Chapitre 6
Toxoplasmose
On regroupe sous le nom de toxoplasmose toutes les manifestations cliniques ou biologiques dues au toxoplasme, protozoaire parasite de la classe des Coccidies dont le nom est Toxoplasma gondii. Cette parasitose cosmopolite est habituellement bénigne, mais potentiellement grave chez le fœtus et l’immunodéprimé. Elle fait l’objet, en France, de dispositions légales contraignantes que tout médecin doit connaître et appliquer. Le toxoplasme a été décrit pour la première fois en 1908 à l’Institut Pasteur de Tunis par Nicolle et Manceaux chez un petit rongeur, le gondi. Le premier cas humain en tant que tel a été rapporté en 1940 mais des cas antérieurs se sonta posteriori révélés être des toxoplasmoses. La première technique de diagnostic immunologique a été mise au point en 1948 et le cycle totalement élucidé en 1969. On estime que 600 000 à 700 000 nouvelles infections surviennent chaque année en France, dont 2 700 chez des femmes enceintes, dont l’enfant est ainsi exposé au risque de toxoplasmose congénitale (près de 300 cas annuels notifiés). La toxoplasmose de l’immunodéprimé est une infection grave susceptible de se manifester dans toutes les situations d’immunodépression.
I Épidémiologie
A Parasite
Toxoplasma gondii existe sous trois formes évolutives différentes :
• le tachyzoïte (fig. 6.1), parasite intracellulaire obligatoire de 6 μm à 8 μm de long sur 3 μm à 4 μm, qui peut parasiter toutes les cellules de l’organisme, dont celles du système des phagocytes mononucléés, au sein desquelles il va se multiplier rapidement ;
• le bradyzoïte, qui résulte de la transformation du stade tachyzoïte au cours de son évolution chez l’hôte intermédiaire. Morphologiquement très proche, il s’en distingue par un métabolisme ralenti conduisant à un état de latence (peu ou pas de multiplication). Les bradyzoïtes sont regroupés (quelques dizaines à un millier) au sein de kystes (fig. 6.2), où ils sont inaccessibles aux défenses immunitaires et aux traitements actuels. Ils siègent principalement dans les neurones, les astrocytes, les cellules musculaires et les cellules rétiniennes ;
• le sporozoïte, résultat de la reproduction sexuée qui a lieu dans les cellules de l’épithélium intestinal de l’hôte définitif. Il est contenu dans des oocystes (fig. 6.3), qui peuvent survivre sur le sol plus d’un an dans un climat humide.
B Cycle
Le cycle du toxoplasme fonctionne entre, d’une part, le chat et les félidés sauvages qui sont les hôtes définitifs (cycle sexué) et, d’autre part, les autres animaux à sang chaud (homéothermes), tous susceptibles d’être hôte intermédiaire hébergeant les formes asexuées (fig. 6.4). Les félidés se contaminent en chassant les hôtes intermédiaires (oiseaux, mammifères), eux-mêmes contaminés à partir des oocystes présents sur le sol, les végétaux ou dans les eaux de boisson. Une particularité originale au toxoplasme est la possibilité d’un cycle asexué ne faisant pas intervenir d’hôte définitif, le parasite passant d’un hôte intermédiaire à un autre par l’ingestion de kystes contenus dans la chair d’animaux carnivores ou herbivores.
C Modes de contamination
La contamination de l’homme s’effectue selon trois modalités principales :
• transmission par absorption d’oocystes : cette contamination est essentiellement indirecte par consommation de fruits et légumes crus mal lavés ou d’eau de boisson contaminée, et à cause d’une hygiène des mains insuffisante après contact avec le sol (jardinage) ou les animaux ;
• transmission par les kystes : la contamination se fait par consommation de viandes insuffisamment cuites (en particulier le mouton), fumées ou saumurées, les kystes n’étant détruits que par une cuisson de la viande à 65 °C ou une congélation inférieure à –12 °C pendant 3 jours au moins. Ce sont également les kystes qui sont impliqués dans la transmission par transplantation d’organe d’un donneur séropositif pour la toxoplasmose vers un receveur négatif avant la greffe ;
• transmission par les tachyzoïtes : le tachyzoïte, forme fragile détruite dans le milieu extérieur, est l’agent de la transmission transplacentaire responsable de la toxoplasmose congénitale.
III Clinique
Cette distinction clinique a également des conséquences diagnostiques ; schématiquement :
• chez l’immunocompétent, le diagnostic repose sur la sérologie ;
• chez l’immunodéficient (adulte immunodéprimé ou fœtus immuno-immature), le diagnostic repose sur la recherche directe du parasite ;
• chez le nouveau-né, à la frontière des deux situations précédentes, les deux approches diagnostiques sont complémentaires et nécessaires.