CHAPITRE 7 Implantation multifocale
I AVANCÉES EN CHIRURGIE DU CRISTALLIN
Phacoémulsificateurs
PRINCIPES
DE FONCTIONNEMENT DES PHACOÉMULSIFICATEURS
Le principe technique de la chirurgie par phacoémulsification, décrite par Charles Kelman dès 1967 [51], dépend de deux éléments de base : une énergie ultrasonique utilisée pour émulsifier le cristallin et un circuit fluidique destiné à aspirer les éléments phacoémulsifiés.
FLUIDIQUE
– de composantes hydrodynamiques, liées à l’existence d’un système d’aspiration (pompe) au niveau du phacoémulsificateur dont le rôle est de créer un vide (donc une pression négative) dans la ligne d’aspiration;
– de composantes hydrostatiques, liées à la hauteur de la bouteille d’irrigation.
Les phacoémulsificateurs actuels ont des systèmes fluidiques clos (fig. 7-1) [12], synonymes de sécurité microbiologique [106], connectés à un capteur de pression permettant le fonctionnement de la pompe selon les paramètres de réglage choisis. Si d’autres systèmes ont été utilisés, les pompes sont aujourd’hui essentiellement représentées par les pompes péristaltiques et les systèmes Venturi.

Fig. 7-1 Système clos.
(In : J.-L. Arné, Th. Amzallag, P. Fournié, Chirurgie de la cataracte, Paris, Masson, 2005.)
Pompes péristaltiques
Les pompes péristaltiques sont constituées d’un cylindre rotatoire à galets (fig. 7-2 et 7-3) [12]. La tubulure est enroulée autour de ces galets dont le mouvement collabe la ligne d’aspiration à chaque point de contact, avec rotation continue des bolus de liquide. Ces bolus se trouvant entre les galets se déplacent de façon péristaltique dans la direction de la rotation. Ce déplacement crée une pression différentielle qui aspire le liquide tout au long de la tubulure d’aspiration jusqu’à la pointe. Trois paramètres interviennent dans le circuit fluidique : la hauteur de la bouteille d’irrigation, qui peut être positionnée à des niveaux différents, le flux d’aspiration (en cm3/min) et la limite de vide (en mm Hg). Le réglage du flux correspond à la vitesse de rotation de la pompe. Cette vitesse et sa rapidité d’augmentation sont des paramètres qui déterminent les capacités d’aspiration dans la chambre antérieure; la limite de vide fixe le niveau maximum qui peut être atteint en cas d’occlusion à la pointe. De nombreuses autres caractéristiques, telles que la vitesse de montée en vide ou de retour au seuil après la libération de l’occlusion, vont influer sur la stabilité de la chambre antérieure. Les pompes péristaltiques peuvent augmenter le flux quelle que soit la hauteur de la bouteille mais les interconnexions entre la pompe et les tubulures permettent au système de ralentir ce flux et d’agir comme élément régulateur. La pression liée à la hauteur de la bouteille d’irrigation ne peut pas entraîner un flux supérieur à celui que permet la rotation de la pompe péristaltique.

Fig. 7-2 Pompe péristaltique : principe.
(In : J.-L. Arné, Th. Amzallag, P. Fournié, Chirurgie de la cataracte, Paris, Masson, 2005.)
Pompes Venturi
Dans un système Venturi, le vide est créé par un court-circuit entre les circuits d’aspiration et une chambre de compression des gaz (nitrogène ou air) (fig. 7-4 et 7-5) [12]. L’interface est constituée par de l’air et la pression différentielle dans cette zone tampon d’air entraîne les fluides vers la cassette de drainage en proportion du niveau de vide lorsque l’orifice d’aspiration est libre. Dans ce système, aucun flux d’aspiration ne peut être réglé, seul le niveau de vide est paramétré sur la machine. Le niveau de vide réel n’est pas ici fonction du caractère occlus ou non de l’orifice d’aspiration. Une pompe Venturi produisant une dépression à l’extrémité du circuit fluidique, elle ne peut qu’augmenter le flux au-dessus d’une limite inférieure. Traditionnellement, le vide était créé à partir d’un raccordement à l’air comprimé médical externe. Actuellement, ce raccord n’est souvent plus nécessaire et le vide peut être produit à partir d’une pompe centrifuge à l’intérieur du module compresseur.

Fig. 7-4 Pompe Venturi : principe.
(In : J.-L. Arné, Th. Amzallag, P. Fournié, Chirurgie de la cataracte, Paris, Masson, 2005.)
