Chapitre 6 Imagerie ostéo-articulaire
Techniques d’imagerie
Radiographie
• l’exploration radiologique permet dans bien des cas de faire le diagnostic et de décider de la thérapeutique, sans autre besoin d’imagerie ;
• la confrontation avec les radiographies facilite l’interprétation des autres techniques d’imagerie, en particulier l’IRM ou l’échographie ;
• la surveillance ultérieure d’une pathologie articulaire ou osseuse se fera vraisemblablement au moyen de radiographies : il est donc nécessaire de disposer de clichés de référence réalisés au moment du diagnostic.
Scanner
Les principales indications du scanner sont à l’heure actuelle :
• de préciser une lésion radiologique, par exemple en cas de suspicion de sacro-iliite rhumatismale sur une radiographie du bassin ;
• de chercher une lésion osseuse infraradiologique, par exemple dans un contexte traumatique ;
• de fournir des renseignements complémentaires de la radiographie standard dans les fractures complexes (calcanéum, extrémité supérieure de l’humérus, bassin, rachis) ;
• de mieux comprendre une image IRM douteuse ;
• à l’étage rachidien, d’explorer une radiculalgie à la recherche d’un conflit disco- ou ostéoradiculaire et d’évaluer une sténose canalaire.
L’arthroscanner consiste à injecter lors d’une ponction percutanée un produit opaque iodé au sein d’une cavité articulaire, puis à effectuer un scanner avec des reconstructions multiplanaires. Cette technique permet une analyse très précise de certaines lésions tendineuses, ligamentaires ou cartilagineuses, mais il s’agit d’un examen invasif (risque septique de la ponction articulaire) généralement prescrit par l’orthopédiste dans le cadre d’un bilan préchirurgical.
Imagerie par résonance magnétique
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est la technique de choix pour l’exploration de la moelle osseuse et des parties molles : muscles, tendons, ligaments, fibrocartilages (encadré 6.1). Ses indications sont de plus en plus larges : exploration des tumeurs et infections osseuses, diagnostic précoce des rhumatismes inflammatoires, bilan des lésions ligamentaires et tendineuses, notamment au genou (fig. 6.1) ou à l’épaule, recherche de conflit discoradiculaire, etc. Cependant, son coût et la faible disponibilité des appareils en France doivent faire réserver son utilisation à certaines indications bien précises pour éviter les prescriptions inutiles ou abusives.
Encadré 6.1 Sémiologie élémentaire en IRM ostéo-articulaire
• On utilise des séquences en pondération T1, T2, densité protonique avec ou sans suppression du signal de la graisse.
• La moelle osseuse est constituée essentiellement de graisse. Celle-ci est en hypersignal sur les séquences pondérées T1 et T2, alors qu’elle apparaît en hyposignal sur les séquences comportant une suppression de la graisse.
• Les corticales osseuses, les fibrocartilages et les tendons sont en hyposignal très marqué quelle que soit la pondération.
• Les muscles et les cartilages de recouvrement ont un signal intermédiaire.
• Les structures liquides (liquide céphalorachidien, épanchement articulaire, kystes) sont en franc hyposignal T1 et en hypersignal sur les séquences T2. L’intérêt des séquences avec suppression de graisse est d’améliorer le contraste entre l’os normal (de signal graisseux, donc en hyposignal) et la plupart des lésions osseuses pathologiques, quelle que soit leur nature, qui comportent une composante en hypersignal.
• L’injection de chélate de gadolinium est utilisée pour évaluer la vascularisation d’une lésion.
