Chapitre 64. Consultations thérapeutiques
Consultations individuelles en pédopsychiatrie de liaison
ConsultationthérapeutiqueConsultationLa consultation de liaison fait toujours suite à une demande (cf.chapitre 7), qui émane le plus souvent du pédiatre. Cette consultation pédopsychiatrique implique donc nécessairement plusieurs personnes : l’enfant (ou l’adolescent), ses parents, le pédopsychiatre et le pédiatre (ou l’équipe soignante). Et comme nous l’avons vu au fil de ce livre, les circonstances de rencontre, les situations et les motifs de consultation de pédopsychiatrie de liaison auprès d’un enfant sont multiples et variées. Pour résumer, il existe deux grands types de consultations, étroitement intriqués :
• les consultations d’évaluation psychologiques (plan diagnostique);
• et les consultations thérapeutiques (plan thérapeutique).
Dans tous les cas, le clinicien est pris dans un processus transférentiel dont la particularité par rapport au transfert de l’adulte est de se situer dans l’actualité des images parentales. Lors de chaque rencontre, il est indispensable d’évaluer la place du symptôme, le lieu de la souffrance, le niveau de la demande, la dynamique familiale.
D’autre part, ces consultations de pédopsychiatrie à l’hôpital pédiatrique présentent certaines particularités à connaître. Il s’agit de :
• la place du corps : il existe souvent chez l’enfant une pathologie somatique, et il est fondamental de prendre en compte cette dimension corporelle;
• la prise en compte des observations et du vécu des équipes soignantes : un lien est fait avec le pédiatre demandeur, mais aussi avec l’équipe soignante (entretien informel avec les soignants afin de recueillir des informations et de mieux appréhender les problèmes posés) avant la consultation. Par ailleurs, le contexte hospitalier implique des «transferts latéraux» à prendre en considération (Desombre et al., 2004);
• la prise de connaissance du dossier médical de l’enfant hospitalisé est importante;
• le caractère focalisé de la consultation : même si l’entretien pédopsychiatrique est proche de celui réalisé lors d’une consultation «habituelle», il s’en différencie par son «caractère focalisé» (Desombre et al., 2004). Le consultant tient compte de la demande formulée par le pédiatre, même s’il peut être amené à redéfinir la problématique en fonction des informations recueillies;
• la souplesse du cadre de la consultation : le pédopsychiatre doit s’adapter au contexte hospitalier, au degré d’urgence de la demande, à l’état somatique du patient et au service dans lequel il intervient. Les premières consultations peuvent ainsi être réalisées «au lit du patient», ou encore dans un bureau qui vient de se libérer.
Les premières rencontres avec l’enfant sont fondamentales. Au cours de celles-ci, il s’agit avant tout de créer un climat de confiance, un espace de parole rassurant, un lieu d’échange relationnel créatif. Cet accueil sera d’autant plus accepté par l’enfant que le pédiatre et les parents seront soutenants.
La demande de consultation pédopsychiatrique n’émanant quasiment jamais de l’enfant, il est important de savoir comment elle lui a été expliquée et proposée par le pédiatre, et de voir comment il peut s’en saisir. Le pédopsychiatre de liaison a toujours le souci de tenter de faire émerger la question de la subjectivité de l’enfant. La rencontre avec l’enfant est au cœur de la consultation de pédopsychiatrie de liaison. Le rôle du pédopsychiatre auprès des enfants et de leur famille va être de «retisser des liens, de (re)donner du sens à ce qui se vit, de (ré)introduire du jeu psychique, de la pensée…», tout en proposant un cadre de soins adapté (Duverger et al., 2009).
Une «réponse» est ensuite proposée à l’enfant et ses parents ainsi qu’au pédiatre demandeur. Elle est centrée sur la problématique posée (éventuellement reformulée), et tente de l’éclairer par une évaluation rigoureuse et des propositions thérapeutiques. Cette réponse faite au pédiatre doit être claire, précise et mesurée. Il ne s’agit pas de tout retranscrire, ou de tout restituer, mais bien de «transmettre sans trahir» (Consoli, 2003).
La consultation pédopsychiatrique repose sur l’observation à trois niveaux :
• entretien et observation directe de l’enfant (activités, dessins, jeux, comportement…);
• interactions de l’enfant avec ses milieux de vie : familial, scolaire, social, médical;
• discours des parents et informations extérieures, notamment médicales.
Avec l’enfant, il nous semble important de repérer ses capacités de narration : narration de soi (capacité à se raconter), mais aussi de l’histoire familiale. Se mesurent alors ses capacités imaginaires, sa liberté de penser, son plaisir à jouer mais aussi ses angoisses. Le pédopsychiatre de liaison peut alors réaliser un accompagnement de l’enfant; il se situe comme un auxiliaire de l’enfant. Il met des mots sur ce qu’il comprend et propose une lecture, à l’image d’un traducteur favorisant une relance de la pensée, parfois sidérée par la médicalisation de leur existence. Il ne s’agit pas d’interpréter mais de traduire, d’aider l’autre à se (re)connaître dans une situation complexe et difficile. Dans ces situations, le scanner, c’est le médecin.
