Chapitre 7 – Item 154. Tumeurs maxillomandibulaires
Plan du chapitre
Aspects cliniques et radiologiques
Signes d’appel
Aspects radiologiques
Examen anatomopathologique
Les principales tumeurs et leurs traitements
Kystes
Tumeurs bénignes d’origine dentaire
Tumeurs bénignes d’origine non dentaire
Tumeurs malignes d’origine non dentaire
Tumeurs malignes d’origine dentaire
Diagnostiquer une tumeur des os primitive et secondaire.
Les tumeurs osseuses des os de la face et principalement des maxillaires sont très fréquentes. La distinction classique entre tumeur bénigne et tumeur maligne, commode sur le plan didactique et thérapeutique, se heurte parfois à de grandes difficultés. La nature bénigne ou maligne de certaines tumeurs est loin d’être toujours évidente.
Aspects cliniques et radiologiques
Les manifestations cliniques des tumeurs osseuses, quelle que soit leur nature, sont en général assez simples.
Signes d’appel
Les signes d’appel consistent essentiellement en :
• tuméfaction, déformation osseuse, visible ou palpable ;
• douleur, en général peu intense ;
• signes éventuels de compression des organes de voisinage (exophtalmie, obstruction nasale) ou des nerfs à trajet intraosseux (essentiellement paresthésie ou anesthésie dans le territoire du nerf alvéolaire inférieur) ;
• retentissement de la lésion sur les dents : absence d’une ou plusieurs dents sur l’arcade, malposition dentaire, mobilité dentaire. Il convient d’apprécier également la vitalité des dents dans la région atteinte ;
• fracture pathologique, éventualité rarement rencontrée à la face.
La tumeur peut être de découverte fortuite, sur un bilan radiologique réalisé pour d’autres raisons, en particulier en prévision d’un traitement orthodontique.
Aspects radiologiques
C’est la radiographie, en premier lieu l’orthopantomogramme, qui permet d’affirmer l’existence d’une tumeur osseuse et d’en suspecter la nature bénigne ou maligne, rarement de l’identifier.
Un examen tomodensitométrique sera demandé :
• pour préciser, dès que nécessaire, les rapports de la tumeur avec les structures anatomiques avoisinantes (sinus maxillaire, cavité orbitaire, fosses nasales, canal du nerf alvéolaire inférieur) ;
• pour préciser les relations de la tumeur avec les racines dentaires (denta-scanner) ;
• pour préciser l’extension tumorale, à la fois en endo-osseux et dans les parties molles ;
• lorsque la lésion a un caractère pluriloculaire ou mal limité et/ou lorsqu’il existe une suspicion de destruction corticale.
Un examen IRM sera demandé pour :
• préciser l’extension tumorale à la fois dans et en dehors de l’os (évaluation endomédullaire de la tumeur, repérage des métastases intraosseuses : skip metastase) ;
• avoir un élément de référence permettant d’évaluer éventuellement le comportement de la tumeur avant et après chimiothérapie (comparaison du volume tumoral et du pourcentage de la prise de contraste dans la tumeur).
Une scintigraphie au technétium 99 avec balayage corporel sera demandée dès qu’il existe une suspicion de tumeur polyostotique.
La grande majorité des tumeurs osseuses, entraînant une destruction localisée de l’os, se traduisent sur la radiographie par une diminution de l’opacité des tissus osseux par rapport au tissu normal avoisinant. On observe donc une Ostéolysezone d’ostéolyse, ou lacune osseuse. Devant une telle image, il faut s’astreindre à répondre à une série de questions.
La lésion est-elle mono-ostotique ou polyostotique ?
Un certain nombre de tumeurs sont potentiellement polyostotiques*: dysplasie fibreuse, granulome éosinophile, myélome par exemple.
S’agit-il d’une lésion isolée ou bien plusieurs images lacunaires existent-elles sur la mandibule et/ou le maxillaire ?
On peut rencontrer plusieurs lésions du même type géographiquement distinctes. Cet aspect évoque surtout le chérubinisme, les kystes épidermoïdes (dans le cadre d’un syndrome de Gorlin), l’histiocytose X ou les lymphomes.
La localisation de la tumeur permet-elle une orientation diagnostique ?
