Chapitre 7
Réponses immunitaires humorales
Activation des lymphocytes B et production d’anticorps
Phases et types de réponses de l’immunité humorale
Stimulation des lymphocytes B par un antigène
Signalisation induite par les antigènes dans les cellules B
Rôle des protéines du complément et d’autres signaux immunitaires innés dans l’activation des cellules B
Conséquences fonctionnelles de l’activation des lymphocytes B par un antigène
Fonctions des lymphocytes T auxiliaires dans les réponses immunitaires humorales dirigées contre des antigènes protéiques
Activation et migration des lymphocytes T auxiliaires
Présentation des antigènes par les lymphocytes B aux lymphocytes T auxiliaires
Mécanismes de l’activation des lymphocytes B par les lymphocytes T auxiliaires
Réactions extrafolliculaires et centre germinatif
Commutation isotypique (de classe) des chaînes lourdes
Réponses à anticorps contre les antigènes T-indépendants
Régulation des réponses immunitaires humorales : rétroaction des anticorps
Les anticorps assurent l’immunité humorale qui constitue la branche du système immunitaire adaptatif dont la fonction est de neutraliser et d’éliminer les microbes extracellulaires et les toxines microbiennes. L’immunité humorale constitue aussi le principal mécanisme de défense contre les microbes avec une capsule riche en polysaccharides et en lipides. En effet, les lymphocytes B répondent en produisant des anticorps spécifiques contre de nombreux types de molécules extracellulaires et de la surface cellulaire, que ce soit des polysaccharides, des lipides, des acides nucléiques ou des protéines, tandis que les lymphocytes T, les agents de l’immunité cellulaire, ne reconnaissent et ne répondent qu’aux antigènes protéiques qui ont été internalisés ou synthétisés dans les cellules. Les anticorps sont produits par les lymphocytes B et leur descendance. Les lymphocytes B naïfs reconnaissent les antigènes, mais ne sécrètent pas d’anticorps. Il faut d’abord les activer afin d’induire leur différenciation en cellules effectrices sécrétant des anticorps.
Comment les lymphocytes B naïfs exprimant des récepteurs sont-ils activés et convertis en cellules sécrétant des anticorps ?
Comment le processus d’activation des lymphocytes B est-il régulé de telle sorte que les types d’anticorps les plus utiles soient produits en réponse aux différents types de microbes ?
Le chapitre 8 décrit comment les anticorps produits au cours des réponses de l’immunité humorale agissent pour défendre les individus contre les microbes et les toxines.
Phases et types de réponses de l’immunité humorale
Les lymphocytes B naïfs expriment deux classes d’anticorps liés à la membrane, les immunoglobulines M et D (IgM et IgD), qui servent de récepteurs d’antigène. Ces lymphocytes B naïfs sont activés par les antigènes qui se lient aux Ig de la membrane et par d’autres signaux qui seront décrits plus loin dans ce chapitre. L’activation des lymphocytes B entraîne la prolifération de cellules spécifiques de l’antigène, appelée expansion clonale, ainsi que leur différenciation en cellules effectrices, les plasmocytes, qui sécrètent activement des anticorps et sont donc les cellules effectrices de l’immunité humorale (fig. 7.1). Les anticorps sécrétés en réponse à un antigène microbien ont la même spécificité que les récepteurs membranaires des lymphocytes B naïfs qui ont reconnu l’antigène déclencheur de la réponse. Une cellule B activée peut générer jusqu’à 4 000 plasmocytes, qui peuvent produire jusqu’à 1012 molécules d’anticorps par jour. De cette manière, l’immunité humorale peut se développer en parallèle avec la prolifération rapide des microbes. Au cours de leur différenciation, certains lymphocytes B peuvent commencer à produire des anticorps présentant différentes classes de chaînes lourdes (ou isotypes), qui assurent différentes fonctions effectrices et sont spécialisées dans la lutte contre divers types de microbes. On appelle ce processus commutation de classes des chaînes lourdes (ou commutation isotypique). L’exposition répétée à un antigène protéique entraîne la production d’anticorps avec une affinité croissante pour l’antigène. Ce processus est appelé maturation d’affinité et il conduit à la production d’anticorps dotés d’une meilleure capacité à lier et à neutraliser les microbes et leurs toxines.
