6: Troubles endocriniens, métaboliques et environnementaux

Chapitre 6


Troubles endocriniens, métaboliques et environnementaux





Mots clés


acidocétose diabétique


Situation d’urgence endocrinienne aiguë causée par un manque d’insuline. Le tableau clinique est caractérisé par un niveau de glucose sanguin élevé, la production de cétone, une acidose métabolique, une déshydratation, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et une tachypnée.


coup de chaleur


Un syndrome dans lequel le corps perd sa capacité de réguler la température, induisant un état mental altéré, une température du corps élevée et une défaillance multiviscérale.


crise surrénalienne


Situation d’urgence endocrinienne causée par une carence d’hormones stéroïdes produites par le cortex surrénalien. La maladie est caractérisée par des nausées, vomissements, douleurs abdominales, une hypotension, une hyperkaliémie et une hyponatrémie.


crise thyréotoxique


Situation d’urgence caractérisée par un hyperfonctionnement endocrinien de la glande thyroïde. Ce trouble est associé à de la fièvre, une tachycardie, une nervosité, un état mental altéré et une instabilité hémodynamique.


hypoglycémie


Concentration de glucose plasmatique de moins de 70 mg/dl. Cette affection est souvent associée à des signes et des symptômes tels que la transpiration, la peau froide, une tachycardie et une altération de l’état mental.


hypothermie


Température centrale du corps inférieure à 35 °C. À des températures inférieures, l’hypothermie peut induire une arythmie cardiaque et induire des troubles neurologiques.


maladie d’Addison


Maladie endocrinienne causée par une carence d’hormones stéroïdes produites par le cortex surrénalien. La maladie est caractérisée par des nausées, vomissements, douleurs abdominales, et le tannage de la peau.


myxœdème


Hypothyroïdie sévère associée à une intolérance au froid, un gain de poids, une faiblesse et des troubles de la conscience.


syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire non cétosique (SHHNC)


Situation d’urgence endocrinienne caractérisée par une concentration de glucose plasmatique élevée, une absence de production de cétone et une augmentation de l’osmolarité du sérum (> 315 mOsm/kg). Le syndrome provoque une déshydratation sévère, des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales et une tachypnée.


thyréotoxicose


Situation clinique avec des niveaux élevés d’hormones thyroïdiennes qui conduit souvent à la survenue d’une tachycardie, de tremblements, une perte de poids et une insuffisance cardiaque à haut débit.



Objectifs du cours


À la fin de ce chapitre, vous serez capable :



image De décrire l’anatomie, la physiologie et la physiopathologie des urgences endocriniennes, métaboliques et environnementales habituelles.


image De déterminer l’examen primaire et secondaire et l’évolution d’un patient souffrant d’un trouble endocrinien, métabolique ou environnemental.


image De décrire la physiopathologie des troubles électrolytiques et acidobasiques, d’expliquer leurs causes et d’indiquer les modalités habituelles de traitement.


image De formuler les hypothèses diagnostiques sur la base des résultats de l’évaluation des troubles endocriniens, métaboliques et environnementaux.


image D’énumérer les causes, les examens complémentaires et les stratégies thérapeutiques des maladies du métabolisme du glucose, des glandes thyroïde, parathyroïdes et surrénales.


image D’utiliser les aptitudes au raisonnement clinique pour formuler un diagnostic différentiel sur la base d’un examen primaire et secondaire systématique chez un patient souffrant d’une pathologie métabolique, endocrinienne ou environnementale.


image De mettre en place un traitement efficace correspondant aux résultats de l’évaluation initiale et de déterminer si le traitement doit être continué sur la base de l’évaluation continue.


image D’analyser les résultats de l’ECG chez les patients souffrant de troubles électrolytiques.


image D’énumérer et de reconnaître les symptômes et les signes cliniques des troubles acidobasiques, électrolytiques et endocriniens.


image D’intégrer votre évaluation clinique, le traitement et les modalités de transport dans votre démarche décisionnelle pour un patient souffrant de troubles métaboliques et endocriniens.


image D’identifier les formes cliniques des troubles endocriniens, métaboliques et environnementaux.


image De décrire les principales formes cliniques d’urgences environnementales et les stratégies thérapeutiques.




