6. Maladie discale dégénérative

Chapitre 6. Maladie discale dégénérative



Chez la plupart des êtres humains, ce processus de dégénérescence est lent et continu, néanmoins il s’accélère dans certains cas pouvant entraîner rapidement une faiblesse catastrophique du disque à l’origine de douleurs et d’invalidité chronique.

Cette forme accélérée de dégénérescence est souvent dénommée maladie discale dégénérative, bien que le terme serve couramment et faussement à décrire toute forme de dégénérescence discale.

La recherche a établi un lien entre la maladie dégénérative discale et la douleur lombaire et sciatique [69] bien que cela ne concerne pas tous les cas, car il est établi qu’en cas de maladie discale dégénérative, la protrusion du disque et la sténose affectent des personnes entièrement asymptomatique [10, 11], néanmoins pour 10 % de la population, la maladie discale dégénérative entraînera des douleurs et une invalidité chronique permanente [12, 13].

Techniquement, ce n’est pas le processus réel de la maladie discale dégénérative qui est à l’origine de la douleur, ce sont plutôt les phases finales de la maladie qui peuvent être à l’origine de la douleur lombaire [15]. Ces phases finales comprennent les déchirures annulaires [[14], [15], [16] and [17]] (rupture discale interne), les protrusions discales [17, 18], la compression nerveuse [[19], [20], [21] and [22]] ainsi que la phase finale, la sténose.


Aspect à l’IRM


Le diagnostic de la maladie discale dégénérative est plus précis en faisant une IRM [23] en T2. Sur la figure 6.1, on observe un disque sain blanc et brillant L3 (sur la vertèbre L4) contrairement aux disques noirs et déshydratés L4-L5 et L5-S1. Il faut également constater une hernie de 4 mm sur le disque L4-L5 (entre les vertèbres L4 et L5) et une hernie de 9 mm sur le disque L5-S1. On note également au même niveau, une perte de hauteur du disque L4-L5, par rapport au disque plus épais L3-L4.








B9782842998394500062/f06-01-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.1
Maladie discale dégénérative sur une coupe sagittale en T2. On observe un disque L3-L4 et L2-L3 sain blanc et brillant, contrairement aux disques noirs et déshydratés L4-L5 et L5-S1. Il faut également constater une hernie sur le disque L4-L5 et une légère protrusion sur le disque L5-S1.


Certains des derniers aspects de la maladie discale dégénérative (collapsus discal, ostéophytose et sclérose) sont également visibles lors d’une exploration tomodensitométrique et radiographique [25].

L’aspect de la maladie discale dégénérative à l’IRM est facile à analyser [8, 25], se caractérisant par une perte d’intensité du tissu discal (perte de blancheur) faisant que le disque soit noir plutôt que blanc brillant.

Techniquement, il y a noirceur du disque car le disque a subi une perte excessive de sa teneur en eau et s’est déshydraté. Ce processus qui noircit le disque est appelé désecation discale. Étant donné que l’intensité de signal à l’IRM (blancheur) est directement reliée à la teneur en eau du disque [24, 25], toute perte d’eau discale di-minuera proportionnellement les blancheurs de ce disque en T2. Ainsi, le disque déshydraté est plus noir et dégénéré à l’IRM.

La cause de la dégénérescence de certains disques (maladie discale dégénérative) entraînant prématurément une douleur chronique [21, 22], alors que d’autres disques ne sont pas affectés, est un sujet qui suscite encore des polémiques, toutefois, il convient de l’associer à une cause génétique [[26], [27] and [28]], à un antécédent de traumatisme vertébral sévère ou modéré ou étant due à une activité basée sur la levée de poids qui sont les principaux [29, 30] facteurs à risques.

Pour comprendre parfaitement la maladie discale dégénérative et le vieillissement du disque, il convient de comprendre certains principes de base de la physiologie du disque.

La quantité d’eau intradiscale (pression hydrostatique) est importante pour que le disque fonctionne normalement (elle permet au nucleus de supporter l’appui de la charge axiale du corps) et ce sont les cellules discales qui maintiennent la teneur en eau du disque (via la production de protéoglycanes). Pour comprendre la maladie discale dégénérative, il faut tout d’abord comprendre le processus naturel du vieillissement du disque ou l’évolution normale de la dégénérescence, qui se produit chez tous les êtres humains à différents niveaux et qui n’entraînent pas de douleur.

