7: Échographie générale en soins intensifs

7 Échographie générale en soins intensifs



L’échographie générale en unité de soins intensifs (USI) a pris de l’importance avec le développement d’appareils d’échographie portables de haute résolution permettant d’accéder à une imagerie non invasive de grande qualité au lit du malade. Elle est devenue un outil précieux dans la prise en charge des patients les plus graves. Elle produit des informations diagnostiques instantanées sur une myriade d’anomalies de l’abdomen et du thorax ainsi que sur l’évaluation des structures vasculaires, en s’assurant de leur perméabilité et en éliminant une pathologie thromboembolique. En outre, un diagnostic précis ainsi que le drainage de collections intra-abdominales et pleurales, les biopsies hépatiques et rénales et l’abord vasculaire échoguidé peuvent être effectués dans le service de soins intensifs sans qu’il soit besoin de transférer le patient vers le service de radiologie.



Échographie Thoracique


L’air ne permet pas la transmission des fréquences sonores nécessaires pour le diagnostic échographique, ce qui limite l’intérêt de l’échographie thoracique. Néanmoins, l’accumulation de liquide dans l’espace pleural est facilement visible. Le déplacement de l’air anéchogène par les épanchements pleuraux permet la transmission des ultrasons. Le liquide libre tombe dans la plèvre, alors que le liquide lobulaire ne se déplace pas librement ; septum, composants des tissus mous et lobules sont facilement identifiables à l’échographie.



Anatomie échographique


L’échographie pulmonaire est réalisée par balayage dans les espaces intercostaux. En l’absence de liquide ou de masse, l’air dans les poumons ne conduit pas le son. Les images sont composées d’alternance de bandes échogènes dues aux réverbérations causées par l’air et d’effets lumineux réfléchis par l’os, avec une bande postérieure anéchogène d’ombre acoustique (cône d’ombre) (figure 7.1). Les muscles intercostaux représentent la majorité des tissus mous entre la peau et la plèvre, dans l’espace intercostal. Les vaisseaux intercostaux se trouvent en profondeur par rapport aux côtes et sont donc mal visualisés. La surface du poumon peut être vue, bougeant avec la respiration, produisant des artéfacts en « queue de comète » dans les espaces intercostaux. Le diaphragme peut être visualisé comme une structure courbe, échogène, au-dessus de la rate ou du foie.




Technique


La position de routine pour un examen échographique du thorax dans le service est de faire asseoir le patient au bord du lit, penché vers l’avant, face à l’opérateur, les bras croisés sur la poitrine. Cette position n’est pas possible pour un patient ventilé ; le compromis consiste à surélever le plus possible la tête du lit et à mettre les bras du patient au-dessus de sa tête où ils sont maintenus dans cette position par un aide. Le balayage est effectué soit transversalement, le long de la ligne de l’espace intercostal, soit longitudinalement, en inclinant la sonde de haut en bas et de droite à gauche pour évaluer complètement l’anatomie de cette région. L’échographie peut également être effectuée par voie sous-costale, au travers du foie par la droite ou au travers de la rate par la gauche. L’échographie est effectuée avec une sonde linéaire de haute résolution de 6 MHz. Une autre sonde est utile si l’accès intercostal est limité, alors que la sonde linéaire donne une haute résolution avec une faible profondeur de champ (figure 7.2).



La ponction pleurale échoguidée comprend le prélèvement d’échantillons de liquide pleural après localisation par échographie transthoracique. Ce prélèvement est le plus couramment effectué en utilisant une aiguille de calibre 22 gauges et une seringue et peut être réalisé soit en aveugle, soit après localisation par l’échographie, soit grâce au repérage direct par ultrasons. Il est nécessaire d’utiliser une technique aseptique. L’aiguille est avancée perpendiculairement à la surface de la peau, au bord supérieur de la côte inférieure, dans la région de la ligne axillaire postérieure, en maintenant une pression négative dans la seringue jusqu’à ce que le liquide soit aspiré. En revanche, si un drainage est nécessaire, un drain doit être inséré. Cette procédure peut être réalisée en utilisant la technique du trocart para-axial ou une technique coaxiale avec un guide. Des drains de petit calibre sont aussi souvent utilisés, entre 6 et 10 french. Si l’épanchement est cloisonné ou si le liquide pleural est purulent et visqueux, la mise en place chirurgicale d’un drain thoracique de gros calibre peut être nécessaire pour permettre le drainage optimal de l’emphysème.


