61. Rappels diagnostiques, nosologiques, épidémiologiques et thérapeutiques

Chapitre 61. Rappels diagnostiques, nosologiques, épidémiologiques et thérapeutiques



Définition


Regroupés sous l’appellation des troubles envahissants du développement (TED) par le DSM IV et la CIM-10 (APA, 2000; OMS, 1993), les psychoses infantiles se caractérisent par une altération globale des capacités de communication, des perturbations dans les relations aux autres, des activités et des intérêts restreints répétitifs, souvent stéréotypés. S’il n’existe pas théoriquement de retard mental associé, la réalité clinique montre habituellement un fonctionnement cognitif avec des particularités.

Au plan psychopathologique, les psychoses infantiles se caractérisent par une altération de l’organisation progressive de la personnalité, avec une capacité d’adaptation à la réalité variable en fonction du niveau d’exigence sociale et du niveau d’angoisse de l’enfant (Marcelli & Cohen, 2009).

Dans les classifications internationales (CIM-10 et DSM-IV), le terme, et au-delà le concept, de psychose infantile ont disparu. Ce registre de la pathologie reste cependant très utilisé et opérant en France. Il se retrouve d’ailleurs dans la Classification française des troubles mentaux de l’enfant et de l’adolescent – révision 2000 (CFTMEA-R. 2000 : Misès & Quémada, 2002). L’approche française tend ainsi à préserver les apports originels de la réflexion psychopathologique (Bursztejn & Jeammet, 2002). Nous continuerons donc à nous y référer.

Le tableau d’équivalence proposé ci-dessous (tableau 61.1) tente de rapprocher les différentes entités nosologiques utilisées actuellement, mais aucune étude n’a établi de concordances précises entre ces différentes catégories. Enfin, il faut signaler comme particularité de la CFTMEA-R la proposition d’un axe 1 «bébé» (zéro à trois ans), dans lequel figurent notamment les notions de «bébés à risque de troubles sévères du développement» et de «bébés à risque d’évolution dysharmonique». Ces notions sont très importantes en pédiatrie et en pédopsychiatrie de liaison, où le dépistage précoce est central. Nous y reviendrons.



































Tableau 61.1 Troubles envahissants du développement selon les classifications internationales et la classification françaisePsychoseinfantile
DSM-IV CIM-10 CFTMEA-R
TED TED Psychoses précoces
Troubles autistiques Autisme infantile Autisme infantile précoce
Syndrome de Rett Syndrome de Rett Troubles désintégratifs de l’enfance
Troubles désintégratifs de l’enfance Autres troubles désintégratifs de l’enfance
Syndrome d’Asperger Syndrome d’Asperger Syndrome d’Asperger
Troubles envahissants du développement non spécifiés (y compris autisme atypique)


– Autisme atypique;


– autres troubles envahissants du développement



– Autres formes de l’autisme;


– psychoses précoces déficitaires;


– retard mental avec troubles autistiques;


– autres psychoses précoces ou autres TED;


– dysharmonies psychotiques
Pas de correspondance Hyperactivité associée à un retard mental et à des stéréotypies Pas de correspondance

Dans le registre général des psychoses infantiles, nous décrirons successivement :




• l’autisme infantile;


• puis les autres troubles envahissants du développement :




– précoces (syndrome de Rett, d’Asperger, autisme atypique…),


– tardifs, avec la question de la schizophrénie infantile.


Autisme infantile


L’autisme infantile est un trouble du développement dont le diagnostic est basé sur l’observation de perturbations qualitatives dans les domaines des interactions sociales réciproques et de la communication et sur celle du caractère restreint, répétitif des comportements, des intérêts et des activités (CIM-10). Il est donc présenté comme un syndrome apparemment homogène comprenant :




• une altération des capacités de communication;


• une altération des interactions sociales;


• un aspect restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts, des activités.

La réalité clinique montre cependant une relative diversité et variabilité des signes cliniques et le polymorphisme clinique de l’autisme infantile est si important qu’il ne fait plus parler d’autisme mais des autismes (Aussilloux et al., 2000). Et les conceptions actuelles s’orientent plutôt vers un continuum entre plusieurs catégories amenant à parler de «spectre des troubles autistiques» (Allen, 1988).

Le diagnostic est clinique. S’il est aujourd’hui évident à partir de 30 à 36 mois, les premiers signes apparaissent parfois après un intervalle libre de 12 à 18 mois, mais, le plus souvent, des signes précurseurs peuvent attirer l’attention dès les 12 premiers mois. Le dépistage des signes précoces est fondamental.


Épidémiologie


Les prévalences actuellement estimées sont de 1,7 à 4,1 ‰ pour l’autisme infantile et de 3 à 7 ‰ pour l’ensemble des troubles envahissants du développement (Fombonne, 2003). Cette variation dépend à l’évidence des critères diagnostiques retenus.

Le sex ratio moyen est de 3 garçons pour 1 fille; il tend à s’égaliser en cas de déficience mentale associée.

Seul un quart environ des enfants autistes a un quotient intellectuel dans la zone de la normale (QI supérieur ou égal à 70), les deux tiers d’entre eux se situant dans les zones de débilité modérée ou sévère (QI inférieur à 50). Si le modèle de l’autiste «intelligent» n’est pas faux, il ne représente cependant pas la majorité des situations cliniques (Marcelli & Cohen, 2009).


