Programme d’éducation thérapeutique
PLAN DU CHAPITRE
L’éducation thérapeutique (E. Babin, G. Grandazzi)
Parcours personnalisé des patients et éducation thérapeutique (S. Hans, F. Scotte, N. Pelicier, S. Oudard, M. Housset, D. Brasnu)
Réseaux et prise en charge des complications et séquelles des traitements en cancérologie ORL (D. de Raucourt, D. Blanchard)
L’éducation thérapeutique
E. Babin, G. Grandazzi
Les différents plans cancers qui se sont succédé depuis une dizaine d’années ont contribué à une meilleure prise en charge des patients. La mise en place des réunions de concertation disciplinaire, la consultation d’annonce, le programme personnalisé de soin ont constitué une avancée importante dans ce domaine.
Le malade est plus que jamais au centre des préoccupations des thérapeutes.
L’éducation thérapeutique constitue une nouvelle étape dans le soin. Elle offre l’avantage de rassembler patient, proches, acteurs de santé (médecins spécialistes et généralistes, autres soignants) et de constituer des réseaux d’aide à la personne dont l’objectif ultime est de réhabiliter le malade au sein de la société.
Définition
L’éducation thérapeutique des patients (ETP) est « un processus de renforcement des capacités du malade et/ou de son entourage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins. Elle vise à rendre le malade plus autonome par l’appropriation de savoirs et de compétences afin qu’il devienne l’acteur de son changement de comportement, à l’occasion d’événements majeurs de la prise en charge (initiation du traitement, modification du traitement, événements intercurrents, etc.) mais aussi plus généralement tout au long du projet de soins, avec l’objectif de disposer d’une qualité de vie acceptable par lui. » [1]
Éducation thérapeutique en cancérologie ORL
État des lieux
L’éducation thérapeutique des patients et de leurs proches est encore peu développée en France dans le domaine de la cancérologie [2] et particulièrement pour les cancers des voies aéro-digestives supérieures [3]. Les traitements de référence de ces cancers reposent avant tout sur la chirurgie associée à la radiothérapie. La chimiothérapie, indiquée dans les protocoles de préservation d’organe, reste utilisée en association avec la radiothérapie pour les stades avancés. Ces traitements ont des conséquences majeures sur la vie des patients, du fait des séquelles physiques et fonctionnelles : phonatoires (modification et/ou suppression de la voix physiologique), alimentaires, olfactives et esthétiques (trachéostome). Les conséquences psychosociales sont également importantes, en raison du bouleversement biographique et des métamorphoses identitaires liés à la maladie et aux traitements qui altèrent la qualité de vie des patients mais aussi celle de leurs proches [4].
Dans le cadre du patient laryngectomisé, la prise en charge actuelle des malades repose pour l’essentiel sur l’information du patient et l’apprentissage par ce dernier de certains gestes techniques (changement de canule, aspiration des mucosités, nettoyage du trachéostome ou de l’implant phonatoire) durant l’hospitalisation. L’apprentissage d’une nouvelle voix, parfois très long, se déroule le plus souvent avec l’orthophoniste qui constitue le lien principal des malades avec les soignants hospitaliers. Les séquelles de la radiothérapie nécessitent entre autres et selon le moment de l’intervention de nutritionnistes, de kinésithérapeutes pour les drainages lymphatiques cervicaux. Ces pratiques ne prennent souvent que trop partiellement en compte les facteurs sociaux, environnementaux et personnels qui interagissent dans les problèmes de santé. Malgré les efforts entrepris dans le cadre du Plan cancer par les équipes soignantes pour améliorer la prise en charge dans une perspective pluridisciplinaire, les carences sont encore importantes, par exemple : insuffisance du réseau ville-hôpital et de l’implication du médecin traitant, manque d’accompagnement dans la résolution des problèmes psychosociaux (réinsertion professionnelle, isolement social, reconstruction identitaire, etc.), absence ou insuffisance de l’attention accordée au proche et à l’aide dont il peut avoir besoin ou qu’il peut apporter au malade.
Méthodologie [5]
Plusieurs programmes sont en cours en France sur la conception, la mise en œuvre et l’évaluation d’un programme structuré en éducation thérapeutique.
Les objectifs sont multiples mais concourent tous à améliorer la qualité de vie des patients. Ceci nécessite :
La réalisation d’un tel programme selon les critères des agences régionales de santé peut se décomposer en deux phases principales.
