Chapitre 60. Instabilité psychomotrice
Position du problème
Instabilité psychomotriceL’«instabilité» est un des grands motifs de consultation en pédopsychiatrie. Il s’agit le plus souvent de garçons. Tantôt la demande de consultation vient de la famille, en particulier chez les enfants d’âge préscolaire, dont les parents se plaignent du comportement «épuisant», tantôt la demande survient à l’âge scolaire, le plus souvent entre six et douze ans, et émane alors de l’enseignant, dont les remarques portent d’ailleurs davantage sur l’instabilité de l’attention (enfant distrait, inattentif) que sur le comportement. D’emblée se révèle par ces plaintes la double polarité de l’instabilité : la motricité et l’attention.
Il convient toutefois de limiter le cadre de l’instabilité en rappelant l’existence d’une période, vers l’âge de deux ou trois ans, voire plus, durant laquelle l’attention de l’enfant est naturellement labile, sa motricité explosive, et cela en lien avec la conjonction d’un appétit de découverte et de compétences intellectuelles et motrices rendant possible l’exploration physique du monde externe. L’entourage n’accepte pas toujours facilement cette période parfois «fatigante» et ce, d’autant plus qu’elle survient dans un milieu éducatif et scolaire parfois inadapté, dans un environnement socio-économique précaire, ou encore dans un contexte psychologique fragile. Ceci est d’autant plus important à souligner que, face à l’intolérance du milieu ou à ses exigences inaccessibles, l’enfant risque d’accentuer cette conduite et de s’installer durablement dans une véritable instabilité réactionnelle.
Si le diagnostic de comportement instable apparaît relativement aisé au plan clinique, le cadre nosologique dans lequel il s’inscrit dépend largement de l’approche conceptuelle dans laquelle le clinicien se situe. En effet, si le regroupement syndromique, sous une forme descriptive pure (trouble de l’attention, hyperactivité, impulsivité) présente l’intérêt incontestable de ne rien prédire du diagnostic structurel de la personnalité sous-jacente (qui risquerait d’engager sans recul suffisant à la fois la prise en charge et le pronostic), ce regroupement, tel qu’il est défini selon les critères de la CIM-10 ou du DSM IV, risque en revanche d’aboutir paradoxalement à un diagnostic non plus seulement syndromique – celui du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA)Troublesdéficitaires de l’attention (THADA) –, mais lésionnel. Le trouble définit alors une maladie à part entière, autonome, avec sa propre étiopathogénie supposée, ses critères d’inclusion et d’exclusion, ses critères de gravité, ses comorbidités, son pronostic, et finalement son traitement spécifique.
Ce que l’on cherchait à éviter au départ – à savoir une lecture univoque et par conséquent figée du fonctionnement psychique de l’enfant – se déplace du côté d’un diagnostic supposé lésionnel, proche du neurologique (mais sans preuve), décrit sur un mode et selon une modélisation non moins figés, possédant leur propre cohérence interne, mais refermés sur eux-mêmes.
Repères historiques et nosologiques
Depuis les années 1980
Depuis le DSM III (APA, 1980) jusqu’au DSM IV (APA, 1994), le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention, en anglais Attention Deficit Hyperactivity Disorder (ADHD) se situe dans la continuité de ce que les auteurs anglo-saxons ont successivement appelé Minimal Brain Disease (MBD), que l’on peut traduire par «lésion cérébrale minimale», puis Minimal Brain Dysfunction, dont on peut repérer qu’il conserve subtilement les mêmes initiales, et que l’on peut traduire par «désordre – ou dysfonctionnement – cérébral minimal». Ultérieurement, le terme de syndrome «hyperkinétique» a été utilisé, et conservé notamment par la classification européenne CIM-10, dans l’appellation «troubles hyperkinétiques» (OMS, 1993).
Pourquoi une telle confusion entre ce qui relève du comportemental (déficit d’attention, hyperactivité) et ce qui renvoie beaucoup plus directement à une hypothèse lésionnelle (brain disease) ou neurophysiologique (brain dysfunction)? Cette confusion interroge sur le caractère réellement athéorique d’une telle approche nosologique.