Description clinique



Syndrome autistique typique


Le diagnostic de l’autisme est clinique. Il n’existe aucun marqueur biologique et aucun test diagnostique à ce jour. La démarche diagnostique associe l’établissement d’un diagnostic nosologique et la réalisation d’une évaluation individualisée fonctionnelle des troubles et des capacités. Elle s’articule avec la recherche d’anomalies, troubles ou maladies associées et se fait dans une relation de collaboration avec la famille.

Constitué progressivement au cours de la seconde année, ce syndrome devient patent et stable vers deux ou trois ans. On observe alors des troubles du contact, des troubles de la communication et du langage, un besoin d’immuabilité et des réactions bizarres, des troubles de sensorialité et de la motricité et des perturbations du fonctionnement intellectuel.


Troubles du contact


Il s’agit d’altérations dans les interactions sociales aboutissant à un isolement : refus ou fuite du contact oculaire, absence d’expression faciale et d’échange de mimique, absence de contact et d’échange tonique (en référence au dialogue tonico-postural). L’enfant autiste ne cherche pas à entrer en contact, à attirer l’attention, n’accroche pas du regard, n’imite pas autrui. Il n’y a pas d’expression de plaisir, de partage d’intérêt (absence de pointage). Au maximum, l’autre est utilisé comme une partie de soi (par exemple prendre la main de l’adulte pour s’en servir comme si c’était la sienne) ou par un segment isolé de son corps (cheveux, orifices du visage). Le regard semble vide, lointain, au-delà.


Troubles de la communication et du langage


Troublesdu langageLe langage n’apparaît pas à l’âge habituel, et cette absence de langage ne s’accompagne d’aucune tentative de communication gestuelle ou mimique. Il n’y a pas de jeu de «faire semblant», pas de jeu d’imitation sociale.

Quand le langage apparaît, certaines particularités sont à noter : outre le retard, il existe, à des degrés divers, une écholalie immédiate ou retardée, une prosodie particulière monotone, saccadée, d’allure «factice», une inversion pronominale (utilisation du «tu» ou du prénom pour se nommer soi-même). La syntaxe reste souvent pauvre, et l’expression des émotions (joie, plaisir, surprise, colère) est le plus souvent absente, en dehors de l’expression de l’angoisse.

Si le niveau de compréhension du langage est habituellement supérieur au niveau d’expression, on remarque cependant que l’enfant comprend surtout les ordres simples, les mots concrets, un registre expressif qui n’implique pas de qualités émotionnelles, de qualités réflexives (intérêt pour la pensée de l’autre), ni de qualités d’abstraction ou de métaphorisation. Des sollicitations dans ces domaines génèrent alors au mieux une perplexité, au pire un refus, voire un rejet parfois violent.


Besoin d’immuabilité et réactions bizarres


Ce besoin d’immuabilité se révèle en particulier lors la confrontation de l’enfant à tout changement (changement d’environnement physique, changement d’habitude, frustration, toute surprise en général). Les réactions de l’enfant sont alors des réactions d’angoisse, d’agressivité ou d’apparente colère. Pour lutter contre cet envahissement, l’enfant s’enferme dans une «bulle» autistique faite de rituels immuables dénués de valeur symbolique, de stéréotypies gestuelles (maniérisme moteur stéréotypé et répétitif fait par exemple de battement ou torsions des mains, d’un balancement, d’une marche sur la pointe des pieds, d’un mouvement de toupie, de mouvements complexes du corps), de stéréotypies vocales (émission de sons ou de mots n’ayant aucune valeur de communication). Ces stéréotypies sont par ailleurs réalisées avec une particulière jubilation, sous-tendue par une jouissance sans limite.

Au-delà du corps propre, ce sont des objets inhabituels pour un enfant qui attirent son attention (objets aux propriétés d’habitude peu attrayantes pour un enfant comme par exemple un objet dur, froid, tranchant, cassé…), ou encore des objets détournés de leur usage (roue de petite voiture indéfiniment tournée), ou enfin des objets utilisés pour une propriété isolée (par exemple son odeur, qui induit un comportement de flairage, l’aspect rugueux de sa surface, le son qu’il émet lorsqu’on le frotte ou lorsqu’on le laisse tomber).

Il n’y a pas ou peu de jeu symbolique, de jeu d’imitation, de jeu impliquant les situations sociales habituelles. Il s’ensuit un champ d’activité restreint, dénué de valeur symbolique, ludique ou communicative.


Troubles de sensorialité et de la motricité


On note une hypo- ou une hyperréactivité aux stimuli sensoriels auditifs, tactiles, gustatifs, ou visuels, avec, pour nombre d’enfants autistes, une recherche de tels stimuli. Ces stimuli ont pour particularité de ne renvoyer à aucune signification particulière, chacun d’entre eux n’étant «investi» qu’en fonction de ses seules propriétés sensorielles (autostimulation ou passage par un stimulus externe). Certains bruits peuvent à l’inverse susciter soit des réactions d’effroi, de panique, de colère, en particulier lorsqu’ils surprennent l’enfant, soit susciter une profonde indifférence, en particulier lorsqu’il s’agit de bruits sociaux : l’enfant ne répond pas quand on l’appelle, par exemple.

La motricité peut par ailleurs être limitée, l’enfant paraissant figé, inerte, sans initiative motrice. À l’opposé, il peut apparaître agité, sans cesse en mouvement, avec des postures ou des régulations motrices inhabituelles ou bizarres (allure saccadée, mécanique par exemple). La locomotion, le tonus, les postures, les coordinations manuelles et les praxies présentent fréquemment des particularités.


