Intoxications
PRISE EN CHARGE (1)
Principes généraux de prise en charge
Diagnostic
– évaluation de la conscience chiffrée (score de Glasgow);
– évaluation respiratoire : mesure de la fréquence respiratoire, amplitude des mouvements thoraciques, coloration des téguments, existence ou non d’un encombrement;
– évaluation circulatoire : fréquence cardiaque, pression artérielle, ECG;
Ce premier bilan rapide permet d’évaluer la nécessité de traitement urgent :
– mise en place d’un abord vasculaire;
– perméabilité des voies aériennes;
– oxygénation ou ventilation assistée;
– traitement d’une arythmie ou d’un trouble de conduction;
• examen des téguments à la recherche de traces d’injection, de traces de traumatisme, d’une cyanose;
• examen de la sphère oropharyngée (ingestion de caustique);
• examen neurologique (mouvements anormaux, diamètre pupillaire) (cf. encadrés Comas, Toxiques convulsivants et tableau Pupilles et mouvements oculaires + score de Glasgow en neurologie);
• température (cf. tableau Troubles de la température);
• évaluation cardiocirculatoire (cf. encadré Atteintes cardiovasculaires toxiques) :
• examen abdominal : iléus, globe vésical;
• examen des membres : lésions de compression, syndrome des loges, compression nerveuse.
PRISE EN CHARGE (2)
Critères d’admission en réanimation*
Acidose respiratoire (PaCO2 > 45 mmHg).
Pression artérielle < 80 mmHg.
Hyperexcitabilité ventriculaire.
Envenimation avec signes généraux (ou extension de l’œdème sur tout le membre ou le tronc).
Hyperthermie maligne (syndrome malin des neuroleptiques).
Critères d’admission en réanimation en fonction des toxiques [1]
– pour l’intoxication par les benzodiazépines, chez le sujet âgé ou insuffisant respiratoire;
– pour les barbituriques, en raison du risque prolongé de coma et d’arrêt respiratoire d’apparition parfois brutale (barbituriques d’action rapide);
– pour les neuroleptiques, en raison du risque de troubles de la repolarisation voire de la conduction; pour le méprobamate, en raison du risque de choc d’allure vasoplégique ou cardiogénique;
– pour le lithium, chez le sujet préalablement traité ou en cas de surdosage.
PRISE EN CHARGE (3)
Place des examens complémentaires
• Inutile dans la plupart des cas où l’histoire et la présentation cliniques sont concordantes, elle se justifie comme moyen diagnostique dans la situation de troubles de la conscience inexpliqués. Dans certains cas, l’analyse quantitative est nécessaire pour évaluer la gravité de l’intoxication ou surveiller l’efficacité du traitement.
• Le dosage sanguin du toxique est indiqué s’il a une incidence sur la prise en charge. C’est le cas de l’acide valproïque, de la carbamazépine, du fer, de la digoxine, du lithium, du paracétamol, du phénobarbital, des salicylés et de la théophylline.
• La recherche d’une hypoglycémie doit être systématique. Associée à un syndrome hyperadrénergique, elle oriente vers une intoxication par la théophylline, les amphétamines ou le trichloréthylène.
• Urée et créatinine : les atteintes rénales secondaires à un effet néphrotoxique direct sont rares (métaux lourds, éthylène glycol, paraquat, certains antibiotiques). L’hypovolémie et la déshydratation sont responsables d’insuffisances rénales fonctionnelles alors que les insuffisances rénales organiques sont le plus souvent dues aux états de choc, aux hémolyses intravasculaires ou rhabdomyolyses.
• Natrémie : risque d’hypernatrémie liée à l’administration de sels de sodium hypertoniques (intoxication par les tricycliques). Les diarrhées importantes (syndrome phalloïdien, colchicine) peuvent être responsables d’une hyponatrémie.
• Kaliémie : hyperkaliémie de l’intoxication digitalique (inhibition de l’ATPase membranaire). Hypokaliémie lors de l’intoxication par la chloroquine (corrélée avec la gravité de l’intoxication).
• Osmolalité : une hyperosmolalité non liée à l’élévation de l’urée, du glucose ou d’électrolytes indique la présence plasmatique d’une substance non dosée. Il existe alors une différence entre l’osmolalité mesurée et l’osmolalité calculée. Ce trou osmolaire fait préférentiellement évoquer une intoxication par un alcool, un glycol ou de l’acétone.
• L’ECG doit être systématique; il permet en cas d’anomalie d’évoquer une absorption de produit toxique non avouée et/ou d’évaluer la gravité de certains produits (cf. encadré Atteintes cardiovasculaires toxiques).