Fig. 7.1 Phases des réponses immunitaires humorales.
Les lymphocytes B naïfs reconnaissent les antigènes et, sous l’influence des lymphocytes T auxiliaires et d’autres stimulus (non représentés), ils prolifèrent (expansion clonale) et se différencient en cellules effectrices sécrétant des anticorps. Certains lymphocytes B activés subissent une commutation isotypique et une maturation d’affinité, tandis que d’autres deviennent des cellules mémoire à longue durée de vie.
Les réponses humorales dirigées contre différents antigènes sont classées en T-dépendantes ou T-indépendantes selon qu’elles nécessitent ou non la collaboration des lymphocytes T. Les lymphocytes B reconnaissent et sont activés par une grande variété d’antigènes chimiquement distincts : des protéines, des polysaccharides, des lipides, des acides nucléiques et de petites molécules chimiques. Les antigènes protéiques sont apprêtés dans les cellules présentatrices d’antigènes et sont reconnus par les lymphocytes T auxiliaires. Ceux-ci jouent un rôle important dans l’activation des lymphocytes B et sont de puissants inducteurs de commutation isotypique et de maturation d’affinité. On les a qualifiés d’auxiliaires (helper) lorsqu’on a découvert leur contribution à la production d’anticorps par les lymphocytes B. Sans l’aide des lymphocytes T, les antigènes protéiques déclenchent peu ou pas de réponses humorales. Par conséquent, les antigènes protéiques, ainsi que les anticorps qu’ils induisent, sont dits « T-dépendants ». Les polysaccharides, les lipides et les autres antigènes non protéiques stimulent la production d’anticorps sans la participation des lymphocytes T auxiliaires. Par conséquent, ces antigènes non protéiques, et les anticorps dirigés contre eux, sont qualifiés de « T-indépendants ». Les anticorps produits en réponse à des antigènes T-indépendants subissent relativement peu de commutation isotypique et de maturation d’affinité. Ainsi, les réponses humorales les plus sophistiquées et efficaces sont induites sous l’influence de cellulesT auxiliaires, tandis que les réponses T-indépendantes sont relativement simples.
Différentes sous-populations de lymphocytes B répondent préférentiellement aux antigènes protéiques ou aux antigènes non protéiques (fig. 7.2). La majorité de lymphocytes B sont dits B folliculaires car ils résident et circulent dans les follicules des organes lymphoïdes (voir chapitre 1). Ces lymphocytes B folliculaires produisent de manière T-dépendante la plus grande partie des anticorps antiprotéiques, dotés d’une forte affinité et pouvant changer de classes ; ce sont eux qui se différencient en plasmocytes à longue durée de vie. Les lymphocytes B de la zone marginale, qu’on trouve dans les zones périphériques de la pulpe blanche splénique, répondent aux antigènes polysaccharidiques provenant du sang. Quant aux lymphocytes B dits B-1, ils répondent aux antigènes non protéiques dans les muqueuses et le péritoine. Les lymphocytes B de la zone marginale et les lymphocytes B-1 expriment des récepteurs d’antigène de diversité limitée et produisent surtout des IgM ; ces réponses diffèrent nettement des réponses antiprotéiques T-dépendantes.
Fig. 7.2 Sous-populations de cellules B.
Les lymphocytes B folliculaires répondent de manière T-dépendante aux antigènes protéiques, alors que les lymphocytes B de la zone marginale et les cellules B-1 assurent la majeure partie de la production T-indépendante d’anticorps. Chez la souris, on a montré que les lymphocytes B-1 apparaissent plus tôt au cours du développement à partir de progéniteurs présents dans le foie fœtal, alors que les cellules B folliculaires et de la zone marginale arrivent plus tard et à partir de précurseurs de la moelle osseuse. Notez que les différences dans le type de réponse ne sont pas absolues ; des cellules B folliculaires peuvent répondre de manière T-indépendante et les cellules B de la zone marginale B peuvent parfois répondre de manière T-dépendante.
