6: Techniques de reconstruction isolée du ligament croisé postérieur: Posterior cruciate ligament reconstruction


Techniques de reconstruction isolée du ligament croisé postérieur


Posterior cruciate ligament reconstruction




Résumé


Les méthodes de traitement des ruptures du ligament croisé postérieur (LCP) sont encore controversées, probablement en raison du nombre limité de ruptures opérées et d’études cliniques. Néanmoins, au cours de ces dernières années, les connaissances concernant l’anatomie, la biomécanique et les résultats des différents traitements ont apporté un jour nouveau sur ce sujet. Les notions récentes concernant l’anatomie ont permis d’améliorer le geste chirurgical, en particulier le positionnement des tunnels, une des clés du contrôle du tiroir postérieur. Le choix de la greffe est variable. Qu’il s’agisse d’une autogreffe ou d’une allogreffe, le greffon doit être de taille et de résistance suffisantes pour reconstruire ce volumineux ligament. Lorsque la chirurgie est décidée, le délai entre rupture et intervention dépend de plusieurs facteurs. L’un d’eux est l’association à des lésions latérales ou postéro-latérales qui doivent être traitées dans le même temps de façon complète si l’on veut éviter des échecs précoces. L’intérêt croissant pour la reconstruction à double faisceau est indéniable mais actuellement la littérature n’a pas apporté la preuve de la supériorité clinique de la reconstruction à double faisceau sur celle à simple faisceau. Certains auteurs sont partisans de la technique « inlay » afin d’éviter la réflexion à angle aigu de la greffe lors de son issue postérieure du tunnel tibial en cas de technique transtibiale. Quelle que soit la technique, les gestes sont en majorité réalisés sous arthroscopie, la chirurgie du LCP réalisée entièrement à ciel ouvert étant de moins en moins pratiquée. Les complications de cette chirurgie ne sont pas rares. La proximité du paquet vasculo-nerveux poplité, la relative rareté de cette chirurgie et le manque de connaissance et d’expérience des chirurgiens expliquent en grande partie les complications spécifiques de la chirurgie du LCP. Plusieurs variantes techniques ont d’ailleurs été décrites dans la littérature pour faciliter la précision du geste ou éviter les complications. Elles sont également développées dans cet article afin de permettre au lecteur de faire son propre choix en se basant sur les connaissances les plus récentes.



Abstract – Posterior cruciate ligament reconstruction


There is much debate and controversy on the methods of treatment of posterior cruciate ligament (PCL) injuries, probably due to the limited number of cases and clinical studies. Nevertheless, in recent years, advances in the knowledge of anatomy, biomechanics and clinical results of different treatments have provided a new light on this ligament. Recent concepts concerning the anatomy of the PCL have improved the surgical procedure in particular with respect to tunnel positioning. The choice of the graft is variable. Whether it is an autograft or an allograft, the graft must be of sufficient size and strength to rebuild this large ligament. When surgery is decided, the time between rupture and surgical repair will depend upon several factors. One such factor is the association with lateral or posterolateral lesions which must be repaired at the same time to avoid early failures. The growing interest in double bundle reconstruction is undeniable, however, the current literature has not provided evidence of a clinical superiority of the double bundle reconstruction over use of the single bundle. Additionally, some authors prefer the inlay technique to avoid the so-called “killer turn” with the transtibial technique. Whatever the technique, the procedures are now mostly performed arthroscopically. Complications are not uncommon after reconstruction of the PCL. The proximity of the neurovascular structures, the lack of knowledge and experience due to the relative infrequency of PCL injuries and the technically demanding nature of PCL reconstructive procedures explain the specific potential complications in PCL surgery. Several tips and tricks have been described in the literature to facilitate the surgical technique or to prevent complications. We have also developed them in this paper to enable the reader to design his own surgical technique based on the latest knowledge.





Introduction


Comparées aux ruptures du ligament croisé antérieur, celles du ligament croisé postérieur (LCP) sont rares. Les études cliniques et l’expérience des chirurgiens sont donc limitées dans ce domaine. Néanmoins, les études anatomiques, biomécaniques et cliniques récentes ont apporté quelques éclaircissements sur ce ligament.


Il faut préciser que ce chapitre se limite aux techniques de reconstruction dans le cadre des ruptures isolées du LCP et que les indications chirurgicales seront seulement abordées sans être développées. Il faut néanmoins insister sur l’importance de reconnaître les lésions associées, en particulier postéro-latérales. Leur méconnaissance clinique est responsable de bon nombre d’échecs précoces de cette chirurgie. L’analyse clinique est essentielle mais il faut également examiner scrupuleusement le patient sous anesthésie avant de commencer l’intervention, car l’examen clinique préopératoire est parfois d’interprétation difficile en particulier dans la pathologie aiguë ou subaiguë.