Il existe une continuité subtile de ce syndrome depuis les premières descriptions de ce qui s’appelait initialement Minimal Brain Injury (blessure cérébrale minimale) et portait alors sur les séquelles comportementales d’enfants rescapés d’encéphalites infectieuses (notamment l’encéphalite de Von Economo, en 1917), de traumatismes crâniens ou d’intoxications diverses. À partir de là, le raisonnement est resté, selon cette conception première du trouble de nature très organiciste, notamment chez les Anglo-Saxons, pour expliquer des tableaux cliniques apparemment similaires aux tableaux comportementaux initialement décrits chez les enfants atteints de séquelles organiques authentiques.
De nombreux auteurs (Lanteri-Laura & Gros, 1982; Rutter, 1982; Flavigny, 1988; Berquez, 1988; Chiland, 1986) se sont alors élevés contre ce qu’ils percevaient comme une dérive procédant d’une sorte de «paradoxe logique» : la manifestation, appréhendée comme entité, comme phénomène morbide (et ceci nécessairement, pour la cohérence de la démarche), est donc censée avoir une cause; et la cause, expliquant la manifestation, la confirme dans son existence d’entité morbide. L’une et l’autre finissent par se justifier réciproquement (Flavigny, 1988). Ce raisonnement a abouti, en 1957, à l’introduction par Bradley d’un traitement de ce syndrome par un dérivé d’amphétamine, le méthylphénidate (Ritaline), dont l’activité se trouve ainsi justifiée par l’existence probable d’une lésion cérébrale minimale (Wender & Eisenberg, 1974).
Ainsi, à l’opposé de la mouvance organiciste, de nombreux auteurs, de culture psychopathologique et psychanalytique, se sont interrogés sur l’instabilité psychomotrice en tant que symptôme exprimant un mal-être, un conflit peu mentalisé, un aménagement défensif, un défaut de contenants, soulignant par là le caractère profondément subjectif de ce trouble. Cette perspective est particulièrement développée en France, où l’accent est mis sur des conceptions psychodynamiques, avec toutes les incidences thérapeutiques que cela sous-tend.
De nos jours, une figure de la culture
Il est important d’insister sur l’influence du contexte social et politique sur les approches diagnostiques actuelles (Marcelli & Cohen, 2009). La fréquence du diagnostic de THADA s’est ainsi accrue depuis ces dix dernières années aux États-Unis et dans certains pays européens. Si cette augmentation est en partie liée à une prise de conscience de l’existence du trouble, elle l’est également au contexte politique et social spécifique. Par exemple, la réforme sociale américaine des années 1990, qui avait pour objectif de soutenir, sur les plans scolaire et éducatif, les enfants en difficulté, s’est fondée sur des grilles de repérage quantifié de troubles comportementaux en tête desquels figurait le THADA, et sa triade symptomatique (troubles de l’attention, hyperactivité, impulsivité). Les données administratives ont ainsi été multipliées par deux en trois ans. Un phénomène similaire s’est produit au Royaume-Uni dans les années qui ont suivi la mise sur le marché du méthylphénidate : le nombre de diagnostics de THADA a alors significativement augmenté…
En France, le débat a fait rage ces derniers temps, notamment après la publication, en septembre 2005, d’une expertise de l’Inserm sur les troubles des conduites chez l’enfant; jusqu’à faire les premiers titres de journaux nationaux (le Monde, 23 septembre 2005) : «Les enfants turbulents relèvent-ils de la médecine?». Les réactions des professionnels et la pétition Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans qui ont suivi témoignent des enjeux fondamentaux autour de ces questions. Retenons ici l’importance du repérage précoce et d’une nécessaire prévention mais sans confusion ni amalgame entre prévention et prédiction; et sans stigmatisation des enfants. Les dangers d’une prédétermination voire d’une prédestination sont patents, et nous devons être vigilants quant aux risques de dérive sécuritaire. Enfin, se pose la question d’une médicalisation du mal-être social et psychique.
Alors, bons petits diables ou enfants terribles?
