Chapitre 62. Place de l’autisme et des psychoses infantiles à l’hôpital pédiatrique
AutismePsychoseinfantileA priori, l’autisme infantile ou les psychoses de l’enfant relèvent classiquement – mais également en pratique – davantage d’une prise en charge institutionnelle, maillant habituellement le soin (le plus souvent sectoriel), les aspects éducatifs (visant à faciliter l’autonomie), et les aspects pédagogiques (visant à aider au développement cognitif), que d’une approche pédiatrique à l’hôpital général et pédiatrique.
Pourquoi alors traiter de l’autisme et des psychoses infantiles dans un manuel de pédopsychiatrie de liaison?
L’ensemble des développements qui précèdent permet à présent de mieux appréhender la place de l’hôpital pédiatrique dans le vaste domaine des psychoses infantiles et de l’autisme. Place en termes de dépistage précoce des premiers signes cliniques inquiétants; place aussi en termes d’investigations à visée diagnostique et d’orientation thérapeutique, mais également place en termes de préventions primaire et secondaire.
Le pédopsychiatre de liaison se trouve alors convoqué dans chacun des registres préventif, de dépistage, diagnostique, thérapeutique. Il faut également ajouter à cela deux derniers registres, celui du dépistage des psychoses de la seconde enfance, à partir de consultations spécifiques en milieu pédiatrique, et celui de l’urgence pédopsychiatrique à l’hôpital pédiatrique, urgence qui concerne fréquemment des enfants présentant des troubles d’ordre caractériel de nature parfois psychotique.
Dépistage et prévention des situations à risque
Dépistage précocePréventionL’hôpital pédiatrique se situe aujourd’hui à une place paradoxale : s’il est un observatoire privilégié des interactions précocesInteractions précoces depuis l’avènement de structures néonatales et pédiatriques de la petite enfance de plus en plus performantes, générant de longues périodes d’hospitalisation liées à la précarité somatique des enfants concernés, l’hôpital pédiatrique est aujourd’hui, pour les mêmes raisons (durée d’hospitalisation et précarité somatique) susceptible de potentialiser, si l’on n’y prend garde, certains dysfonctionnements des relations précoces du bébé à son environnement. Parmi ces dysfonctionnements, certains présentent indiscutablement, outre l’hospitalisme, un risque d’évolution autistique ou psychotique chez les enfants les plus vulnérables. L’autisme et les psychoses infantiles n’échappent donc pas au sempiternel paradoxe du soin et du iatrogène au sein de l’hôpital général.
Il s’agit ici de travailler en amont du dépistage de l’autisme et des psychoses précoces proprement dits, travail renvoyant à la notion de :
• prévention primaire, visant à soigner tout ce qui peut faire lien au sein de l’hôpital pédiatrique : liens entre soignants, liens entre soignants et enfants hospitalisés, liens entre soignants et parents, liens entre parents et enfants. Cela passe certes par certaines analyses parfois complexes de certaines situations non moins complexes, notamment à partir de l’observation des interactions entre parents et bébé au sein du service de pédiatrie, mais cela passe aussi par certaines démarches très simples, comme par exemple celle de veiller au rapprochement géographique d’une mère qui, pour des raisons touchant souvent à la spécificité et la technicité des soins prodigués à son enfant, se trouve de fait à distance du centre spécialisé dans lequel cet enfant se trouve;
• prévention secondaire :
– dès la maternité : dépistage d’une maternité difficile ou d’interactions précoces problématiques, par exemple,
– dans les services de pédiatrie ensuite, et ce d’autant plus que de nombreux enfants bénéficient aujourd’hui, et fort heureusement, de techniques de soins toujours plus performantes (réanimation néonatale, traitement de pathologies malformatives lourdes, de maladies métaboliques graves etc.), mais dont le corollaire est que ces soins sont parfois très invasifs, très prolongés dans le temps, à l’origine de séjours hospitaliers particulièrement longs (plusieurs mois parfois), et souvent très à distance du lieu habituel de vie de l’enfant et de sa famille. Il résulte de cela que l’enfant «s’installe» parfois véritablement dans le service de pédiatrie pour un temps parfois véritablement «interminable», avec le risque d’épuisement que cela comporte. Épuisement de l’enfant lui-même, qui se manifeste notamment par des troubles de la lignée psychosomatique, une dépression, un hospitalisme… Épuisement aussi de l’environnement familial (parents, grands-parents, fratries), dont les capacités contenantes vis-à-vis de l’enfant se trouvent parfois dépassées. Épuisement enfin des soignants eux-mêmes, dont le travail n’est pas toujours récompensé par l’amélioration de l’état de l’enfant. La conjonction de tous ces phénomènes, lorsqu’ils surviennent autour d’un enfant par ailleurs vulnérable en termes de psychose (vulnérabilité, rappelons-le, plurifactorielle) peut induire de véritables tableaux autistiques ou psychotiques précoces qu’il convient de repérer le plus tôt possible;
– en neurologie pédiatrique plus spécifiquement, autour du suivi d’enfants à risque psychotique du fait de pathologies neurologiques ou neurodéveloppementales entravant les processus de communication et de symbolisation.
Outils du dépistage
Le dépistage précoce repose sur la connaissance clinique des signes précoces des troubles envahissants du développement. L’interrogatoire des parents et l’examen clinique permettent de reconnaître des signes d’alerte. À cet égard, les inquiétudes des parents évoquant une difficulté développementale de leur enfant doivent être prises en compte car elles sont fortement corrélées à une anomalie effective du développement. Dans un premier temps, ces parents inquiets se dirigent le plus souvent vers leur médecin de famille ou le pédiatre, voire le service de pédiatrie de proximité. Le pédopsychiatre de liaison en pédiatrie est alors à une place importante et stratégique quant à cette question du repérage précoce.
Avant de reconnaître, il faut connaître. Et le pédopsychiatre de liaison doit être formé au repérage précoce des signes cliniques de troubles envahissants du développement. De même, il doit avoir une bonne connaissance et une expérience de ce qu’il en est du fonctionnement psychotique. L’activité de repérage précoce ne doit être totalement déconnectée de la pratique du soin et de la prise en charge des enfants autistes et psychotiques; elle ne doit pas ignorer ce que le diagnostic d’autisme sous-tend.
Au-delà de l’interrogatoire et de l’examen clinique de l’enfant, ce dépistage précoce peut s’appuyer sur l’utilisation d’outils standardisés; il en existe de nombreux (ADBB, CHAT, PDDST, GARS, ASQ, STAT, PIA-CV, CAST, ASDI…). Parmi eux, le CHAT (Check-list for Autism in Toddlers : Baron-Cohen et al., 1992) et le M-CHAT (version modifiée du précédent : Robins et al., 2001) semblent les plus utilisés.

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