
Spondylolisthésis | L’exercice aggrave la douleur | |
Sténose rachidienne | ||
Inflammatoire | Spondylarthrite ankylosante | Début progressif |
Infection (voir ci-dessous) | La douleur s’intensifie le matin | |
L’exercice soulage la douleur | ||
Causes graves | Métastases | Âge < 20 ou > 50 ans |
Myélome multiple | Douleur constante sans soulagement | |
Ostéomyélite tuberculeuse | Antécédents de TB, de VIH, de carcinome, usage de stéroïdes | |
Ostéomyélite bactérienne | Malaise général : fièvre, amaigrissement | |
Sensibilité osseuse localisée | ||
Sténose du canal rachidien et atteinte des racines | Signes bilatéraux dans les jambes | |
Troubles neurologiques impliquant plus d’une racine | ||
Troubles vésicaux, intestinaux et sexuels | ||
Autres | Ostéomalacie, maladie de Paget, irradiation d’une douleur provenant d’une maladie abdominale ou pelvienne |
Le texte en rouge indique les signes d’alerte chez un patient se plaignant de douleur lombaire. L’apparition d’une douleur thoracique est aussi un signe d’alerte.
Le tableau 7.3 reprend les diverses causes de maux de dos en fonction de l’âge. En effet, certaines étiologies sont plus fréquentes dans des groupes d’âge particuliers.
15–30 ans | 30–50 ans | 50 ans et plus |
---|---|---|
Mécanique | Mécanique | Maladie articulaire dégénérative |
Hernie des disques intervertébraux | Hernie des disques intervertébraux | Ostéoporose Maladie de Paget |
Spondylarthrite ankylosante | Maladie articulaire dégénérative | Cancer |
Spondylolisthésis | Cancer | Myélome |
Fractures (tous âges) | ||
Lésions infectieuses (tous âges) |
Examens
Dans de nombreux cas, une anamnèse détaillée et un examen physique (tableau 7.2) suffiront au diagnostic. Les points principaux sont l’âge, la vitesse d’apparition, la présence de symptômes moteurs ou sensoriels, l’implication de la vessie ou de l’intestin, la rigidité et l’effet de l’exercice. Les jeunes adultes ayant des antécédents évocateurs de douleurs dorsales mécaniques et sans signes physiques n’ont pas besoin d’examens complémentaires.
• L’hémogramme, la vitesse de sédimentation et la biochimie sérique (calcium, phosphore, phosphatases alcalines) ne sont requis que lorsque la douleur est susceptible d’être due à une tumeur maligne, une infection ou une cause métabolique. L’antigène prostatique spécifique doit être dosé si l’on suspecte une lésion secondaire à un cancer de la prostate.
• Des radiographies de la colonne sont indiquées uniquement lorsque des signes et symptômes (tableau 7.3) suggèrent qu’il existe des lésions graves sous-jacentes.
• En cas d’infection ou de cancer, la scintigraphie osseuse (voir plus haut) montre une absorption accrue du marqueur.
• L’IRM est indiquée en cas de symptômes et signes neurologiques. Elle est utile pour la détection des lésions des disques et de la moelle épinière. La tomodensitométrie (TDM) convient mieux pour la pathologie osseuse.
Maladie du disque intervertébral
Discopathie aiguë
Un prolapsus du disque intervertébral provoque de violents maux de dos (lumbago), avec ou sans irradiation de la douleur dans les régions innervées par le nerf sciatique (sciatalgie). C’est une maladie de jeunes (20 à 40 ans), car le disque dégénère avec l’âge et n’est plus assez souple pour faire hernie. Chez les patients âgés, une sciatique est en général due à une compression de la racine nerveuse par des ostéophytes dans la région latérale du canal rachidien.
Caractéristiques cliniques
Un violent mal de dos est ressenti brusquement, souvent après une activité physique intense. La douleur est souvent clairement liée à la position et aggravée par le mouvement. En position debout, un spasme musculaire provoque une inclinaison latérale. L’irradiation de la douleur et les manifestations cliniques dépendent du disque en cause (tableau 7.4), les trois disques inférieurs étant les plus fréquemment touchés.