Ig, immunoglobulines.
La production d’anticorps lors du premier contact et lors des contacts ultérieurs avec l’antigène, appelée respectivement réponse primaire et réponse secondaire, diffère quantitativement et qualitativement (fig. 7.3). Les quantités d’anticorps produites après la première rencontre avec un antigène (réponses primaires) sont inférieures aux quantités d’anticorps produites après une immunisation répétée (réponses secondaires). Pour les antigènes protéiques, les réponses secondaires montrent également une amplification de la commutation isotypique et de la maturation d’affinité, car la stimulation répétée par un antigène entraîne une augmentation du nombre et de l’activité des lymphocytes T auxiliaires.
Fig. 7.3 Caractéristiques des réponses humorales primaire et secondaire.
Les réponses humorales, primaire et secondaire, diffèrent par divers aspects, illustrés schématiquement dans A et résumés dans B. Lors d’une réponse primaire, les lymphocytes B naïfs dans les tissus lymphoïdes périphériques sont activés afin de proliférer et de se différencier en lymphocytes sécrétant des anticorps (plasmocytes) et en lymphocytes mémoire. Certains plasmocytes peuvent migrer et survivre dans la moelle osseuse pendant de longues périodes. Lors d’une réponse secondaire, les lymphocytes B mémoire sont activés afin de produire de grandes quantités d’anticorps, souvent avec davantage de commutation isotypique et de maturation d’affinité. Un grand nombre des caractéristiques des réponses secondaires (commutation isotypique et maturation d’affinité) sont observées principalement dans les réponses dirigées contre les antigènes protéiques, dans la mesure où ces changements affectant les lymphocytes B sont stimulés par les lymphocytes T auxiliaires, et où seules des protéines peuvent activer les lymphocytes T. La cinétique des réponses peut varier selon les différents antigènes et les différents types d’immunisation.
Ig, immunoglobulines.
Stimulation des lymphocytes B par un antigène
Des réponses immunitaires humorales sont induites lorsque, les lymphocytes B spécifiques d’un antigène se trouvant dans les follicules lymphoïdes de la rate, des ganglions lymphatiques et des tissus lymphoïdes des muqueuses reconnaissent des antigènes. Certains antigènes dans les tissus ou le sang sont transportés et concentrés dans les follicules riches en lymphocytes B et dans les zones marginales des organes lymphoïdes périphériques. Dans les ganglions lymphatiques, les macrophages qui bordent le sinus sous-capsulaire peuvent capter les antigènes et les présenter aux cellules B dans les follicules adjacents. Les lymphocytes B spécifiques d’un antigène utilisent les immunoglobulines (Ig) membranaires qui leur servent de récepteurs pour reconnaître l’antigène dans sa conformation native, c’est-à-dire sans nécessité d’apprêtement. Les lymphocytes B sont capables de reconnaître l’antigène natif (non apprêté), si bien que les anticorps qui sont ensuite sécrétés (ils ont la même spécificité que les récepteurs d’antigène des cellules B) sont en mesure de se lier au microbe ou au produit microbien dans leur état natif.
La reconnaissance de l’antigène déclenche des voies de signalisation qui activent des lymphocytes B. Comme pour les lymphocytes T, l’activation d’un lymphocyte B requiert des signaux supplémentaires à celui qui provient de l’interaction avec l’antigène. La plupart de ces signaux sont produits au cours des réactions immunitaires innées antimicrobiennes. Dans la prochaine section, nous décrivons les mécanismes biochimiques de l’activation des lymphocytes B et ensuite les conséquences fonctionnelles de la reconnaissance de l’antigène.