ULTRASONS
Le mécanisme réel de l’action des ultrasons reste en fait controversé [83, 91]. Les théories principales sont en rapport avec la fragmentation par un effet acoustique des morceaux de noyau du fait de la propagation des ultrasons dans le liquide de chambre antérieure, la présence de bulles de microcavitation produites à l’extrémité distale de la pointe dont l’implosion crée une énergie capable d’émulsifier les fragments de matériel, et l’effet mécanique de marteau-piqueur de la pointe qui, par ailleurs, explique les phénomènes de répulsion des fragments.
En mode « sculpture », l’énergie ultrasonique n’est pas potenti-alisée par le vide et l’efficacité des ultrasons ne s’exprime que sur la portion basse de la lumière de la pointe; en mode « occlusif », l’ensemble du volume de la lumière de la pointe est utilisé. L’énergie sera donc d’autant plus efficacement utilisée qu’on travaille en mode « occlusif ». Selon sa dureté, chaque noyau nécessitera une énergie différente et on pourra optimiser l’efficacité, par réduction de l’énergie dissipée, en recherchant le meilleur couple énergie-vide pour chaque type de noyau.
La quantité d’énergie ultrasonique délivrée n’est pas anodine et cette énergie est un des paramètres de la production de radicaux libres [35, 69] et de la toxicité des ultrasons lors de la chirurgie.
– la position 0 est la position de repos, ou point mort de la machine;
– la position 1 enclenche l’irrigation sans aspiration ni délivrance d’ultrasons;
– en position 2, la pompe commence à agir et un vide est créé, qui augmente progressivement alors que la pédale est plus appuyée; ce vide augmente jusqu’au niveau maximum préréglé sur la machine; des réglages peuvent modifier le caractère linéaire ou non de l’aspiration en fonction de la position du pied en position 2;
– en position 3, l’énergie ultrasonique commence à être délivrée, en général de façon linéaire selon la position de la pédale en position 3. Le contrôle linéaire de la puissance des ultrasons n’a été introduit que plus de vingt ans après l’apparition des premières machines de phacoémulsification; auparavant, la pédale en position 3 entraînait immédiatement une délivrance maximum des ultrasons tels que préréglés sur la machine. Des modifications du mode de délivrance peuvent également être programmées sur la pédale permettant de passer, au pied, à des paramétrages et à des modes de délivrance d’ultrasons différents.
Le développement de pédales sans fil est un apport ergonomique appréciable.
AVANCÉES TECHNOLOGIQUES
Les avancées et la sécurisation de la procédure sont permanentes. Elle a bénéficié d’améliorations récentes depuis les précédentes mises au point et revues de la littérature [12, 46, 92].
FLUIDIQUE
Surge, ou collapsus à la levée de l’occlusion
Le venting correspond à un reflux automatisé du liquide d’aspiration. Il se déclenche classiquement lorsque le niveau de vide maximum est atteint. Il est également déclenché en passant la pédale de la position 2 à la position 1 et permet alors de libérer des fragments de tissus (iris, capsule), qui auraient pu s’incarcérer dans l’orifice d’aspiration. S’il est insuffisant, il peut être nécessaire d’y adjoindre un reflux. Actuellement, le venting air est quasi abandonné au profit du venting fluidique.
Moyens additionnels de lutte contre le surge
Bausch & Lomb a développé sur le Stellaris® un système nommé StableChamber® à double chambre qui est placé sur la tubulure d’aspiration de la machine (fig. 7-6). Ce système présente une chambre interne dont le diamètre d’entrée est de 2 mm puis se rétrécit progressivement jusqu’à 1,1 mm, piégeant les fragments cristalliniens supérieurs à 0,5 mm. Il permet de maintenir une fluidité constante de la ligne d’aspiration, évitant d’éventuels phénomènes de surge à la levée d’une occlusion de la tubulure et garantissant l’absence d’augmentation de l’effet thermique en cas d’interruption du flux par obstruction de la ligne d’aspiration (clogging).
Le système Cruise Control® de Staar peut être adapté entre la pièce à main de phacoémulsification et la tubulure d’aspiration. Il présente un limitateur de flux d’un diamètre interne de 0,3 mm et est pourvu d’un filtre qui retient également les fragments cristalliniens. Le principe est d’éviter les phénomènes de surge tout en travaillant avec des niveaux de vide élevés. Wade [99] a démontré que son efficacité est d’autant meilleure que la machine sur laquelle il est installé est plus génératrice de surge.
L’Infiniti® d’Alcon bénéficie du système de gestion fluidique Intrepid® associant une technologie de double détection du niveau de vide et une tubulure d’aspiration de faible compliance. Le système ABS (Aspiration Bypass System) est caractérisé par l’existence d’un micro-orifice de 175 µm dans la paroi de la pièce à main, au niveau du manchon (fig. 7-7) [12]. Il assure un flux permanent et empêche toute interruption de ce flux en cas d’occlusion à la pointe, limitant ainsi le phénomène de surge.

Fig. 7-7 Courts-circuits anticollapsus (anticollapsus bypass system).
