7: Douleurs abdominales : troubles gastro-intestinaux et atteinte du système urogénital

Chapitre 7


Douleurs abdominales : troubles gastro-intestinaux et atteinte du système urogénital



Le diagnostic et le traitement des pathologies abdominales font appel à toutes vos compétences de soignant. Les patients souffrant de douleurs abdominales présentent un large éventail de signes et symptômes. Par conséquent, poser un diagnostic différentiel large et ensuite l’affiner pour arriver à une hypothèse de travail est difficile même pour les plus experts des cliniciens. Ce chapitre est destiné à accroître vos connaissances et vos compétences en vous apprenant à chercher les indices qui peuvent vous conduire à un diagnostic précis. Nous commencerons par un rappel sur le fonctionnement de l’appareil digestif ainsi que celui de ses organes. Ensuite, nous aborderons signes, symptômes et traitements de diverses causes de douleurs abdominales, que vous êtes susceptible de rencontrer le plus souvent sur le terrain. Enfin, nous passerons en revue les douleurs abdominales les plus fréquentes qui ont pour origine les autres systèmes que le système digestif.




Mots clés


antiémétique


Substance qui prévient ou soulage les nausées et les vomissements.


douleurs pariétales


Douleurs généralement bien localisées, provoquées par une irritation des fibres nerveuses du péritoine pariétal ou d’autres tissus profonds (par exemple le système locomoteur). L’examen physique révèle une douleur vive, bien définie et localisée accompagnée de douleurs à la palpation, d’une défense et d’un signe de la détente.


douleurs référées


Douleurs ressenties dans un autre endroit que l’organe ou la partie du corps lésé ou malade.


douleurs viscérales


Douleurs mal localisées qui sont dues à un étirement des parois des organes creux, ce qui active les récepteurs de pression. Ce type de douleurs est caractérisé par un mal profond, persistant, allant de modéré à intolérable et il est communément décrit comme des crampes, des brûlures ou des tiraillements.


gastro-intestinal


Tout ce qui concerne le tractus gastro-intestinal, soit les organes impliqués dans la consommation, la transformation et l’élimination des aliments. Le système digestif commence à la bouche, se continue par l’œsophage et traverse la cavité thoracique pour arriver dans la cavité abdominale et se terminer dans le petit bassin par le rectum.


hématémèse


Vomissements de sang rouge, signant une hémorragie digestive haute.


hématochézie (ou rectorragie)


Émission de sang rouge non digéré par l’anus.


insuffisance hépatique aiguë


Affection rare qui survient lorsqu’une hépatite évolue vers une nécrose hépatique (mort des cellules du foie). Ses symptômes classiques incluent l’anorexie, les vomissements, l’ictère, les douleurs abdominales et l’astérixis (ou flapping tremor [mouvements involontaires et asynchrones dus à la chute du tonus musculaire des extenseurs de la main, NdT]).


invagination


Pénétration d’un segment d’intestin dans la portion intestinale située en aval, provoquant une obstruction intestinale. Peut se situer dans l’intestin grêle, le côlon, ou l’iléon terminal et le cæcum.


méléna


Émission de selles noires, d’une odeur caractéristique et qui contient du sang digéré.


viscères


Organes internes situés dans une cavité corporelle, incluant les organes abdominaux, thoraciques, pelviens et endocriniens.


volvulus


(Torsion d’un organe sur lui-même [NdT].) Volvulus de l’estomac : l’estomac pivote sur lui-même de plus de 180°, ce qui ferme l’estomac aux deux bouts, bloquant le flux sanguin et le passage des aliments. Caractérisé par des douleurs abdominales intenses de survenue brusque, des vomissements importants et un état de choc.





Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche, qui a souffert de problèmes gastriques dans la cinquantaine, a écrit : « L’abdomen est la raison pour laquelle l’homme ne se prend pas facilement pour un dieu ». D’un épisode de simple indigestion jusqu’à la crise d’appendicite, quiconque ayant souffert de douleurs abdominales sait précisément ce que Nietzsche a voulu dire. Mais les affections abdominales sont plus qu’une simple nuisance. De fait, elles ont changé le cours de l’histoire et nous ont privé de grandes œuvres d’art et de littérature. On dit par exemple que l’empereur Louis- Napoléon Bonaparte a été capturé durant la guerre franco-prussienne parce qu’il était distrait par des coliques néphrétiques. Le romancier James Joyce est mort à 58 ans d’un ulcère gastrique perforé. La compositrice Lili Boulanger, gagnante du prestigieux Prix de Rome, est morte avant son 25e anniversaire de la maladie de Crohn.