Sortant volontairement du registre purement médical, l’instabilité peut s’analyser dans un contexte plus général et métaphorique. En effet, chaque époque stigmatise son «enfant terrible» (Cocteau, 1925), fruit supposé des méfaits du temps : petits diables, enfants turbulents, voleurs, menteurs, révoltés, sales gosses, sauvageons, racaille… Il fait signe de la norme ou de sa négation. Ici, l’enfant instable est une figure de la culture et se rétracte dans le champ du droit et dans celui de la psychiatrie, de l’enfant délinquant à l’enfant pervers en passant par l’instable, le fugueur, le tyran domestique…
Combien de parents rencontrons-nous, apeurés par l’agitation ou les traits de caractère de leur propre enfant devenu cet objet étrange qui les insupporte? Tyran familial, révélateur du malaise ou du symptôme parental, le bon petit diable (dans le meilleur des cas) ou l’enfant terrible (plus inquiétant) est avant tout un qualificatif pour l’autre, celui qui l’énonce.
En raison de la diffusion extrême que ce concept connaît, avec les conséquences que l’on sait en termes de demandes de consultation, il apparaît nécessaire de préciser les caractéristiques cliniques et épidémiologiques de ce trouble, puis de le resituer dans le champ de l’activité pédopsychiatrique et notamment de la pédopsychiatrie de liaison à l’hôpital pédiatrique.
Caractéristiques cliniques
Le syndrome est constitué par l’association de troubles de l’attention, d’une hyperactivité et d’une impulsivité. Il existe parfois des symptômes associés.
Troubles de l’attention
Ils sont caractérisés par une faible capacité à se concentrer, à se fixer sur une tâche, à organiser puis à finir son travail (scolaire ou domestique), mais aussi à exercer des activités ludiques ou culturelles. L’enfant change fréquemment d’activité (il «papillonne»), est facilement distrait («regarde les mouches», «un rien le perturbe»…). Il ne semble pas écouter ce qu’on lui dit, ne respecte pas les consignes. Son travail est négligé, bâclé, comportant de nombreuses fautes dites d’«inattention». Toute tâche demandant un effort de concentration semble évitée ou fuie. Des tests spécifiques sont disponibles et permettent de distinguer les troubles sélectifs des troubles globaux de l’attention.
Hyperactivité
Il s’agit d’une activité motrice exagérée pour l’âge. L’enfant est ainsi toujours «sur la brèche», courant, grimpant, comme «monté sur ressort», incapable de rester assis. À l’école, il est agité, remuant : il se balance, se contorsionne, tripote sans arrêt quelque chose, agite ses jambes. À peine habillé, il sort précipitamment; il traverse la rue sans regarder, etc.
Impulsivité
Elle se traduit par une difficulté à respecter les règles, le cadre : intervention soudaine en classe, non-respect du tour de parole, du tour de jeu, des règles sportives. L’enfant impose sa présence, sans réel respect de l’autre dont il prend les objets sans vraiment lui avoir demandé… Il s’engage de façon souvent périlleuse, sans envisager les conséquences. Cette impulsivité peut aller jusqu’à d’authentiques troubles du comportement de type caractériel.
Symptômes associés
On décrit souvent :
• des difficultés cognitives, révélées par les tests dont les résultats sont en général minorés du fait de l’inattention : difficultés de repérage spatio-temporel, difficulté à saisir le sens des séquences rythmiques, perturbation aux tests de Bender;
• des difficultés diverses : retard scolaire risquant de s’accumuler, trouble du contrôle sphinctérien (énurésie), labilité affective, conflit avec l’entourage, les camarades, etc.;
• des signes neurologiques mineurs : trouble de la coordination et de la motricité fine, mouvements choréiformes, anomalies perceptivomotrices, maladresse, signes non spécifiques à l’EEG.
Regroupements syndromiques
Les approches diagnostiques du THADA sont différentes selon la classification utilisée. Si les signes cliniques présentés par les deux grandes classifications que sont la CIM-10 et le DSM IV sont identiques, définissant trois domaines principaux (baisse de l’attention, hyperactivité et impulsivité), les critères définissant le trouble sont différents selon la classification considérée :
• les critères du DSM-IV requièrent la présence de symptômes dans les deux domaines que sont l’inattention d’une part et l’hyperactivité d’autre part, définissant ainsi trois sous-groupes du THADA (type mixte, type inattention prédominante, type hyperactivité/impulsivité prédominante) (APA, 1994) :
• la CIM-10, quant à elle, exige la présence de symptômes dans les trois domaines pour porter le diagnostic de trouble hyperkinétique, et spécifie deux sous-types en fonction de l’association ou non de troubles des conduites (OMS, 1993).