Radiologiquement, l’un des premiers signes de dégénérescence discale (destruction interne du disque) est l’apparition d’un rétrolisthésis (figure 6.2) de la vertèbre sus-jacent de l’espace concerné. Discrète au début, elle devient évidente dans la phase intitulée discarthrose.








B9782842998394500062/f06-02-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.2
Lésion du disque et rétrolisthésis.



Vieillissement naturel du disque


La caractéristique la plus courante et la plus frappante du vieillissement et de la dégénérescence du disque réside dans le fait que le nucleus du disque [31, 32] perd ses molécules de protéoglycane.

D’autres résultats du vieillissement comprennent également une déshydratation progressive [33], une perte progressive d’épaisseur (voire glycation), la formation d’une pigmentation marron [34] et des faiblesses croissantes des tissus du disque [35].

Il existe deux facteurs principaux impliqués dans le processus du vieillissement du disque et ces deux facteurs s’amplifient du fait de la vascularisation trop faible du disque.


Perte idiopathique et déshydratation des vaisseaux sanguins et nutriments


Les cellules du disque reçoivent une source de nutriment adéquate (qui est obtenue par la diffusion d’oxygène, de glucose et d’acides animés à partir des lits capillaires situés juste au-dessus des plaques cartilagineuses à l’intérieur du disque). Elles fabriqueront les molécules de protéoglycanes qui en se combinant au sein du disque forment des molécules plus grandes. Ce sont ces molécules agrégées qui capturent et conservent l’eau à l’intérieur du disque.









B9782842998394500062/f06-03-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.3
Vascularisation et nutrition du disque.


Si la source nutritionnelle n’est pas appropriée, les cellules du disque dégénèrent. Ce fait a été vérifié en 2001 par l’étude Volvo [36] portant sur la viabilité des cellules humaines du disque soumis à différentes conditions. La conclusion fut que si les cellules du disque ne peuvent pas obtenir des aliments appropriés, comme l’oxygène ou le glucose, ou si le pH du disque augmente (parce que les déchets ne sont pas expulsés en dehors du disque), les cellules du disque dégénèrent et cessent de produire les protéoglycanes vitaux. Sans protéoglycane, la perte d’eau du disque augmente (il se déshydrate) en perdant sa pression hydrostatique [37] (pression osmotique).

Cette perte de teneur en protéoglycanes est la caractéristique la plus frappante du vieillissement et de la dégénerescence [32] du disque. En 1982, Trout et Buckwalter [38] ont découvert qu’à l’âge adulte, 50 % des cellules du disque étaient dégénérées.

Il semble que la fonction nutritionnelle du disque humain est compromise à partir du moment où l’homme se tient debout et qu’il commence à marcher.

En 2002, Boos [1] et al. ont constaté une « oblitération idiopathique » des portions des lits capillaires d’alimentation situées sur les plaques vertébrales (rappelons que ces lits capillaires sont l’UNIQUE source d’aliments pour les cellules de l’annulus interne et du nucleus).

L’autodestruction commence au cours des deux premières années de la vie et s’aggravent les huit années suivantes. Ils ont notamment re-levé qu’entre 3 et 10 ans, une diminution dramatique des vaisseaux de la plaque cartilagineuse se produit et qu’il y a de nombreuses zones d’oblitération avec effacement des vaisseaux, ainsi qu’une augmentation significative des cellules dégénérées du disque [1]. Ces résultats correspondaient à ceux que les scientifiques attendaient et suggéraient, à savoir que la causalité première du vieillissement et de la dégénérescence du disque était due à un état nutritionnel critique associé à une perte idiopathique de la vascularisation du disque issue des plaques vertébrales cartilagineuses.

D’autres facteurs intervenant sur la nutrition du disque via les taux de diffusion d’aliments à travers les plaques vertébrales concernent la calcification de la plaque cartilagineuse [39], les effets des changements dans le flux sanguin associés à une sténose artérielle, les diabètes, le tabagisme et l’exposition aux vibrations [40].

Cette perte progressive de protéoglycanes et la déshydratation ont alors un effet boule de neige qui ne peut être contrôlé. Il n’est pas uniquement dû à la perte progressive d’aliments mais également au fait que la pression hydrostatique diminue retardant ainsi la production de protéoglycanes par les cellules du disque [41].