Seules quelques rares lésions tumorales ont une localisation caractéristique :
• kyste médian mandibulaire, kyste médian alvéolaire, kyste palatin médian ou kyste du canal nasopalatin par exemple, progonome mélanotique pour les tumeurs siégeant sur la ligne médiane ;
• kyste globulomaxillaire localisé entre l’incisive latérale et la canine supérieure ;
• tumeur nerveuse le long du trajet du canal dentaire inférieur.
Les limites de la lésion paraissent-elles nettes, bordées d’un liseré d’ostéocondensation ou sont-elles floues ?
Une lésion bénigne ou peu agressive est caractérisée par un passage brusque de la lésion au tissu normal, indiquant soit que le processus pathologique est bien contenu par l’organisme, soit que la lésion n’a pas naturellement tendance à l’envahissement. À l’inverse, une lésion osseuse de type agressif est typiquement caractérisée par une lésion à contours mal définis. La transition entre l’os atteint et l’os sain se fait graduellement, sur quelques millimètres, indiquant que le processus pathologique est mal circonscrit. Cet aspect radiographique est souvent associé à une tendance à l’envahissement et à une progression rapide.
Le contenu paraît-il homogène ou hétérogène ?
Le contenu des images lytiques est souvent hétérogène, soit par une coexistence de formation kystique et de masse tumorale, soit qu’il subsiste des travées osseuses, soit qu’il existe des zones calcifiées ou des zones de tonalité dentaire (cémentaire ou dentinaire).
Quel est l’état de la corticale osseuse ?
Les tumeurs bénignes amincissent puis effacent la corticale sous la pression de la lésion, qui demeure enclose sous une coque conjonctivopériostée. Les tumeurs malignes détruisent la corticale, le périoste, et envahissent les parties molles.
Existe-t-il une réaction périostée ?
Une réaction périostée en réponse à un processus bénin est typiquement bien organisée, lisse et régulière ; la formation osseuse a eu le temps de se structurer et de se remodeler. Les réactions périostées de type spiculé, voire en « rayons de soleil », traduisent une lésion hautement évolutive et donc une suspicion de malignité.
Existe-t-il une extension aux parties molles ?
L’extension aux parties molles se rencontre naturellement dans les tumeurs malignes (carcinome et tous types de sarcome), mais aussi dans certaines tumeurs bénignes (améloblastome, par exemple).
La lésion a-t-elle des relations avec un germe dentaire ou une dent incluse ?
La présence d’une dent incluse au sein ou au voisinage d’une image lacunaire n’entraîne pas obligatoirement le diagnostic de kyste dentigère, même s’il s’agit du cas le plus fréquent. De nombreuses lésions s’accompagnent fréquemment de dent incluse (améloblastome, kyste épidermoïde, tumeur de Pindborg).
Les dents voisines sont-elles refoulées ?
Pratiquement tous les kystes et toutes les tumeurs bénignes peuvent entraîner un refoulement des dents voisines.
Y a-t-il une rhizalyse ?
Les Rhizalysesrhizalyses sont très banales dans les tumeurs bénignes et elles peuvent se voir également dans certaines tumeurs malignes comme les plasmocytomes malins.
Dans le cadre des lésions lytiques, il convient d’éliminer une image particulière, celle de la cavité idiopathique de Stafne, qui se traduit par une image claire, au-dessous du canal dentaire, dans la région angulaire de la mandibule, arrondie ou ovalaire, ou bien par une image réalisant une encoche à concavité inférieure échancrant le bord basilaire de la mandibule. Cette image correspond à une perforation osseuse contenant du lobule de glande submandibulaire ou du tissu conjonctif ou du tissu ganglionnaire.
Dans le cadre des images condensantes, il ne faut pas confondre tumeur et dystrophie osseuse de la maladie de Paget du sujet âgé, pouvant intéresser, en dehors de la voûte crânienne, surtout le maxillaire et entraînant un élargissement osseux avec déformations faciales et possibilité de compression nerveuse.
Examen anatomopathologique
L’histoire clinique et les documents radiographiques sont, dans certains cas, suffisants pour établir le diagnostic d’une lésion dysplasique ou tumorale bénigne et il est alors légitime de s’abstenir de biopsie préalable à un geste thérapeutique.