Le trouble hyperkinétique au sens de la CIM-10 apparaît comme un sous-type du THADA du DSM IV (en l’occurrence le type mixte). Par ailleurs, et contrairement au DSM IV, la CIM-10 exclut certaines comorbidités comme les troubles de l’humeur et le trouble anxieux, et propose une classification plus intégrée des troubles externalisés; le trouble hyperkinétique se trouvant inclus dans les troubles du comportement et des émotions de l’enfance et de l’adolescence (Carr, 1999).
Il résulte de ces différences le fait que les critères de la CIM-10 apparaissent nettement plus restrictifs que ceux du DSM IV qui, de ce fait, amènent le cotateur à nettement majorer la prévalence du trouble (5–9 %) par rapport à la CIM-10 (1–2 %).
Dans les deux classifications, le trouble doit débuter avant l’âge de sept ans, même si ce début n’est souvent repéré que rétrospectivement, du fait de ses conséquences sur le plan familial, social, scolaire ou professionnel, et peut persister à l’âge adulte.
Remarques psychopathologiques
Certaines remarques psychopathologiques sont très souvent retrouvées chez les enfants admis et rencontrés à l’hôpital pédiatrique pour ce motif d’«instabilité». Il s’agit de problématiques de dépendance psychique, d’incapacité à attendre et de difficultés à penser.
Une problématique de dépendance psychique
Lorsque les liens intrafamiliaux sont trop proches, l’enfant a parfois des difficultés à se séparer et des problématiques de dépendance se retrouvent, chargées d’angoisses d’emprise de l’autre (autre maternel, autre parental et Autre de l’inconscient) ou d’angoisses de fusion, d’intrusion. L’instabilité se perçoit alors comme la conséquence d’une excitation corporelle peu élaborable et gênant l’élaboration des limites. La turbulence a pour effet de maintenir un lien de dépendance : par son agitation, l’enfant reste suspendu au regard de l’autre (mère…), alors constamment sollicité par son ambivalence et son mode de réponse. Le cercle vicieux s’auto-entretient.
Lorsque, au contraire, les liens sont trop lâches et distants, l’enfant ressent des angoisses d’être perdu (de vue), d’être abandonné. À ces angoisses d’abandon, s’associent souvent des angoisses de passivité (avec la crainte d’effondrement du Moi). L’enfant lutte inconsciemment pour trouver sa place et éviter l’effondrement.
À la peur d’être envahi, débordé, désorganisé ou bien encore à la crainte de s’effondrer, l’enfant peut répondre par une tentative de maîtrise sur les objets, d’emprise sur l’entourage (Marcelli, 2003). L’hyperactivité est une illustration de cette tentative d’être au devant de la scène, tentative plus ou moins désespérée de s’affirmer.
Un trouble de la capacité à attendre
Autre point constaté en clinique : ces enfants, pour la plupart, ne sont pas capables d’attendre. Cette incapacité à attendre témoigne de la piètre qualité de leurs ressources psychiques internes. L’enfant instable est incapable d’attendre, de différer et donc de choisir. C’est la tranquillité et la sérénité qui permet le choix. Un enfant qui n’est pas capable d’attendre vit un sentiment d’insécurité psychique. Il n’a pas cette capacité de choix et ses «caprices» se répètent sans cesse pour tenter d’affirmer, de prendre le pouvoir, de s’accrocher à tout ce qui pourrait apaiser (Jeammet, 2003). Il n’y a pas de plaisir dans ses demandes répétées et incessantes, mais le témoignage d’une hypervigilance (le contraire d’un déficit de l’attention). Mais à vouloir être partout, on n’est nulle part et cela, c’est angoissant.
Une difficulté à penser
L’instabilité apparaît chez nombre d’enfants comme l’expression d’une difficulté à penser; comme la marque d’une défaillance d’intériorisation des contenants de pensée et des processus de symbolisation. À défaut de penser, l’enfant se «dé-pense» (Malka et al., 2001). Autrement dit, lorsque l’enfant est soumis à des objets internes défaillants, sa capacité de penser se trouve entravée, et tout événement, intérieur ou extérieur, fait violence; violence d’un excès d’excitation qui le submerge et dont il cherche vainement à se débarrasser à travers une hyperactivité. Cette hyperactivité vise ainsi tout autant à chasser le trop-plein venu de l’extérieur que la carence des objets internes.