PRISE EN CHARGE (5)
Prise en charge thérapeutique
Le traitement des intoxications comporte trois axes :
• une prise en charge symptomatique : support hémodynamique, ventilatoire, correction des troubles métaboliques, prévention des complications;
• une prise en charge spécifique ayant pour but de :
• Très souvent secondaires à un acte volontaire, les intoxications traduisent un syndrome dépressif qui doit être systématiquement évalué par un psychiatre. En cas d’intoxication collective type CO, une enquête est obligatoire.
PRISE EN CHARGE (6)
TROUBLES DE LA TEMPÉRATURE
Hypothermie | Hyperthermie |
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Infection : pneumopathie d’inhalation ou autre cause |
ACIDOSES MÉTABOLIQUES TOXIQUES*
Trou anionique normal (perte de bicarbonates) | Trou anionique augmenté (en l’absence de signes de choc) |
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PRISE EN CHARGE (7)
INTOXICATIONS PAR ANTIDÉPRESSEURS (1)
Antidépresseurs polycycliques
Symptomatologie
• Encéphalopathie anticholinergique associant :
• Coma souvent peu profond en cas d’intoxication pure, sans signe de localisation.
• Convulsions fréquentes (incidence estimée à 11 %, première cause toxique de convulsions). Elles sont précoces et surviennent exceptionnellement après les 24 premières heures. Une dose ingérée supérieure à 3 g ou un élargissement du QRS supérieur à 0,10 s sont prédictifs du risque de survenue de convulsions.
• Dépression respiratoire liée à la profondeur du coma et à la réduction de l’amplitude thoracique favorisée par l’hypertonie. L’acidose respiratoire et l’hypoxémie aggravent la toxicité cardiaque.
• Atteinte cardiovasculaire liée à un effet direct stabilisant de membrane quinidine-like et à une action indirecte en rapport avec un blocage de la recapture des catécholamines et à l’activité anticholinergique. Elle se manifeste par une tachycardie sinusale, des troubles de la repolarisation à type d’aplatissement des ondes T, un allongement du QT, des troubles de conduction intraventriculaires (élargissement du QRS > 0,10 s). Des troubles du rythme ventriculaire à type de tachycardie ventriculaire ou de torsades de pointes sont possibles mais beaucoup plus rares.
• Manifestations biologiques : hypokaliémie fréquemment associée aux intoxications graves.
INTOXICATIONS PAR ANTIDÉPRESSEURS (2)
Traitement
Traitement des troubles cardiovasculaires
• Bloc intraventriculaire : le traitement des blocs intraventriculaires doit être débuté dès que la durée du QRS dans les dérivations frontales dépasse 0,12 s. Administration de bicarbonate de sodium molaire (84 ‰) ou de lactate molaire (100 à 250 mmol), à renouveler en cas de persistance de QRS larges (en l’absence de bloc de branche préexistant). Des administrations itératives de bicarbonate peuvent être nécessaires (tenir compte du risque d’hypokaliémie induite) jusqu’à une dose totale maximale de 750 mL. Les critères d’efficacité sont la correction du QRS et de l’hypotension.
• Tachycardie ventriculaire : peut être confondue avec une tachycardie supraventriculaire à complexes larges. L’alcalinisation constitue un moyen diagnostique. En l’absence d’affinement des complexes, réalisation d’un choc électrique externe (les antiarythmiques de classe I sont dangereux). Correction associée des dyskaliémies.
• Collapsus : habituellement lié à l’élargissement des QRS, il faut donc rechercher une autre cause (autre toxique associé, pneumopathie précoce). En cas de persistance après alcalinisation, utilisation de catécholamines à effet alpha (noradrénaline, éventuellement dopamine). En cas de bradycardie à complexe large sans effet de l’alcalinisation, utilisation d’isoprénaline ou d’adrénaline (l’entraînement électrosystolique est peu efficace compte tenu du siège distal intraventriculaire du bloc).
INTOXICATIONS AUX NEUROLEPTIQUES
Pharmacologie
Les neuroleptiques recouvrent plusieurs classes pharmacologiques:
• Phénothiazines: aliphatiques (dérivés de la chlorpromazine: TERCIAN, NOZINAN), pipérazinées (dérivés de la fluphénazine : MODITEN), pipéridinées (dérivés de la pipotiazine : PIPORTIL).
• Butyrophénones (dérivés de l’halopéridol : SÉMAP, ORAP).
INTOXICATIONS AUX BENZODIAZÉPINES
Pharmacologie
• Absorption rapide avec pic plasmatique en 1 à 3 h.
• Volume de distribution élevé, fixation protéique importante.
• Le métabolisme est hépatique.
• La demi-vie plasmatique est très variable selon les différentes molécules (de 3 à 70 h), elle ne reflète pas la durée de l’action clinique : les dosages quantitatifs sont donc inutiles.
Symptomatologie
• Troubles neurologiques à type d’obnubilation, de somnolence, de coma.
• Dépression respiratoire soit d’origine centrale, soit liée à la relaxation des muscles dilatateurs des voies aériennes supérieures.