C’est la raison pour laquelle on se trouve face à un réel cercle vicieux : alors que la source nutritionnelle diminue à l’intérieur du disque (du fait de l’oblitération des vaisseaux sanguins et la minéralisation tardive de la plaque cartilagineuse), les cellules du disque commencent à dégénérer.

Comme autour, il n’existe que peu de cellules discales disponibles pour fabriquer des protéoglycanes, la quantité de molécules de protéoglycanes agrégés qui circulent chute.

Cette diminution de molécule agrégée, (grâce à laquelle l’eau était conservée à l’intérieur du disque) a lieu en cas de déshydratation et de diminution de la pression hydrostatique au sein du nucleus.

La perte de pression hydrostatique a deux effets négatifs sur le disque :




– elle provoque une nouvelle diminution de la quantité circulante de molécules de protéoglycanes agrégées. Grâce aux travaux d’Handa [41], nous savons que les cellules du disque ont besoin d’un niveau hydrostatique constant de pression évalué à trois atmosphères pour fonctionner normalement. Toute augmentation ou diminution de la pression hydrostatique entraînera une réduction de la production de protéoglycanes, qui alternativement diminuera encore plus la pression hydrostatique, rendant le cercle vicieux irréversible ;


– ces changements biochimiques finissent par modifier la biomécanique du disque : avec la diminution de la pression hydrostatique, le nucleus, telle une balle qui se dégonfle, ne peut plus supporter la charge axiale totale (poids) du corps. Une modification de la répartition de la charge axiale s’opère alors, provoquant une souffrance à la périphérie du disque (annulus externe, apophyse de l’anneau fibreux et facettes) du fait de la charge et de la tension. Expérimentalement, l’annulus d’un disque dégénéré présente une tension de charge très élevée, ce qui n’est pas le cas du nucleus [42, 43]. Cette tension de la charge peut véritablement s’accélérer si le volume du nucleus est plus important, si des dommages structuraux traumatiques se produisent sur le disque ou sur la plaque cartilagineuse (fracture de compression) et/ou s’il se produit une déchirure de l’annulus interne.


Glycation non enzymatique et processus de vieillissement : glycolisation



Plus le tissu est avasculaire, plus cette réaction est importante. Étant donné que le disque constitue le plus important tissu avasculaire du corps, le processus de glycation se développe dans sa substance, entraînant une transformation lente mais néanmoins continue du collagène du disque qui devient une substance plus épaisse et plus fragile.

Cette réaction se produit notamment parmi les molécules de protéines dans le collagène et libère le glucose flottant (sucre réduit). Cette réaction est appelée modification protéinique post-translationnelle ou glycation simple.

En cas d’absence d’oxygène, les sucres réduits commencent à frotter contre les protéines dans le collagène. Les protéines, du fait du frottement, peuvent se transformer et devenir un produit extrême et avancé de glycation. Ce dernier modifie les filaments de collagène discal, qui devient plus fragile et également plus collant, ce qui signifie qu’il s’unira et formera une combinaison avec sa voisine, la glycoprotéine.

Ce phénomène rend le disque plus épais, plus fibreux et davantage susceptible de développer une maladie discale dégénérative [44, 45].

Enfin, les molécules instables d’AGE, qui produisent un autre processus biochimique pathogène appelé radical libre s’oxydent et deviennent une structure bien plus stable appelée CML (carboxyméthyl-lysine).

La formation de CML est une véritable cause de vieillissement discal [46].

Environ 10 % des êtres humains développent une lombalgie chronique résultant d’une forme accélérée de vieillissement naturel du disque certainement due à un certain degré de traumatisme.

On peut dénommer cette maladie dégénérative courante, la maladie discale dégénérative. Il est important de savoir que de nombreux médecins utilisent incorrectement le terme de maladie discale dégénérative et de vieillissement naturel du disque comme s’ils étaient permutables.


Facteurs de risque


Deux facteurs de risque importants accentuent la maladie discale dégénérative :




– le dommage structurel traumatique survenu sur l’anneau fibreux ou sur la plaque cartilagineuse vertébrale [30, 42, 47] ;


– l’hérédité et/ou la fragilité génétique est le facteur de risque le plus important de la maladie discale dégénérative [27, 28, 48].