Discopathie chronique
La douleur chronique au bas du dos est liée à des altérations « Dégénératives » des disques et des facettes articulaires des vertèbres lombaires inférieures. La douleur est généralement de type mécanique (voir ci-dessus) et, en raison de son irradiation sciatique, elle peut être ressentie dans les fesses et dans la région postérieure des cuisses. Habituellement, la douleur est de longue durée et les perspectives de guérison sont limitées. Cependant, des mesures utiles sont la prise d’AINS, la physiothérapie et la réduction de poids. La chirurgie peut être envisagée lorsque la douleur provient d’un seul niveau identifiable et a résisté au traitement conservateur ; une fusion vertébrale avec décompression des racines nerveuses touchées peut procurer un soulagement.
Troubles mécaniques
Spondylolisthésis
Le spondylolisthésis est un glissement en avant de la vertèbre située en dessous d’elle, survenant le plus souvent en L4–L5. Il se produit en raison d’un défaut dans l’isthme de la vertèbre, et peut être congénital ou acquis (traumatisme par exemple). L’affection est associée à des douleurs mécaniques qui s’aggravent au cours de la journée. La douleur peut irradier vers l’une ou l’autre jambe et il peut y avoir être des signes d’irritation des racines nerveuses. Un léger spondylolisthésis, souvent associé à une maladie dégénérative de la colonne lombaire, peut être traité de façon conservatrice simplement avec des analgésiques. Un spondylolisthésis important, provoquant des symptômes graves, doit être traité par fusion vertébrale.
Sténose du canal rachidien
Un rétrécissement de la partie inférieure du canal rachidien comprime la queue de cheval, ce qui entraîne des douleurs dans le dos et les fesses, qui surviennent généralement après une période de marche et s’améliorent avec le repos. C’est la raison pour laquelle on parle parfois de claudication spinale. Les causes sont notamment une hernie discale, des ostéophytes, une tumeur et un rétrécissement congénital du canal rachidien. La TDM et l’IRM montrent une compression de la moelle ; le traitement est la décompression chirurgicale.
Douleur cervicale
Une discopathie, aiguë ou chronique, cette dernière associée à de l’arthrose, peut se développer à hauteur du cou comme elle le fait dans la colonne lombaire. Les trois disques cervicaux inférieurs sont plus souvent touchés. La nuque est raide et douloureuse, la douleur d’irritation radiculaire irradiant ou non dans le bras. Une discopathie cervicale chronique est appelée spondylose cervicale.
Arthrose
L’arthrose est une maladie des articulations synoviales (fig. 7.1) est la forme la plus courante d’arthrite.
Pathologie et pathogénie
Plusieurs mécanismes ont été proposés pour la pathogénie.
• Des métalloprotéases, par exemple la stromélysine et la collagénase, sécrétées par les chondrocytes, dégradent le collagène et les protéoglycanes.
• L’interleukine (IL)-1 et le facteur de nécrose tumorale (TNF)-α stimulent la production de métalloprotéases et inhibent la production de collagène.
• Une insuffisance de facteurs de croissance tels que l’IGF (insulin-like growth factor) et le TGF (transforming growth factor) altère la réparation de la matrice.
• La susceptibilité génétique (influence de 35 à 65 %) dépend de plusieurs gènes plutôt que d’un seul. Des mutations dans le gène du collagène de type II ont été associées à l’arthrose polyarticulaire précoce.
Caractéristiques cliniques
La douleur articulaire est le principal symptôme ; elle est aggravée par le mouvement et soulagée par le repos. La rigidité est ressentie surtout après le repos et, contrairement à l’arthrite inflammatoire, la raideur matinale n’est que transitoire (< 30 minutes). Les articulations les plus fréquemment impliquées sont les articulations interphalangiennes distales (AIPD) et la première articulation carpométacarpienne des mains, la première articulation métatarsophalangienne des pieds et les articulations supportant le poids du corps : vertèbres, hanches et genoux. Les coudes, les poignets et les chevilles sont rarement touchés. À l’examen, on constate une déformation osseuse et l’élargissement des articulations, une limitation de la motilité articulaire et une fonte des groupes musculaires entourant l’articulation. Des crépitations (grincements) sont souvent perçues ; elles sont probablement dues aux irrégularités de la surface normalement lisse des articulations. Il peut y avoir un épanchement articulaire. Les nodosités d’Heberden sont des gonflements osseux aux AIPD. Les nodosités de Bouchard sont semblables, mais se développent aux AIP proximales (fig. 7.2).