Nous avons fait du chemin dans le traitement des affections abdominales depuis la période napoléonienne, mais les douleurs abdominales restent l’une des causes les plus fréquentes de consultations médicales. En 2006, aux États-Unis, le National Health Statistics Report des Centers for Disease Control and Prevention a publié un rapport (le plus récent à ce jour) disant que les douleurs abdominales viennent en deuxième après les douleurs thoraciques chez les patients âgés de 15 ans ou plus. Chez les enfants de moins de 15 ans, les douleurs abdominales sont moins fréquentes. Étant donné l’extrême variété anatomique et physiologique du système digestif, les causes d’affections abdominales sont très diverses. Nous allons les développer dans ce chapitre.



image Anatomie et physiologie


Le système digestif comprend les organes impliqués dans la consommation, la transformation et l’élimination des aliments. Il commence par la bouche, se continue par l’œsophage, traverse la cavité thoracique pour aller dans la cavité abdominale et se termine dans le petit bassin par le rectum. La figure 7-1 montre la localisation des organes digestifs. Tout au long de ce système, de nombreux problèmes peuvent survenir. Les plaintes des patients sont souvent non spécifiques et aboutir à un diagnostic est souvent un défi, même avec tous les outils diagnostiques perfectionnés mis à notre disposition.





image Système digestif supérieur


Le système digestif commence par la bouche, avec la langue et les glandes salivaires. Le processus de digestion commence avec la mastication. La mastication est le processus par lequel les dents et la salive brisent les aliments solides pour faciliter leur passage dans l’œsophage. L’étape suivante de la digestion prend place dans l’œsophage, un organe creux, musculaire, postérieur à la trachée qui passe à travers le thorax et le diaphragme pour se terminer dans l’estomac. La paroi musculaire de l’œsophage propulse la nourriture depuis la bouche dans l’estomac. Comme l’œsophage n’a pas de paroi rigide, il est facilement comprimé. À la fin de l’œsophage se situe le sphincter œsophagien distal, un anneau musculaire qui prévient le reflux du contenu gastrique dans l’œsophage.


L’estomac est situé sous le diaphragme, juste sous le lobe gauche du foie. Il est protégé par la cage thoracique. Les nombreux replis de l’estomac lui permettent de s’agrandir pour contenir jusqu’à 1 l à 1,5 litre de nourriture et de liquide. Trois couches de musculature lisse contribuent à son expansion et à la transformation de la nourriture. Des glandes, à l’intérieur de l’estomac, produisent des enzymes qui aident à la digestion et protègent le corps des micro-organismes potentiellement nocifs qui entrent avec la nourriture. La vitesse avec laquelle l’estomac se vide, appelée vitesse de vidange gastrique dépend du type et de la quantité de nourriture ingérée ainsi que d’autres facteurs tels que l’âge et l’état général du patient.



image Système digestif inférieur


La digestion continue depuis l’estomac dans l’intestin grêle, première structure du tractus gastro-intestinal distal. Étendu, l’intestin grêle mesure plus de 7 mètres de long, mais il est enroulé dans la relativement petite cavité abdominale. Le duodénum, le jéjunum et l’iléon sont les trois parties de l’intestin grêle. Le duodénum qui part de l’estomac est, avec ses 30 cm de longueur, le segment grêle le plus court. Il reçoit le contenu semi-liquide, partiellement digéré de l’estomac (ou chyme) ainsi que les sécrétions exocrines du foie et du pancréas. Le jéjunum mesure presque 3 mètres et est responsable de la majeure partie de la digestion chimique et de l’absorption des aliments. L’iléon est la dernière partie du grêle, la plus longue, avec ses 4 mètres. Il est également responsable de l’absorption des aliments. Le gros intestin est composé du cæcum, du côlon et du rectum. Le cæcum est une poche qui reçoit les restes des produits digérés par le grêle. L’appendice est attaché au cæcum. Le gros intestin est principalement responsable de la réabsorption d’eau et de vitamines. Le rectum est responsable de l’expulsion des selles.



