Chapitre 6. Spécificités de l’équipe de liaison
Au sein d’une équipe de pédopsychiatrie de liaison, plusieurs professionnels, d’origine et de formation différentes, se complètent et s’articulent autour des situations cliniques. La place de chacun doit être claire et pensée afin d’éviter les confusions et les rivalités. Les identités professionnellesIdentitéprofessionnelle doivent être respectées.
Le pédopsychiatre, de par sa formation médicale, a un rapport au corps différent de celui du (ou de la) psychologue. Le pédopsychiatre de liaison se démarque de la pédopsychiatrie générale, sous l’influence de son contact permanent avec la médecine somatique, par l’intérêt qu’il accorde systématiquement aux dimensions biologiques et physiques; il se distingue des somaticiens et des pédiatres par la prise en compte systématique des aspects psychologiques et sociaux et par son souci de les intégrer aux données somatiques (R. Zumbrunnen, 1992). C’est sa compétence dans l’intégration du biologique, du pharmacologique, du développemental, de l’intrapsychique et de l’interrelationnel familial qui rend le recours au pédopsychiatre utile pour les équipes pédiatriques. Cette compétence est celle de tout pédopsychiatre, mais ce qui différencie la pédopsychiatrie de liaison de la pédopsychiatrie «classique», c’est la capacité à utiliser cette compétence dans le cadre particulier de la pédiatrie (Desombre, 2004). Le pédopsychiatre est en première ligne pour tout ce qui concerne l’urgence et les situations médicolégales. De même, les aspects décisionnels et la responsabilitéResponsabilité du cadre de soin relèvent de sa compétence. À l’hôpital général, c’est souvent lui le chef d’orchestre de l’équipe de pédopsychiatrie de liaison.
Le (ou la) psychologue, de par une culture, une trajectoire et une formation différente, n’est pas dans le même rapport au corps. Sa place se différencie de celle du pédopsychiatre; il (ou elle) intervient dans l’accompagnement psychologique plutôt que dans l’urgence et les situations médico-légales. Ses spécificités se retrouvent aussi autour des évaluations psychométriques et projectives renseignant sur la personnalité des patients. Cette fonction de psychologue de liaison demande des compétences variées, une sensibilité aux aspects médicaux, une grande souplesse dans les relations et donc une formation spécifique (Spirito et al., 2003). À l’image du psychologue scolaire à cheval sur deux cultures (éducation et psychologie), le psychologue «en résidence» en pédiatrie ou à la maternité peut diffuser et réguler auprès des équipes une culture psychologique (Lenoir et al., 2009). Sa liberté d’action, son positionnement et son rôle dépendent bien sûr de son rattachement médico-administratif et hiérarchique. Quoi qu’il en soit, un travail en binôme avec le pédopsychiatre est toujours fructueux et complémentaire (Lenoir et al., 2009). À ce propos, l’expérience en psychiatrie de liaison montre fréquemment que le pédopsychiatre est un homme et la psychologue, une femme. Cette particularité du sexe du «psy», loin d’être fondamentale, n’est sans doute pas anodine dans certaines situations cliniques où hommes et femmes n’ont pas les mêmes sensibilités.
Le psychanalyste, pour sa part, se situe au-delà des contingences médicales. Son objet d’étude est l’analyse du transfert dans chacune des situations cliniques rencontrées. Il n’est souvent présent que ponctuellement et aide à la reprise et la compréhension de situations cliniques. Son intervention ne se situe donc pas dans le soin de première intention mais dans l’après-coup.
Quant à l’infirmière de liaison, son rôle, souvent en première ligne, relève à la fois du premier contact, de l’évaluation clinique initiale et de l’accompagnement de l’enfant et de sa famille tout au long de l’hospitalisation. Son rôle est très important car elle inaugure parfois le soin psychique.
Ainsi, ces spécificités sont une richesse et au-delà des préoccupations partagées, chaque professionnel trouve sa place au sein d’une équipe de «psy». Et les liens entre chaque membre de cette équipe sont très importants. En effet, il importe que tous se retrouvent dans une unité de lieu au sein de l’hôpital, ceci afin de partager une clinique et d’analyser ensemble ce qui se travaille auprès des enfants, des familles et des soignants. Des réunions régulières sont indispensables pour se retrouver entre «psys» (en dehors de l’urgence des situations) et enrichir mutuellement les réflexions cliniques. Ce travail institutionnel d’équipe permet non seulement l’analyse clinique de chaque cas, mais aussi l’analyse clinique de ce qui lie (et de ce qui sépare) les professionnels «psys» et les équipes pédiatriques. Cela permet aussi au professionnel, qui intervient seul dans une unité de pédiatrie, de pouvoir se reposer sur une équipe, en arrière-plan.
En pédopsychiatrie de liaison, le professionnel doit être expérimenté (compétence, expérience et recul) pour pouvoir prendre la distance nécessaire dans chacune des situations cliniques rencontrées. Les mouvements transférentiels sont en effet très souvent intenses.
De même, l’improvisation en pédopsychiatrie de liaison est périlleuse… Les initiatives solitaires sont souvent vouées à l’échec. Et à défaut d’une organisation d’équipe, les risques de confusion sont grands… Chaque professionnel risque fort, à son insu, d’être instrumentalisé par l’équipe pédiatrique.
Enfin, cette équipe de psychiatrie de liaison, qu’elle soit sectorisée ou non, doit être articulée avec les autres équipes et structures de soins extra-hospitalières. Son inscription dans le réseauRéseau (de soins) de soins est fondamentale. Elle ne peut se constituer en îlot, mais doit bien au contraire être en lien étroit avec les secteurs de psychiatrie (enfants et adultes), la PMI, les CMPP, les centres d’action médicosociale précoce (CAMSPCentre d’action médicosociale précoce (CAMSP)), les structures médicosociales, la médecine scolaire… Il en va de sa crédibilité.

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Full access? Get Clinical Tree