De façon ironique, l’ancien astronaute et sénateur américain John Glenn a dit un jour : « Le bon Dieu a seulement donné aux hommes de nombreuses hormones, et si d’autres veulent toujours plus perdre leurs cheveux, c’est leur problème. » Les hormones libérées par les glandes du système endocrinien nous affectent bien plus que nos caractéristiques physiques visibles (et elles tendent à être précipitées dans l’espace à 30 000 km à l’heure). Les hormones stimulent la croissance et le développement dans tout le corps, régulent le débit de l’eau dans et hors des cellules, aident les muscles à se contracter, contrôlent la pression artérielle et l’appétit, modulent le cycle du sommeil, et bien plus encore. Le corps effectue ces processus métaboliques avec une efficacité remarquable, même si parfois quelque chose se passe mal. L’équilibre acidobasique peut faire pencher trop loin dans une direction. Les cellules du corps deviennent résistantes à l’insuline, ou peut-être trop de sodium ou de potassium s’accumule dans le sang. C’est alors que les services médicaux d’urgence peuvent être contactés pour agir.


Dans ce chapitre, nous allons étudier les urgences endocriniennes, métaboliques et certaines situations d’urgences environnementales dont la réussite de la prise en charge dépend souvent du temps d’intervention opportun, de la confiance, ainsi que de la forte perspicacité et des compétences cliniques.



SYSTÈME ENDOCRINIEN ET TROUBLES ASSOCIÉS



image Anatomie et physiologie


Le système endocrinien est composé de sept glandes principales : l’hypophyse, la thyroïde, les parathyroïdes, les glandes surrénales, le pancréas et les organes reproducteurs (ovaires chez les femmes et testicules chez les hommes) (figures 6-1 et 6-2). Ces glandes modulent la fonction des organes spécifiques en sécrétant des protéines particulières appelées hormones. Une fois libérées dans le sang, les hormones régulent l’homéostasie, la reproduction, la croissance, le développement et le métabolisme en transmettant des messages directement aux récepteurs situés sur leurs organes cibles respectifs.




Les fonctions des glandes endocrines sont tellement interdépendantes qu’il est impossible de décrire une glande sans en décrire une autre. Prenez la glande thyroïde, par exemple. La thyroïde est située dans la partie antérieure du cou entre la cinquième vertèbre cervicale et la première vertèbre thoracique. Elle est située sous le cartilage rigide palpable dans la partie antérieure du cou. Les hormones sécrétées par la glande thyroïde affectent de nombreux tissus et organes du corps humain, y compris le cœur, les systèmes musculosquelettiques et nerveux, et le tissu adipeux. Les hormones thyroïdiennes sont régies par un processus de rétroaction qui implique l’hypothalamus et l’hypophyse. La thyrotropine-releasing hormone (TRH), sécrétée par l’hypothalamus, se lie à un récepteur spécifique pour l’hormone stimulant la thyroïde (thyroid-stimulating hormone [TSH] ou thyrotropine) dans la glande thyroïde, activant une cascade biochimique. Ce processus stimule la sécrétion de T4 (thyroxine) et de T3 (triiodothyronine) par les cellules folliculaires de la glande thyroïde. Les hormones T3 et T4 libres circulantes inhibent à leur tour la sécrétion de TSH par l’hypophyse, par régulation de la synthèse de TRH dans l’hypothalamus. La sécrétion de TSH peut également être inhibée par des facteurs tels que le stress, les glucocorticoïdes et la chaleur.


Les cellules parafolliculaires, qui constituent une minorité de cellules de la glande thyroïde, sont responsables de la sécrétion de la calcitonine qui contrôle le métabolisme du calcium. La régulation de la calcitonine dépend du taux sérique plutôt que d’un processus de rétroaction.