Organes accessoires:



Foie: Le foie est situé dans le quadrant supérieur droit de la cavité abdominale, sous le diaphragme. Les fonctions spécifiques du foie sont vastes et incluent la production de la bile aussi bien que la régulation métabolique et hématologique. Le foie accomplit plus de 200 tâches dans le corps dont certaines sont énumérées dans le tableau 7-1.



Le foie est un organe dense et lourd, qui pèse environ 1,5 kg. Il est divisé en un lobe droit et un lobe gauche, eux-mêmes formés de lobules, masse de cellules comprenant l’unité structurelle basique du foie. Le foie contient près de 100 000 lobules. C’est un organe extrêmement vascularisé. En fait, en tant que plus grand réservoir de sang du corps humain, même une petite lacération de cet organe peut causer une perte sanguine importante.





image Fonctions du système digestif


Pour transformer et digérer les aliments de façon efficace, les quatre principales fonctions du système digestif (motilité, sécrétion, digestion et absorption) doivent être intactes. Ces fonctions font appel à des interactions complexes entre les systèmes nerveux, endocrine, locomoteur et cardiovasculaire.



Motilité: La nourriture progresse à travers le système digestif grâce à un processus appelé motilité intestinale. Ce processus permet également de mélanger les composants alimentaires et de réduire la taille des particules, de sorte que les aliments puissent être digérés et les nutriments absorbés. Une réponse musculaire structurée et coordonnée appelée péristaltisme est indispensable au succès de ce processus. Le système neurologique, plus spécifiquement le système sympathique et parasympathique, orchestre cet effort.


Le nerf vague, qui fait partie du système parasympathique, innerve le tube digestif jusqu’au côlon transverse. Ce nerf joue un rôle prépondérant dans la vidange gastrique en contrôlant la contraction et l’ouverture des sphincters (musculature lisse). De plus, il a une fonction sécrétoire et aide à stimuler les vomissements. (Comme le nerf vague régule également le rythme cardiaque, une bradycardie est souvent présente chez une personne qui vomit.) Les racines sacrées stimulent le côlon descendant, le côlon sigmoïde, le rectum et le canal anal. Ces nerfs innervent la musculature striée du tiers supérieur de l’œsophage et du sphincter anal externe (figure 7-2).



Le système nerveux sympathique se concentre sur les ganglions principaux (cœliaque, mésentériques supérieur et inférieur, hypogastrique) et sur les cellules endocrines et sécrétoires.






image Douleurs


Les plaintes gastro-intestinales les plus courantes sont les douleurs abdominales. Malgré ou peut-être à cause de cette constante, en déterminer la cause est un défi même pour un soignant expérimenté. Souvent, les plaintes sont vagues et mal définies. Pour obtenir les informations nécessaires et aboutir à un diagnostic, vous devez connaître la physiopathologie du système digestif, comprendre comment faire une anamnèse et pratiquer un examen clinique d’une façon rassurante. Comme un diagnostic précis n’est pas toujours rapidement évident, les patients sont vite frustrés et ont l’impression de ne pas être crus. Établir un climat de confiance peut vous aider à obtenir des informations importantes, y compris les facteurs déclenchants et la description d’autres symptômes qui pourront vous conduire à un diagnostic présumé.


Les patients très jeunes et très âgés peuvent avoir des difficultés à exprimer leurs plaintes. Ces deux populations ont une perception différente de la douleur et la localisent différemment. Les patients âgés peuvent être confus à propos de l’origine de leurs douleurs et souffrent souvent de douleurs chroniques qui affectent leur perception. Les enfants localisent difficilement l’endroit qui leur fait mal et ont des difficultés à verbaliser leurs douleurs.


La perception de gêne ou de douleur varie beaucoup d’un individu à l’autre, en fonction de son origine et du niveau de tolérance du patient, ce qui complique le diagnostic. De plus, les douleurs abdominales évoluent avec le temps, devenant plus précises au fur et à mesure que la maladie progresse. Les douleurs abdominales peuvent être divisées en trois catégories : les douleurs viscérales, les douleurs pariétales et les douleurs référées. Nous allons les décrire tour à tour.




image Douleurs viscérales


Les douleurs viscérales apparaissent lorsque la paroi des viscères creux est mise sous tension, ce qui active les récepteurs de pression. Ce type de douleurs est caractérisé par un mal profond, persistant, allant de modéré jusqu’à intolérable. On les décrit souvent comme des brûlures, des crampes, des brûlures ou des tiraillements.


