ITEM 63 Démences chez le sujet âgé
Devant un syndrome démentiel, il faut commencer par exclure une cause curable, même si celles-ci sont rares, au moyen de l’interrogatoire, l’examen clinique et quelques examens complémentaires simples.
Si le diagnostic s’oriente vers une maladie d’Alzheimer, cas le plus fréquent, il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement curatif à proposer. La prise en charge vise donc avant tout à retarder l’évolution des troubles cognitifs et à assurer le confort du patient et de son entourage, et surtout le maintien à domicile du patient dans de bonnes conditions le plus longtemps possible.
I. ÉPIDÉMIOLOGIE
Les dernières études épidémiologiques (PAQUID, 2003) estimaient la prévalence de la démence à 18 % chez les plus de 75 ans, soit 750 000 personnes en France.
La maladie d’Alzheimer est de loin la première cause de démence du sujet âgé avec environ 600 000 cas en France chez les plus de 75 ans.
Sa prévalence augmente avec l’âge : 4 % des patients entre 75 et 80 ans, 15-20 % entre 80 et 90 ans, 40 % après 90 ans.
Les démences du sujet âgé sont donc un véritable problème de santé publique en raison de leur grande fréquence et de la perte d’autonomie (et donc du coût élevé) qu’elles engendrent : nécessité d’aides au domicile (et souvent de placement en institution).
Le coût du maintien à domicile d’un patient atteint de maladie d’Alzheimer est évalué à 18 000 euros par an, et le coût total lié à la maladie d’Alzheimer en France est évalué à 4,5 milliards d’euros pour 2006.
II. DIAGNOSTIQUER UN SYNDROME DÉMENTIEL
Le diagnostic positif d’un syndrome démentiel est purement clinique.
NB : Cette définition insiste sur la présence de troubles mnésiques pour porter le diagnostic de démence. Ceci est lié à la grande fréquence de la maladie d’Alzheimer (où le trouble mnésique est le signe clé du diagnostic) au sein du groupe des démences. Cependant, dans certains cas, les facultés mnésiques du patient sont très peu touchées ou très tardivement dans l’évolution de la maladie alors qu’on parle tout de même de démence. D’un point de vue général, une démence correspond à l’altération progressive des fonctions cognitives aboutissant à une perte d’autonomie.
A. Interrogatoire
la « plainte cognitive » : ce qui est ressenti par le patient et les proches (peut beaucoup diverger en cas d’anosognosie) ;
antécédents : familiaux et personnels, neurologiques, psychiatriques, facteurs de risque vasculaires ;
le niveau socio-éducatif et la profession du patient et s’il est encore en activité ou en arrêt et pour quelle raison (retraite, arrêt maladie…) ;
l’ancienneté des troubles, l’existence de facteurs déclenchants, le mode d’installation : rapide, progressif, par à-coups ;
le retentissement sur la vie quotidienne, sociale et familiale, degré d’autonomie apprécié par des échelles standardisées (Instrumental Activities of Daily Living (IADL)) en questionnant le patient et ses proches sur la réalisation d’activités de la vie quotidienne (téléphoner, gestion des médicaments et des finances, utilisation des transports, ménage et lessive, repas) .
CONSENSUS
Recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer (ANAES, février 2000)
Il est recommandé d’effectuer un entretien avec le patient et un accompagnant capable de donner des informations fiables.
La recherche des antécédents médicaux porte notamment sur les antécédents familiaux de maladie d’Alzheimer, ainsi que sur les antécédents et facteurs de risques cardiovasculaires.
Pour chacune des fonctions cognitives, les symptômes évoquant une détérioration intellectuelle doivent être recherchés.
Le retentissement des troubles cognitifs sur les activités de la vie quotidienne doit être apprécié.
B. Examen clinique
2. Examen neurologique et psychiatrique
Recherche de troubles de vigilance orientant vers un syndrome confusionnel (diagnostic différentiel ou associé).
3. Examen des fonctions cognitives et neurologiques (cf. chapitre introductif)
L’examen permet de distinguer les démences dites corticales (comme la maladie d’Alzheimer) dans lesquelles les fonctions altérées sont la conséquence d’atteintes corticales (trouble mnésique hippocampique, apraxie, certains troubles du langage et neurovisuels), sous-corticales (ex : paralysie supra-nucléaire progressive) dans lesquelles on observe principalement un syndrome frontal dysexécutif et comportemental volontiers associé à des signes parkinsoniens qui traduisent une atteinte sous-corticale (noyaux gris centraux et substance blanche) et les démences cortico-sous-corticales (démence à corps de Lewy et dégénérescence cortico-basale) dans lesquelles on observe l’association de troubles du registre « cortical » à des troubles de nature « sous-corticale ». Cette distinction a pour intérêt de catégoriser cliniquement la démence selon l’un de ses trois types pour ensuite pouvoir s’orienter plus facilement vers une étiologie précise.
Il faut s’informer en premier lieu du niveau socioprofessionnel et éducatif du patient, qui conditionne l’interprétation des résultats : études suivies, professions exercées.
Attention, l’examen cognitif peut aussi être perturbé pour d’autres raisons qu’un syndrome démentiel :
CONSENSUS
Recommandations pratiques pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer (ANAES, février 2000)
L’examen doit apprécier l’état général (perte de poids) et cardiovasculaire (hypertension artérielle), le degré de vigilance (recherche d’une confusion mentale) et les déficits sensoriels (visuels et auditifs) et moteurs.
L’existence de signes neurologiques doit faire évoquer un autre diagnostic que celui de la maladie d’Alzheimer.
C. Examens complémentaires
Leur objectif est d’éliminer une cause curable de syndrome démentiel et de dépister une comorbidité.
CONSENSUS
D. Diagnostic différentiel
1. Syndrome confusionnel du sujet âgé
Le défaut d’anamnèse rend parfois cette distinction difficile, surtout en l’absence d’entourage fiable.
Les étiologies les plus fréquentes chez le sujet âgé sont :
– iatrogène : médicamenteuses (rechercher l’introduction récente d’un médicament, ou une augmentation de posologie), syndrome de sevrage (benzodiazépines, alcool), hospitalisation, suite d’anesthésie générale ;
– infectieuse : la fièvre peut être absente chez le sujet âgé, les symptômes sont plus frustres que chez l’adulte jeune ;
– affections diverses : infarctus du myocarde, embolie pulmonaire mais aussi rétention d’urine, fécalome… peuvent se révéler par un syndrome confusionnel au premier plan ;