7. La demande

Chapitre 7. La demande


DemandeC’est généralement à partir de la formulation d’une demande que commence l’intervention de pédopsychiatrie de consultation-liaison : demande d’un avis, d’une consultation ou d’une intervention spécialisée. Le contexte de cette demande est important à prendre en considération, car il va avoir des effets sur la rencontre avec l’enfant. L’origine de la demande (qui demande la consultation?), les motifs de cette demande (pourquoi?), son adresse (pour qui?) doivent être clairement définis.

Avant d’aborder les problématiques et les enjeux concernant la demande en pratique clinique de pédopsychiatrie de liaison, il convient de réfléchir à ce qu’implique une demande.


Éléments de psychopathologie


La demande peut être définie comme l’«action de demander quelque chose, de faire savoir ce qu’on souhaite, ce qu’on désire» (Larousse, 2001). La demande serait-elle à situer entre besoin et désir?

La conception freudienne du désir concerne essentiellement le désir inconscient. S. Freud (1900) n’identifie pas le besoin au désir. «Le besoin, né d’un état de tension interne, trouve sa satisfaction par l’action spécifique qui procure l’objet adéquat»; alors que «le désir est indissolublement lié à des “traces mnésiques” et trouve son accomplissement dans la reproduction hallucinatoire des perceptions devenues les signes de cette satisfaction» (Laplanche et Pontalis, 1994).

J. Lacan (1957–1958) distingue les notions de désir, de besoin et de demande. «Le besoin vise un objet spécifique et s’en satisfait. La demande est formulée et s’adresse à autrui […]. Le désir naît de l’écart entre le besoin et la demande […]» (Laplanche et Pontalis, 1994). La demande implique l’autre et désigne, sous un terme générique, le lieu symbolique signifiant où s’aliène progressivement le désir primordial (Golse, 2001).

La demande suppose qu’il y ait au moins deux protagonistes; elle est adressée. Et en pratique, un demandeur (le pédiatre le plus souvent) formule une demande à un receveur (le pédopsychiatre consultant). Cette demande renvoie à la notion d’intersubjectivité et aux affinités entre le demandeur et le receveur.

Avant de répondre à une demande, il est nécessaire de l’entendre, de tenter de la décrypter et d’appréhender ce qui la sous-tend : les motivations (conscientes et inconscientes) et les attentes.


Implications en clinique



Qui fait la demande?


Il est important de savoir de qui émane la demande de consultation «psy», car cela n’est pas sans effet sur la consultation elle-même. La demande peut provenir du pédiatre ou d’un membre de l’équipe soignante, des parents ou, beaucoup plus rarement, de l’enfant lui-même. Parfois, il n’y a pas de demande d’intervention du pédopsychiatre (ou psychologue), mais ce dernier, présent lors de la réunion de l’équipe pédiatrique au cours de laquelle les dossiers de tous les jeunes hospitalisés sont abordés, peut s’étonner de la situation d’un jeune hospitalisé pour motif pédiatrique et questionner l’opportunité de rencontrer ce jeune en consultation psychiatrique.

Ainsi, contrairement à ce qui se produit en consultation pédopsychiatrique ambulatoire «classique», où l’enfant ou ses parents formulent une demande de prise en charge, la demande d’une intervention de pédopsychiatrie de liaison provient presque toujours d’un pédiatre, ou d’un soignant.

Comment l’enfant hospitalisé pour un motif pédiatrique peut-il se saisir d’une consultation «psy» qu’il n’a pas demandée? Comment les parents, quand ils ne sont pas à l’origine de la demande, acceptent-ils l’intervention d’un pédopsychiatre ou psychologue de liaison auprès de leur enfant?

Lorsque la demande émane du pédiatre, il est nécessaire que l’enfant et ses parents en soient informés et donnent leur accord. Il est important que l’intérêt de la consultation pédopsychiatrique leur soit expliqué et que l’adresse à un collègue «psy» ne soit pas vécue comme un lâchage, un abandon avec parfois, un sentiment de trahison, teinté d’angoisse : «je ne suis pas fou!».

Si la plupart des demandes proviennent d’un pédiatre, certains services de pédiatrie sont moins demandeurs que d’autres. Il semble que les services ou unités bénéficiant de la présence d’un psychologue ou d’un psychiatre attaché fassent moins appel à l’équipe de pédopsychiatrie de liaison.