Examens
• Les résultats de l’hémogramme et de la VS sont normaux. Le facteur rhumatoïde est négatif, mais des titres faiblement positifs peuvent être observés chez les personnes âgées.
• Les radiographies ne sont anormales que dans la maladie avancée et montrent un rétrécissement de l’espace articulaire (résultant de la perte de cartilage), des ostéophytes, une sclérose sous-chondrale et la formation de kystes.
• L’IRM montre les changements précoces du cartilage. Elle n’est pas nécessaire pour la plupart des patients présentant des symptômes suggestifs et des lésions typiques à la radiographie.
Soins
• Les mesures physiques sont la clé de voûte du traitement de l’arthrose. La musculation et les exercices aérobiques renforcent les muscles voisins, améliorent la mobilité des articulations portantes ainsi que la capacité aérobique générale. La chaleur locale ou la glace appliquée sur l’articulation peut aider. Un appareil orthopédique, une orthèse articulaire, des semelles orthopédiques pour contrer l’instabilité articulaire et des chaussures amortissantes en cas d’arthrose des membres inférieurs sont également utilisés. Une canne peut s’avérer utile ; l’appui doit se faire du côté controlatéral du membre inférieur touché. L’acupuncture soulage l’arthrose du genou.
• Médication. Le paracétamol est le médicament initial de choix pour soulager la douleur, avec l’ajout d’un opioïde faible, par exemple la dihydrocodéine, si nécessaire. On peut recourir à un AINS, par exemple l’ibuprofène ou un coxib chez les patients qui ne répondent pas à l’analgésie simple, mais il devrait être pris en cures de courte durée plutôt que de manière continue. Les AINS peuvent également être administrés par voie topique. Les injections intra-articulaires de corticoïdes soulagent provisoirement en cas d’épanchement douloureux ; les corticoïdes systémiques ne sont pas utilisés.
• Chirurgie. Le remplacement total de la hanche ou du genou a transformé le traitement de l’arthrose grave. Il réduit la douleur et la raideur et améliore la fonction et la mobilité. Les taux de complications, à savoir un descellement ou une infection tardive de l’os (la plus grave), sont rares.
Arthrite inflammatoire
L’arthrite inflammatoire comprend un grand nombre de syndromes arthritiques dont la caractéristique prédominante est une inflammation synoviale. La douleur s’accompagne de raideur articulaire après le repos. La raideur matinale peut durer plusieurs heures (voir « Arthrose »). Les tests sanguins montrent souvent une anémie normochrome normocytaire et des marqueurs inflammatoires élevés (VS et CRP).
Polyarthrite rhumatoïde
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie chronique auto-immune systémique affectant les articulations de manière symétrique.
Étiologie et pathogénie
Des facteurs génétiques et environnementaux jouent un rôle étiologique.
• Sexe. Les femmes sont touchées trois fois plus souvent que les hommes, avec une incidence égale après la ménopause, ce qui suggère que les hormones sexuelles sont en cause.
• Liens familiaux. L’incidence est plus élevée chez les personnes qui ont des antécédents familiaux de PR.
• Marqueurs génétiques. Les HLA-DR4 et HLA-DRB1* 0404/0401 (HLA, human leucocyte antigen) prédisposent à la polyarthrite rhumatoïde et à des formes plus graves, notamment plus érosives. Une association a également été trouvée avec les gènes de PTPN22 (protein tyrosine phosphatase N22), de STAT4 et de PADI-4 (peptidyl arginine deiminase, type IV).