Les douleurs viscérales sont difficiles à localiser car les organes digestifs transmettent des signaux de douleurs des deux côtés de la moelle épinière, mais elles sont typiquement ressenties dans le creux épigastrique, la région périombilicale ou sus-pubienne. Les douleurs épigastriques proviennent généralement de l’estomac, de la vésicule biliaire, du foie, du duodénum ou du pancréas. Les douleurs périombilicales sont liées à l’appendice, à l’intestin grêle ou au cæcum, tandis que les douleurs sus-pubiennes proviennent des reins, des uretères, de la vessie, du côlon, de l’utérus ou des ovaires (figure 7-3).



Le patient a parfois de la peine à trouver une position confortable et devra souvent être repositionné durant le transport. Selon les causes, le patient peut transpirer, être nauséeux, agité ou pâle. Le tableau 7-2 souligne les diagnostics différents des douleurs abdominales chez des patients nauséeux et qui vomissent. Le tableau 7-3 énumère les différents agents antiémétiques utilisés chez ces patients.





image Douleurs pariétales


Les douleurs pariétales sont provoquées par une irritation des fibres nerveuses du péritoine pariétal ou d’autres tissus profonds comme ceux du système locomoteur. La localisation de ces douleurs est plus facile à préciser que celle des douleurs viscérales. L’examen clinique révèle une douleur localisée, aiguë, bien définie, accompagnée de douleurs à la palpation, d’une défense et d’une détente.


La douleur pariétale apparaît plus tard dans l’évolution de la maladie. Comme le péritoine pariétal entoure les organes concernés, cela prend plus de temps pour que les structures affectées deviennent irritées et douloureuses. Les ganglions dorsaux de la moelle épinière activent les douleurs péritonéales, en sorte que la douleur est typiquement du même côté et sur le même dermatome que l’organe atteint. Les dermatomes représentent la relation entre le nerf spinal et la partie du corps qu’il innerve (figure 7-4).





image Évaluation




image Observation initiale


Lors de l’observation initiale, vous allez vous former une impression initiale du patient. L’Advanced Medical Life Support (AMLS) conseille de se laisser guider par cette impression initiale.


Votre observation initiale commence en fait quand vous recevez un appel concernant une douleur abdominale. Lorsque vous arrivez sur place, vous allez pouvoir déterminer à quel point les informations données par votre centrale d’appel cadrent avec vos propres impressions. Ensuite, cherchez des indices qui peuvent vous indiquer une menace vitale. Si vous en trouvez, commencez la réanimation cardiovasculaire tout en continuant votre examen. Si aucune menace vitale n’est présente, centrez votre examen sur l’identification de la présentation cardinale et sur la formulation d’une liste de diagnostics différentiels associés aux douleurs abdominales. Occupez-vous d’abord des affections critiques, et ensuite des situations urgentes. Les signes associés à une série de plaintes abdominales critiques, urgentes et non urgentes sont résumés dans le tableau 7-4.



Votre travail consiste à réunir des indices afin de poser un diagnostic différentiel. Alors que vous cherchez ces indices, essayez de définir le matériel médical nécessaire décrit dans l’encadré 7-1. Vous devrez confirmer ou infirmer les diagnostics possibles sur la base de vos propres observations sur les lieux, de l’anamnèse, de l’examen physique et des examens biologiques. L’encadré 7-2 énumère des considérations concernant l’examen primaire du patient souffrant de douleurs abdominales. Pour une description détaillée de l’examen primaire, vous pouvez vous reporter au chapitre 1. Les examens de laboratoires couramment réalisés chez les patients souffrant de douleurs abdominales sont résumés dans le tableau 7-5.



Encadré 7-1   Matériel médical utilisé à domicile par les patients souffrant de pathologies abdominales


Au fur et à mesure de l’avancée technologique, le personnel préhospitalier est confronté à une grande variété de matériels médicaux à domicile. Les plus courants sont indiqués ci-après.



image Sonde nasogastrique et sonde de nutrition entérale. Ces sondes sont typiquement de petit diamètre, souples, allant du nez à l’estomac ou l’intestin. Elles sont utilisées pour alimenter ou hydrater des patients qui ne peuvent le faire. Elles sont également utilisées pour administrer des médicaments. Les utilisateurs de ce type de matériel sont des patients avec une histoire de cancer, de chirurgie de by-pass gastrique ou d’accident vasculaire cérébral. De nombreuses complications peuvent survenir, dont les suivantes.