Perturbations du fonctionnement intellectuel


Malgré «l’expression intelligente» signalée par Kanner, ces enfants ont souvent des niveaux de performance globalement abaissés, avec des profils très hétérogènes : les performances visuospatiales et de mémorisation sont en général meilleures que les capacités de raisonnement, de traitement de l’information. Il existe en outre un décalage très fréquent, sinon constant, en faveur des épreuves non verbales.


Signes précoces d’autisme


Un des paradoxes de l’autisme est d’être défini comme un trouble d’apparition très précoce, mais diagnostiqué encore trop tardivement : vers six ans en moyenne, voire plus tard dans certaines formes (Asperger) (Howlin & Moore, 1997).

Aujourd’hui, si le diagnostic s’avère aisé à partir de deux ou trois ans, il est souhaitable de repérer les enfants à risque d’autisme dès le plus jeune âge. L’analyse clinique rétrospective et plus encore le visionnement des films familiaux (Malvy et al., 1997) montrent l’existence fréquente de signes précoces. La collaboration de la famille est importante dans ce repérage.


De 0 à 6 mois






• Une absence d’échange avec la mère ainsi que l’absence d’intérêt pour les personnes : indifférence à la voix et au visage, absence d’échange de regards. Le bébé se fait oublier, ne pleure jamais;


• des troubles du comportement, avec une sagesse excessive (l’enfant reste sans bouger) ou parfois, au contraire, une agitation désordonnée;


• des troubles psychomoteurs :




– défaut d’ajustement postural et d’agrippement lors de la prise de l’enfant par l’adulte (enfant «poupée de son»),


– absence d’attitude anticipatoire de l’enfant lorsque l’on ébauche le mouvement de le prendre dans les bras (normalement, l’enfant accompagne le mouvement en tendant les bras),


– Troubles du tonus : absence de dialogue tonique avec le plus souvent une hypotonie, ou plus rarement une hypertonie;


• un retranchement des processus perceptifs : pose dans la visualisation et indifférence au monde sonore;


• un strabisme persistant mais variable;


• des troubles graves et précoces du sommeil :




– insomnie calme, les yeux grands ouverts,


– ou, au contraire, insomnie avec agitation;


• une absence ou une pauvreté de vocalisation;


• l’absence de sourire au visage humain, qui apparaît normalement vers le deuxième ou troisième mois (premier organisateur de Spitz), et qui constitue un bon signe des capacités relationnelles de l’enfant (Spitz, 1968);


• des troubles de l’alimentation : absence de succion, anorexie.


De 6 à 12 mois


Durant cette période, les signes précédents se confirment, et d’autres signes apparaissent qui envahissent la qualité des interactions, particulièrement entre la mère et son enfant. il s’agit de :




• l’absence de dialogue tonique et l’absence d’activité anticipatrice (quand on tend les bras à l’enfant), absence de mimique en réaction aux stimuli. L’enfant est hypotonique («poupée de son») ou hypertonique («bout de bois»), semblant refuser le contact;


• la quête active de stimuli sensoriels, entraînant une sorte d’état extatique : fixation du regard sur des lumières, des objets qui tournent; stéréotypies avec mouvements répétitifs des doigts devant les yeux, etc.;


• une fascination pour des objets insolites, aux propriétés bien éloignées de celle d’un objet transitionnel classique : objets durs, a priori désagréables à manipuler, non déformables… Cette fascination contraste avec le désintérêt général vis-à-vis du monde environnant et vis-à-vis des objets en tant que supports d’une activité ludique de découverte, d’appropriation et de représentation;


• des interactions perturbées avec évitement du regard, absence de mimique, absence fréquente de babillage et de vocalises qui donne à l’enfant un air sérieux, étrange;


• l’absence d’«angoisse de l’étranger» : l’on sait en effet que l’angoisse de l’étranger (décrite par Spitz sous le terme de deuxième organisateur) apparaît normalement vers l’âge de huit mois (Spitz, 1968). L’enfant mis en présence d’une personne non familière en l’absence de sa mère fait habituellement l’expérience d’une angoisse, plus ou moins fortement ressentie et exprimée, et ceci du fait que l’«étranger» renvoie au décalage entre l’image intériorisée d’un objet d’amour familier (la mère) et la rencontre avec une personne qui ne correspond pas à cette image. Cette rencontre de l’étranger vient alors signifier à l’enfant l’absence de sa mère, source d’angoisse. Ce deuxième organisateur qu’est l’angoisse de l’étranger est ainsi le témoin de la capacité nouvelle du bébé à se représenter mentalement sa mère. Cette capacité semble ne pas être efficiente chez le petit enfant autiste;


• l’absence d’angoisse de séparation d’avec les personnes qui s’occupent habituellement de lui, absence qui, là encore, traduit une avanie majeure dans l’intériorisation d’une relation affective avec un objet d’amour familier. Séparation et retrouvailles sont vécues de façon indifférente.