Ce contraste entre le «trop» et le «trop peu» rappelle d’ailleurs le même contraste existant entre le «trop» suggéré par le terme d’«hyperactivité» et le trop peu contenu dans celui de «déficit de l’attention».
Instabilité psychomotrice et psychose
PsychoseinfantileL’instabilité psychomotrice masque parfois un trouble grave de la personnalité de type psychotique. C’est le cas de beaucoup d’enfants rencontrés lors des consultations conjointes mises en place dans notre organisation angevine (cf. ci-dessous). Cette consultation concerne certes les cas les plus graves, mais nous ne pouvons omettre de signaler notre étonnement au vu de la grande proportion d’enfants présentant toutes les caractéristiques de la psychose, masquée par une sémiologie d’agitation et d’instabilité psychomotrice. Le retard diagnostic est délétère pour ces jeunes enfants; d’autant que parfois, ils ont reçu des traitements de type méthylphénidate (Ritaline) qui n’ont fait que majorer les symptômes.
Caractéristiques épidémiologiques
La prévalence du trouble est estimée :
• selon le DSM IV (THADA), entre 3 et 9 % de la population d’âge scolaire (Wolraich et al., 1996);
• selon la CIM-10 (trouble hyperkinétique), entre 1 et 2 % (Swanson et al., 1998).
Il s’agit principalement de garçons, avec un sex ratio de 3 à 9, selon les études.
Par définition, les symptômes apparaissent au cours de l’enfance, avant l’âge de sept ans.
Concernant les facteurs de risque, le trouble est très fortement associé à des facteurs psychosociaux ou à des pathologies de la périnatalité : maltraitance, négligences précoces, anoxie périnatale, exposition au tabac pendant la grossesse, traumatismes cérébraux…
En ce qui concerne les pathologies comorbides, d’autres troubles sont fréquemment associés : troubles oppositionnels avec provocation (40 à 90 %), troubles des apprentissages (10 à 92 %), troubles plus internalisés (trouble anxieux et dépression dans 25 à 40 % des cas), et, plus tard, trouble des conduites. Ces taux de prévalence sont à manier avec précaution; de telles fourchettes semblent s’expliquer par la grande variabilité des méthodologies utilisées.
Par ailleurs, on rapporte, en population clinique, des associations avec les tics, l’énurésie primaire nocturne, les retards de la coordination motrice et les troubles bipolaires, bien que la nature de cette dernière association soit controversée (Charfi & Cohen, 2005).
Il ressort enfin de l’analyse des comorbidités l’extrême difficulté à dissocier les effets associés au THADA des vraies comorbidités. Il semblerait toutefois que les retards non spécifiques d’apprentissage, les troubles de l’attribution (c’est-à-dire par exemple attribuer aux autres plutôt qu’à soi-même la responsabilité de problèmes particuliers), le retard à la socialisation et la baisse de l’estime de soi, puissent être considérés comme des troubles associés au THADA.
À l’inverse, la présence du THADA risque, notamment aux yeux des parents et des enseignants, de masquer l’existence d’authentiques troubles anxieux ou de l’humeur comorbides, voire parfois largement prévalents.
Diagnostic positif
Le diagnostic repose sur l’évaluation clinique et l’éventuelle utilisation d’échelles (échelle de Pelham, 1992; échelles de Conners, 1994; échelle de Swanson, 1995) avec la recommandation récente que le diagnostic ne doit pas reposer sur un score positif à une seule échelle.
Les explorations neuroradiologiques, neuropsychologiques ou neuroendocriniennes, pas plus que les études génétiques, n’ont donné de résultats probants, malgré leur nombre.
À ce jour, l’étiologie du THADA demeure inconnue, et le diagnostic repose sur l’ensemble des éléments cliniques recueillis auprès des parents, de l’enfant et des adultes proches (enseignants), sur l’étude soigneuse des antécédents et sur une confrontation des bilans (neurologique, cognitif, neuropsychologique, du langage, etc.). Il n’existe donc pas d’exploration complémentaire spécifique affirmant l’existence d’un THADA.