(In : J.-L. Arné, Th. Amzallag, P. Fournié, Chirurgie de la cataracte, Paris, Masson, 2005.)
Oertli a intégré un système de réduction de l’effet de surge dans sa pointe CO-MICS 2.
Il est à noter que l’ensemble de ces systèmes additionnels entraîne des modifications des flux réels par rapport à ceux affichés sur les machines, accentuant les erreurs d’affichage constatées sur la plupart des machines [34, 82].
Georgescu [37] a comparé les performances fluidiques de l’Infiniti®, du Stellaris® et du Signature® avec des résultats en faveur du Signature®. Han [39] comparant les trois mêmes machines va dans le sens d’un avantage de l’Infiniti®.
DÉLIVRANCE DE L’ÉNERGIE
Pulse et bursts
En évolution par rapport à la délivrance continue des ultrasons, les phacoémulsificateurs récents ont développé des modes de délivrance discontinue permettant d’optimiser l’effet pour une délivrance d’énergie plus faible et un échauffement thermique moindre.
Ces modes, communément dénommés « pulse » et « burst », représentent une des avancées dans la délivrance des ultrasons traditionnels. Le mode pulsé permet classiquement de délivrer l’énergie sur une période courte suivie d’une période de repos d’une durée équivalente ou supérieure. La programmation peut être faite en nombre de pulses par seconde, dont la durée peut être de l’ordre de 50 ms (pulse) ou de l’ordre de 1 ms (micropulse). Le cycle actif (duty cycle) représente la fraction de temps de délivrance d’énergie (par exemple 33 % pour des pulses de 6 ms suivies d’intervalles libres de 12 ms). Brinton [21] a montré une réduction de l’échauffement de l’ordre de 50 % en mode « pulse » comparé à une délivrance linéaire.
Le mode « hyperpulse » a été également récemment développé, notamment sur les machines Alcon, AMO et Bausch & Lomb. Sa caractéristique est de pouvoir délivrer jusqu’à cent pulses par seconde avec des durées de l’ordre de 5 ms. La très faible durée de ces pulses suivie de périodes plus longues de repos évite de façon importante l’échauffement des pointes et augmente l’efficacité ultrasonique. L’incidence des brûlures cornéennes, évaluée à environ un cas pour mille dans une étude nord-américaine [79], varie selon les machines. Dans cette comparaison, les machines qui bénéficiaient de systèmes « hyperpulse » engendraient des taux de brûlure cornéenne huit fois moindres en comparaison des délivrances ultrasoniques traditionnelles. Ce mode de délivrance, avec une efficacité variable selon les machines, permet pour certaines de réaliser des phacoémulsifications par microincisions inférieures à 2 mm (phacoémulsification par microincisions biaxiales) sans manchon et sans échauffement significatif de l’incision [20].
Pour le Signature®, le système de délivrance des ultrasons repose sur la technologie WhiteStar®, c’est-à-dire sur une distribution programmable de micropulses séparées par des intervalles de repos variables en fonction de la demande de puissance de l’utilisateur. Cette technique permet d’augmenter à moindre coût énergétique l’efficacité de la pointe tout en limitant le risque d’élévation thermique. Fishkind a montré une réduction de l’énergie utilisée et de la perte cellulaire endothéliale [33]. La technologie WhiteStar® ICE (Increased Control and Efficiency) ajoute aux micropulses un pic initial de puissance (« kick ») augmenté jusqu’à 12 % pour la première impulsion durant 1 ms, ce qui augmente l’effet cavitationnel (fig. 7-8 et 7-9). L’efficacité en est significativement accrue et le temps effectif d’ultrasons réduit [9, 107].
Aqualase®
Le mode Aqualase® est une modalité originale de phacoémulsification développée par Alcon en 2004 [61]. Le principe repose, comme avec les ultrasons traditionnels, sur l’utilisation d’une pointe d’aspiration entourée d’un manchon de silicone pour l’irrigation. L’énergie est délivrée par des jets de 4 µl de BSS chauffé à 60 °C, ce qui permet l’émulsification d’un noyau peu dense, y compris jusqu’à des grades 3. L’échauffement est restreint, mais Hu [47] rapporte une perte cellulaire endothéliale comparable à celle des ultrasons.