De 12 à 24 mois


Les signes précédents se confirment, notamment le désintérêt pour les personnes, une fascination répétitive et non ludique pour les stimulations sensorielles. D’autres signes peuvent alors apparaître :




• l’absence de «pointage» proto-déclaratif, c’est-à-dire d’utilisation, à partir de neuf à quatorze mois, de l’index pour indiquer à une autre personne un objet source d’intérêt (attention conjointe). L’enfant autiste utilise plutôt un pointage proto-impératif, c’est-à-dire qui n’implique pas l’autre;


• l’absence de jeux de «faire-semblant», c’est-à-dire de jeux symboliques qui normalement apparaissent dès l’âge de douze à quinze mois (par exemple : les «marionnettes», les «coucous» du jeu de cache-cache avec les mains, etc.);


• des troubles du langage, constants, sont retrouvés à des degrés divers :




– peu ou pas de gazouillis,


– apparition tardive des premiers mots (après 18 mois),


– absence d’utilisation du pronom personnel je;


• des troubles de la motricité, avec :




– anomalies de la marche, avec évitement de l’appui plantaire en position debout,


– stéréotypies et maniérisme gestuel;


• des moments de crise clastique incontrôlable et aux causes difficilement appréhendables, probablement sous-tendus par d’intenses angoisses internes, envahissantes, et des manifestations d’auto-agressivité (l’enfant se frappe violemment, s’arrache les cheveux…);


• des troubles fonctionnels (troubles alimentaires et troubles du sommeil) sont fréquemment présents.


Signes d’alerte absolue


Il existe des signes d’alerte absolue devant faire envisager la présence d’un trouble envahissant du développement chez un enfant de moins de trois ans (cf.encadré 61.1) :



Formes cliniques



Spectre des troubles autistiques


Il nous faut dire un mot ici de la notion de spectre autistique. Le terme de «spectre» est habituellement utilisé en psychiatrie pour suggérer que des entités sont reliées entre elles sur le plan de leurs étiologies, même si elles présentent des différences sur le plan de leur sévérité (Allen, 1988). D’autres auteurs parlent de «continuum» (Wing, 1988). Ces concepts ont conduit à l’emploi de la notion de «troubles envahissants du développement» et de «perturbations qualitatives» pour définir la variabilité des perturbations observables dans l’autisme. L’autisme infantile ne serait alors que l’expression la plus intense et la plus complète de toute une série de troubles plus ou moins partiels et dont la conjonction donne lieu au tableau d’autisme typique. Enfin, cette notion de spectre autistique est très intéressante pour évaluer les endophénotypes familiaux (parents, fratrie, collatéraux) de l’enfant autiste.

Cliniquement, deux formes cliniques sont habituellement retenues (Marcelli & Cohen, 2009) :




• les autistes de bon niveau : les troubles de la communication et de la relation apparaissent ici au premier plan, alors même que les performances cognitives peuvent être normales, voire en avance dans un secteur : capacités de mémorisation exceptionnelles, de calcul, etc. Cette avance ou cet intérêt revêtent toutefois un aspect répétitif, stéréotypé, et ne sont pas assortis de tentative de communication ou de partage, du moins spontanément. Ces enfants accèdent souvent au langage, même si celui-ci garde longtemps des particularités. Le syndrome d’Asperger, individualisé par les classifications DSM IV et CIM-10, en est très proche (cf. ci-après, paragraphe «syndrome d’Asperger»);


polyhandicap et syndromes neurologiques associés : l’existence concomitante de manifestations cliniques d’allure autistique et de troubles multiples (troubles neurologiques, déficit cognitif profond, déficit sensoriel…) est fréquente. La co-occurrence des manifestations autistiques et des troubles associés est diversement interprétée (troubles spécifiques ou simple association) et seule l’évolution sous l’effet de la prise en charge aide à la différenciation diagnostique. Un bilan soigneux des déficits associés et la collaboration entre les diverses spécialités (neuropédiatrie, génétique…) est de mise dans ces formes de polyhandicaps.


Évaluation et examens complémentaires


Le diagnostic d’autisme s’établit cliniquement grâce aux observations pluridisciplinaires de professionnels formés et expérimentés complétant les observations parentales. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, d’examen complémentaire permettant de poser avec certitude le diagnostic d’autisme infantile. Ainsi, aucun examen clinique ni paraclinique n’a fait la preuve de signes pathognomoniques d’autisme. Le diagnostic repose donc sur :




• un repérage clinique soigneux des signes, tant auprès de l’enfant que de ses parents, en s’aidant d’échelles et de questionnaires;


• une évaluation des divers domaines du développement souvent impliqués;


• des examens complémentaires choisis avec discernement quand un signe clinique justifie une exploration plus approfondie dans un domaine particulier. Ces explorations, dans le domaine de la clinique quotidienne, doivent être différenciées des multiples explorations entreprises dans le champ de la recherche.

Il n’existe donc pas de procédure ou de test standard, mais des recommandations professionnelles ont été publiées (HAS, 2005). Nous en reprenons ici les principales.


Échelles et questionnaires



Outils du diagnostic clinique


De nombreuses échelles existent (échelles de Brunet-Lézine, Vineland, PEP-R, ECA de Barthélémy et Lelord, ECA-N (Nourrisson) de Sauvage; Chat, échelles ADI-R, ADOS, CARS). À l’heure actuelle, certaines sont reconnues et internationalement utilisées. Elles sont au nombre de trois :




• la CARS (Childhood Autism Rating Scale; Schopler et al., 1980). Elle permet d’apprécier l’intensité des troubles autistiques. Elle consiste en l’évaluation de 14 domaines habituellement perturbés à des degrés variables dans l’autisme, ainsi que l’appréciation subjective du niveau général de perturbation. Elle est d’utilisation courante et constitue un outil diagnostic de première intention;


