Chapitre 6 Pathologies liées à l’environnement
Comprendre qu’il existe des maladies liées à l’environnement.
Connaître les lésions pulmonaires secondaires à la pollution et les différents types de pneumopathies et tumeurs.
Connaître les lésions liées aux agents physiques et chimiques.
Connaître les principes d’apparition des lésions médicamenteuses.
Lésions secondaires à la pollution atmosphérique
Il s’agit avant tout de lésions atteignant l’appareil respiratoire. Le poumon est l’organe le plus exposé aux agressions en rapport avec l’environnement. De nombreuses pathologies pulmonaires sont directement liées à l’inhalation d’aéro-contaminants en suspension dans l’atmosphère. Un individu au repos inhale environ 10 000 L d’air par 24 h, soit environ 250 millions de litres pour une espérance de vie de 70 ans. L’air contient des gaz et des particules qui peuvent entraîner des modifications de l’arbre respiratoire et du parenchyme pulmonaire (tableau 6.1). Il s’agit de désordres intermédiaires entre la pathologie professionnelle et celle en rapport avec l’environnement urbain et domestique. L’inventaire de ces pneumopathies est très large et n’est pas terminé. Les conséquences de la pollution atmosphérique sur l’appareil respiratoire sont encore mal connues. Les effets peuvent être immédiats ou différés et sont fonction de l’importance de l’exposition, mais il existe le plus souvent un long temps de latence entre les nuisances et leur effet pathogène. C’est le cas par exemple des aéro-contaminants cancérogènes comme le tabac et l’amiante. La plupart des études épidémiologiques analyse les effets de cette pollution à court terme en particulier sur des populations à risque comme les enfants, les asthmatiques, les sujets atteints de bronchopneumopathies chroniques ou les personnes âgées. Il s’agit en général d’effets transitoires et réversibles ne nécessitant pas une étude anatomopathologique. Les effets à long terme sont beaucoup plus difficiles à quantifier.
Polluant | Populations à risque | Effets |
---|---|---|
Ozone | Adultes et enfants en bonne santé Athlètes, travailleurs à l’air libre Asthmatiques | Diminution de la fonction respiratoire. Augmentation de la réactivité des voies aériennes. Inflammation pulmonaire Diminution de la capacité respiratoire Hospitalisations plus fréquentes |
Dioxyde d’azote | Adultes en bonne santé Asthmatiques Enfants | Augmentation de la réactivité des voies aériennes Diminution de la fonction respiratoire Augmentation de l’incidence des infections respiratoires |
Dioxyde de soufre | Adultes en bonne santé Bronchopneumopathes Asthmatiques | Symptômes respiratoires plus fréquents Augmentation de la mortalité et des hospitalisations Diminution de la fonction respiratoire |
Aérosols acides | Adultes en bonne santé Enfants Asthmatiques | Altération du système mucociliaire Augmentation de l’incidence des infections respiratoires Diminution de la fonction respiratoire Augmentation des hospitalisations |
Particules | Enfants Bronchopathes ou cardiopathes Asthmatiques | Augmentation de l’incidence des infections respiratoires Diminution de la fonction respiratoire Surmortalité Crises plus fréquentes |
D’après Bascom R, et al. : Health effects of outdoor air pollution. Am J Respir Crit Care Med 153 : 3, 477, 1996
• des micro-organismes infectants responsables de pathologies infectieuses pulmonaires, en particulier chez les sujets immunodéprimés ;
• des aéro-contaminants professionnels soit antigéniques (aéro-allergènes), le plus souvent organiques, responsables d’asthme et de pneumopathies d’hypersensibilité, soit non antigéniques et qui ont une action toxique directe liée à leur structure physique ou chimique. Ces aéro-contaminants minéraux sont à l’origine de la survenue de pneumoconioses, en particulier les silicoses, les asbestoses, ou les beryllioses et de tumeurs malignes (cancers) broncho-pulmonaires (ex : carcinome épidermoïde) ou de la plèvre (ex : mésothéliome). Outre l’appareil respiratoire, d’autres organes peuvent être touchés (tableau 6.2) ;
• des aérocontaminants non professionnels ou domestiques principalement représentés par l’inhalation tabagique mais pas uniquement (tableau 6.3).