S’il y a la moindre anomalie, on ne devrait plus utiliser la sonde.







Les sondes percutanées sont souvent utilisées chez des patients qui ont des difficultés à avaler, des atrésies œsophagiennes, des sténoses œsophagiennes, une malabsorption chronique ou un retard pondéral important. Des complications potentielles peuvent survenir, dont les suivantes.



S’il y a quoi que ce soit d’anormal, l’alimentation devrait être suspendue.



image Stomie. Une stomie est une ouverture chirurgicale de l’intestin afin de permettre à celui-ci de se vider. Elle peut être provisoire ou définitive chez des patients souffrant d’anomalies congénitales, de cancer, de maladie de Crohn sévère, de rectocolite ulcéro-hémorragique ou de traumatisme abdominal. N’importe quel segment intestinal peut être abouché à la peau. Plus la stomie est proche de l’estomac, plus le patient peut avoir des diarrhées, comme l’eau n’est pas réabsorbée. Le sac placé sur la stomie doit être vidé régulièrement pour éviter les lésions cutanées dues au contact prolongé avec les selles.


image Matériel d’hémodialyse. L’hémodialyse est un procédé de filtration du sang d’un patient à travers une machine de dialyse pour en enlever les produits de dégradation et assurer un équilibre liquidien et électrolytique. On utilise divers matériaux et divers endroits pour avoir un accès vasculaire en vue de la dialyse :



Il faut vérifier qu’il y ait un thrill ou un bruit sur un shunt ou une fistule, signant la perméabilité du système. Ils sont généralement retrouvés aux membres supérieurs mais peuvent aussi l’être aux membres inférieurs. Il est important de ne pas prendre la pression artérielle sur le membre porteur d’un shunt ou d’une fistule.




Encadré 7-2   Examen primaire de patients souffrant de douleurs abdominales




image Appliquez les précautions standard. Les saignements, les nausées et vomissements sont des risques associés aux douleurs abdominales et imposent l’utilisation d’équipement de protection pour vous éviter une exposition à des liquides corporels.


image Quelles sont les plaintes formulées ? La plainte principale associée aux douleurs abdominales est-elle des nausées, des vomissements ou des diarrhées ? Utilisez ces signes et ces symptômes pour exclure une menace vitale et continuez par les signes et symptômes ne menaçant pas directement la vie du patient.


image Utilisez vos cinq sens. Vous pouvez réunir un grand nombre d’informations en utilisant vos yeux, vos oreilles et même votre odorat.



image Est-ce que la maison est propre ? Y a-t-il des bouteilles, de la vaisselle sale ou d’autres choses pouvant faire penser à une gastro-entérite ou un empoisonnement alimentaire ?


image Comment est le patient ? Est-ce que sa peau est de couleur normale ou est-ce que le patient est pâle (choc) ou ictérique (maladie hépatique) ?


image Est-ce que le patient déambule ou est-il couché en position fœtale sur son lit ? La démarche du patient et sa posture peuvent vous diriger vers des diagnostics probables.


image Qu’est-ce que cela sent ? L’odeur d’une hémorragie digestive peut vous conduire à une menace vitale possible.


image Est-ce que vous entendez le patient vomir ou avoir des nausées ? Recherchez une éventuelle hémorragie digestive et préparez-vous à traiter le patient pour un choc associé à une hémorragie ou une déshydratation.


image Est-ce que l’une de ces informations vous suggère la cause de ces douleurs abdominales ? Si oui, commencez le traitement approprié et continuez votre examen sur la base de votre appréciation initiale.




État général du patient: La principale menace vitale associée à des douleurs abdominales est le choc causé par une hémorragie, une déshydratation ou un état septique, comme dans les circonstances suivantes :



Une fois que vous vous êtes occupé des voies aériennes, de la respiration et de la circulation, commencez à réduire votre liste de diagnostics et continuez l’examen. L’état général du patient va vous dicter vos prochaines actions. Si vous avez la possibilité de pratiquer un examen plus détaillé pendant la stabilisation du patient, faites-le, mais aucun examen ne devrait retarder la stabilisation des voies aériennes, de la respiration et de la circulation.