• l’ADI-R (Autism Diagnostic Interview Revised; Lord et al., 1994). Il s’agit d’un entretien semi-structuré avec les parents pour l’évaluation d’enfants chez qui on suspecte un autisme. Durant un long entretien (deux heures), l’ensemble des comportements de l’enfant est repris. Son utilisation est bien validée après trois ans. Outil sensible, fiable et spécifique pour le diagnostic, il permet distinguer autisme et retard mental. Son utilisation requiert une formation spécifique;


• l’ADOS-G (Autism Diagnostic Observation Schedule; Lord et al., 2000). Outil d’observation semi-structuré analysant le développement langagier. Utilisable chez des enfants à partir de deux ans, il se base sur l’observation de la communication, des interactions sociales réciproques, du jeu, des comportements stéréotypés, des intérêts restreints. C’est un outil peu sensible, mais très spécifique, pour le diagnostic différentiel entre les différents troubles du spectre autistique et les troubles du langage. Son utilisation requiert une formation spécifique.

L’utilisation combinée de ces outils diagnostics est très intéressante pour établir le diagnostic. Ces échelles présentent en effet des caractéristiques communes :




• elles impliquent la dimension de rigueur de l’examen clinique;


• elles permettent de définir un profil singulier ainsi que l’état exact des difficultés rencontrées par l’enfant;


• elles permettent d’évaluer l’évolution par des passations régulières;


• elles aident à l’élaboration d’objectifs de soin ainsi qu’à l’évaluation de l’efficacité des actions thérapeutiques entreprises;


• elles constituent enfin un support médiateur permettant un échange avec les parents.

Lorsqu’elles sont maniées avec rigueur et discernement, ces échelles, loin d’appauvrir la relation clinique, constituent d’indiscutables points de repères utiles aux cliniciens et aux divers professionnels impliqués, ainsi qu’un support d’échange avec les parents. Leur utilisation requiert une formation spécifique.


Outils d’évaluation du développement



Observation clinique du comportement


Elle doit avoir lieu dans différentes situations et sur un temps suffisamment long. Elle permet d’analyser notamment la qualité du contact, les moyens et les modes de communication, les interactions sociales, affectives et émotionnelles, l’utilisation d’objets sociaux et des jouets symboliques, l’autonomie, l’alimentation, le sommeil… L’enregistrement vidéo est un support très intéressant pour ces observations, passées et présentes.


Examen psychologique (psychoaffectif et cognitif)


De nombreux outils sont utilisés à ce niveau : test de Weschler, échelle de Vineland, K-ABC, batterie BECS, PEP-R, etc. Outre l’évaluation du niveau intellectuel de l’enfant, ces épreuves apprécient les capacités socioadaptatives, les caractéristiques de la personnalité, en précisant certains aspects psychopathologiques à l’œuvre (désorganisation de l’image du corps, angoisses de morcellement, fantasmes archaïques de dévoration etc.), grâce, notamment, à certains tests projectifs (Rorschach, Patte noire…), quand il est possible de les utiliser.


Outils et observations psychanalytiques


Ils complètent et enrichissent les bilans cliniques (Haag, 2000).


Examen de la communication et du langage


Les altérations qualitatives de la communication représentent un aspect important du diagnostic de l’autisme. Ces altérations correspondent non seulement à des déficits dans l’acquisition du langage fonctionnel, mais aussi au défaut d’utilisation du langage (par exemple pour avoir une conversation). Ce bilan orthophonique est donc indispensable pour évaluer les aspects formels (parole, langage, praxies…) et pragmatiques (attention conjointe…) ainsi que le langage écrit. Des échelles existent pour évaluer les compétences communicatives (ECSP, grille de Whetherby) mais elles restent délicates d’utilisation. Rappelons qu’environ 50 % des enfants autistes n’acqui- èrent jamais de langage fonctionnel (Aussilloux & Roques, 1991).


Examen de la sensorialité et de la motricité


Des particularités existent chez les enfants autistes dans le traitement sensoriel des ressentis, notamment de la douleur (Tordjman et al., 1999). De même, des «stéréotypies» et des «expériences» tactiles, auditives ou visuelles sont rapportées et témoignent des particularités autistiques. Les tests, non spécifiques à l’autisme, sont à adapter.

Tous ces tests instrumentaux sont utilisables avec les aménagements et les réserves liés aux possibilités de passation. Ces évaluations s’étalent en général sur plusieurs demi-journées. Enfin, l’appréciation et le jugement du clinicien expérimenté doivent rester au centre de l’évaluation.


Bilans cliniques complémentaires



Systématiques


Certaines investigations sont systématiques : bilan visuel et auditif, bilan neurologique et pédiatrique, consultation de génétique.


Bilan visuel et auditif

L’occurrence élevée de problèmes sensoriels et les difficultés de diagnostics différentiels doivent conduire à l’examen clinique systématique, et si besoin paraclinique, de l’audition (audiogramme et potentiels évoqués auditifs dans l’hypothèse d’une surdité associée) et de la vision.


Bilan neurologique et pédiatrique

Ce bilan recherche d’une part l’existence de manifestations neurologiques discrètes, mais surtout des syndromes épileptiques associés. L’association de l’épilepsie et du syndrome autistique semble en effet fréquente (20 à 80 %) selon le critère retenu (Marcelli & Cohen, 2009) en dehors même des manifestations électroencéphalographiques anormales. Certains syndromes autistiques apparaissent même, dans quelques cas, secondaires à une maladie épileptique telle que le syndrome de West ou de Lennox-Gastaud.