Énergie oscillatoire et transversale
La technologie OZil® de Alcon (fig. 7-10) est définie par un mouvement oscillatoire à 32 kHz d’une pointe angulée d’environ 20°. Ce mouvement latéral — et non plus longitudinal — crée un cisaillement du noyau. Le mouvement latéral a une excursion maximale de 90 µm, assez comparable au mouvement maximum longitudinal, qui est de l’ordre de 100 µm. Contrairement à la phaco-émulsification longitudinale durant laquelle seul 50 % du cycle est efficace, la délivrance d’énergie se fait que la pointe soit mobilisée vers la droite ou vers la gauche : de cette façon, l’ensemble du mouvement participe au processus de phacoémulsification. Dans la phacoémulsification traditionnelle, 50 % du mouvement de la pointe n’est pas énergétiquement utilisable (lorsque celui-ci se fait vers l’arrière). Pour certains, la nécessité d’utiliser une pointe angulée de type Kelman représente un avantage dans le sens où elle permet à tout moment une parfaite visualisation des mouvements de la pointe. OZil® peut être utilisé en mode de délivrance continue des ultrasons autant qu’en micropulses ou en mode « burst ». Il évite également la répulsion des fragments de noyau fréquemment observée en mode longitudinal. Il a été démontré, dans de nombreux travaux [13, 14, 28, 40, 48, 87], une efficacité accrue, une réduction d’échauffement et une diminution de production de radicaux libres lorsqu’il est comparé au mode longitudinal de l’Infiniti® dont la fréquence est de 44 kHz. En termes de résultat fonctionnel et de perte cellulaire endothéliale, les résultats semblent cependant comparables [88]. La technique OZil® est susceptible d’entraîner, particulièrement sur des noyaux durs, un phénomène de clogging à l’origine d’une obstruction de la ligne d’aspiration. L’application Intelligence Phaco (OZil® IP), qui associe de manière préprogrammée des ultrasons torsionnels et longitudinaux, y a apporté une solution : cette technique a pour but d’améliorer l’efficacité de la phacoémulsification, l’attraction vers et à travers la pointe ultrasonique ainsi que la fluidité de la phacoaspiration, et d’éviter les phénomènes de clogging par adjonction d’ultrasons longitudinaux aux ultrasons torsionnels.

Fig. 7-10 Pièces à main. a. Traditionnelle. b. Technologie OZil®.
(Avec l’aimable autorisation d’Alcon.)
Le système Ellips® (fig. 7-11) puis Ellips® FX du Signature®, développé à la suite de l’OZil®, associe simultanément des ultrasons en mode longitudinal et transversal à hauteur de 50 %. Cette technique mixte n’entraîne pas de phénomène de clogging et ne nécessite pas de modification de la technique opératoire, car elle est fonctionnelle avec tous les types de pointe, droite ou courbe. Le couplage des ultrasons latéraux et longitudinaux permet de diminuer l’amplitude du mouvement d’avant en arrière de la pointe de 50 % tout en conservant une efficacité optimale. Schmutz [90] a comparé l’échauf-fement thermique de OZil® et Ellips®, qui serait en faveur de Ellips®.

Fig. 7-11 Mouvement de la pointe du système Ellips®.
(Avec l’aimable autorisation d’Abbott Medical Optics.)
Le mode torsionnel n’est pas le choix universel des fabricants pour réduire l’échauffement en optimisant l’efficacité. Le Stellaris® est équipé d’une pièce à main possédant six cristaux piézoélectriques dont la fréquence de 28,5 kHz permet d’obtenir une excellente efficacité ultrasonique pour tous les noyaux, associée à un effet thermique modéré (fig. 7-12). Cette fréquence est actuellement la plus basse de toutes les machines en mode longitudinal.
Pointes et manchons
La pointe historique de référence est une pointe 19 G d’un diamètre externe de 1,1 mm et d’un diamètre interne de 0,9 mm. Des pointes de 21 G peuvent être utilisées actuellement. Leurs diamètres sont de 0,8 mm en externe et 0,5 mm ou 0,6 mm en interne. Elles agissent en créant une résistance au mouvement fluidique, diminuant le flux pour une valeur de vide paramétrée. Par ailleurs, les plus petits diamètres des pointes diminuent le pouvoir de préhension du noyau en occlusion. Les facteurs permettant de compenser cette diminution de préhension sont l’augmentation de la hauteur de la bouteille d’irrigation et l’importance du vide. Menapace [65] a montré la relation existant entre la capacité de préhension du noyau et le diamètre interne de la pointe et l’angulation : plus le diamètre interne est grand et plus l’angulation est importante, plus la capacité de préhension est importante.
Plusieurs modèles de pointes, MicroFlow® (Bausch & Lomb), Flared Tip® (Alcon), MicroSeal® (Alcon), Cobra®, ont un diamètre distal identique à celui d’une pointe standard, leur permettant d’avoir un pouvoir de préhension identique à celui d’une pointe classique pour un niveau de vide donné. Leur diamètre interne proximal réduit crée une résistance évitant les flux très importants qu’on pourrait observer avec des niveaux de vide élevés et les risques de surge inhérents. Les diamètres distaux élevés permettent par ailleurs d’augmenter la capacité d’aspiration et donc de pha-coémulsification du matériel nucléaire (fig. 7-13) [12].