GLANDE PARATHYROÏDE ET TROUBLES ASSOCIÉS


Les glandes parathyroïdes se trouvent en arrière de la glande thyroïde et comprennent trois types de cellules, dont chacune a une fonction particulière. Les cellules principales sont responsables de la production de l’hormone parathyroïdienne (PTH), qui stimule la production de vitamine D active dans les reins en stimulant la réabsorption du calcium par les tubules rénaux et en inhibant la réabsorption du phosphate au niveau des reins. La PTH libère aussi du calcium de l’os pour augmenter les taux de calcium.


Les récepteurs du calcium dans la glande parathyroïde détectent des changements dans la concentration de calcium extracellulaire et, en réponse, inhibent la sécrétion de calcitonine. Une concentration faible en calcium (figure 6-3) stimule la sécrétion de PTH, tandis qu’une augmentation de calcium inhibe la production et la libération de la PTH à travers un processus de rétroaction négative.




image Hypoparathyroïdie: L’hypoparathyroïdie est une affection rare caractérisée par de faibles taux sériques de PTH ou la résistance à son action. Les causes congénitales, les maladies auto-immunes et acquises sont les principales causes parmi de nombreuses. Indépendamment de l’étiologie, la marque de la pathologie est une hypocalcémie (voir plus loin).





Diagnostic: Dans le contexte préhospitalier, aucun résultat biologique n’est immédiatement disponible pour confirmer l’hypoparathyroïdie, de sorte que vous devez avoir un indice élevé de suspicion sur la base de l’histoire clinique et des conclusions de l’examen physique. Une récente intervention chirurgicale à la partie antérieure du cou est un facteur de risque pour l’hypoparathyroïdie iatrogène.


Vous devez connaître le signe de Trousseau et le signe de Chvostek qui pourront tous deux vous aider à détecter l’irritabilité musculaire provoquée par une hypocalcémie. Pour obtenir un signe de Trousseau positif, placer un brassard de tensiomètre autour du bras, le gonfler de 30 mmHg au-dessus de la pression artérielle systolique, et le maintenir en place pendant 3 minutes. Cela entraînera un spasme des muscles de la main et de l’avant-bras (figure 6-5). Le poignet et les articulations métacarpophalangiennes se mettent en flexion, les articulations interphalangiennes distales et proximales se mettent en extension et les doigts en adduction. Vous pouvez déclencher un signe de Chvostek positif en tapotant le nerf facial contre l’os mandibulaire juste en avant de l’oreille, ce qui produit un spasme anormal homolatéral des muscles faciaux. Cependant, ce signe n’est pas aussi sensible que le signe de Trousseau.



Un autre outil disponible est l’électrocardiogramme (ECG). Chez les patients présentant une hypocalcémie, l’intervalle QT est allongé (figure 6-6).





GLANDE THYROÏDE


La glande thyroïde se trouve dans la partie antérieure du cou, en dessous du larynx (boîte vocale). Ses deux lobes sont à cheval sur la ligne médiane, reliés par un isthme étroit. Histologiquement, elle est composée de cellules sécrétrices, les cellules folliculaires et les cellules C (cellules parafolliculaires).



image Hyperthyroïdie: L’hyperactivité de la glande thyroïde, ou hyperthyroïdie, est une affection courante qui entraîne un état d’hypermétabolisme appelé thyréotoxicose. L’hyperfonctionnement aigu (ou crise thyréotoxique) de la thyroïde est une complication rare de l’hyperthyroïdie. Elle se produit chez seulement 1 à 2 % des patients, mais c’est une situation clinique potentiellement mortelle caractérisée par une instabilité hémodynamique, un état mental altéré, des troubles gastro-intestinaux et de la fièvre.



Symptômes et signes cliniques: La présentation clinique caractéristique d’un patient avec une hyperthyroïdie comprend l’appréhension, l’agitation, la nervosité, les palpitations cardiaques et une perte de poids pouvant dépasser 20 kg en quelques mois. L’intolérance à la chaleur causée par cet état d’hypermétabolisme est un symptôme fréquent.


Un examen physique complet objectivera des symptômes et des signes cliniques de thyréotoxicose, comme l’exophtalmie qui est caractéristique du tableau clinique (figure 6-7). D’autres symptômes et signes cliniques de l’hyperthyroïdie sont résumés dans l’encadré 6-1.