Forme de la demande


La forme de la demande peut également varier. Certaines demandes sont faites par oral, ou par téléphone; d’autres par courrier, voire par fax (sous forme de «bons de consultation»). Le contact direct avec le médecin demandeur, en plus de la demande faite au secrétariat, est toujours à privilégier, car il permet de bien faire préciser au demandeur quelles sont ses attentes.

Sur le plan organisationnel, il est souhaitable d’avoir un secrétariat permettant de recevoir et de centraliser les demandes en vue de les transmettre aux membres de l’équipe de liaison.


À qui s’adresse la demande?


Certaines demandes sont adressées à l’équipe de pédopsychiatrie de liaison, d’autres sont adressées plus spécifiquement à un professionnel donné, distinguant alors pédopsychiatre et psychologue.

Le pédopsychiatre est souvent directement sollicité pour une consultation de liaison en cas de :




• situations «urgentes» (état d’agitation aux urgences, tentative de suicide…);


• situations «graves» (décompensation délirante aiguë chez un adolescent, état dépressif sévère avec prostration et mutisme …);


• situations avec implications médico-légales (maltraitance nécessitant un signalement);


• situations complexes nécessitant une évaluation diagnostique (cas d’une jeune adolescente hospitalisée pour recrudescence de troubles en lien avec une maladie de Crohn, et pour qui se pose la question d’une comorbidité éventuelle avec un état dépressif);


• enfin, en cas de demande de prescription médicamenteuse (antidépresseurs, anxiolytiques).

Le recours au psychologue de liaison est plus fréquent dans les cas d’anxiété réactionnelle, de demande d’accompagnement d’une maladie chronique (diabète, mucoviscidose…). Le psychologue peut également être sollicité quand il s’agit de travailler sur les émotions, le ressenti et les éprouvés ou lorsqu’il y a besoin d’un bilan psychologique.

Certaines demandes, enfin, sont adressées directement à tel ou tel membre de l’équipe de liaison en particulier, non pas en fonction de son statut, mais en fonction d’affinités relationnelles du pédiatre demandeur. Ceci dit, même si certains pédiatres préfèrent s’adresser directement à un professionnel donné, il nous semble préférable que les demandes puissent être «centralisées» au secrétariat, afin d’être discutées en équipe, de façon à mieux appréhender la suite à leur donner et éviter la multiplication et la superposition de prises en charges psychologiques et psychiatriques pour un même enfant ou une même situation familiale. Cela permet aussi d’éviter les demandes de «consultations sauvages» qui court-circuitent des prises en charge psychologiques déjà existantes.


Pour qui s’adresse la demande?


Les demandes d’intervention en pédopsychiatrie de liaison sont variées. Les plus fréquentes sont les demandes faites par un pédiatre, en vue d’une consultation pédopsychiatrique pour un enfant ou un adolescent hospitalisé.

Parfois, la demande de consultation concerne les parents. Il s’agit par exemple de consultations auprès de parents d’un bébé hospitalisé, d’un enfant en état grave ou décédé, d’un adolescent après un accident ou une tentative de suicide et qui ne peut lui-même être examiné. L’écoute empathique des parents crée un espace de parole et un climat de confiance. Le respect de leurs attitudes (révolte, déni, agressivité) ou de leurs comportements (retrait, inhibition, découragement) favorise le dialogue. En phase aiguë (pour les enfants en réanimation) ou en phase terminale (pour les enfants atteints de maladies mortelles), cette présence permet un soutien aux parents et un retour d’informations à l’équipe soignante (Lenoir et al., 2009).

Parfois, encore, la demande ne concerne ni l’enfant, ni ses parents, mais les membres d’une équipe soignante dans un contexte de prise en charge complexe et éprouvante. Il en est ainsi des demandes d’intervention du pédopsychiatre ou psychologue de liaison en vue d’un temps de parole avec des soignants volontaires de l’équipe de néonatalogie, suite au décès inattendu d’un bébé qui commençait à aller mieux.


Différents types de demande


Il n’y a pas de «bonnes» ou de «mauvaises» demandes. Toutes les demandes sont importantes à prendre en compte, même si elles ne vont pas nécessairement toutes aboutir à une consultation pédopsychiatrique. «Le psychiatre de liaison ne devrait “jamais” opposer un non de principe aux demandes qui lui sont adressées, puisque toute demande a du sens, du point de vue de celui qui la pose […]» (Hayez, 1991). Il est important d’essayer de comprendre ce qui sous-tend la demande.

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 7. La demande

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