Caractéristiques cliniques
Typiquement, la maladie commence de manière insidieuse par l’inflammation de petites articulations des mains et des pieds. Elle se manifeste par de la douleur, de la raideur matinale (persistant plus de 30 minutes) et des enflures. Les doigts prennent la forme de fuseaux en raison des gonflements des AIPP, alors que les distales sont préservées. L’inflammation peut s’étendre aux articulations métacarpophalangiennes et du poignet. Avec l’aggravation de la maladie, les capsules articulaires s’affaiblissent, ce qui entraîne une instabilité articulaire, une subluxation (dislocation partielle) et des difformités. La figure 7.3 illustre les altérations caractéristiques de la main rhumatoïde. Chez la plupart des patients, de nombreuses articulations finissent par être atteintes : poignets, coudes, épaules, colonne cervicale, genoux, chevilles et pieds, mais la colonne dorsale et lombaire est préservée. Les épanchements articulaires et l’atrophie musculaire autour des articulations touchées sont des signes précoces. Un tableau clinique moins courant est l’apparition soudaine d’une arthrite généralisée, palindromique (monoarthrite de grosses articulations alternant rémissions et rechutes), ou celui d’une maladie systémique avec, au début, peu de symptômes articulaires.
Figure 7.3 Déformations caractéristiques des mains dans la polyarthrite rhumatoïde.
IPP : articulations interphalangiennes proximales ; MCP : articulations métacarpophalangiennes.
Manifestations non articulaires
Le tableau 7.5 énumère les autres manifestations non articulaires. Les patients atteints de PR ont aussi un risque accru d’infection et d’ostéoporose. L’inflammation chronique et les lésions endothéliales associées à la PR contribuent à accélérer l’athérosclérose, qui est en partie responsable du taux de mortalité plus élevé en cas de PR grave.
Systémiques | Fièvre |
Fatigue | |
Amaigrissement | |
Oculaires | Syndrome de Sjögren |
Sclérite | |
Scléromalacie perforante (perforation oculaire) | |
Neurologiques | Syndrome du canal carpien |
Subluxation atlantoaxiale | |
Compression de la moelle | |
Polyneuropathie, principalement sensorielle | |
Polynévrite | |
Hématologiques | Lymphadénopathie |
Syndrome de Felty (polyarthrite rhumatoïde, splénomégalie, neutropénie) | |
Anémie (maladie chronique, saignements gastro-intestinaux induits par les AINS, hémolyse, hypersplénisme) | |
Thrombocytose | |
Pulmonaires | Epanchement pleural |
Fibrose pulmonaire | |
Nodules rhumatoïdes | |
Pneumoconiose rhumatoïde (syndrome de Caplan) | |
Bronchiolite oblitérante | |
Cœur et vaisseaux périphériques | Péricardite (rarement apparente cliniquement) |
Épanchement péricardique | |
Syndrome de Raynaud | |
Rénales | Amylose (rare) |
Néphropathie due aux analgésiques | |
Vasculite | Ulcères de jambe |
Taches rouges autour des ongles | |
Gangrène des doigts et des orteils |
AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien.
Examens
• Hémogramme. Il révèle habituellement une anémie normochrome, normocytaire et une thrombocytose. La VS et la CRP sont élevées en fonction de l’intensité du processus inflammatoire.
• Autoanticorps sériques. Les anti-CCP (voir plus haut) ont de hautes spécificité (90 %) et sensibilité (80 %) pour la PR et sont particulièrement utiles pour la distinction entre une PR précoce et d’une synovite transitoire aiguë. Le facteur rhumatoïde (voir ci-dessus) est positif dans 70 % des cas ; les anticorps antinucléaires sont présents en titre faible dans 30 % des cas. Le facteur rhumatoïde n’est pas spécifique de la PR et peut être produit dans d’autres connectivites et dans certaines infections.
• Les radiographies des articulations touchées montrent, au début de la maladie, un gonflement des tissus mous et, plus tard, un pincement articulaire, des érosions aux marges articulaires, de l’ostéoporose périarticulaire et des kystes.
• Dans la maladie non compliquée, le liquide synovial est stérile, mais contient de nombreux neutrophiles. Dans une articulation soudainement douloureuse, il faut suspecter une arthrite septique et demander les examens appropriés (voir plus loin).
Soins
Les AINS et les coxibs soulagent la douleur et la raideur articulaires de la PR, mais ils ne ralentissent pas la progression de la maladie. La réponse individuelle aux AINS varie considérablement, et il est raisonnable d’essayer plusieurs médicaments chez un patient, en particulier pour trouver le plus adapté. Une préparation à libération lente (par exemple le diclofénac à libération lente) prise le soir peut considérablement soulager les symptômes du jour suivant. Le paracétamol, avec ou sans codéine ou dihydrocodéine, peut être ajouté pour atténuer davantage la douleur.