Les principes généraux de la reconstruction du LCP reposent sur le placement anatomique des tunnels, l’utilisation d’un greffon solide et de taille suffisante avec un trajet évitant si possible de fortes angulations, la connaissance de la proximité des vaisseaux poplités, une tension et fixation finales du faisceau antéro-latéral entre 70 et 90 degrés de flexion du genou, une fixation solide du transplant avec si possible une double fixation au niveau tibial, enfin un programme de rééducation approprié.



Anatomie


L’intervention devant reconstituer au mieux l’anatomie du ligament, il n’est pas possible de parler de reconstruction du ligament croisé postérieur sans rappeler l’anatomie du LCP natif [4, 11, 19].


Le LCP est un volumineux ligament s’étendant de la face latérale du condyle fémoral médial à la portion postérieure du tibia (figure 1). Anatomiquement, il est intimement lié à d’autres structures comme la capsule articulaire, le ligament croisé antérieur (LCA), les ménisques, les ligaments de Humphry et de Wrisberg ainsi que les structures vasculo-nerveuses postérieures.



Il est constitué de fibres collagènes longitudinales, plus étroites dans leur portion moyenne, s’étendant largement au niveau de son insertion fémorale et sur une surface plus restreinte au niveau tibial. La zone d’insertion fémorale a une orientation médio-latérale, tandis que celle de l’insertion tibiale est antéro-postérieure. La longueur moyenne du LCP est de 35 à 38 mm contre 11 à 13 mm pour sa largeur. Deux faisceaux distincts mais inséparables ont été décrits avec des insertions distinctes aussi bien au niveau fémoral que tibial. Ce sont les faisceaux antéro-latéral (AL) et postéro-médial (PM). Le faisceau antéro-latéral est deux fois plus volumineux que le faisceau postéro-médial. Il est le premier frein du tiroir postérieur. C’est donc celui qui est reconstruit dans une ligamentoplastie mono-faisceau. Le faisceau AL est tendu en flexion et le faisceau PM tendu en extension. Il a également été décrit un faisceau distinct qui croise la face postérieure du LCP et qui s’insère sur la partie postéro-latérale du tibia : le faisceau postérieur oblique.



Insertion tibiale


L’insertion tibiale du LCP est située 1,5 cm au-dessous de l’interligne articulaire postérieur, dans une fossette postérieure située entre les plateaux tibiaux, légèrement en dehors (figure 2). Cette fossette est trapézoïdale avec une base inférieure large. Le faisceau AL est inséré sur la portion supéro-latérale et le faisceau PM sur la portion inféro-médiale de la fossette. Les deux surfaces d’insertion sont distinctes et ont une pente différente.



Une partie des fibres descend de 5 mm sur la face postérieure du tibia à 1 ou 2 mm de la capsule articulaire postérieure [30]. La paroi antérieure de l’artère poplitée se situe à une distance allant de 7 à 10 mm du bord postérieur du LCP.



Insertion fémorale


L’insertion fémorale du LCP a un aspect circulaire, en demi-lune, sur la portion antérieure de l’échancrure intercondylienne (figure 3). Sa portion distale suit le cartilage du condyle médial à une distance de 1 à 2 mm. Cette insertion est étalée dans le plan coronal de 4 heures à midi pour un genou droit et de 8 heures à midi pour un genou gauche, mais son extrémité supéro-latérale dépasse fréquemment la ligne médiane. Les faisceaux AL et PM ont des surfaces d’insertion distinctes, dont la pente est différente. Une crête médiale intercondylienne définit la limite proximale de l’insertion fémorale du LCP et elle est généralement orientée entre 75° et 90° par rapport à l’axe longitudinal du fémur, tandis qu’une crête médiale de bifurcation sépare les insertions de chaque faisceau. Lors d’une arthroscopie, le faisceau AL est plus facilement repéré, le faisceau PM ayant une position plus inféro-médiale (figure 4).






Choix de la greffe


Le LCP est un ligament volumineux. La greffe « idéale » doit être volumineuse et solide, permettre une fixation de qualité, être facile à passer dans les tunnels, facilement disponible et ne donner que peu de morbidité. Cette greffe parfaite n’existe pas, les greffons ayant chacun des avantages et des inconvénients. Il est possible d’utiliser des autogreffes ou des allogreffes. Le choix dépend des préférences du chirurgien et des possibilités locales de disposer d’allogreffes.