Évolution
Trois grands types d’évolution sont décrits (Cantwell, 1972; Gittelman et al., 1985) :
• disparition des symptômes lors de l’adolescence ou chez l’adulte jeune (30 % des sujets);
• persistance des symptômes à l’âge adulte, avec difficultés scolaires, sociales ou relationnelles modérées (40 %);
• aggravation relative des symptômes avec développement de pathologies addictives, psychopathiques ou de personnalité antisociale (30 %). Cette évolution semble plus fréquente quand, dès l’enfance, existe une comorbidité de type trouble des conduites ou une symptomatologie de type maniaque (Hazell et al., 2003; Biederman et al., 1996).
Une question ressort néanmoins de ces différentes observations : celle de savoir si ces différentes évolutions sont à imputer au THADA lui-même (en supposant bien sûr qu’il existe sous une forme autonome, ce qui n’est absolument pas prouvé) ou au contexte psychopathologique ou environnemental associé.
Approche intégrative et multidimensionnelle
S’il existe des enfants qui bougent au prix d’une certaine inattention, des enfants qui papillonnent avec parfois une certaine psychopathologie, voire une psychopathologie certaine qui sous-tend ces comportements, l’existence d’une maladie autonome comportant une étiopathogénie biologico-organique, cognitive, ou encore systémique propre, n’a jamais été démontrée. Autrement dit, aucune théorie étiopathogénique n’a permis à ce jour, à elle seule, de rendre compte de l’apparition du trouble chez un enfant.
L’instabilité serait alors le résultat d’un dysfonctionnement, non spécifique, ou d’une pathologie (organique ou psychiatrique); dysfonctionnement qui serait possiblement de deux ordres :
• du côté des processus cognitifs :
– processus d’adaptation : échec de l’adaptation et modèle comportemental adaptatif d’un environnement donné (Jensen),
– processus d’inhibition : dysfonctionnement des fonctions exécutives et échec des processus d’inhibition (Fonagy),
– processus d’intégration : trouble relatif à la prise de conscience progressive du traitement de l’information (métacognition),
– processus de régulation : syndrome de dysrégulation motrice, cognitive et dysrégulation des affects,
– processus réflexif : échec du développement de la fonction réflexive et des attachements précoces;
• concernant les principales hypothèses psychopathologiques;
– dépression du bébé (Lebovici),
– perturbations des interactions précoces, troubles de l’attachement (Bowlby),
– défenses maniaques et hypomaniaques contra-dépressives (Klein),
– menaces sur les enveloppes psychiques (Bick, Anzieu),
– problématiques de dépendance psychique (Jeammet).
Aujourd’hui, une approche intégrative du trouble apparaît aujourd’hui beaucoup efficiente, tant dans sa dimension heuristique que dans sa dimension thérapeutique. À titre d’exemple, il est intéressant de rapprocher les troubles de l’attention, l’hyperactivité et l’impulsivité, des troubles qui leur sont si souvent associés : troubles oppositionnels avec provocation, troubles des apprentissages, troubles anxieux, dépression, trouble des conduites. Cette association est importante à considérer, car elle renseigne non seulement sur l’attitude soignante à adopter, mais aussi sur la dimension pathogénique propre à chaque enfant. Par exemple, il n’est pas du tout rare qu’une instabilité avec réactions de prestance et conduites d’oppositions apparaisse comme la manifestation d’une défense maniaque contra-dépressive. Parfois, c’est un trouble anxieux qui paraît sous-tendre l’instabilité ou le défaut de concentration. Parfois encore, les troubles oppositionnels avec provocation renseignent sur la dimension systémique de l’instabilité psychomotrice, le comportement de l’enfant se révélant comme le théâtre d’un conflit parental larvé. Parfois enfin, des troubles des conduites (définis par la CIM-10 comme un «ensemble de conduites répétitives et persistantes au cours desquelles sont bafoués les droits fondamentaux d’autrui ou les normes et règles sociales» (OMS, 1993), telles des conduites très violentes, certaines crises clastiques incontrôlables, ou encore certaines désinhibitions majeures de type masturbatoires notamment) orientent plutôt vers des troubles graves de la personnalité (psychoses, dysharmonies, pathologies limites) plus ou moins associés à une déficience intellectuelle.

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