La thyréotoxicose apathique est une forme rare de la thyréotoxicose observée uniquement chez les personnes âgées. Dans cette affection, les symptômes caractéristiques de l’hyperthyroïdie sont absents. Le patient est léthargique et apathique, il présente un goitre et perd du poids.



Physiopathologie: La maladie de Basedow, également appelée goitre toxique diffus, est la forme la plus courante de l’hyperthyroïdie. Elle est liée à un trouble auto-immun avec production d’anticorps ressemblant aux effets de la TSH en induisant une augmentation de la sécrétion des hormones thyroïdiennes. Cette pathologie touche le plus souvent les femmes d’âge moyen, mais elle peut survenir à tout âge et peut aussi affecter les hommes. Les autres causes de l’hyperthyroïdie incluent notamment la destruction auto-immune de la glande, une intoxication aiguë par des hormones thyroïdiennes exogènes et (moins souvent) la conséquence d’injection de produits de contraste iodés par voie intraveineuse et de la prise d’amiodarone chez des patients à risque.


La crise thyréotoxique survient lorsque le corps est soumis à un stress lors d’une urgence diabétique, une réaction indésirable à un médicament ou tout autre situation. Vous devez suspecter une crise thyréotoxique si le patient présente une décompensation cardiaque après la prise d’amiodarone, un agent antiarythmique riche en iode. D’autres facteurs déclencheurs de la crise thyréotoxique sont résumés dans l’encadré 6-2.




Diagnostic: Dans le contexte préhospitalier, les résultats biologiques ne sont pas immédiatement disponibles pour confirmer l’hyperthyroïdie ou la crise thyréotoxique ; vous devez donc avoir un indice élevé de suspicion sur la base de l’histoire clinique et des conclusions de l’examen physique. Vous pouvez commencer à stabiliser le patient et initier un traitement précoce par votre seule force de jugement clinique.


À l’hôpital, le test le plus rapide et utile pour l’hyperthyroïdie est la TSH sérique ; si elle est faible et que le patient présente les symptômes et les signes cliniques de l’hyperthyroïdie, c’est un test essentiellement diagnostique. Pour confirmer ce diagnostic présomptif, les niveaux réels des hormones thyroïdiennes, habituellement T4 et T3, peuvent être obtenus. Des études d’imagerie et la biopsie peuvent aider à la détermination de la cause spécifique du trouble.


Dans le cadre du diagnostic différentiel, il faut envisager les accidents vasculaires cérébraux, les situations d’urgence diabétiques, l’insuffisance cardiaque congestive (ICC), l’ingestion de toxiques (en particulier l’ingestion d’un agent sympathomimétique) et un sepsis.



Prise en charge: Pour fournir des soins optimaux aux patients, vous devez être en mesure de différencier les différents états hypermétaboliques induits par les troubles thyroïdiens. Il s’agit notamment de l’hyperthyroïdie subaiguë (chronique), de l’hyperthyroïdie sévère aiguë et de la crise thyréotoxique, la plus redoutée des complications. Lorsque vous traitez un patient avec une hyperthyroïdie chronique, il a besoin de soins et de prise en charge précoce des symptômes. Si une hyperthyroïdie sévère ou une crise thyréotoxique est détectée, il est impératif de stabiliser le patient. Comme dans toute situation d’urgence aiguë, il faut évaluer la perméabilité des voies aériennes. Parfois, le patient présente des signes neurologiques ou est dans le coma ; dans ce cas, vous devez maintenir la liberté des voies aériennes en utilisant un dispositif de type masque à haute concentration, un dispositif oronasal ou une intubation endotrachéale si nécessaire.


Il est essentiel de maintenir une ventilation adéquate pour maintenir la saturation en oxygène à 95 % ou plus. Si la chute de la saturation est inférieure à ce niveau, administrer de l’oxygène supplémentaire à travers un masque sans réinspiration, surtout si le patient souffre d’insuffisance cardiaque.