Bien que des séries de cas non contrôlés suggèrent le bénéfice de petits cathéters insérés par échoguidage, leur efficacité, par rapport aux drains de plus grand calibre, n’a pas été étudiée dans des essais randomisés [1]. L’utilisation en routine de streptokinase intrapleurale lors d’infections pleurales n’a pas fait la preuve de son bénéfice sur la mortalité, le recours à la chirurgie ou le délai de l’hospitalisation [2].



Littérature et preuves


Le bénéfice de l’échographie réalisée au lit du patient pour préciser un diagnostic de collection de liquide pleural et pour prévoir un volume d’épanchement non cloisonné de moins de 500 ml chez des patients ventilés a été démontré [3].


Bien que la plupart des épanchements pleuraux en réanimation soient des épanchements liés à une pneumonie, stériles, non compliqués, si l’état du patient se détériore avec apparition d’un empyème, un diagnostic et une prise en charge précoces sont importants pour améliorer le pronostic [4]. L’incidence de l’empyème varie de 2 à 17 % [5] ; l’aspect échographique peut aider à caractériser la nature du fluide.


Des aspects cloisonnés complexes, avec une homogénéité échographique ou des complexes non cloisonnés et relativement hyperéchogènes, ont été décrits comme correspondant à des débris de fibrine et de nécrose dans des épanchements non liés à une pneumonie, associés au développement d’un empyème [6].


Des épanchements anéchogènes ou des épanchements complexes non cloisonnés et relativement non hyperéchogènes ont été décrits comme correspondant à des épanchements stériles et ne tirent pas de bénéfice d’une ponction pleurale immédiate avec mise en culture du liquide (figure 7.3).



Une ponction échoguidée est un geste sûr et efficace pour prélever un échantillon de liquide pleural [7]. En outre, des petits cathéters « en queue de cochon » peuvent être insérés pour permettre le drainage de l’épanchement durant une période prolongée. Des masses pleurales peuvent également être biopsiées en sécurité grâce à la visualisation directe de l’aiguille. Aussi bien la cytologie réalisée avec une aiguille d’aspiration fine de 22 gauges que la biopsie tumorale réalisée avec une aiguille à biopsie de 18 gauges sont réalisables au chevet du patient pour diagnostiquer une tumeur maligne. En outre, une sclérothérapie rapide des épanchements pleuraux malins peut également être effectuée. Il a été démontré qu’une pleurodèse pouvait être accomplie dans un délai de 24 à 48 h avec de bonnes réponses à court et à long terme, grâce à la mise en place échoguidée d’un drain thoracique et à la surveillance échographique du liquide. Sartori et al. [8] ont étudié 50 patients avec un épanchement pleural malin récurrent dans lequel un cathéter 9 F avait été inséré sous échoguidage. Lorsque l’échographie montrait l’évacuation complète du liquide, de la bléomycine (0,75 mg/kg) était injectée et le drainage du liquide était surveillé pendant 12 h. Si moins de 100 ml de liquide était évacué, le drain était retiré ; sinon, une deuxième dose de bléomycine était administrée. Les résultats globaux montraient à 30 j une réponse positive de 84 % et à long terme une réponse positive de 60 %, sans complication importante ou effet secondaire [8].



Évaluation d’un hémothorax


Il est établi que l’échographie thoracique en urgence est un outil valable et précis dans la première évaluation du patient traumatisé et constitue une amélioration par rapport à l’évaluation clinique. Brooks et al. [9] ont montré que l’échographie thoracique effectuée chez un patient avec un traumatisme thoracique fermé avait une sensibilité de 93 % et une spécificité de 100 %, avec des valeurs prédictives positive et négative respectives de 100 % et de 98 %, comparée à la détection de sang par drainage thoracique, par radiographie thoracique en décubitus ou par un scanner thoracique. Ils ont également rapporté que l’échographie était plus sensible qu’une radiographie simple et que la plupart des résultats de l’échographie étaient disponibles beaucoup plus précocement que les résultats de la radiographie thoracique [9].




Échographie vasculaire



Thrombose veineuse profonde des membres inférieurs


Les patients critiques en soins intensifs sont à risque accru de maladie thromboembolique en raison des conditions prémorbides, d’infections, de traumatismes, d’un cathétérisme veineux central, d’examens et de procédures invasives, de l’utilisation d’agents sédatifs et paralysants et de l’immobilité [11]. Quatre-vingt-dix pour cent des cas d’embolie pulmonaire (EP) proviennent des veines profondes des membres inférieurs. Le dépistage général par échographie n’est pas utilisé en routine, car il a été démontré qu’un thrombus détecté par un dépistage systématique chez des patients hospitalisés n’avait pas nécessairement de signification clinique [12]. Cependant, chez les patients avec une suspicion clinique d’EP, un trouble cardiopulmonaire aigu ou chronique ou des symptômes au niveau des membres inférieurs, l’écho-Doppler veineux peut être utile pour orienter la prise en charge. La précision du diagnostic de l’échographie Doppler est faible pour une thrombose veineuse profonde (TVP) au-dessous du genou.