Prise en charge des urgences vitales: Le diagnostic de causes spécifiques de douleurs abdominales est complexe même avec les techniques radiologiques et de laboratoire les plus avancées. La décision fondamentale que vous devez prendre sur le terrain est de savoir si votre patient est en danger de mort (signes vitaux anormaux ou détresse respiratoire, par exemple). Un tel patient doit être rapidement traité et transporté dans une structure appropriée. Le traitement des menaces vitales liées aux plaintes abdominales est résumé dans l’encadré 7-3. Dans le tableau 7-6 sont exposés les désordres abdominaux urgents, y compris leur traitement sur le terrain et à l’hôpital. Le tableau 7-7 résume les examens radiologiques utilisés pour diagnostiquer les problèmes abdominaux.



Encadré 7-3   Prise en charge des urgences vitales dues aux pathologies abdominales


Lorsqu’un patient se plaint de douleurs abdominales et qu’il présente des signes vitaux anormaux, la procédure suivante doit être appliquée.



image Sécurisez les lieux.


image Suivez les précautions standard, avec port de masque, blouse, gant et lunettes de protection.


image Assurez la perméabilité des voies aériennes si nécessaire, en utilisant les techniques de base. Maintenez la saturation d’oxygène > 95 % en administrant un supplément d’oxygène par un masque à réservoir ou en assistant la respiration.


image Appliquez un monitorage cardiaque (selon votre niveau de compétence), et envisagez un ECG 12 dérivations si nécessaire.


image Contrôlez une hémorragie visible, avec aspiration gastrique si indiqué.


image Mettez en place des voies veineuses et administrez de cristalloïdes. Faites cependant attention, une réanimation liquidienne agressive pouvant diluer la concentration de globules rouges et entraver la formation de caillots si le saignement est actif. La pression artérielle doit être maintenue à un niveau suffisant pour permettre une perfusion des organes vitaux. La pression artérielle systolique doit être autour de 80 à 90 mmHg. Le niveau de conscience du patient est un bon indicateur de l’adéquation de la perfusion.


image Administrez les médicaments selon la procédure locale.


image Surveillez étroitement votre patient et réexaminez-le souvent pour juger de la réponse à votre traitement.


image Soyez prêt à transfuser le patient si l’hémorragie est incontrôlable ou si une perfusion adéquate n’est pas obtenue.


image Envisagez la pose d’une sonde vésicale si nécessaire.


image Une sonde nasogastrique devrait être posée si une hémorragie digestive est suspectée. Bien qu’une hémorragie digestive haute ne soit pas complètement exclue si une sonde gastrique ne ramène pas de sang, sa mise en place est indispensable. La plupart des patients ne nécessiteront qu’un traitement symptomatique.


image À l’hôpital, les examens de laboratoire comportant numération formule sanguine (NFS), tests de coagulation, urée, créatinine, électrolytes, glucose, tests hépatiques, groupage et cross-match seront réalisés. Un scanner et une endoscopie seront peut-être indiqués. Cependant, une réanimation cardiorespiratoire est prioritaire sur tous ces examens chez un patient en état critique.





Anamnèse ou histoire de la maladie: Obtenir une anamnèse détaillée et précise est essentiel quel que soit le patient, mais c’est particulièrement important chez le patient se plaignant de problèmes gastro-intestinaux. Ce peut être un défi d’obtenir des informations utiles, mais se souvenir du SAMPLER vous aidera à poser les bonnes questions (voir l’encadré Rappel rapide au chapitre 1). Faire preuve de patience avec le malade améliorera vos rapports avec lui. L’encadré 7-4 présente une liste de points à considérer lorsque vous prenez en charge un patient ayant des douleurs abdominales. Le tableau 7-8 énumère les signes cliniques associés à des pathologies abdominales particulières. Toute plainte abdominale devrait aussi rapidement vous inciter à poser des questions sur l’appétit, les selles, les urines, les règles et autres pertes alors que vous faites l’anamnèse du patient.