Dommages structuraux du disque


La théorie structurelle des dommages de la maladie discale dégénérative, défendue par Bogduk et Adams [30, 42, 47], est fondée sur l’hypothèse selon laquelle toute perte soudaine de pression hydrostatique du noyau (découlant d’une fracture ou de microtraumatismes de la plaque cartilagineuse, et/ou d’une déchirure annulaire interne) provoquera une charge axiale soudaine sur le nucleus dégonflé, se dirigeant vers la partie postérieure de l’annulus et sur les facettes [30, 42, 47] (figures 6.4 et 6.5). Figure 6.4, lorsque l’annulus est solide et le nucleus bien hydraté, la répartition de la charge est uniforme sur l’ensemble de la plaque cartilagineuse [30, 42]. Les lames sont courbées vers l’extérieur car le nucleus est intensément pressurisé. Lorsqu’il y a perte de pression hydrostatique du nucleus, la plaque cartilagineuse et/ou la déchirure interne de l’annulus dégonflent le nucleus et déclenche la maladie discale dégénérative.








B9782842998394500062/f06-04-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.4
Répartition normale du poids. Quand l’annulus est solide et le nucleus bien hydraté, la répartition de la charge est uniforme sur l’ensemble de la plaque cartilagineuse [30, 42]. Les lames sont courbées vers l’extérieur car le nucleus est intensément pressurisé. Quand il y a perte de pression hydrostatique du nucleus, la plaque cartilagineuse et/ou la déchirure interne de l’annulus dégonflent le nucleus et déclenche la maladie discale dégénérative









B9782842998394500062/f06-05-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.5
Répartition anormale du poids.


La plaque supérieure est déformée sur le dessus, ce qui permet à la substance du noyau de s’échapper en traversant la plaque cartilagineuse. Le nodule de Schmorl est responsable d’une perte de hauteur du disque ou d’augmentation du volume au sein du nucleus, qui alternativement diminue la pression hydrostatique. La charge entraîne une forte augmentation de la pression à la périphérie du disque, notamment sur la partie postérieure du disque, mais est absente au centre de la plaque cartilagineuse.


La plaque cartilagineuse vertébrale : tendon d’Achille du disque


Les plaques cartilagineuses vertébrales sont le tendon d’Achille du segment discal entre deux vertèbres [30] étant facilement endommagées du fait des lésions axiales de surcharge ; par exemple, en cas de chute sur les fesses, en cas de mouvements répétés pour se lever (faiblesse due à la fatigue) [30] ou si l’on soulève un objet trop lourd.

Il a été démontré à plusieurs occasions que lorsque le segment discal est compressé expérimentalement jusqu’à sa destruction, ce sont quasiment toujours les plaques cartilagineuses qui se fracturent en premier et non le disque [49, 50].

On sait par ailleurs qu’une lésion de la plaque cartilagineuse ne doit pas être forcément significative pour qu’il y ait modification lors de la charge axiale.

Adams [30] a défini expérimentalement que seuls les « lésions compressives mineures sur une vertèbre » entraîneront « d’importantes » modifications axiales de la faculté à supporter la pression axiale, bien entendu sur l’annulus postérieur.


La pression hydrostatique anormale accélère la dégénérescence du disque


Handa [41] à l’instar d’Ishihara [51] a conclu expérimentalement que les cellules du disque possèdent une pression hydrostatique sans laquelle elles ne peuvent pas fonctionner.

Elles ont besoin d’une pression hydrostatique de trois atmosphères, ce qui correspond à la pression normale d’un disque non dégénéré. Toute variation de cette pression ou supérieure (> 30 atmosphères) ou inférieure, notamment (< 1 atmosphère) fera que le disque fonctionnera moins bien (puisque ce sont les protéoglycanes qui conservent l’eau au sein du disque).


Cercle vicieux de la maladie discale dégénérative


Quand les plaques vertébrales ou l’annulus interne « se rompent », le volume du nucleus se modifie (le nucleus a gagné de l’espace), ce qui alternativement provoque une chute immédiate et soudaine de la pression hydrostatique au sein de ce même nucleus [52]. Pour faire remonter la pression au sein du nucleus, les cellules du disque devront fabriquer plus de protéoglycanes (qui absorbera plus d’eau en augmentant la pression hydrostatique).

Malheureusement, les cellules discales de l’être humain cessent de fonctionner répondant à la diminution de la pression hydrostatique (< 1 atmosphère) [41, 51]. Aggravant la situation, la diminution de protéoglycanes augmente encore plus la chute de pression hydrostatique qui détruit encore plus les cellules, ce qui déclenche un cercle vicieux. Hérédité et fragilité génétique sont les facteurs de risque numéro 1 de la maladie discale dégénérative [27].