Avec les parents, il s’agit d’évaluer leur capacité à décrire l’histoire de ce qui se passe, de ce qu’ils vivent; et par là même de mesurer l’écart entre le discours des parents et la souffrance de l’enfant. Il est parfois très intéressant et opérant d’associer les parents au diagnostic, de travailler avec eux cette incertitude diagnostique et d’entendre alors leur compréhension du vécu de leur enfant. Dans ce travail de co-pensée, on ne pose donc pas de diagnostic (qui pourrait enfermer), mais on propose des représentations. Ces ouvertures, ces propositions permettent dans un premier temps de se comprendre, de se reconnaître, de partager un ressenti; puis, alors, de relancer une dynamique, un développement, une capacité à penser. C’est tout l’enjeu du pédopsychiatre de liaison.
Certaines consultations de pédopsychiatrie de liaison peuvent ouvrir sur un travail psychothérapique plus régulier. Il s’agit d’enfants ou adolescents qui rassemblent les conditions nécessaires à ce type de travail : prise de conscience de leur participation subjective dans le symptôme, envie d’en savoir plus et appétence à cette activité de pensée. Il faut cependant que le pédopsychiatre de liaison soit vigilant à ne pas instituer de «psychothérapiePsychothérapie sauvage». Tout cadre de psychothérapie doit être pensé.
Consultations auprès des familles
Même si l’enfant reste au centre des préoccupations, la prise en charge des familles a une place importante en pédopsychiatrie de liaison. L’impact de la présence d’un enfant malade sur la dynamique familiale et sur l’adaptation de la fratrie varie selon de nombreux paramètres : âge, rang de naissance, taille de la famille, spécificité de la pathologie ou du handicap, étiologie, symptômes présentés, gravité, visibilité, évolutivité, développement des capacités cognitives et relationnelles, degré d’autonomie, façon dont les parents vivent la maladie… (Chouly de Lenclave, 2005). Une articulation très étroite entre pédiatres et pédopsychiatres de liaison est nécessaire dans la prise en considération des difficultés des parents et des fratries d’enfants malades, afin de permettre «aux enfants et à leurs parents de retrouver des liens “détoxifiés” du mortifère, de la maladie» (Jousselme, 2003).
Consultations auprès des parents
Contrairement à ce qui se produit en consultation pédopsychiatrique «classique», la demande de consultation de pédopsychiatrie de liaison émane souvent du pédiatre, et est plus rarement le fait des parents. Les parents sont alors informés par le pédiatre de cette demande de consultation et de l’intérêt de cette dernière. Cette annonce est parfois mal vécue et source d’angoisses et de culpabilité. Il s’agit donc, dans un premier temps de créer les circonstances d’une rencontre informelle avant d’instituer un éventuel cadre de consultation dite «réglée».
L’entretien avec les parents (ou le référent légal) d’un enfant pour lequel une consultation de pédopsychiatrie de liaison est demandée est toujours nécessaire. Il peut parfois arriver que les parents, bien qu’informés de la consultation, ne soient pas présents au moment du passage du pédopsychiatre (car non prévenus de l’horaire de la consultation ou non disponibles à ce moment-là). Il convient alors de les rencontrer ultérieurement.
Les motifs des demandes faites par le pédiatre sont variés :
• demande de soutien, quand le pronostic vital d’un enfant est engagé, ou lors de l’annonce d’une maladie grave ou chronique;
• demande d’évaluation de la dynamique familiale, du retentissement de la maladie sur les interactions entre parents et enfant, de la capacité contenante des parents;
• demande de guidance parentaleGuidance parentale.
Lors de l’entretien avec les parents, une écoute empathique, propice à la création d’un climat de confiance est importante. Une attention toute particulière est portée au vécu et aux représentations qu’ont les parents de la maladie, tout en prenant soin de respecter les réactions et attitudes parentales, souvent défensives. Le pédopsychiatre offre un espace de parole aux parents; il peut les aider à faire face, mais surtout les aider à penser.
Un retour d’informations est fait auprès du pédiatre demandeur de la consultation de liaison, sans toutefois tout transmettre.
Rencontre avec les parents d’un enfant vu en consultation de pédopsychiatrie de liaison
L’entretien avec les parents permet d’apporter des éléments anamnestiques importants, mais aussi d’éclairer sur la dynamique familiale, les contenants parentaux, le vécu et les représentations qu’ont les parents de leur enfant et de ce qu’il est en train de vivre (maladie, traumatisme…). Lors de cet entretien parental, le pédopsychiatre peut également aider les parents à repérer la souffrance sous-jacente chez leur enfant, derrière certaines réactions ou comportements.

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