Signalisation induite par les antigènes dans les cellules B
L’antigène induit le regroupement des récepteurs Ig membranaires, ce qui déclenche des signaux biochimiques qui sont transmis (transduits) par des molécules de signalisation cytoplasmiques associées à ces récepteurs (fig. 7.4). Le processus d’activation des lymphocytes B est similaire, dans son principe, à celui de l’activation des lymphocytes T (voir chapitre 5, fig. 5.9). Dans les lymphocytes B, la transduction des signaux assurée par le récepteur Ig nécessite le pontage d’au moins deux molécules de récepteurs. Le pontage survient lorsqu’au moins deux molécules d’antigènes dans un agrégat, ou des épitopes répétés au sein d’une molécule antigénique, se lient à des molécules d’Ig adjacentes dans la membrane de la cellule B. Les polysaccharides, les lipides et les autres antigènes non protéiques contiennent souvent plusieurs épitopes identiques par molécule et sont par conséquent capables de se lier en même temps à plusieurs récepteurs Ig sur un lymphocyte B. Même les antigènes protéiques peuvent être exprimés sous forme d’un ensemble à la surface des microbes et sont donc capables d’interconnecter les multiples récepteurs d’antigènes d’une cellule B.
Fig. 7.4 Transduction des signaux produits par le récepteur d’antigène des lymphocytes B.
Le pontage des Ig membranaires des lymphocytes B par l’antigène déclenche des signaux biochimiques qui sont transmis par les protéines Igα et Igβ associées aux Ig. Ces signaux induisent une phosphorylation des tyrosines, l’activation de différents intermédiaires biochimiques et d’enzymes et l’activation de facteurs de transcription. Des événements de signalisation comparables sont observés dans les lymphocytes T après la reconnaissance de l’antigène. Notez qu’une signalisation maximale nécessite le pontage par les antigènes d’au moins deux récepteurs Ig, mais seul un récepteur unique est représenté ici pour plus de simplicité.
AP-1, activating protein 1 ; GDP, guanosine diphosphate ; GTP, guanosine triphosphate ; ITAM, immunoreceptor tyrosine-based activation motif ; NFAT, nuclear factor of activated T-cells ; NF-κB, nuclear factor κB ; PKC, protéine kinase C ; PLCγ, phospholipase Cγ.
Les signaux induits par le pontage des récepteurs d’antigène sont transduits par des protéines associées aux récepteurs. Les IgM et les IgD membranaires, les récepteurs d’antigène des lymphocytes B naïfs, sont des anticorps ; leurs régions extracellulaires liant l’antigène sont donc très variables. Cependant, ces récepteurs membranaires ont des queues cytoplasmiques courtes. Aussi, quand ils reconnaissent un antigène, ils sont incapables de transmettre eux-mêmes les signaux. Les récepteurs sont liés de manière non covalente à deux protéines, dénommées Igα et Igβ, l’ensemble formant ainsi le complexe du récepteur des cellules B (BCR), analogue au complexe du récepteur des cellules T (TCR) sur les lymphocytes T. Les domaines cytoplasmiques des protéines Igα et Igβ contiennent des motifs d’activation conservés à base de tyrosine (ITAM, immunoreceptor tyrosine-based activation motifs), qui se retrouvent dans les sous-unités de signalisation de nombreux autres récepteurs activateurs du système immunitaire (par exemple, les protéines CD3 et ζ du complexe du TCR ; voir chapitre 5). Lorsqu’au moins deux récepteurs d’antigène d’un lymphocyte B sont regroupés, les tyrosines des motifs ITAM d’Igα et d’Igβ sont phosphorylées par des kinases associées au complexe BCR. Ces tyrosines phosphorylées recrutent la tyrosine kinase Syk (qui équivaut à ZAP-70 dans les cellules T, voir chapitre 5) ; après son activation, celle-ci à son tour phosphoryle les résidus tyrosine de protéines adaptatrices qui recrutent en aval diverses molécules de signalisation.
Il résulte de cette signalisation induite par les récepteurs des lymphocytes B une activation de facteurs de transcription qui déclenchent l’expression de gènes codant les protéines impliquées dans la prolifération et la différenciation des lymphocytes B. Les principales de ces protéines sont décrites ci-après.