Le patient avec une crise thyréotoxique a souvent une déshydratation modérée à sévère en raison de la diarrhée et de la transpiration excessive. Pour obtenir une hydratation importante, il faut poser deux voies veineuses périphériques dès le début de la durée du traitement. Réévaluez constamment votre patient et soyez attentif aux effets néfastes de l’hyperhydratation, comme la survenue d’un œdème pulmonaire.


Un patient ayant une hyperthyroïdie est sujet à des arythmies telles que tachycardie sinusale, la fibrillation auriculaire, le flutter auriculaire et des contractions ventriculaires prématurées. Pour cette raison, vous devez commencer le monitorage cardiaque continu dès que vous suspectez ce diagnostic.


Les patients atteints de crise thyréotoxique peuvent avoir de la fièvre associée au processus physiopathologique lui-même ou à une infection. Il faut toujours mesurer la température du corps et traiter l’hyperthermie avec du paracétamol. Ne pas utiliser l’aspirine, car elle est associée à une diminution de la protéine de liaison des hormones thyroïdiennes induisant une augmentation des T3 et T4 libres qui ne fera qu’aggraver les symptômes.


Les objectifs du traitement pharmacologique dans le cadre préhospitalier sont de bloquer l’hyperactivité adrénergique périphérique liée aux hormones thyroïdiennes (tachycardie, fièvre, anxiété, tremblements) et d’inhiber la conversion de T4 en T3 dans les tissus périphériques. Les deux objectifs peuvent être atteints par l’administration de β-bloquants. Le médicament de choix est le propranolol, à la dose de 1 mg IV, toutes les 10 minutes jusqu’à un total de 10 mg IV ou jusqu’à ce que les symptômes aient disparu. Le propranolol est contre-indiqué chez les patients atteints d’asthme bronchique, de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), de bloc auriculoventriculaire, d’allergie et d’insuffisance cardiaque sévère. Les patients présentant une crise thyréotoxique et une insuffisance cardiaque concomitante ont très probablement un débit cardiaque élevé. Ce n’est pas considéré comme une contre-indication à l’utilisation du propranolol, à moins qu’il existe également une cardiomyopathie avec dysfonction systolique significative. L’adjonction de corticoïdes, soit l’hydrocortisone, 100 mg IV, soit la dexaméthasone, 10 mg IV, peut être utilisée pour ralentir la conversion de T4 en T3.



image Hypothyroïdie: L’hypothyroïdie est une dysfonction endocrinienne caractérisée par une sécrétion diminuée ou absente des hormones thyroïdiennes. Son incidence aux États-Unis est de 4,6 à 5,8 %, mais la moitié des patients sont asymptomatiques. L’hypothyroïdie est plus fréquente chez les femmes blanches adultes entre 40 et 50 ans. Elle est fortement associée à des troubles auto-immuns.



Signes et symptômes: L’hypothyroïdie a un effet délétère sur différents systèmes de l’organisme, dont les téguments, les systèmes métaboliques, les systèmes nerveux et cardiovasculaire. La peau d’un patient hypothyroïdien est froide, sèche et jaune. Le patient a généralement des sourcils amincis, des cheveux et la peau rêches, une intolérance marquée à des températures froides et des troubles neurologiques tels que des troubles de la conscience, une ataxie et des réflexes ostéotendineux prolongés. Lorsque l’hypothyroïdie devient chronique et extrême, elle peut évoluer vers une affection potentiellement mortelle appelée le coma myxœdémateux (figure 6-8), caractérisé par une hypotension, une bradycardie, une hypoglycémie et une hyponatrémie. Les facteurs induisant le coma myxœdémateux sont énumérés dans l’encadré 6-3.





Physiopathologie: Un défaut de sécrétion d’hormones thyroïdiennes est classé comme une hypothyroïdie primaire ou secondaire. Les causes sont résumées dans l’encadré 6-4. L’hypothyroïdie primaire implique une lésion thyroïdienne directe causée par une maladie auto-immune ou une réaction médicamenteuse. Les patients qui ont subi une thyroïdectomie chirurgicale ou un traitement pour une ablation par radiothérapie dans le cadre d’une hyperthyroïdie peuvent avoir une hypothyroïdie. Dans l’hypothyroïdie secondaire, les lésions de l’hypothalamus ou de l’hypophyse induisent une diminution de la stimulation de la glande thyroïde (en particulier, une baisse de la production et de la libération de la TSH). Les complications liées à l’hypothyroïdie sont indiquées dans l’encadré 6-5.





