Chapitre 6 Transformations atypiques
Dans « l’histoire » du col normal que nous avons décrit, nous avons assisté à un processus de métaplasie normale donc à une transformation typique.
Ces déviations procèdent de deux processus radicalement différents :
• l’un que l’on pourrait qualifier de parapathologique et qui correspond en général à une ré-épithélialisation dystrophique de l’ectropion, l’épithélium étant subnormal certes différencié mais dépourvu de glycogène, comportant parfois une kératinisation en surface : c’est ce qu’on appelle une transformation atypique de grade I (TAG I). On retrouve sur le col une nette déviance par rapport à une transformation typique sans pour autant observer de signes de gravité, car c’est un processus de cicatrisation même s’il est dystrophique ;
• l’autre est franchement pathologique. C’est la transformation atypique de grade II (TAG II). Il ne s’agit plus du tout d’une déviation du phénomène de métaplasie, mais d’une véritable prolifération pathologique se développant sur le col en général à partir de la jonction et s’étendant progressivement vers la périphérie, processus correspondant la plupart du temps à des dysplasies plus ou moins sévères. Sur ces zones anormales, au contraire des TAG I, sont observés des signes de gravité que nous détaillerons.
Transformation atypique de grade I (TAG I)
Physiopathologie
Nous avons vu comment un col occupé par un ectropion se « cicatrise » selon un processus de métaplasie que l’on appelle en colposcopie la transformation. Celle-ci est dite « typique » lorsque l’épithélium malpighien néoformé, qui a réoccupé le terrain exocervical envahi par l’épithélium cylindrique de l’ectropion, s’est reconstitué selon la même organisation histologique qu’un épithélium malpighien normal, caractérisé par une maturation correcte avec charge en glycogène lui donnant une iodo-positivité au test de Schiller (figure 6.1).
Histologiquement, les cellules sont certes des cellules épithéliales mais dépourvues de glycogène, ce qui est une notion très importante car elle explique la iodo-négativité de ces zones (figure 6.2).
Dans son avancée vers l’orifice externe, le tissu malpighien de réparation procède plutôt par « recouvrement » de l’épithélium cylindrique papillaire que par glissement sous cet épithélium. La multiplication cellulaire malpighienne va remplir les espaces interpapillaires (voir figure 1.10) et le bourrage de ces espaces finit par écraser les papilles qui s’étalent et se réunissent entre elles. Ce phénomène est important à noter car il expliquera la constitution de certaines images colposcopiques sur les zones de TAG I, notamment les aspects en ponctuations et en mosaïque.
Sur le plan dynamique enfin, nous avons bien compris que le processus de métaplasie est centripète puisque le recouvrement de l’ectropion se fait de la périphérie vers l’orifice externe. Les zones de métaplasie immatures vont se trouver bordées par une progression identique d’épithéliums matures filant vers le centre du col et ces zones matures vont donc resserrer progressivement les bandes d’épithéliums immatures au fur et à mesure qu’elles s’approchent de l’orifice externe (voir figures 6.1 et 6.2). Ceci expliquera la disposition topographique des zones de TAG I, triangulaires à base périphérique et à pointe centrocervicale.
Ainsi se constitue une transformation immature dont on soulignera quelques caractères importants :
• l’épithélium malpighien immature débute brusquement, presque cellule à cellule, à côté de l’épithélium malpighien mature ;
• l’épithélium malpighien immature présente des cellules quasi identiques de la profondeur à la surface, donc avec quelques activités nucléaires de surface (voir figure 1.10) ;
• une discrète parakératose en surface ;
Stades
Critères colposcopiques
TAG Ia
Sous acide acétique
• Légère acidophilie (voir figure 6.1) en raison de l’épaisseur tissulaire, de la légère activité cellulaire de surface et de la parakératose. Cette acidophilie est donc peu marquée, lisse, régulière, sans relief, sans signes de gravité c’est-à-dire sans orifices glandulaires cernés bien qu’il puisse en exister quelques-uns lorsque l’épithélium métaplasique passe par-dessus l’épithélium cylindrique et oublie de remplir quelques glandes ou espaces interpapillaires. Le cerne de ces orifices est toutefois peu marqué, les orifices sont épars, séparés les uns des autres, peu nombreux, et ne présentent jamais de déformation. Ils sont situés essentiellement sur la zone de progression.
• Ponctuations et mosaïques : le processus physiopathologique de bourrage des espaces interpapillaires explique l’observation, sur ces TAG I, d’aspects ponctués (voir figure 1.8) – chaque point correspondant à la persistance d’une papille – et de mosaïques (figure 6.3) – les murets du carrelage sont constitués par la réunion des papilles écrasées. Toutefois cette mosaïque est bien régulière, ses pavés bien dessinés et les murets forment des carrelages bien fermés, autant de critères qui la distinguent des mosaïques d’origine dysplasique dans lesquelles les pavés sont plus irréguliers et volontiers ouverts.