Chapitre 67. Aspects préventifs
La notion de prévention est clairement valorisée et mise en avant, particulièrement à l’hôpital général. Un dicton célèbre nous le rappelle : «mieux vaut prévenir que guérir»… Et la prévention concerne tout aussi bien les jeunes patients (prévention de complications, prévention de récidives…) que les équipes de soins (prévention des maladies nosocomiales…).
La pédopsychiatrie de liaison n’échappe pas à la règle et prend elle aussi en compte certains aspects préventifs. Mais il faut bien reconnaître que si les modes d’intervention sont souvent aléatoires dans le champ de la santé physique, ils sont encore plus délicats à définir et à préconiser dans le champ de la santé mentale. De sa place, la pédopsychiatrie de liaison joue un rôle fondamental dans ce champ du dépistage précoceDépistage précoce et de la préventionPrévention.
Définitions
La prévention, en ce qui concerne la santé, correspond à l’ensemble des mesures visant à éviter ou à réduire le nombre et la gravité des maladies ou des accidents.
L’OMS propose de distinguer trois niveaux de prévention :
• la prévention primaire comprend l’ensemble des actes destinés à diminuer l’incidence d’une maladie dans une population, donc à réduire le risque d’apparition de cas nouveaux;
• la prévention secondaire comprend l’ensemble des actes destinés à diminuer la prévalence d’une maladie dans une population, donc à réduire la durée d’évolution de la maladie;
• la prévention tertiaire comprend tous les actes destinés à diminuer la prévalence des incapacités chroniques ou des récidives dans une population, donc à réduire les invalidités fonctionnelles consécutives à la maladie.
Ainsi, la prévention primaire consiste à agir sur les facteurs de risque et de protection pour empêcher l’apparition d’une maladie ou d’un trouble; la prévention secondaire à repérer et traiter précocement les problèmes de santé, à leur début; et la prévention tertiaire à agir sur les risques de rechute ou de complications des maladies (Schmit & Falissard, 2007).
Parallèlement, la notion de «prévention précoce» est de plus en plus utilisée. L’intérêt d’une prévention précoce de la psychopathologie infantile émerge, avec l’idée d’intervenir très précocement, dès la grossesse. Ces interventions en période anténatale et périnatale sont favorisées par le développement de la pédopsychiatrie de liaison périnatale, et s’inscrivent dans le plan Périnatalité. De plus, de nombreux travaux dans le champ de la prévention médico-psycho-sociale précoce ont permis la reconnaissance de véritables indicateurs de risque et de modalités d’émergence d’une demande masquée (Soulé & Noël, 1985). Les enjeux de cette prévention sont bien sûr fondamentaux. Il convient cependant de ne pas confondre prévention et prédiction.
Facteurs de risque et vulnérabilité
La question de la prévention renvoie aux notions de facteurs de risque, d’indicateurs de risque, de clignotants, mais aussi à celles de populations à risque, de bébés et d’enfants à risque, de situations à risque, et enfin à la notion de vulnérabilité individuelle.
Les études épidémiologiques aident à mettre en évidence des associations statistiques entre des facteurs de risque et des évolutions péjoratives.
Les facteurs de risque sont importants à connaître. Ils constituent des repères, des clignotants, des signaux d’alarme, qui ont valeur d’alerte. Leur cumul est important à prendre en considération. En revanche, il convient de ne pas confondre facteurs de risque et causalité.
Si un certain nombre de facteurs de risque sont relativement bien documentés, il serait intéressant de développer les données sur les facteurs de protection ou de résilience, qui ont aussi leur importance dans une optique préventive.
La vulnérabilité individuelle doit également être prise en compte. Devant un même risque, tous les enfants ne vont pas présenter les mêmes troubles et la même évolution; les facteurs personnels jouent un rôle important. La prévention se conjugue ici au singulier.
Réserves et écueils concernant la prévention
Des réserves, voire des objections, ont parfois été émises concernant certaines mesures de prévention. En effet, s’il semble naturel de mettre en œuvre sans tarder des mesures préventives, il convient de rester prudent et de toujours s’interroger sur le sens éthique de ladite prévention. Autrement dit, il convient d’être vigilant à ce que la démarche de prévention n’aboutisse pas à produire ce que l’on souhaite prévenir.
Il en est ainsi de certaines mesures préventives qui se heurtent à des résistances. Ceci est particulièrement vrai à l’adolescence : les légitimes et louables soucis de santé publique se heurtent spécifiquement à de fortes résistances inhérentes aux priorités et aux vicissitudes du travail psychique de l’adolescence. Dans un tel contexte, le «risque zéro» n’existe pas. Il ne suffit pas de savoir qu’un comportement est potentiellement dangereux (conduites à risque, consommation de produits…) pour le proscrire. Et à cet égard, les messages de prévention collective ont leurs limites, et la prévention personnalisée semble plus adaptée. En effet, au-delà des polémiques et des incertitudes, force est de constater que seul l’ajustement, voire la personnalisation des mesures préventives leur donne une certaine portée dans cette période de la vie (Mille, 2004 and Mille, 2005).
Par ailleurs, la prévention n’est pas une prédiction.
Il est important de ne pas stigmatiser les enfants à risque ou les familles à risque, mais bien de leur proposer un étayage et un projet adapté. Il n’est pas possible, à partir du présent d’un enfant, d’en déduire ou de prédire son devenir à l’âge adulte. Très heureusement, «l’avenir n’est pas écrit» (Jacquard & Kahn, 2001). Dans le domaine de la santé mentale, un des principes essentiels de prévention sera de prévenir sans prédire et de toujours bien distinguer données statistiques et destin personnel (Schmit & Falissard, 2007). Il existe une imprévisibilité dans le devenir de l’enfant, sur laquelle toute démarche préventive devrait miser, pour ne pas virer à un déterminisme fermé (Duverger et al., 2009). L’éthique de la prévention repose sur une éthique de l’imprévisible.
Ces interventions préventives sont donc complexes et doivent tenir compte de la subjectivité de l’enfant et de la singularité de chaque situation. Dans tous les cas, il convient de rester prudent et de ne pas créer ce que l’on veut justement prévenir.
Différents aspects de la prévention en pédopsychiatrie de liaison
L’hôpital pédiatrique se situe aujourd’hui à une place paradoxale : s’il est un observatoire privilégié des interactions précoces depuis l’avènement de structures néonatales et pédiatriques de la petite enfance de plus en plus performantes, générant de longues périodes d’hospitalisation liées à la précarité somatique des enfants concernés, l’hôpital pédiatrique est aujourd’hui, pour les mêmes raisons (durée d’hospitalisation et précarité somatique) susceptible de potentialiser, si l’on n’y prend garde, certains dysfonctionnements des relations précoces du bébé à son environnement (hospitalisme…).

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