À côté de l’épilepsie, toutes les encéphalopathies déficitaires de l’enfant peuvent s’accompagner peu ou prou de manifestations autistiques associées (syndrome de l’X fragile, syndrome d’Angelman, syndrome de Williams, etc.). Il importe donc, lorsqu’un signe clinique particulier attire l’attention (malformation particulière, motricité perturbée, antécédents familiaux, etc.) de compléter le bilan dans un domaine particulier.


Consultation de génétique

Ses finalités sont multiples :




• rechercher des anomalies permettant d’identifier un syndrome génétique associé;


• donner un conseil génétique, à partir de l’enquête familiale, de la reconstitution de l’histoire personnelle de l’enfant et de l’examen clinique, d’une part, et des résultats du caryotype systématique, d’autre part.


Non systématiques


D’autres investigations reposent sur des présomptions cliniques.

Le moindre signe clinique d’alerte (malformations, particularités cliniques, antécédents familiaux…) doit faire compléter le bilan complémentaire. Cela peut être :




• un bilan neurométabolique;


• un électroencéphalogramme (EEG avec sieste);


• une IRM cérébrale.

Il n’est pas possible de détailler ici, de manière exhaustive, l’ensemble des bilans paracliniques, du fait de la multitude de situations possibles. Il convient par ailleurs de distinguer les examens complémentaires nécessaires au bilan clinique lorsqu’un signe d’appel le justifie, des explorations complémentaires entreprises dans le cadre d’une recherche.

La réalisation des investigations complémentaires ne doit pas retarder la mise en place des prises en charge. Précisons par ailleurs que ces explorations doivent être effectuées par des équipes spécialisées et s’inscrire dans une démarche clinique et scientifique cohérente et éthiquement acceptée.

Rappelons enfin qu’à ce jour, aucune étiologie précise n’a pu être affirmée comme étant à l’origine de l’ensemble des syndromes autistiques. L’état actuel des recherches semble plutôt s’orienter vers une pluralité d’anomalies possibles qui, chacune, pourrait être à l’origine d’une forme particulière, sans pour autant pouvoir affirmer que de telles anomalies sont constantes.


Procédures à suivre pour le diagnostic


Aujourd’hui, le diagnostic clinique de l’autisme requiert l’intervention coordonnée et pluridisciplinaire de professionnels et expérimentés qui ont à examiner les aspects psychopathologiques et de développement (cognitions, communication, sensorimotricité).

En France, le diagnostic est assuré par toute équipe pluridisciplinaire disposant de professionnels formés. Ainsi, quand leur plateau technique et humain est suffisant, ces équipes peuvent être localisées dans les secteurs de pédopsychiatrie, les CAMSPCentre d’action médicosociale précoce (CAMSP), les CMPP, certains services de pédiatrie.

Une circulaire DGAS de 1999 définit les centres de ressources sur l’autisme (CRA)Centre de ressources sur l’autisme (CRA) dans chaque région française, comme toute «équipe pluridisciplinaire, spécialisée et expérimentée sur le syndrome de l’autisme, qui met en œuvre des actions de diagnostic précoce, de recherche, d’aide, de soutien, d’information, de formation, de conseil et d’expertise auprès des familles et des professionnels médico-sociaux et de santé». La loi du 2 janvier 2002 donne une assise juridique à ces CRA. Le plan «Autisme 2005–2006» définit les objectifs opérationnels pour chaque CRA régional crée en France.

Ces CRA doivent faciliter l’établissement des diagnostics par les équipes de première ligne. Ils peuvent réaliser eux-mêmes les diagnostics dans les cas complexes qui prêtent à discussion.

Toute démarche diagnostique doit s’articuler avec la prise en charge thérapeutique et avec tous les professionnels qui vont prendre en charge l’enfant et ses parents.

L’information donnée aux parents et à la fratrie se fait selon des modalités définies dans les recommandations (HAS, 2005).


Diagnostic différentiel


Il convient de différencier l’autisme débutant d’autres pathologies qui lui sont d’ailleurs parfois indirectement associées. On éliminera donc :




• une surdité précoce. Le diagnostic peut être d’autant plus difficile que certaines surdités s’accompagnent de comportements d’allure autistique (isolement et autostimulations notamment) et qu’il existe par ailleurs de réels syndromes autistiques associés à un authentique déficit auditif;


• les carences affectivesCarence affectiveprécoces et les dépressionsDépressioninfantiles. Ces deux affections peuvent s’accompagner de signes d’allure autistique (isolement et autostimulations, en particulier à type de balancement). Toute séparation précoce prolongée avec la mère (ou son substitut) ainsi que certaines carences affectives précoces peuvent être à l’origine de manifestations d’allure autistique. Toutefois, le caractère rapidement réversible des troubles lorsque les conditions environnementales s’améliorent, en particulier sur le plan affectif, permet une rectification diagnostique. Il reste cependant vrai que certaines carences affectives prolongées conjuguées à une vulnérabilité individuelle de l’enfant, peuvent générer d’authentiques troubles autistiques;


• les dysphasies graves. Perturbations majeures du langage, les dysphasies sont théoriquement isolées. Cependant, des troubles de la personnalité parfois primaires mais plus encore secondaires aux difficultés de communication (impulsivité, retrait relatif, etc.) peuvent induire en erreur. Toutefois, les enfants dysphasiques graves gardent des compétences relationnelles en dehors du langage (imitation, intérêt partagé pour des tâches concrètes) et des capacités d’expression émotionnelle qui les distinguent des enfants autistes. Par ailleurs, si une dysphasie grave représente une entrave majeure dans l’apprentissage graphomoteur, en particulier au niveau des séquences rythmiques, l’enfant dysphasique, contrairement à l’enfant autiste, se montre néanmoins souvent avide d’utiliser des symboles graphiques élémentaires (pictogrammes);