Diagnostic: Dans le contexte préhospitalier, les résultats biologiques ne sont pas immédiatement disponibles pour confirmer l’hypothyroïdie ou le coma myxœdémateux. L’histoire clinique et les résultats de l’examen physique permettront d’évoquer le diagnostic. La stabilisation et le traitement précoce doivent être initiés uniquement sur la base du jugement clinique.


À l’hôpital, les résultats biologiques sont disponibles avec des valeurs de TSH supérieures à 10 μU/ ml (ou 10 mU/l). De plus, le dosage de la thyroxine libre (FT4) permet d’évaluer le niveau de protéines anormales qui peuvent à leur tour influer sur le niveau du taux de T4. Un niveau de T4 en dessous de 0,8 ng/dl (10 pmol/l) indique que la glande thyroïde ne produit pas de taux adéquat d’hormone. L’échographie peut être effectuée pour évaluer la taille, la forme et la position de la glande thyroïde et identifier des kystes ou des tumeurs qui peuvent contribuer à un dysfonctionnement thyroïdien.



Prise en charge: Vous devez être capable de différencier les différents états hypométaboliques induits par les troubles thyroïdiens : l’hypothyroïdie, l’hypothyroïdie sévère et sa complication la plus alarmante, le coma myxœdémateux. Les patients atteints d’hypothyroïdie nécessitent une protection des fonctions vitales avec une prise en charge précoce des symptômes. Vous devez avoir un indice élevé de suspicion clinique face à cette maladie. Si l’hypothyroïdie sévère ou le coma myxœdémateux est détecté dans l’environnement préhospitalier, il est impératif de stabiliser le patient et de le transporter immédiatement dans un établissement doté de ressources suffisantes pour fournir un traitement définitif.


Comme dans toute situation d’urgence aiguë, il faut commencer par évaluer la perméabilité des voies aériennes. Parfois, le patient présente des troubles de la conscience ou est dans le coma, imposant le maintien des voies aériennes libres. Chez un tel patient, vous devez maintenir la liberté des voies aériennes en utilisant un dispositif de type masque à haute concentration, un dispositif oronasal ou une intubation endotrachéale si nécessaire.


Il est essentiel de maintenir une ventilation adéquate pour maintenir la saturation en oxygène à 95 % ou plus. Si la chute de la saturation est inférieure à ce niveau, administrer de l’oxygène supplémentaire à travers un masque sans réinspiration, surtout si le patient souffre d’insuffisance cardiaque.


Il faut poser une voie veineuse périphérique très tôt au cours de la prise en charge préhospitalière pour maintenir l’état d’hydratation. Il est important d’évaluer la fonction cardiovasculaire en gardant à l’esprit que le patient peut avoir une insuffisance cardiaque congestive.


Si le patient a des troubles de la conscience, il faut mesurer le taux de glucose sérique. Si la valeur est inférieure à 60 mg/dl (3,3 mmol/l), administrer en IV 25 g d’une solution de glucosé à 30 % (G30).


Le patient hypothyroïdien est sujet à développer des arythmies cardiaques, en particulier une bradycardie ; il faut donc commencer le monitorage cardiaque continu dès que possible. Soyez conscient, toutefois, que le traitement standard pour la bradycardie peut être inefficace jusqu’à l’administration d’hormone thyroïdienne.


Un patient souffrant de coma myxœdémateux peut être hypothermique à la suite du processus physiopathologique lui-même ou d’une infection. Il faut toujours évaluer la température du corps et traiter l’hypothermie avec des couvertures et un réchauffement par d’autres techniques. Le patient doit être transporté rapidement vers un établissement hospitalier bien équipé pour un traitement définitif, qui inclura la L-triiodothyronine, 0,25 μg IV ; l’hydrocortisone, 100 mg IV toutes les 8 heures ; puis un traitement de suppléance quotidien par voie orale si l’affection se révèle irréversible.