Organe | Effet | Toxique |
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Système cardiovasculaire | Maladie cardiaque | Monoxyde de carbone, plomb, solvant, cobalt, cadmium |
Appareil respiratoire | Cancer nasal Cancer pulmonaire Bronchopneumopathie chronique obstructive Hypersensibilité Irritation Fibrose | Alcool isopropylique, poussière de bois Radon ; asbeste, silice, bis (chlorométhyle) éther, nickel, arsenic, chrome, gaz moutarde Poussière de grain, poussière de charbon, cadmium Béryllium, isocyanates Ammoniaque, oxydes de soufre, formaldéhyde Silice, asbestose, cobalt |
Système nerveux | Neuropathie périphérique Démarche ataxique Dépression du système nerveux central Cataracte | Solvants, acrylamide, chlorure de méthyle, mercure, plomb, arsenic, DDT Chlordane, toluène, acrylamide, mercure Alcool, cétone, aldéhyde, solvants Irradiation aux ultraviolets |
Appareil urinaire | Toxicité Cancer de vessie | Mercure, plomb, éther de glycol, solvants Naphthylamines, 4-aminobiphényl-benzidine, dérivés du caoutchouc |
Appareil reproducteur | Infertilité masculine Infertilité féminine Tératogenèse | Plomb, plastifiants (phtalate) Cadmium, plomb Mercure, biphényls polychlorés |
Système hématopoïétique | Leucémie | Benzène, radon, uranium |
Peau | Folliculite et dermatose acnéiforme Cancer | Biphényls polychlorés, dioxine, herbicides Irradiation aux ultraviolets |
Tractus gastro-intestinal | Angiosarcome du foie | Chlorure de vinyle |
D’après Leigh JP, et al : Occupational injury and illness in the United States. Estimates of costs, morbidity, and mortality. Arch Intern Med 157 : 1557, 1997; Mitchell FL : Hazardous waste. In Rom WN (ed) : Environmental and Occupational Medicine, 2nd ed. Boston, Little, Brown, 1992, p1275; and Levi PE : Classes of toxic chemicals. In Hodgson E, Levi PE (eds) : A Textbook of Modern Toxicology, Stamford, CT, Appleton & Lange, 1997, p 229
Polluant | Populations à risque | Effets |
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Monoxyde de carbone | Adultes et enfants | Empoisonnement aigu |
Dioxyde d’azote | Enfants | Augmentation des infections respiratoires |
Fumée de bois | Enfants | Augmentation des infections respiratoires |
Formaldéhyde | Adultes et enfants | Irritation oculaire et nasale, asthme, cancer |
Radon | Adultes et enfants | Cancer du poumon |
Fibres d’asbeste | Employés de maintenance et de démolition | Cancer du poumon, mésothéliome |
Fibres minérales transformées | Employés de maintenance et de construction | Irritation de la peau et des voies aériennes |
Bioaérosols | Adultes et enfants | Rhinite allergique, asthme |
Données tirées de Lambert WE, Samet JM : Indoor air pollution. In Harber P, et al. (eds) : Occupational and Environmental Respiratory Disease. St Louis, Mosby-Year Book, 1996, p 784; and Menzies D, Bourbeau J : Building-related illnesses. N Engl J Med 337 : 1524, 1997. D’après Robbins Anatomie pathologique, 3e édition française, éditions Piccin, 2000
Pneumopathies aiguës
Certains polluants (monoxyde de carbone, dioxyde d’azote, formaldéhydes, fumées, gaz ou produits aérosolisés : peintures, produits ménagers ou cosmétiques) peuvent provoquer des effets rapides sur l’appareil respiratoire à type d’asthme, de bronchiolite aiguë, de dommage alvéolaire diffus (DAD) pouvant entraîner la mort. À plus long terme, ils entraînent des séquelles respiratoires avec un syndrome obstructif par bronchiolite sténosante ou restrictif avec développement d’une fibrose interstitielle (figures 6.1–6.3).
Pneumopathies d’hypersensibilité
Les pneumopathies d’hypersensibilité sont liées à l’inhalation d’antigènes organiques (allergène) et sont caractérisées par des remaniements inflammatoires du parenchyme pulmonaire entraînant des troubles fonctionnels (toux sèche, dyspnée, syndrome restrictif).
Le lavage bronchoalvéolaire (hyperlymphocytose de phénotype CD8), les biopsies transbronchiques ou la biopsie pulmonaire par vidéothoracoscopie permettent de confirmer le diagnostic en montrant une pneumopathie interstitielle à prédominance centro-acinaire caractérisée par la présence de petits granulomes tuberculoïdes (cf. chapitre 3 : inflammations granulomateuses épithélioïdes) associés à une alvéolite lymphocytaire et à des foyers de pneumonie en voie d’organisation. De nombreuses affections ont ainsi été individualisées comme le poumon de fermier, les aspergilloses allergiques (aérateurs, humidificateurs), les pneumopathies observées chez les éleveurs de pigeons ou de volailles, chez les minotiers et grainetiers, etc. (figures 6.4–6.7).
Pneumoconioses professionnelles minérales
Les pneumoconioses sont des affections pulmonaires caractérisées par des dépôts de poussières inorganiques (minérales ou métalliques) dans le tissu pulmonaire. Ces expositions à des aéro-contaminants divers, souvent de nature très complexes, sont généralement d’origine professionnelle ou plus rarement non professionnelle (urbaine ou domestique).
Silicose
La silicose est une pneumoconiose fibrosante. Cette fibrose est le plus souvent localisée dans les zones où les dépôts de particules sont les plus importants et prédomine au sommet des poumons, dans les territoires péribronchiolaires centroacinaires ou sous-pleuraux en formant des nodules caractéristiques (figures 6.8–6.10).