Il existe trois domaines d’étude consacré à la dégénérescence du disque : des études abordant l’hérédité familiale, des études génétiques non spécifiques abordant le cas des jumeaux et des études spécifiques abordant le gène responsable.


Facteurs de risque familial


Deux études indiquent qu’il existe des gènes concernant la maladie discale dégénérative qui supposent un facteur de risque élevé, pouvant être à l’origine du développement de cette maladie et de ses phases aiguës (hernie discale) et être transmis aux descendants concernés. En 1998, Matsui [53] a démontré que la dégénérescence sévère du disque peut être associée à des antécédents familiaux, à savoir des disques qui ont subi un acte chirurgical. Cette étude a évalué deux groupes de patients (par sexe et par âge) souffrant de douleur lombaire et/ou de douleur unilatérale de la jambe. Dans le premier groupe (groupe d’étude) tous les membres rapprochés d’une même famille (premier niveau) avaient subi au préalable une intervention chirurgicale lombaire du disque. Le second groupe (groupe témoin) dont aucun membre rapproché n’appartenait à la même famille, n’avait pas subi d’intervention chirurgicale du disque. Ces deux groupes révélaient une douleur lombaire présentant le même niveau et la même durée.


Hérédité et déficience génétique : le facteur de risque numéro 1 de la maladie discale dégénérative



Facteurs de risque familial


Il y a deux études indiquant qu’il existe des gènes concernant la maladie discale dégénérative, qui supposent un facteur élevé du risque perceptible de développer cette maladie et ses phases extrêmes (hernie discal) pouvant être transmis aux descendants concernés.

En 1998, Matsui [54] a démontré que la dégénérescence sévère du disque peut être rattachée à des antécédents familiaux en termes de chirurgie du disque. Cette étude a évalué deux groupes de patients (par genre et âge) souffrant de douleur lombaire et/ou de douleur unilatérale de la jambe. Dans le premier groupe (groupe d’étude) tous les membres proches d’une même famille (premier niveau) avaient subi au préalable une intervention chirurgicale lombaire du disque. Le second groupe (groupe contrôle) dont aucun membre proche ne faisait partie d’une même famille n’avait subi d’intervention chirurgicale du disque. Ces deux groupes représentaient le même niveau et la même durée en matière de douleur lombaire. Une IRM fut réalisée sur l’ensemble des membres de ces deux groupes. La dégénérescence modérée et sévère du disque à l’IRM avait plus d’incidence sur le groupe d’étude que sur le groupe témoin. Il y avait notamment environ 50 % de probabilités de développer une dégénérescence discale sévère chez les parents proches des patients ayant subi une intervention chirurgicale du disque. Matsui en conclut « qu’il peut s’agir, dans ce cas, d’un facteur génétique et d’une prédisposition héréditaire à développer une hernie discale lombaire pouvant se traduire par une dégénérescence discale ».

D’autres études ont montré des résultats équivalents [55, 56] à ceux de Matsui. Ce chiffre de 50 % d’augmentation de probabilités de développer une maladie discale dégénérative a également été repris dans l’étude de Kellgren [57], où il a été constaté que les proches parents (première génération) étaient deux fois (50 %) plus exposés que la population témoin à une ostéoarthrose généralisée affectant plusieurs articulations du corps.



Mutations génétiques et maladie discale dégénérative



Il semble que certaines déficiences génétiques peuvent exister dans l’environnement du collagène du disque et/ou des influences génétiques dans la vascularisation et le métabolisme du disque [57].

Il peut également y avoir une sensibilité génétique pouvant conduire indirectement à une maladie discale dégénérative comme des disques génétiquement plus petits, un tronc plus lourd ou des leviers internes de petite taille.

Ces derniers facteurs peuvent affaiblir le disqueet provoquer la maladie discale dégénérative. On a récemment découvert des mutations génétiques qui ont également lieu dans la structure du disque.