• le retard mental. Le retard mental est à la fois un trouble souvent associé à l’autisme et un de ses diagnostics différentiels. Il est décrit classiquement dans 80 % des cas d’autisme (Fombonne et al., 1997). Des études plus récentes estimeraient sa prévalence entre 40 et 70 % (Chakrabarti & Fombonne, 2001). Le bilan et l’évolution permettent de faire la part des choses, mais le diagnostic différentiel est parfois très difficile avec l’autisme «atypique».


Diagnostic des anomalies associées


Les anomalies associées à l’autisme sont variables. Il existe des maladies ou syndromes dans lesquels l’autisme est fréquent (souvent d’origine génétique) et les autres anomalies associées. Ce repérage des maladies et troubles associés est important en pédopsychiatrie de liaison car ces enfants transitent beaucoup dans les services de pédiatrie spécialisée.

La fréquence de ces associations est variable et reste très débattue aujourd’hui (Gillberg & Colleman, 1996; Rutterket al., 1994). Nous pouvons retenir que l’autisme est associé à une maladie organique bien identifiable dans une proportion de l’ordre de 10 à 20 % (Kielinen et al., 2004).

Parmi les maladies ou syndrome les plus courants, on retrouve :




• la sclérose tubéreuse de Bourneville;


• certaines épilepsies;


• la neurofibromatose de type 1;


• le syndrome de l’X fragile;


• les anomalies chromosomiques (trisomie 21, délétions du chromosome 15…);


• des maladies métaboliques (phénylcétonurie…).

D’autre part, certains signes ou anomalies sont fréquemment retrouvés dans l’autisme. Ils ne remettent pas en cause le diagnostic. Il s’agit de :




• antécédents pré- et périnataux, tant somatiques (souffrances fœtales aiguës) que psychologiques (dépressions maternelles);


• déficiences sensorielles, auditives et visuelles;


• retard mental.

Ces anomalies et ces pathologies associées doivent être recherchées par l’interrogatoire des parents, l’examen clinique, les consultations spécialisées et les examens complémentaires. Les parents sont informés de ces investigations. Il est enfin important que le ou les diagnostics soient annoncés de manière cohérente et en concertation avec les différents intervenants multidisciplinaires qui accompagnent l’enfant.

Des réunions multidisciplinaires associant les différentes équipes (celles qui effectuent les investigations complémentaires, celles responsables du diagnostic, celles qui assurent les prises en charge thérapeutiques et éducatives) permettent une collaboration étroite entre professionnels et évitent les malentendus et les clivages.


Autres troubles envahissants du développement ou psychoses infantiles précoces



Selon les classifications internationales CIM-10 et DSM IV


À côté du syndrome autistique caractéristique, les classifications DSM et CIM décrivent quatre entités : le syndrome de Rett, le syndrome d’Asperger, l’autisme dit «atypique» et les autres troubles désintégratifs de l’enfance.


Syndrome de Rett


Décrit en 1966, il s’agit d’une encéphalopathie évolutive non congénitale, d’étiologie encore inconnue, et qui touche principalement les filles. Son évolution clinique est particulière et se fait en plusieurs phases : développement neurologique et mental normal durant les 7 à 18 premiers mois de la vie, stagnation du développement à partir de cet âge, régression rapide entre un et trois ans, plateau de deux à dix ans et enfin détérioration motrice tardive après l’âge de dix ans, conduisant à un état de démence avec autisme en moins de 18 mois.

Les critères diagnostics sont les suivants (Aicardi & Ramos, 1986) :




• évolution par phases caractéristiques;


• perte de la manipulation volontaire, remplacée par des stéréotypies des mains (dont certaines caractéristiques : frottement des mains croisées devant la poitrine, tapotement des dents avec les doigts repliés);


• ataxie du tronc et de la marche;


• microcéphalie acquise;


• période prolongée de stabilisation apparente avec apparition insidieuse d’anomalies neurologiques (syndrome pyramidal modéré, épilepsie, troubles vasomoteurs, etc.);


• sexe féminin, bien que quelques cas masculins aient été décrits.

Certaines conduites fréquentes dans l’autisme infantile ne sont pas décrites dans le syndrome de Rett, en particulier le refus des contacts corporels et des marques d’affection partagées.

Il n’existe pas de traitement spécifique connu, et si un soutien psychologique peut apparaître nécessaire auprès des parents, l’abord thérapeutique de l’enfant doit bien entendu tenir compte de la particularité de ce syndrome d’allure organique. Une récente étude vient de mettre en évidence une mutation génétique sur le bras long du chromosome X (Amir et al., 2001).


Syndrome d’Asperger


Décrit en 1944, ce syndrome est resté peu connu jusqu’à sa réhabilitation par Wing (Wing, 1981). Il s’agit d’un syndrome autistique qui se caractérise par l’absence de retard et de déficience du langage ou du développement cognitif. Bien que de niveau intellectuel normal ou supérieur, ces sujets apparaissent maladroits et handicapés au plan relationnel. L’évolution ne se fait pas vers un déficit cognitif, mais plutôt vers la persistance des troubles avec parfois, à l’adolescence, l’apparition d’épisodes psychotiques.