Rôle des protéines du complément et d’autres signaux immunitaires innés dans l’activation des cellules B
Les lymphocytes B expriment un récepteur pour une protéine du système du complément ; l’interaction induit des signaux d’activation dans ces cellules (fig. 7.5). Le système du complément (qui a été introduit au chapitre 2) est un ensemble de protéines plasmatiques qui sont activées par les microbes et par les anticorps fixés à ces microbes et contribuent aux mécanismes effecteurs de défense (voir chapitre 8). Lorsque le système du complément est activé par un microbe, celui-ci est recouvert par des fragments protéolytiques de la protéine du complément la plus abondante, C3. L’un de ces fragments est nommé C3d. Les lymphocytes B expriment le récepteur CR2 (complement receptor type 2, appelé aussi CD21) qui lie C3d. Les lymphocytes B spécifiques des antigènes microbiens reconnaissent l’antigène par leurs récepteurs Ig et reconnaissent simultanément, par le récepteur CR2, C3d lié au microbe. L’engagement de CR2 stimule fortement l’activation des lymphocytes B par l’antigène. Ce rôle du complément dans les réponses immunitaires humorales illustre à nouveau une idée déjà mentionnée selon laquelle les microbes ou les réponses immunitaires innées dirigées contre les microbes fournissent des signaux complémentaires à l’antigène qui sont nécessaires à l’activation lymphocytaire. Dans l’immunité humorale, l’activation du complément représente une voie par laquelle l’immunité innée facilite l’activation les lymphocytes B ; elle ressemble donc en principe au rôle des costimulateurs des APC pour les lymphocytes T.
Fig. 7.5 Rôle de la protéine C3d du complément dans l’activation des lymphocytes B.
L’activation du complément par les microbes conduit à la liaison d’un produit de protéolyse du complément, C3d, aux microbes. Le lymphocyte B reconnaît simultanément un antigène microbien (par le récepteur Ig) et se lie à C3d (par le récepteur CR2). Le récepteur CR2 est fixé à un complexe de protéines (CD19, CD81) qui transmet des signaux d’activation dans le lymphocyte B.
Les produits microbiens influencent également directement l’activation des lymphocytes B, car ceux-ci, comme les cellules dendritiques et les leucocytes, expriment de nombreux récepteurs de type Toll (TLR) (voir chapitre 2). L’engagement des TLR sur les cellules B par les produits microbiens déclenche des signaux d’activation qui agissent de concert avec les signaux provenant du récepteur d’antigène (et de C3d). Cette combinaison de signaux dans la cellule B a des conséquences optimales sur la prolifération optimale, la différenciation et la sécrétion d’Ig ; elle favorise ainsi les réponses humorales antimicrobiennes.
Conséquences fonctionnelles de l’activation des lymphocytes B par un antigène
Les conséquences de l’activation des lymphocytes B par l’antigène (et les autres signaux) sont le déclenchement de leur prolifération et leur différenciation, ainsi que leur préparation à interagir avec les lymphocytes T auxiliaires (si l’antigène est une protéine) (fig. 7.6). Les lymphocytes B activés entrent dans le cycle cellulaire et commencent à proliférer. Les lymphocytes peuvent également commencer à synthétiser plus d’IgM et à produire certaines de ces IgM sous forme sécrétée. Ainsi, la stimulation par l’antigène induit la phase précoce de la réponse immunitaire humorale. Cette réponse est maximale lorsque l’antigène est multivalent, qu’il connecte plusieurs récepteurs d’antigène et qu’il active fortement le complément. Toutes ces conditions sont généralement réunies avec les polysaccharides et les autres antigènes T-indépendants (ces différents points sont discutés plus loin). La plupart des antigènes protéiques solubles contiennent peu d’épitopes identiques et ne sont donc pas capables de former des ponts entre plusieurs récepteurs sur les lymphocytes B ; seuls, ils n’induisent que faiblement la prolifération et la différenciation des cellules B. Cependant, ils peuvent induire, dans les lymphocytes B, des signaux qui provoquent d’importants changements ; ils augmentent la capacité de ces cellules à interagir avec les lymphocytes T auxiliaires.
Fig. 7.6 Conséquences fonctionnelles de l’activation du lymphocyte B par les Ig.