L’utilisation des autogreffes peut imposer des critères de prélèvement spécifiques de cette chirurgie. Le prélèvement des ischio-jambiers n’est pas différent de celui réalisé pour la chirurgie du LCA. Ce greffon a l’avantage d’être suffisamment long pour répondre à la demande d’une reconstruction du LCP. Le tendon rotulien est prélevé avec une largeur de 10 à 12 mm, mais avec une longueur de cheville osseuse n’excédant pas 15 mm afin de pouvoir prendre le virage postérieur du tunnel tibial. Le tendon quadricipital ne pose pas ce problème car la baguette osseuse reste dans le tunnel tibial. Il faut cependant faire un prélèvement suffisamment long en amont pour avoir la longueur nécessaire (il faut au moins 10 cm de longueur de transplant en cas de tunnel tibial, un peu moins en cas de technique « inlay »). En cas de technique inlay, le greffon osseux destiné au tibia doit être assez large (12 mm est une largeur de sécurité) pour permettre son vissage sans risque de fracture.


Les allogreffes ont l’avantage de répondre aux critères de diamètre et de longueur du transplant. Elles ont l’inconvénient du risque de transmission infectieuse et leur qualité mécanique est discutée. En France, leur utilisation est difficile en raison des difficultés d’obtention, de leur coût et d’aspect légaux.


Les ligaments synthétiques, alors qu’ils ont été largement abandonnés dans le cadre des reconstructions du LCA, sont utilisés par certaines équipes [10, 24]. La plupart des auteurs dans ce cas les utilisent non pas comme un substitut ligamentaire mais comme un tuteur maintenant la réduction du tiroir postérieur en attendant la ligamentisation complète du greffon ligamentaire.


Le traitement des fractures-arrachements de l’insertion tibiale du LCP ne sera pas abordé dans ce chapitre. Ces fractures sont habituellement traitées, lorsqu’elles sont déplacées, par un vissage par voie postérieure.



Technique de reconstruction « simple faisceau »


La technique arthroscopique de reconstruction mono-faisceau du LCP utilisant un greffon d’ischio-jambiers sera d’abord décrite. Le principe est d’utiliser un transplant quatre brins permettant de reconstituer le faisceau antéro-latéral. Cette description sera faite étape par étape.


Avant d’envisager une ligamentoplastie du LCP, il faut vérifier que l’on dispose des instruments spécifiques de cette intervention. Il s’agit essentiellement d’un ancillaire constitué d’instruments courbes permettant la réalisation du tunnel tibial sous arthroscopie. En pratique, il est possible d’utiliser la même boîte de matériel que pour la ligamentoplastie du LCA, à laquelle il faut ajouter le kit spécifique pour ligamentoplastie du LCP (figure 5).




Installation du patient (figure 6)


Le patient est installé en décubitus dorsal sur table ordinaire. Deux appuis sont installés, l’un transversal en bout de table afin d’appuyer le talon du patient pour réaliser un flexion à 90°, l’autre latéral à la racine de la cuisse pour maintenir le genou dans cette position. Il est conseillé, surtout si le patient est de grande taille, de le positionner avec les deux talons dépassant de 10 cm environ le bord de la table afin de pouvoir opérer confortablement en faisant face au genou. L’assistant se positionne du côté opposé au genou opéré. Cette installation permet d’être à l’aise pour réaliser les gestes par la voie postéro-médiale sans être gêné par le genou contro-latéral, comme cela pourrait être le cas avec l’arthro-stress en position jambes pendantes.



L’utilisation d’un garrot pneumatique procure une meilleure vision, en particulier du compartiment postérieur. Il est positionné le plus haut possible sur la cuisse et gonflé habituellement à 250 mmHg. L’utilisation d’une arthro-pompe est pour nous systématique.



Prélèvement du greffon


Le premier temps est celui du prélèvement du greffon. Il est effectué de la même manière que pour une reconstruction du LCA. Une incision verticale en dedans de la tubérosité tibiale antérieure permet de prélever les tendons gracilis et semi-tendinosus. Le prélèvement est effectué à l’aide d’un stripper « queue de cochon », ce qui permet en cas de transplant un peu court de gagner de la longueur en prélevant suffisamment de périoste au moment de la désinsertion finale distale des tendons. Chaque extrémité tendineuse est faufilée à l’aide de fils n° 2 non résorbables de couleurs différentes permettant de repérer chaque tendon. Un endobouton, habituellement de 15 ou 20 mm, est mis en place. Le quadruple transplant est calibré puis mis en pré-tension sur table de tension. Une marque circulaire au stylo stérile à 2 cm de l’extrémité proximale permet un repérage facile ultérieur lors de la progression du transplant dans les tunnels (figure 7).