Fig. 7-13 Différents types de micropointes.
(In : J.-L. Arné, Th. Amzallag, P. Fournié, Chirurgie de la cataracte, Paris, Masson, 2005.)
ERGONOMIE
• Les progrès des machines ont permis une chirurgie optimisée et sécurisée autorisant la chirurgie de la cataracte par microincision et la cataracte réfractive.
Principe de fonctionnement
• Fluidique (irrigation et aspiration):



• Pédale de commande (sans fil) : du repos, irrigation, ultrasons, irrigation-aspiration (vide), reflux.
Avancées technologiques



• Pointes et manchons : diamètres et géométrie → choix adapté à la mini/microincision.
Mini-incision et microincision
Corriger la presbytie lors d’une chirurgie du cristallin utilisant un implant multifocal ou accommodatif nécessite de considérer l’astigmatisme préopératoire. En effet, un astigmatisme postopératoire supérieur à une dioptrie peut constituer une cause d’échec ou d’insatisfaction du patient. L’avènement des lentilles intra oculaires multifocales toriques, même si celles-ci élargissent le champ des indications opératoires, nécessite d’autant plus une limitation de l’astigmatisme chirurgicalement induit si on souhaite un résultat précis. L’incision de phacoémulsification constituant une kérato-tomie par aplatissement du méridien concerné, le choix de sa taille [52, 62, 81] et celui de son site [97] ont une influence sur l’astigmatisme chirurgicalement induit. La tendance actuelle est à la limitation de l’astigmatisme induit principalement par deux mécanismes : éloignement de l’incision, le plus souvent cornéenne, par rapport à l’axe optique et réduction de sa taille. L’objectif étant de limiter l’astigmatisme chirurgicalement induit, les tailles d’incisions, en fonction des publications, se situent aux alentours de 2 mm en cornée claire. Plus rarement, il s’agit de réduire un astigmatisme préexistant par le choix des caractéristiques de l’incision.
La réduction de la taille des incisions a nécessité le développement de technologies et de techniques permettant de phacoémul-sifier par des mini-incisions ou des microincisions. Cela passe par la mise au point de machines plus performantes en termes d’équilibre hydrodynamique et d’efficacité ultrasonique (cf. supra), de matériel adéquat, d’implant et d’injecteurs adaptés. Il faut signaler que, quelle que soit la taille d’incision utilisée pour la phaco-émulsification (jusque moins de 1 mm), c’est l’implant (surtout son matériau) et les systèmes d’injection qui déterminent les valeurs en fin d’intervention. Les implants constituent donc aujourd’hui un des facteurs limitant à la réduction de la taille des incisions, comme cela a toujours été le cas depuis l’avènement de la pha-coémulsification. Par ailleurs, il est important de considérer le comportement postopératoire de ces implants destinés à la microincision, dont le nécessaire changement de dessin ou de matériau ne doit pas dégrader les performances à moyen et long terme, d’autant que la chirurgie de la presbytie s’adresse fréquemment à des patients plus jeunes que ceux atteints de cataracte.
DÉFINITIONS
Il n’existe pas de définition consensuelle de la cataracte par microincision ou mini-incision, l’utilisation des différents termes relevant essentiellement des usages courants. C’est la séparation de l’irrigation et des ultrasons [93], jusque-là coaxiales, qui a initialement permis une réduction importante de la taille des incisions et les débuts de la microincision, l’irrigation et les ultrasons étant connectés à deux pièces à main distinctes. Par la suite les améliorations de la phacoémulsification coaxiale ont permis de s’approcher puis de passer sous la barre des 2 mm. Aujourd’hui, la pha-coémulsification micro-coaxiale a pris le pas sur la micro-biaxiale essentiellement pour deux raisons:
– l’implantation nécessite le plus souvent un élargissement de l’incision initiale, car les implants actuels ne sont pas adaptés à des incisions dont la taille est inférieure à 1,6 mm;
– malgré d’importants progrès, l’équilibre hydrodynamique est plus difficile à obtenir en phacoémulsification biaxiale qu’en coaxiale : la sécurité peropératoire s’avère donc plus aléatoire entre des mains moins entraînées.
MICROINCISION
C’est Jorge Alió, en 2005, qui a proposé le terme de MicroIncision Cataract Surgery (MICS) pour désigner la chirurgie de la cataracte par microincision. Il entendait par là une incision de taille inférieure à 2 mm (fig. 7-14). Il présente les résultats d’une étude prospective non comparative observationnelle de quarante-cinq cas opérés à travers des incisions de 1,9 mm utilisant une technique biaxiale [3].
microincision biaxiale
(vidéo 7-1)
Les premières publications concernant la chirurgie par microincision remontent au milieu des années soixante-dix et aux années quatre-vingt [38, 42, 94, 93]. En 1985, c’est à Shearing [93] qu’on attribue la séparation des ultrasons et de l’irrigation. Il publie une série de phacoémulsifications par 1 mm. Amar Agarwal, en Inde, popularise la phacoémulsification biaxiale par 0,9 mm à partir de 1999 [1, 2]; il dénomme cette technique PHAKONIT (N pour needle, I pour incision, T pour tip).