Les lymphocytes B activés par l’antigène dans les organes lymphoïdes prolifèrent et sécrètent de l’IgM. Cette activation « prépare » le lymphocyte B à activer les lymphocytes T auxiliaires et à répondre à l’aide de ceux-ci en les rejoignant dans les zones des organes lymphoïdes où ils sont abondants.
Les lymphocytes B activés endocytent l’antigène protéique qui se lie de manière spécifique au récepteur de cellule B, ils le dégradent et présentent des peptides sous une forme qui peut être reconnue par des cellules T auxiliaires (décrit ci-dessous). Les cellules B activées réduisent l’expression de leurs récepteurs pour les chimiokines produites dans les follicules lymphoïdes dont la fonction est de maintenir les lymphocytes B dans ces follicules. En même temps, il y a une expression accrue de récepteurs de chimiokines qui sont produites dans la zone des cellules T des organes lymphoïdes. Il en résulte que les lymphocytes B activés migrent à l’extérieur des follicules et se dirigent vers le compartiment anatomique dans lequel les lymphocytes T auxiliaires sont concentrés. En raison de ces changements, les cellules B sont prêtes à interagir avec des lymphocytes T auxiliaires qui ont été activés par le même antigène présenté aux cellules T naïves par les cellules dendritiques.
Comme nous l’indiquions dans l’introduction du chapitre, les réponses à anticorps dirigées contre les antigènes protéiques nécessitent la participation des lymphocytes T auxiliaires. La prochaine section décrit les interactions entre les lymphocytes T auxiliaires et les lymphocytes B au cours des réponses aux antigènes protéiques T-dépendants. Les réponses aux antigènes T-indépendants sont décrites à la fin du chapitre.
Fonctions des lymphocytes T auxiliaires dans les réponses immunitaires humorales dirigées contre des antigènes protéiques
Pour qu’un antigène protéique stimule une réponse humorale, les lymphocytes B et les lymphocytes T auxiliaires spécifiques de cet antigène doivent être réunis dans les organes lymphoïdes et interagir de telle sorte que la prolifération et la différenciation des lymphocytes B soient stimulées. Nous savons que ce processus fonctionne très efficacement, puisque les antigènes protéiques déclenchent des réponses à anticorps très puissantes dans un délai de 3 à 7 jours après l’exposition à l’antigène. L’efficacité de l’interaction T-B induite par un antigène soulève plusieurs questions. Comment les lymphocytes B et les lymphocytes T spécifiques des épitopes du même antigène parviennent-ils à se rencontrer, étant donné que les deux types de lymphocytes spécifiques d’un antigène donné sont rares — probablement moins de 1 lymphocyte sur 100 000. Comment les lymphocytes T auxiliaires spécifiques d’un antigène interagissent-ils avec les lymphocytes B spécifiques d’un épitope du même antigène et non avec des lymphocytes B non concernés ? Quels signaux sont délivrés par les lymphocytes T auxiliaires afin de stimuler non seulement la sécrétion d’anticorps, mais également les processus particuliers propres à la réponse à anticorps contre les protéines, c’est-à-dire la commutation isotypique et la maturation d’affinité ? Comme nous allons le voir, les réponses à ces questions sont désormais bien connues.
Le processus d’interaction entre cellules T et B et les réponses humorales T-dépendantes se déroulent en plusieurs phases. Il est utile de les résumer avant de décrire chacune des réactions en détail. Les principaux événements du processus sont les suivants (fig. 7.7) :
Fig. 7.7 Séquence des événements dans les réponses à anticorps dépendant des lymphocytes T auxiliaires.
L’interaction des cellules T-B consiste en : 1. Activation indépendante des deux types de cellules par l’antigène. 2. Migration des cellules l’une vers l’autre et interaction initiale entre ces cellules. 3. Développement d’un foyer extrafolliculaire de lymphocytes B activés, dans lesquels se développent les réponses humorales précoces. 4. Formation des centres germinatifs dans lesquels se développent des réponses à anticorps plus fortes et plus efficaces.
APC, antigen-presenting cell.