Voici certaines de ces mutations : deux mutations (polymorphismes) ont été constatées dans des gènes qui produisent le collagène discal (type IX du collagène). Ces mutations génétiques ont été intitulées COL9A2 et COL9A3. Même si ce type de mutation s’avère assez peu fréquente, lorsqu’elle a lieu, l’association avec la dégénérescence discale et la sciatique est extrêmement importante [59, 60]. Une autre mutation de gènes a été associée à la molécule protéoglycane agrégée du disque [61, 62]

Il faut rappeler qu’elles attirent et conservent l’eau au sein du disque et que le disque possède ainsi une pression hydrostatique élevée. Cette mutation dévastatrice particulière du gène produit des molécules de protéoglycane qui n’absorbent pas l’eau.

Ce gène provoque, en dernier ressort, une déshydratation sévère du disque augmentant considérablement les probabilités de présenter une maladie discale dégénérative et une hernie discale [61, 62].

Récemment, une mutation au sein du gène récepteur de la vitamine D a été associée à la maladie discale dégénérative bien que le mécanisme ne soit pas encore clair [6367].

D’autres mutations génétiques ont été rattachées à la protrusion discale, la déchirure annulaire et l’ostéphytose [65, 68].

Il est fort possible qu’à l’avenir, une analyse de sang soit à même de nous prévenir des risques de développer une maladie discale dégénérative et ses étapes finales. Cela pourrait nous aider à choisir une orientation professionnelle qui soit en adéquation avec la résistance des disques et pouvant aider à prévenir une éventuelle et catastrophique maladie discale dégénérative (figure 6.6).








B9782842998394500062/f06-06-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.6
Résumé de la physiopathologie discale.






NOTE : Une équipe de chercheurs japonais, issus du Laboratoire des Maladies Articulaires et osseuses de Tokyo s’est attelé à approfondir le sujet. Après avoir évalué un millier de personnes (460 avec hernie discale), ils ont identifié une protéine qui joue un rôle dans ce problème. La présence de cette substance (qui est dénommée CILP et qui est située dans le nucléus pulpeux, la partie centrale et cartilagineuse des disques intervertébraux) augmentait chez les individus ayant une hernie discale au fur et à mesure que la dégénérescence du disque progressait. Une analyse génétique des participants a permis de mettre en évidence le gène responsable : une mutation génétique (1184C) chargée de codifier cette protéine. Presque la moitié (196 patients) des volontaires ayant une hernie discale présentaient ce polymorphisme. Il semblerait que la protéine interfère dans l’activité normale d’un facteur de croissance majeur concernant le métabolisme des disques intervertébraux. Le TGF-béta est un facteur de croissance critique des disques intervertébraux qui aide le disque lombaire à se régénérer. La CILP est un puissant inhibiteur de TGF-béta, faisant que la protéine empêche la régénérescence du disque lombaire selon les explications fournies par Shiro Ikegawa, l’un des auteurs de l’étude. Ainsi, selon les chercheurs « cela entraînerait une susceptibilité à la hernie discale due à une réponse inadéquate des cellules du disque intervertébral, aux lésions et à la tension mécanique ».

« Cette étude met en évidence l’importance du TGF-béta sur le développement et la conservation du tissu conjonctif humain et souligne le rapport entre les facteurs de croissance, les protéines ECM et les maladies des tissus conjonctifs », concluent Ikegawa et son équipe, ils estiment, en effet, que les agents qui agissent sur ce système « peuvent constituer une nouvelle stratégie thérapeutique pour la hernie discale ».


Autres facteurs de risque de maladie discale dégénérative



Activité


En 2000, Luoma [69] a mené une excellente étude concernant le rapport entre la maladie discale dégénérative, la douleur et l’activité exercée. Il a estimé que le type d’activité était étroitement lié à la douleur lombaire et à la sciatique, alors que la maladie discale dégénérative avait uniquement été associée à des douleurs.

L’étude concernait un groupe de 50 à 60 personnes, soit des ouvriers travaillant dans le bâtiment (soulevant des matériaux très lourds), soit des techniciens d’équipements lourds (vibration et position assise prolongée), soit des employés de bureau (position assise prolongée avec support d’éclairage) qui furent suivis pendant quatre ans au moyen d’entretiens et questionnaires. À la fin de ces quatre années, une IRM, un entretien et un questionnaire final ont été réalisés pour chaque participant. La dernière année et sur les quatre années passées, les techniciens des équipements lourds eurent environ pour 50 % plus de sciatique (non spécifique) que les ouvriers du bâtiment, et pour 66 % plus de sciatique que les employés de bureau. Les employés de bureau étaient de pour 25 à 30 % moins sujets à des douleurs lombaires sur des périodes de quatre ans.