Les corticoïdes suppriment l’activité de la maladie, mais la dose requise est souvent importante, avec le risque considérable de toxicité à long terme. Les corticoïdes oraux sont utilisés au début de la maladie (des cures intensives, mais brèves) et chez certains patients atteints de graves manifestations non articulaires, par exemple une vasculite. Une injection locale d’un corticoïde à longue durée d’action dans une articulation particulièrement gênante (voir ci-dessous) soulage la douleur, atténue la synovite et réduit l’épanchement, mais la répétition des injections est évitée, car elle peut accélérer les lésions articulaires. La méthylprednisolone en dépôt intramusculaire contribue au contrôle des graves poussées de la maladie.
Les antirhumatismaux modificateurs de la maladie (ARMM) agissent principalement par inhibition de cytokines inflammatoires et sont utilisés durant 6 semaines à 6 mois au début de la maladie pour réduire l’inflammation, et donc ralentir le développement de l’érosion et des lésions irréversibles, et diminuer le risque cardiovasculaire. La sulfasalazine est indiquée chez les patients dont la maladie est légère à modérée ; pour beaucoup, il est le médicament de choix, en particulier chez les jeunes patients et chez les femmes qui planifient une grossesse. Le méthotrexate est le médicament de choix pour les patients atteints d’une maladie plus active. Il est contre-indiqué pendant la grossesse (tératogène) et même durant 3 mois avant la conception, que ce soit la future mère ou le futur père qui soit atteint. Le léflunomide bloque la prolifération des lymphocytes T. Le taux de réponse initiale est similaire à celui de la sulfasalazine, mais l’amélioration continue plus longtemps ; elle peut atteindre 2 ans. Il est utilisé seul ou en association avec le méthotrexate. Tous ces médicaments peuvent avoir des effets secondaires graves (tableau 7.6) ; afin de les détecter à temps, il faut effectuer régulièrement des tests sanguins. L’azathioprine, l’or (intramusculaire ou oral), l’hydroxychloroquine et la pénicillamine sont d’usage moins répandu.
Médicaments | Effets secondaires |
---|---|
Sulfasalazine | Ulcères buccaux |
Hépatite | |
Stérilité masculine (réversible) | |
Méthotrexate | Ulcères buccaux et diarrhée |
Fibrose hépatique | |
Fibrose pulmonaire | |
Insuffisance rénale | |
Léflunomide | Diarrhée |
Hypertension | |
Hépatite | |
Alopécie | |
Antagonistes du TNF-α | Réactions à la perfusion (infliximab) |
Infections (par exemple tuberculose et septicémie) | |
Maladie démyélinisante | |
Insuffisance cardiaque | |
Syndrome de type lupique | |
Syndromes auto-immuns |
Tous peuvent provoquer une suppression médullaire avec neutropénie, thrombopénie et anémie. Un contrôle régulier de l’hémogramme est indiqué ainsi que d’autres tests spécifiques. Des éruptions et des nausées sont des effets secondaires supplémentaires de la plupart de ces médicaments.
Les ARMM biologiques actuellement disponibles agissent par les mécanismes suivants.
• Les inhibiteurs du TNF-α (étanercept, infliximab, adalimumab, certolizumab, golimumab) diffèrent par leur mécanisme d’action ainsi que par la fréquence et le mode d’administration. Par exemple, l’infliximab est un anticorps chimérique (homme/souris) anti-TNF-α administré par voie intraveineuse toutes les 8 semaines après une cure d’induction. L’étanercept est une protéine de fusion soluble composée du récepteur du TNF-α et d’un fragment Fc d’IgG humaine ; le patient peut se l’injecter lui-même par voie sous-cutanée, une ou deux fois par semaine.
• L’anakinra bloque le récepteur de l’IL-1.
• Le rituximab entraîne la lyse des lymphocytes B.
• Le tocilizumab est un anticorps dirigé contre le récepteur de l’interleukine-6.