GLANDE SURRÉNALE ET TROUBLES ASSOCIÉS


Au sommet de chaque rein, il existe une glande surrénale triangulaire d’environ 2,5 cm de hauteur et 8 cm de long. Ces deux glandes se trouvent au niveau rétropéritonéal et en dehors de la veine cave inférieure et de l’aorte abdominale. Leur alimentation veineuse et artérielle est dérivée respectivement à partir des branches supérieure et inférieure de la veine cave inférieure et de l’aorte (figure 6-9). Le cortex, ou la surface, de chaque glande surrénale sécrète des glucocorticoïdes comme le cortisol, des minéralocorticoïdes comme l’aldostérone, et des hormones sexuelles. La médulla ou corps de l’organe produit de l’adrénaline et la noradrénaline.



L’hypothalamus sécrète le corticotropin-releasing factor (CRF) qui stimule l’hypophyse à produire l’hormone adrénocorticotrope (ACTH) et l’hormone stimulant les mélanocytes (melanocyte-stimulating hormone [MSH]). La glande surrénale réagit à l’ACTH en produisant du cortisol et de l’aldostérone. Une fois qu’une quantité suffisante de cortisol a été produite par les glandes surrénales, l’hypothalamus inhibe automatiquement la production d’ACTH et de MSH.



image Insuffisance surrénale chronique: L’insuffisance surrénale, un trouble au niveau du cortex surrénalien qui ne peut produire une quantité suffisante de cortisol, est classée comme primaire, secondaire ou tertiaire, selon que le cortex est endommagé directement ou indirectement. L’insuffisance surrénale primaire, appelée maladie d’Addison, est une maladie métabolique et endocrinienne causée par une agression directe ou un dysfonctionnement du cortex surrénalien. C’est une maladie chronique avec un début de longue durée. Toute agression qui nuit directement à la corticosurrénale peut causer une insuffisance surrénale primaire, y compris des troubles auto-immuns, une hémorragie des surrénales, et des maladies infectieuses telles que le syndrome d’immunodéficience acquise (sida), la tuberculose et la méningococcémie.



Signes et symptômes: La présentation clinique d’un patient atteint de maladie d’Addison est compatible avec les troubles endocriniens et électrolytiques provoqués par la maladie. Le patient développe une fatigue et une faiblesse chronique, une perte d’appétit et une perte de poids consécutive, une hyperpigmentation de la peau et des muqueuses (figure 6-10). L’hyperpigmentation est le résultat de la non-inhibition de la MSH associée à la production d’ACTH hypophysaire, qui, comme un effet secondaire, stimule les mélanocytes de la peau à produire de la mélanine. Le patient présentera des troubles électrolytiques associés à une hyponatrémie, une hyperkaliémie et une hypotension, et pourrait également avoir des troubles gastro-intestinaux tels que des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements et une diarrhée.




Physiopathologie: Comme indiqué précédemment (voir « Anatomie et physiologie »), le cortex surrénalien produit les hormones stéroïdes aldostérone et cortisol. L’aldostérone est responsable du maintien de l’équilibre entre les taux sériques de sodium et de potassium. Quand l’organisme est agressé par des contraintes comme un traumatisme, une infection, une ischémie cardiaque ou une maladie grave, pour n’en nommer que quelques-unes, les glandes surrénales sont incapables de produire des quantités suffisantes d’hormones stéroïdes face à la demande de l’organisme, induisant le déclenchement d’une exacerbation aiguë de la maladie d’Addison.


Une insuffisance surrénale secondaire est appelée ainsi parce que, même si le cortex lui-même est intact, il ne parvient pas à recevoir un signal pour produire du cortisol, car la glande hypophysaire ne parvient pas à libérer l’ACTH ; ainsi, l’insuffisance surrénale est une étape dépassée. L’insuffisance surrénale tertiaire, dans laquelle l’échec de l’hypophyse à libérer de ACTH est lié à un trouble de l’hypothalamus, est encore moins directe. Contrairement à une insuffisance surrénale primaire, les deux derniers types ne sont pas associés à une hyperpigmentation de la peau car ils impliquent des taux bas de MSH plutôt que des taux élevés.