La sensibilité globale se situe entre 89 et 100 % et la spécificité entre 97 et 100 %, ce qui fait de l’échographie Doppler une technique non invasive idéale. Les veines profondes sont habituellement examinées à partir de la veine fémorale commune jusqu’au niveau poplité et évaluées par compression, par augmentation du débit, de la couleur du flux et de l’examen Doppler.


Les veines profondes sont régulièrement examinées à partir de la veine fémorale commune au niveau poplité, à l’évaluation de la compression, l’augmentation du flux, de flux Doppler couleur et d’examens en Doppler pulsé. Les veines libres normales sont compressibles et leur lumière peut être complètement effacée par une compression directe de la sonde dans le plan transversal. Le Doppler couleur montre le comblement complet de la lumière vasculaire et l’onde Doppler pulsée montre un flux veineux phasique normal avec augmentation par compression des veines distales avec des variations respiratoires.


Le thrombus peut combler partiellement la lumière, faisant obstacle à une compression complète, avec remplissage autour du thrombus visible en Doppler couleur et un flux veineux continu (perte de changements de phase) en cas de TVP non occlusive. Une TVP occlusive comble et, éventuellement, élargit la lumière vasculaire avec une perte de signal du Doppler (figures 7.4 et 7.5).





Thrombose veineuse profonde des membres supérieurs et du cou


La TVP est une complication fréquente et potentiellement évitable des traumatismes ou des voies veineuses centrales, qui survient chez 6 à 65 % des patients traumatisés [13]. La perméabilité des veines superficielles dans le cou et les membres supérieurs et la présence d’une TVP peuvent être diagnostiquées par échographie au lit du patient, comme indiqué précédemment.



Pseudo-anévrisme de l’artère fémorale


Les procédures d’angiographie percutanée ont un taux de complication vasculaire de 0,3 à 1 %, la plus commune après l’hématome étant le pseudo-anévrisme de l’artère fémorale [14]. Il s’agit aussi une complication rare de la mise en place d’un ballon intra-aortique. L’échographie peut aider à distinguer le pseudoanévrisme du simple hématome et peut aussi être employée dans son traitement.



Anatomie échographique


Le faux anévrisme se forme dans les tissus mous adjacents à un récent site de ponction artérielle. Une importante structure hypo-échogène peut être visualisée, avec des flux caractéristiques en écho-Doppler couleur. Un va-et-vient des flux donne le classique aspect en « yin-yang », un mouvement tourbillonnant très évocateur du diagnostic. La preuve, en échographie Doppler, de la présence d’un canal de communication (« cou ») entre le sac et l’artère nourricière fait le diagnostic. Une sensibilité de 94 % et une spécificité de 97 % ont été rapportées [15]. Les traitements possibles comprennent la compression échoguidée et l’injection échoguidée de thrombine, alternatives non invasives à la chirurgie réparatrice (figure 7.6).




Technique



Compression échoguidée


Utilisant une sonde linéaire de 6 MHz, la compression du pseudoanévrisme cervical, par cycles répétés de 10 à 20 min par heure, a été conseillée [16]. Le taux de succès atteint 74 à 91 %. Il peut réduire de 50 % le recours à une chirurgie réparatrice [17]. Cela a été supplanté, dans l’artère fémorale pseudo-anévrismale, par l’injection échoguidée de thrombine. La thrombine transforme le fibrinogène inactif en fibrine, conduisant à la formation du thrombus. Une solution de carbonate de calcium est mélangée avec de la poudre stérile de thrombine disponible dans le commerce. Les concentrations utilisées varient de 100 à 1000 UI/ml [18]. La préparation est injectée lentement dans le sac, sous guidage échographique, avec une technique stérile à un rythme constant jusqu’à ce que le flux à l’intérieur de la poche cesse à l’imagerie Doppler, généralement en quelques secondes. Les volumes injectés varient de 0,5 à 1 ml. Une surveillance post-procédurale du pouls périphérique et de l’index cheville-bras est essentielle pour détecter une rare complication thrombo-embolique périphérique.



Jun 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 7: Échographie générale en soins intensifs

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