Plusieurs conceptions existent actuellement de ce syndrome, en faisant une entité discutée : forme d’autisme de haut niveau? trouble grave de la personnalité? autre trouble du développement? La notion de spectre de l’autisme voudrait répondre à ces visions différentes.


Autisme «atypique»


L’autisme atypique, ou plus largement le groupe des troubles envahissants du développement non spécifiés, est caractérisé par un âge de survenue après trois ans ou une absence de certains signes dans l’un des trois domaines (interactions sociales, communication, comportement restreint, répétitif et stéréotypé). Il est souvent observé chez des enfants présentant un retard mental profond.


Autres troubles désintégratifs de l’enfance


Leur caractéristique est de survenir après une période de développement normale et de s’accompagner d’une régression profonde et rapide des acquisitions en même temps que les manifestations symptomatiques d’autisme apparaissent. La perte des acquisitions concerne en particulier la communication et le langage. On est ici très proche du concept de «démence infantile» (Heller, 1908) propre aux psychoses d’évolution déficitaire de l’adulte (cf. paragraphe «Psychoses de la seconde enfance»). L’évolution est souvent défavorable, avec un retard mental sévère. Certaines récupérations partielles et des reprises développementales sont toutefois possibles. L’exploration neuropédiatrique, toujours indispensable, écarte les éventuelles étiologies neurodégénératives. Ces troubles sont très rares; leur prévalence est de 1,7 pour 100 000, soit 60 fois moins que l’autisme (Fombonne, 2002).


Limites des classifications descriptives


Ces classifications ont le mérite de décrire, selon des critères précis, les divers signes cliniques et éléments paracliniques rencontrés chez les enfants. Elles sont dites «athéoriques» et se veulent objectives. Elles reposent sur des consensus internationaux qui permettent aux chercheurs de constituer des groupes de patients analogues, à défaut d’être homogènes.

Mais ces classifications posent questions et suscitent parfois certains dérapages. Ainsi, qu’en est-il de la question du sujet et de la singularité propre à chaque situation rencontrée et dont l’hétérogénéité des observations semble rendre compte? Renvoie-t-elle à la question d’une étiologie propre à chaque entité décrite? Renvoie-t-elle au contraire à l’idée de formes cliniques d’une même entité nosologique, dont l’étiologie commune résiderait dans une découverte scientifique future? Résout-on cette question du sujet en évoquant la notion de spectre autistique? N’y a-t-il pas grand risque à ne se repérer que sur une démarche descriptive? Une grille de lecture peut-elle se passer de présupposés théorico-cliniques? Les approches psychanalytiques sont-elles antinomiques des approches actuelles?

Nous soutenons volontiers ici l’idée qu’un sujet n’est jamais totalement cernable, et que sa liberté réside précisément dans sa capacité à ne jamais être exactement là où il est attendu. Cette approche a le mérite de permettre à chaque champ épistémologique (pédopsychiatrique, psychanalytique, génétique, neurologique, biochimique, etc.) de se développer au contact de chacun des autres, de manière intégrative, complémentaire. Parole bien subversive – mais tellement nécessaire – du pédopsychiatre de liaison en milieu pédiatrique.

C’est ainsi que Misès eu l’immense mérite, dans la classification française et sa version révisée (CFTMEA-R. 2000 : Misès & Quémada, 2002), de laisser une porte ouverte au développement psychoaffectif et cognitif d’enfants présentant des troubles envahissants du développement, grâce aux concepts de «dysharmonie psychotique» et de «psychoses précoces à expression déficitaire». Si l’ensemble des tableaux décrits apparaît, dans cette classification, particulièrement hétérogène, cet ensemble trouve toutefois sa cohérence dans la description d’un fonctionnement psychique dominé par des mécanismes psychotiques. Cette approche permet en particulier de penser la psychopathologie de ces enfants de manière intégrée et non de manière «éclatée», en considérant qu’il existe là des éléments communs à considérer chez eux, non pas en termes étiopathogéniques, mais en termes de fonctionnement psychique. Ce passage de la notion de causalité morbide à la notion de souffrance psychique apparaît ici essentiel eu égard aux conséquences sanitaires qu’il implique. En effet, considérant que la constatation d’un déficit mental ne doit en aucun cas stériliser la démarche du clinicien à la seule recherche étiologique mais au contraire l’inciter à évaluer le rôle psychopathologique de ce déficit au sein du fonctionnement mental, cet auteur a ainsi le mérite d’avoir su éclairer cette réciprocité entre facteurs de la série déficitaire et facteurs de la série psychotique.

La CFTMEA a par ailleurs le grand mérite de respecter les différentes approches psychanalytiques qui ont nourri la réflexion du siècle dernier, et qui continuent aujourd’hui à penser l’autisme et la psychose en termes de souffrance psychique, ce qui est à distinguer absolument du fait que ces approches aient pu ou puissent encore être perçues comme une manière de considérer la psychose comme l’expression, voire le résultat, d’une souffrance psychique. Il y a là une nuance fondamentale entre le fait de se donner des outils intersubjectifs tels que la psychanalyse le propose pour «penser la souffrance des enfants autistes ou psychotiques», et considérer la psychanalyse comme une théorie explicative de l’autisme et des psychoses.

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Apr 22, 2017 | Posted by in PÉDIATRIE | Comments Off on 61. Rappels diagnostiques, nosologiques, épidémiologiques et thérapeutiques

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