Diagnostic: Les outils diagnostiques de l’insuffisance surrénale chronique ne sont pas disponibles en préhospitalier. Il est important de demander au patient tous les documents qui pourraient être facilement accessibles pour renseigner sur le diagnostic. Des conclusions antérieures d’électrolytes anormaux qui sont en corrélation avec la présentation clinique, telles qu’une acidose métabolique, une hyponatrémie, une hyperkaliémie et une hypoglycémie, devraient alerter. Le diagnostic définitif de cette pathologie est posé en mesurant le niveau de référence du patient en cortisol sérique et en effectuant ensuite des tests de stimulation, au cours desquels de l’ACTH synthétique (appelé cosyntropine) est administré. Si le niveau de cortisol n’augmente pas rapidement, le patient peut être diagnostiqué comme ayant une insuffisance surrénale primaire.



Prise en charge: La prise en charge préhospitalière d’une exacerbation aiguë de la maladie d’Addison, appelée crise addisonienne, est limitée au maintien des fonctions vitales. Si le patient a une tachycardie et une hypotension, administrer un bolus de solution saline à 0,9 %, 20 ml/ kg. Une réévaluation continue de l’état hémodynamique du patient, l’administration précoce d’hydrocortisone (100 à 300 mg IV) et un transport rapide au service des urgences sont primordiaux dans le traitement de cette urgence vitale. La correction de l’hypoglycémie et le traitement des symptômes tels que les nausées et les vomissements doivent être entrepris.


À l’hôpital, des tests diagnostiques seront réalisés pour identifier une hyponatrémie et une hyperkaliémie. L’hématocrite est souvent élevé. La prise en charge thérapeutique comprend la correction des anomalies électrolytiques, la restauration de l’équilibre métabolique (par exemple par supplémentation en glucocorticoïdes) et le remplissage vasculaire afin de corriger l’hypovolémie.



image Insuffisance surrénale aiguë: L’insuffisance surrénale aiguë est une affection dans laquelle le besoin du corps en glucocorticoïdes et en minéralocorticoïdes dépasse la production de ces hormones par les glandes surrénales. La cause la plus fréquente est l’arrêt brutal du traitement pharmacologique après une utilisation prolongée par un patient atteint d’une insuffisance surrénale chronique. Cela peut également se produire quand un tel patient ne reçoit pas une dose ajustée pendant les périodes de stress, comme pendant une maladie ou après une chirurgie majeure ou un traumatisme.





Diagnostic: Le diagnostic de cette affection dans le cadre préhospitalier peut être difficile. Non seulement la confirmation biologique définitive n’est pas disponible, mais de plus la présentation de l’insuffisance surrénale aiguë peut facilement être confondue avec d’autres pathologies communes comme des pathologies digestives. En tant que professionnel exerçant en préhospitalier, vous devez utiliser vos outils disponibles pour trouver des preuves indirectes de pathologie surrénalienne. Évaluez l’hypoglycémie avec un glucomètre et cherchez des preuves de l’hyperkaliémie sur l’ECG. Évaluez les symptômes et les signes cliniques liés à d’autres anomalies telles que l’anémie, l’hyponatrémie et l’acidose métabolique.


Des indices tels qu’une peau bronzée chez un patient n’ayant pas été exposé au soleil peuvent indiquer une insuffisance surrénale chronique. Demandez au patient les changements de médicaments récents qui peuvent avoir précipité les symptômes.


Les signes vitaux peuvent également fournir des indices clés. Par exemple, une hypotension peu sensible à l’administration de liquides IV est classique dans une crise surrénalienne. La confirmation de la maladie peut être réalisée aux urgences en utilisant le test de stimulation à la cosyntropine (voir « Insuffisance surrénale chronique »).

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Jun 3, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 6: Troubles endocriniens, métaboliques et environnementaux

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