La maladie discale dégénérative (définie comme une protrusion du disque avec un nucleus noir à l’IRM en T2) ne fut pas fortement associée à la douleur lombaire et à la sciatique contrairement à l’activité exercée.


Tabagisme


Fumer lorsque l’on souffre d’une lésion discale n’est pas une bonne idée. En 1991, Battie [28] a découvert qu’en fumant, la dégénérescence augmente dans le disque (tous les disques sont concernés) de presque 20 %. L’étude qu’il a réalisé se fondait sur des couples de jumeaux discordants (l’un des jumeaux fumait et l’autre pas).

On en a déduit que fumer endommageait les lits capillaires déjà déficients (réduisant la source de nutriment dans le disque tout en le déshydratant) dans les plaques cartilagineuses vertébrales.


Étapes finales hyperalgiques de la maladie discale dégénérative


Comme mentionné, ce ne sont pas les étapes initiales de la maladie discale dégénérative qui sont douloureuses. La douleur commence quand le disque intervertébral se déchire et se désorganise.


Destruction discale interne et hernie discale


Nous savons que le tiers externe du disque intervertébral et du tissu péri-annulaire est rempli de récepteurs de douleur et de fibres transmettant la douleur.

Du fait du cercle vicieux de la maladie discale dégénérative, les fissures de l’annulus sont couramment dues au vieillissement naturel du disque, elles se rejoignent à l’intérieur pour former de grandes structures à projection extérieure dénommées déchirures annulaires radiales (fissures radiales, rupture interne du disque ou maladie discale dégénérative).

Avec le temps et à cause d’un traumatisme axial continu, ces déchirures peuvent déshydrater totalement le disque et permettre à la substance du noyau de se déplacer vers les régions externes sensibles à la douleur. C’est ce qui peut arriver en cas de douleur lombaire discogénique.

Les hernies discales naissent quand les couches finales de l’annulus se fissurent en permettant à la substance du noyau de passer derrière le ligament longitudinal postérieur (ce qui est généralement appelé hernie sous-ligamentaire ou protrusion) ou extrusion dans l’espace péridural (alors dénommée hernie non contenue) et en comprimant les racines postérieures sensibles, le sac dural, le ganglion spinal de la racine. Le patient peut développer une vraie douleur radiculaire (vraie sciatique) qui est souvent pire que la douleur lombaire basse.


Compression nerveuse


Il a été prouvé qu’un disque malade peut provoquer une douleur à partir son propre tissu profond [7073]. Pendant des années, on a enseigné que l’annulus et le nucleus étaient totalement avasculaires et non innervés et que seules les couches postérieures les plus externes et l’annulus antérolatéral contenaient des fibres nerveuses. Il est évident que les fibres qui transmettent la douleur peuvent croître à l’intérieur et au plus profond de l’annulus et même au centre du nucleus.

Cette croissance des nerfs a été constatée non seulement sur des disques dégénérés mais elle a également et récemment été associée à la douleur lombaire discogénique. En 1997, Freemont [72] a eu accès aux disques de 30 patients, lesquels avaient été extirpés lors d’un acte chirurgical (fusion) à cause d’une douleur lombaire discogénique chronique. Tous ces disques avaient été testés positifs en ce qui concerne la douleur antérieure à l’acte chirurgical et indiquaient que le disque était la cause la plus probable de la douleur lombaire chez ces patients (douleur discogénique). Les disques extraits furent alors étudiés au microscope et comparés avec des disques frais provenant de cadavres qui n’avaient aucun antécédent lombaire. Sur 77 % des patients présentant un discogramme positif, on a constaté un taux élevé de fibres nerveuses sur le tiers moyen de l’anneau fibreux ; uniquement 6 % des disques normaux du groupe témoin. Ces fibres nerveuses semblaient être non seulement des fibres qui transmettent la douleur mais également associées à la libération de la substance P (qui est un transmetteur nerveux impliqué dans la transmission de la douleur). C’est une preuve assez déterminante qui indique que la douleur discogénique est reliée à ces nerfs, à l’instar des déchirures annulaires.