Repérage du point fémoral


Deux voies arthroscopiques antéro-latérale et antéro-médiale sont d’abord réalisées. La voie antéro-latérale peut être réalisée de façon habituelle. Il faut prendre garde à ne pas faire la voie antéro-médiale trop médiale, ce qui pourrait rendre difficiles certaines phases ultérieures comme celle de la visualisation arthroscopique lors de la réalisation du tunnel fémoral. Les éventuelles lésions méniscales ou cartilagineuses sont d’abord traitées. Les reliquats du LCP rompu sont excisés. Il faut noter qu’il est plus fréquent d’observer un LCP détendu, d’aspect pathologique, qu’une véritable rupture. L’évaluation du LCA fait partie du bilan intra-articulaire. Elle doit se faire en réduction du tiroir postérieur spontané afin d’éviter de considérer à tort que le LCA est détendu. La future zone d’insertion fémorale du transplant est repérée à ce stade, grâce aux reliquats de ligament. Le but de la reconstruction simple faisceau est de reproduire la portion antéro-latérale du LCP. Le tunnel doit donc être situé dans la portion distale et antérieure du LCP natif. Le point d’entrée de la broche-guide, dans cette technique « in-out », est situé à 5 ou 6 mm de la limite cartilagineuse du condyle médial, à 1 heure pour un genou droit et à 11 heures pour un genou gauche (figure 8). C’est donc bien dans une position assez « haute » au cours de cette vue arthroscopique, genou fléchi à 90°, que le tunnel fémoral doit se situer. Le repérage du point d’entrée est au mieux effectué à l’aide d’un bistouri bipolaire.




Réalisation du tunnel fémoral


L’arthroscope est alors mis en place par la voie antéro-médiale et la broche montée sur moteur passe par la voie antéro-latérale pour aborder la face axiale du condyle médial. La situation est donc assez comparable à celle de la réalisation du tunnel fémoral au cours de la reconstruction du LCA, à ceci près que les voies sont inversées, que le guide fémoral n’est pas utile et qu’il n’est pas nécessaire de fléchir fortement le genou. La broche est introduite jusqu’à dépasser la corticale condylienne médiale. Une mèche de 4,5 ou 5 mm de diamètre (correspondant à l’ancillaire de l’endobouton utilisé) est montée sur la broche jusqu’à perforer la corticale médiale. À ce stade, il est préférable de retirer l’ensemble mèche-broche pour pouvoir mesurer la longueur totale du tunnel transcondylien (ou « longueur transcondylienne »). La broche est ensuite remise en place puis une mèche fémorale du diamètre du transplant permet de réaliser le tunnel fémoral dont la profondeur dépendra de la mesure transcondylienne et de la longueur de l’endobouton utilisé. Certains utilisent d’abord une mèche de diamètre inférieur puis des dilatateurs jusqu’au diamètre voulu afin de compacter l’os périphérique du tunnel. Cette technique peut être également utilisée pour le tunnel tibial. Il est possible de ne choisir la taille de l’endobouton qu’après la mesure transcondylienne afin d’ajuster au mieux la longueur de transplant intrafémoral. Les bords du tunnel fémoral sont nettoyés au shaver afin de permettre un passage plus facile du transplant. Il est possible d’émousser très légèrement le bord postérieur de l’orifice pour éviter un angle trop agressif pour le greffon lorsqu’il sera en place.



Voie postéro-médiale


La phase suivante est la réalisation de la voie postéro-médiale. L’arthroscope, laissé en place au niveau de la voie antéro-médiale, traverse l’échancrure pour accéder au compartiment postérieur. Certains préconisent l’utilisation d’une optique à 70° à cette phase. Une aiguille spinale n° 2 est introduite en arrière du condyle médial en s’aidant de la transillumination et de la visualisation directe arthroscopique. L’erreur habituelle est de réaliser un point d’introduction trop proche du condyle médial par crainte d’être trop postérieur, ce qui limite l’angle de débattement des instruments par la suite. Il faut donc vérifier avec l’aiguille que l’accès à l’insertion tibiale du LCP est aisé avant d’effectuer le point d’entrée au bistouri. Une canule fine (6 mm) est ensuite mise en place, ce qui facilite les changements d’instruments ultérieurs.


L’exposition du site d’insertion tibiale est effectuée à l’aide du shaver, du bistouri bipolaire ou de curettes courbes. Ces instruments doivent être constamment orientés vers l’avant. La capsule est désinsérée du tibia jusqu’à voir les fibres du muscle poplité. Cette capsulotomie permet de mieux positionner le guide et il a été montré qu’elle augmentait la distance entre l’insertion tibiale du LCP et le paquet vasculo-nerveux [3]. Elle expose en revanche au risque de syndrome de loge, en particulier dans les cas aigus. C’est la raison pour laquelle elle ne doit être effectuée que juste avant la réalisation du tunnel tibial et que la pression de l’arthro-pompe doit être contrôlée (50 mmHg maximum).

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Apr 27, 2017 | Posted by in CHIRURGIE | Comments Off on 6: Techniques de reconstruction isolée du ligament croisé postérieur: Posterior cruciate ligament reconstruction

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