En 2002, Hiroshi Tsuneoka publie les résultats de la première grande série non comparative de six cent trente-sept phacoémul-sifications biaxiales par des incisions inférieures à 1,4 mm [98]. Il considère cette technique comme sûre, ne rapporte pas de brûlure cornéenne et retrouve des pertes endothéliales de 4,6 %, selon lui comparables aux techniques de référence.
INTÉRÊTS DE RÉDUIRE LA TAILLE D’INCISION
Un des intérêts de la chirurgie de la cataracte par microincision réside dans la réduction de l’astigmatisme chirurgicalement induit [3, 22, 24, 29, 44, 45, 50, 54, 62, 102, 105]. En pratique, ces techniques comportent d’autres avantages, permettant une récupération plus rapide dans de meilleures conditions de sécurité opératoires et postopératoires comparées aux incisions de taille standard (autour de 3 mm).
INFLUENCE SUR L’ASTIGMATISME INDUIT PAR LA CHIRURGIE
Un certain nombre de principes de base sont connus de longue date. Les incisions induisent moins d’astigmatisme d’autant qu’elles sont plus éloignées de l’axe optique [45] et qu’elles sont de petite taille [3, 22, 24, 29, 44, 45, 50, 54, 62, 102, 105]. En moyenne, le limbe est plus éloigné de l’axe optique sur le méridien vertical que sur le méridien horizontal. C’est donc logiquement que, à taille égale, les incisions temporales sont moins astigmatogènes que les incisions supérieures [97]. Pour un site donné, quelle est la taille d’incision en deçà de laquelle l’incision n’influence plus l’astigmatisme chirurgicalement induit ?
Incisions de taille standard
Concernant les incisions de taille standard, Khonen compare des incisions cornéennes temporales de 3,5 mm, 4 mm et 5 mm [52].
L’astigmatisme chirurgicalement induit est significativement plus faible dans le groupe 3,5 mm que dans le groupe 4 mm (p < 0,05) et le groupe 5 mm (p < 0,005) après six mois. Tejedor retrouve une différence significative en fonction du site pour des incisions de 2,8 mm [97], l’astigmatisme chirurgicalement induit étant plus faible si l’incision est placée dans le secteur temporal, puis nasal, puis supérieur.
Incisions de taille standard versus microincisions
En 2005 Jorge Alió [3], pionnier de la phacoémulsification biaxiale, publie une série de cent cas comparant des incisions de 1,5 mm biaxiales et 2,8 mm coaxiales. Outre une réduction significative du temps effectif de phacoémulsification, il retrouve une réduction significative de l’astigmatisme chirurgicalement induit moyen dans le groupe « microincisions » : 0,43 D contre 1,2 D. Yao compare des incisions de 1,7 mm et 3,2 mm [105] et montre une réduction significative de l’astigmatisme chirurgicalement induit dans le groupe « microincisions » : 0,78 D contre 1,29 D.
D’autres auteurs ne mettent pas en évidence de différence significative [29, 54, 68]. Kurtz [54] montre une réduction du temps effectif de phacoémulsification et une récupération plus rapide de l’acuité visuelle postopératoire mais pas de différence significative en termes d’astigmatisme chirurgicalement induit entre des incisions biaxiales de 1,5 mm et des incisions coaxiales de 2,75 mm (0,15 D contre 0,31 D), ni en termes de perte endothéliale ou de mesure au laser flare.
Incisions de taille standard versus mini-incisions
Masket a publié une étude comparant avantageusement les incisions de 2,2 mm coaxiales par rapport à celles de 3 mm en termes d’astigmatisme induit (0,35 ± 0,21 D par 2,2 mm et 0,67 ± 0,48 D par 3,0 mm; p = 0,006) [62]. Hayashi retrouve également une différence significative entre des incisions de 2,0 mm coaxiales par rapport à celles de 2,65 mm en termes d’astigmatisme induit (0,56 D par 2,0 mm et 0,74 D par 3,0 mm) [44]. Le même démontre que l’astigmatisme chirurgicalement induit est plus important pour des incisions de 3 mm cornéennes comparées à des incisions sclérales de même taille [45]; cette différence disparaît à partir de 2 mm et en dessous.