Encadré 7-4   Recommandations selon le système incriminé dans l’examen des pathologies abdominales































Système Anamnèse, diagnostic différentiel et autres considérations
Neurologique S’enquérir de la survenue d’accidents ou de traumatisme récent, particulièrement si le patient a un niveau de conscience altéré et qu’il présente nausées et vomissements.
Respiratoire Rechercher tout signe de détresse respiratoire.
Une pneumonie peut être associée à des douleurs abdominales hautes.
Les ruptures œsophagiennes peuvent présenter une symptomatologie respiratoire.
Cardiovasculaire Indigestion et douleurs abdominales hautes doivent inciter à rechercher un syndrome coronarien aigu.
Gastro-intestinal, génito-urinaire Il faut rechercher une histoire de maladie chronique ou aiguë.
S’enquérir d’un changement dans les habitudes alimentaires, de défécation ou d’urines qui peut suggérer un diagnostic.
Perte vaginale, saignement et modification des menstruations suggèrent des maladies spécifiques.
Locomoteur et cutané Observer la couleur de la peau à la recherche d’une pâleur, d’un ictère, de l’aspect brunâtre de l’urémie, pouvant indiquer la cause des douleurs abdominales.
Cicatrices, stomies ou dispositifs externes (drains, sondes, pompes) peuvent diriger le diagnostic.
Endocrinien, métabolique, environnement Réaliser l’anamnèse médicale.
Évaluer la glycémie.
Examiner la scène ou questionner le patient, la famille ou les personnes présentes si l’on ne sait pas à quelle situation le patient a été soumis.
Maladie infectieuse et hématologie L’histoire du patient, une odeur nauséabonde, la présence d’un cathéter urinaire ou d’autres drains peuvent nous diriger vers un problème infectieux.
Prendre la température du patient pour évaluer la fièvre.
Rechercher des lésions intestinales associées à une péritonite et un état septique.
Les tests de laboratoire peuvent être utiles à un diagnostic hématologique : leucocytose, hémoglobine, hématocrite, temps de prothrombine et temps de prothrombine partiel.
Toxicologique (nucléaire, biologique et chimique) Rechercher des problèmes d’exposition à des toxiques. Bien des intoxications ont une composante gastro-intestinale. Connaître les diverses intoxications et les suspecter vous évitera de ne pas en tenir compte dans votre diagnostic différentiel.




Évaluation de la douleur: Lors de l’évaluation de troubles gastro-intestinaux, votre examen doit inclure une appréciation détaillée des douleurs du patient. Les douleurs abdominales sont souvent diffuses et difficiles à catégoriser. Les documenter méthodiquement vous aidera à affiner votre diagnostic. La première tâche est de vérifier l’origine des douleurs et de déterminer les localisations référées (figure 7-5 ; voir aussi figures 7-3 et 7-4). Connaître le début de l’apparition de ces douleurs va vous aider à estimer comment les douleurs ont évolué, ce qui peut indiquer la gravité de la maladie. Soyez attentif à tous les signes accompagnant les douleurs, comme les vomissements. Pour les signes associés à certains syndromes douloureux abdominaux, voir le tableau 7-4.



Il convient de rapporter les douleurs avec les propres mots du patient, car ils peuvent être plus révélateurs que les termes utilisés par un professionnel. Les questions ouvertes – « Comment sont vos douleurs ? » « Pouvez-vous les décrire ? » – encouragent les réponses. Les réponses peuvent aller de : « Cela fait mal » à : « J’ai le sentiment d’être déchiré en deux ». Si une personne est incapable de décrire ses douleurs, proposez-lui quelques réponses : est-ce aigu, déchirant, brûlant, sourd ? Demandez quels mouvements ou activités aggravent ou améliorent les douleurs, tout en notant les moyens ou les médicaments qui ont été utilisés même s’ils ont été inefficaces.


Utiliser une échelle de la douleur vous permettra de comparer les douleurs dans le temps. Les personnes ont un niveau de tolérance à la douleur très divers, dépendant de leur culture et de leur seuil de douleur. Si chacun d’entre nous pouvait expérimenter la même douleur, il ne fait aucun doute que nous la percevrions de façon très différente. La meilleure utilisation d’une échelle de la douleur n’est donc pas de déterminer la gravité de la douleur, qui est largement subjective, mais de la voir s’aggraver ou s’améliorer. Demandez fréquemment au patient de réévaluer ses douleurs, en documentant ses réponses, et faites confiance à ses dires.

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Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 7: Douleurs abdominales : troubles gastro-intestinaux et atteinte du système urogénital

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