Sténose résultant de la maladie discale dégénérative



Elle est provoquée par des changements de charge axiale du nucleus sur les éléments postérieurs du disque. Ce changement sur les structures externes du disque affecte non seulement l’annulus mais également les facettes, notamment quand le disque commence à perdre de la hauteur [42, 75]. L’os humain, comme c’est le cas au niveau des facettes, répond à la pression mécanique en fabricant plus d’os dans les zones de pression plus élevée. Cet épaississement de l’os est dénommé ostéophytose.

La pression qui provoque l’ostéophytose est bénéfique étant donné qu’elle rend l’os plus solide et moins sujet aux fractures. Malheureusement, les facettes forment la paroi postérieure d’un tunnel osseux appelé trou de conjugaison dans lequel résident les fines et sensibles racines spinales du nerf. Si les facettes présentent trop d’hypertrophie et ce dans une direction incorrecte, il y aura sténose foraminale. Les nerfs spinaux sensibles seront comprimés par la facette ostéophytose, ce qui provoque la douleur lombaire, la douleur du membre inférieur, une faiblesse du membre inférieur et une claudication intermittente (douleur dans les membres inférieurs qui apparaît après avoir marché un certain temps).

Ce syndrome d’ostéophytose facettaire dans le trou de conjugaison est appelé sténose foraminale (plus exactement, sténose latérale), est une pathologie importante chez les personnes âgées et un dérèglement vertébral qui handicape un grand nombre de personnes d’environ 65 ans [74].

L’hypertrophie osseuse peut également se situer sur l’apophyse postérieure de l’annulus et si elle est sévère, elle peut comprimer la partie antérieure de la queue de cheval. Ce type de sténose s’appelle sténose centrale et peut également provoquer des douleurs, des atteintes motrices et des dysfonctionnements de l’intestin et de la vessie (syndrome de la queue de cheval).

Les chercheurs travaillent en vain sur toutes les possibilités pouvant rajeunir le tissu discal abîmé, une thérapie basée sur des moyens biologiques et une thérapie génique [7679]. Boos [1] insinue également que cette direction d’investigation est condamnée, car les chercheurs concentrent leurs efforts sur les manières « d’aborder les réactions inflammatoires discales (qui semblent déclencher véritablement l’inflammation et de la douleur lombaire et de la jambe) au niveau moléculaire plutôt que de viser la réparation du tissu discal ».


Déchirures radiales annulaires (fissures radiales)


Une déchirure annulaire radiale concerne l’ensemble des déchirures annulaires, elle commence au milieu du disque (nucleus pulposus) et évolue en prenant une direction extérieure ou radiale (figure 6.7).








B9782842998394500062/f06-07-9782842998394.jpg is missing
Figure 6.7
Grande et complète déchirure radiale qui s’étend à travers l’annulus postérieur. Cette déchirure particulière serait appelée déchirure radiale de niveau 3 ou 4 (ce qui signifie que la déchirure s’est totalement étendue à travers les couches de l’annulus sans que la partie postérieure du disque se soit fissurée). Conformément au discogramme qui sert de modèle de référence lorsqu’il s’agit de décrire ce genre de déchirures.


Les déchirures annulaires radiales sont associées à la dégénérescence du disque et sont souvent une conséquence du phénomène naturel de vieillissement subi par l’ensemble des disques ; on considère qu’il y a eu un traumatisme avant la dégénérescence du disque.

La formation de fissures correspond aux fissures survenues dans un nucleus dégénéré, ce sont les précurseurs de la formation d’une déchirure radiale. Avec le temps et/ou un traumatisme, ces fissures à partir du nucleus évolueront vers l’extérieur dans un sens oblique ou parallèle.

Les déchirures radiales surviennent généralement postérieurement, sur le disque L4 et L5 et sur le disque L5. D’ailleurs la partie postérieure du disque L5 montre un taux élevé d’apparition de plus de 50 % pour les déchirures radiales par rapport aux cinq autres niveaux lombaires [80]. De temps en temps, les déchirures radiales s’accompagnent d’une lésion de l’annulus périphérique préexistant ou d’une déchirure concentrique à la périphérie. Cette lésion correspond souvent à une zone d’intensité élevée à l’IRM, ce qui est le moyen le moins invasif de diagnostiquer une déchirure annulaire (figure 6.8).

Only gold members can continue reading. Log In or Register to continue

Stay updated, free articles. Join our Telegram channel

Jun 24, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 6. Maladie discale dégénérative

Full access? Get Clinical Tree

Get Clinical Tree app for offline access