microincisions versus mini-incisions
Peu d’études ont comparé microincisions et mini-incisions. Can montre une différence significative d’astigmatisme chirurgicalement induit entre des incisions de 2,8 mm, 2,2 mm et 1,4 mm, avec des valeurs de 0,46 D, 0,24 D et 0,13 D [22]. Lee, dans une étude prospective randomisée incluant quatre-vingt-six yeux [55], ne montre pas de différence en termes d’astigmatisme chirurgicalement induit entre des incisions de 2,2 mm et 1,8 mm.
microincision biaxiale versus micro-coaxiale
En 2009, Wilczinski retrouve des valeurs faibles et proches d’astigmatisme induit en utilisant des incisions coaxiales de 1,8 mm et biaxiales de 1,7 mm (0,42 ± 0,29 D contre 0,5 ± 0,25 D) [103], les pertes endothéliales étant par ailleurs comparables dans les deux groupes [104].
Outre la comparaison entre les différentes tailles d’incisions et les différentes techniques, il est intéressant de constater que les valeurs moyennes d’astigmatisme chirurgicalement induit peuvent varier d’une étude à l’autre : de 0,13 D [22] à 0,78 D [105] pour les microincisions et de 0,24 D [22] à 0,4 D [102] pour les mini-incisions. S’il semble délicat de distinguer nettement micro-et mini-incisions en termes d’astigmatisme chirurgicalement induit, les valeurs, dans la majorité des études, sont faibles et permettent une assez bonne prédiction autour de 2 mm.
Réduction des aberrations optiques de haut degré
Outre l’astigmatisme chirurgicalement induit, Denoyer montre que des microincisions biaxiales de 1,7 mm comparées à des incisions coaxiales de 2,8 mm améliorent les performances optiques postopératoires en limitant les aberrations de hauts ordres induites par la chirurgie [29]. Yao trouve des résultats comparables [105].
Comment utiliser l’incision pour diminuer l’astigmatisme préopératoire ?
S’il est possible de choisir une incision destinée à réduire l’astigmatisme induit (courte et temporale), il est également possible de faire varier les caractéristiques de l’incision pour réduire l’astigmatisme préopératoire en l’absence d’utilisation d’implant torique. Cette action est multiparamétrique et peu précise, mais des tendances peuvent se dégager. Bien qu’il soit utile de s’éloigner de l’axe optique pour limiter l’astigmatisme induit, il faut signaler que la plupart des chirurgiens ont abandonné les incisions sclé-rales, en particulier dans le secteur temporal où elles sont peu confortables et peu esthétiques. Il est par ailleurs démontré que cela est inutile en dessous de 2 mm [45].
INTÉRÊT DE LA MICROINCISION EN DEHORS DE L’ASTIGMATISME
Barrière hématoaqueuse
La rupture de la barrière hématoaqueuse est proportionnelle à la taille de l’incision. Il est connu de longue date que la réduction de la taille d’incision limite l’inflammation postopératoire. Chee a comparé des extractions extracapsulaires à la phacoémulsification et retrouve des valeurs significativement moindres de flare dans le second groupe [26]. Les valeurs se normalisent au premier mois pour le groupe des phacoémulsifications et au second mois pour le groupe des extractions extracapsulaires. En est-il de même entre des incisions standards et des microincisions ? Kahraman ne retrouve pas de différence significative en termes de flare entre des incisions 3,2 mm et des incisions biaxiales de 1,4 mm élargies pour l’implantation [49]. Kurz arrive aux mêmes conclusions entre des incisions de 2,75 mm et des incisions de 1,5 mm [54], même si l’efficacité ultrasonique est supérieure et l’acuité visuelle finale acquise plus rapidement dans le groupe « microincision ».
Endophtalmies
Lundström a montré que les incisions cornéennes et/ou la localisation temporale accroissaient le risque d’endophtalmie d’un cas pour 5 500 procédures par rapport à des incisions scléro cornéennes et/ou supérieures [60]. Le plus souvent, un défaut d’affrontement des berges est retrouvé [64]. La réduction de taille d’incisions réduit théoriquement le risque de contamination postopératoire. Cependant, il semble que la préservation de la structure incisionnelle doive être prise en considération, en particulier concernant la phaco émulsification biaxiale pour laquelle l’absence de manchon en silicone et la taille très réduite des incisions peuvent constituer des facteurs traumatiques menant à un défaut d’étanchéité.
Limitation des pertes cellulaires
Si Kahraman [49] retrouve des pertes endothéliales supérieures dans un groupe d’incisions biaxiales 1,4 mm comparé à des incisions coaxiales de 3,2 mm, la majorité des auteurs [24, 66, 104] ne montre pas de différence significative de pertes endothéliales entre microincision biaxiale et microincision coaxiale.