Phase 1
Cette phase exploratoire, observationnelle et rétrospective vise l’analyse des conséquences de la maladie et des traitements sur les patients.
Elle peut s’effectuer par des entretiens auprès des patients, des proches et des focus groupes avec les professionnels de santé, ainsi que par un état des lieux des pratiques actuelles en termes de prise en charge et d’accompagnement.
Cette analyse permettra d’identifier :
Phase 2
Sur la base de l’état des lieux ci-dessus décrit, il convient de concevoir en équipe pluridisciplinaire un programme d’éducation thérapeutique pour les patients et si possible leurs proches. Les critères d’évaluation de qualité des recommandations de l’HAS doivent être respectés.
L’ensemble de ces critères de qualité n’a pas vocation à instaurer une mesure courante avec des normes et références de jugement mais renvoie à un ensemble de questionnements qui peut soutenir la réflexion d’un groupe de travail chargé de la conception du programme d’éducation thérapeutique.
Les critères les plus pertinents comme recommandations peuvent être pour le groupe de travail pluridisciplinaire chargé de concevoir le programme d’ETP :
• de concevoir le programme pour une mise en œuvre pluridisciplinaire ;
• de construire un dossier éducatif faisant partie du dossier médical du patient ;
Ce programme sera testé pour en vérifier la faisabilité et apporter des modifications cohérentes avec les critères de qualité ci-dessus. C’est ce qui est appelé l’évaluation du processus éducatif par les patients, les proches et les professionnels de santé. Cette évaluation pourra, en plus de la liste ci-dessus, inclure :
• la satisfaction des patients, des proches et des professionnels de santé ;
• les compétences développées par les patients et leurs proches ;
L’évaluation scientifique d’un tel programme est souhaitable et nécessaire. Elle s’effectue idéalement par l’adjonction d’un travail dit de « réplication » prospectif interventionnel qui vise à l’évaluation de la transférabilité et de la qualité du programme dans d’autres centres hospitaliers. La phase ultime de l’évaluation est la réalisation d’une étude dite de « randomisation » comparative interventionnelle prospective multicentrique. Ce dernier type d’analyse semble limité à certaines équipes car elle implique une stratégie longue et rigoureuse intégrée généralement dans des projets de recherche.
Conclusion
Il n’existe pas actuellement de résultats de programme d’éducation thérapeutique en cancérologie ORL respectant les critères de l’HAS. Néanmoins, certaines équipes comme celle de l’hôpital européen Georges Pompidou ont établi des pistes de réponses à travers l’élaboration de leur programme personnalisé de soins.
D’autres, à l’instar du Dr de Raucourt et de son équipe au Centre François Baclesse de Caen ont développé des réseaux.
Ces premiers travaux doivent guider les équipes des services de cancérologie ORL afin qu’elles s’approprient et construisent leur propre projet d’éducation thérapeutique.
Parcours personnalisé des patients et éducation thérapeutique1
S. Hans, F. Scotte, N. Pelicier, S. Oudard, M. Housset, D. Brasnu
Introduction
Les patients atteints d’un cancer des VADS appartiennent le plus souvent à des classes socioprofessionnelles défavorisées et ces cancers ainsi que leurs traitements ont des retentissements importants en termes de qualité de vie. Ces cancers sont peu étudiés sur le plan social, psychologique et d’une façon plus générale sur le plan des soins oncologiques de support par rapport aux cancers du sein, digestifs ou hématologiques. Dans la littérature, certains auteurs ont insisté sur la nécessité de la prise en charge des troubles de la voix et de la déglutition [6], des douleurs, de la nutrition, de l’anxiété [7], de la peur de la récidive [8] des contraintes financières et sociales [9] chez les patients atteints d’un cancer des VADS.
Dans le cadre du Plan cancer 2 (2009–2013) [10], les actions 18.1, 25.1, 25.2 et 25.3 ont fait l’objet d’un appel d’offres par l’Institut national du cancer (INCa) intitulé : « Expérimentation du parcours personnalisé des patients pendant et après le cancer » et pour lequel notre équipe a été sélectionnée.
Les objectifs ici sont de décrire notre projet, sa mise en place et les résultats préliminaires sur les 80 premiers patients et de voir comment le programme personnalisé de soins peut s’intégrer dans un programme d’éducation thérapeutique.

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