TECHNIQUES CHIRURGICALES
PHACOÉMULSIFICATION BIAXIALE
C’est cette technique — même si elle ne s’est pas imposée actuellement — qui permet les plus petites tailles d’incisions (fig. 7-15). L’avènement de nouveaux implants et de nouvelles cartouches est susceptible de lui procurer un regain d’intérêt dans le futur si elle n’est pas supplantée par le laser femtoseconde. Elle nécessite une certaine habileté chirurgicale, sa courbe d’apprentissage peut inclure quelques dizaines de cas et elle ne peut devenir routinière que par une utilisation systématique. Elle requiert une instrumentation spécifique (couteaux, pinces à capsulorhexis, irrigateur). L’absence de manchon coaxial en silicone rend plus aléatoire l’équilibre fluidique, d’autant que l’infusion est réduite et le risque de dommage à l’incision accru dans un premier temps. Enfin, si la taille d’incision est inférieure à 1,7 mm, un agrandissement pré alable à l’injection est le plus souvent requis. Les principaux écueils sont constitués par les incisions, qui doivent être construites de manière très rigoureuse et de taille adéquate, par la réalisation du capsulorhexis à l’aiguille ou à la pince à commande distale, par le maintien de la chambre antérieure pendant la phase de quadrant en particulier à la désocclusion. Les réglages hydrodynamiques sont plus délicats au départ et doivent tenir compte de tous les éléments de chaque configuration.
PHACOÉMULSIFICATION MICRO-COAXIALE
La phacoémulsification coaxiale ne nécessite que peu de modifications de la technique chirurgicale habituelle. Elle peut être réalisée à l’aide d’ultrasons longitudinaux, torsionnels ou mixtes. Certaines études [87] montrent une plus grande efficacité des ultrasons torsionnels par rapport aux ultrasons longitudinaux (vidéo 7-3). Cette e technique ne nécessite pas ou peu de modifications des paramètres de la machine et sa courbe d’apprentissage est très brève, d’autant que l’infusion est bien préservée. L’équilibre hydrodynamique, y compris à la désocclusion, est aisé à maintenir. Aucune instrumentation spécifique n’est nécessaire en dehors d’une pince à capsulorhexis adaptée à des incisions comprises entre 1,8 mm (fig. 7-16) et 2,2 mm.
LENTILLES INTRAOCULAIRES DESTINÉES AUX MINI-ET MICROINCISIONS
Les lentilles destinées aux microincisions (fig. 7-17) doivent répondre à un cahier des charges incluant la déformabilité permettant de passer sans dommage à travers la microincision, mais produisant également un comportement intrasacculaire postopératoire équivalent à celui des meilleures lentilles existantes.
Il faut distinguer deux grandes catégories de lentilles intraoculaires:
– celles destinées aux incisions supérieures 2,0 mm, qui sont des implants monoblocs déjà utilisés à travers des incisions de taille standard, faits d’acrylique hydrophobe ou hydrophile au comportement éprouvé;
– celles destinées aux incisions de moins de 2 mm, qui sont le plus souvent des implants en acrylique hydrophile et adoptent des dessins spécifiques destinés à améliorer leur comportement postopératoire.
MATÉRIAUX
C’est essentiellement le matériau qui détermine la taille d’incision. Il détermine également en partie (avec le dessin) le comportement intraoculaire postopératoire de l’implant. Il existe deux principales catégories de matériaux : les acryliques hydrophobes et les acryliques hydrophiles [7]. Les silicones ne sont pas utilisés pour la microincision. Les lentilles intraoculaires faites de matériaux acryliques hydrophobes, dont les qualités optiques et le comportement postopératoire sont réputés et démontrés, ne peuvent pas encore rivaliser avec celles faites d’acryliques hydrophiles, plus déformables, en termes de taille d’incision. Pour ces matériaux hydrophobes, les tailles possibles d’incisions se situent actuellement autour de 2,2 mm si l’injection est pratiquée en chambre antérieure et autour de 2 mm si l’injection est réalisée à la berge. Les matériaux acryliques hydrophiles, forts de leur déformabilité, peuvent être injectés par des incisions de 2 mm en chambre antérieure et moins de 1,8 mm à la berge.
Si le matériau joue un rôle indéniable pour réduire la taille des incisions, il joue également un rôle dans le comportement intrasacculaire postopératoire [5] : opacification de la capsule postérieure, opacification de la capsule antérieure, rétraction sacculaire et stabilité de la lentille intraoculaire.
INJECTION
INJECTEURS
Les injecteurs destinés aux mini-incisions sont assez proches des injecteurs habituels. Ils sont fréquemment le fruit d’une adaptation d’injecteurs classiques et de leurs cartouches aux contraintes mécaniques d’incisions autour de 2,2 mm. En revanche, implanter à travers une microincision inférieure à 2 mm nécessite l’utilisation d’injecteurs dédiés [8] (fig. 7-18).

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