Échographie
L’échographie musculosquelettique est actuellement en pleine expansion. Grâce aux progrès technologiques réalisés au cours de la dernière décennie, les balbutiements des premiers temps ont laissé place à une technique bien codifiée et une sémiologie de plus en plus précise dont la fiabilité progresse rapidement. Cependant, l’apprentissage de la technique est relativement long et les performances diagnostiques varient avec l’expérience de l’opérateur. Néanmoins, certains cliniciens ont du mal à faire confiance à une image échographique, sur laquelle ils ont plus de difficultés à retrouver les anomalies décrites que sur une image scanner ou IRM. L’échographie est une méthode simple et peu onéreuse pour le diagnostic de la plupart des pathologies tendineuses et ligamentaires, ainsi que celui des lésions musculaires focales. Elle est d’autant plus performante que la structure explorée est superficielle. Par exemple, la micro-architecture fibrillaire d’un tendon superficiel est bien mieux analysée en échographie qu’en IRM où le tendon apparaît avec un signal hypo-intense et homogène. La confrontation aux radiographies standard est très souvent nécessaire à une interprétation correcte des images. On utilise habituellement une sonde linéaire dont la fréquence varie entre 7 et 15 MHz.
Rachis
Traumatismes du rachis
Tout patient traumatisé est considéré a priori comme porteur d’une lésion rachidienne jusqu’à preuve du contraire. En pratique, l’analyse des circonstances de l’accident et un examen clinique rapide permettent de suivre des règles de prescription relativement simples.
Traumatismes du rachis cervical
Deux études, américaine (NEXUS – National Emergency X-Radiography Utilisation Study) et canadienne (CCSR – Canadian Cervical Spine Rule), ont établi les règles de prescription exposées ci-après.
• absence de signe d’intoxication (alcool ou drogue) ;
• absence de douleur à la palpation de la ligne médiane rachidienne postérieure ;
• absence de déficit neurologique ;
• absence de blessure distrayante empêchant le patient de ressentir la douleur liée à une éventuelle lésion rachidienne.
Selon les critères CCSR, il faut réaliser des radiographies dans les circonstances suivantes :
• mécanisme traumatique à haut risque (chute de plus d’un mètre de hauteur, AVP – accident de la voie publique – > 100 km/h, éjection du véhicule, tonneaux, collision avec véhicule lourd, etc.) ;
• apparition de cervicalgies immédiatement après le traumatisme ;
• position assise impossible dans la salle d’attente ;
• paresthésies des extrémités ;
• douleur à la palpation de la ligne médiane postérieure ;
• impossibilité de rotation active de la tête de 45° à droite et à gauche.
Que faut-il rechercher sur les clichés simples ?
• Cliché de face bouche ouverte :
Quand faut-il réaliser un scanner ?
D’emblée chez les patients présentant un risque élevé de lésion du rachis cervical :
• AVP à grande vitesse (> 50 km/h) ;
• décès d’un tiers sur les lieux de l’accident ;
• traumatisme crânien important (cela sous-entend que lorsque le scanner cérébral révèle une lésion hémorragique intra- ou péricérébrale dans un contexte traumatique, il faut compléter l’examen par une exploration du rachis cervical) ;
• déficit neurologique en relation avec le rachis cervical ;
Un scanner est également indiqué en complément des clichés standard en cas d’anomalie ou lorsque la jonction cervicothoracique est mal dégagée, y compris par les clichés de trois quarts (fig. 6.4) (« Sur le vif » 6.1).
Sur le vif 6.1 Traumatisme cervical
Un patient de 53 ans se présente aux urgences pour un traumatisme cervical à la suite d’une chute de vélo. Il se plaint d’une cervicalgie et de paresthésies dans l’avant-bras et la main gauches. Les radiographies standard sont considérées comme normales et le patient regagne son domicile avec un collier cervical et une prescription d’antalgiques. Trois jours plus tard, il est revu en consultation d’orthopédie ; devant la persistance des paresthésies, les radiographies standard sont analysées à nouveau, puis complétées par un scanner (fig. 6.5) ; ce bilan montre une lésion rotatoire avec fracture uniarticulaire postérieure. (fig. 6.5).
Traumatismes du rachis thoracolombaire
Comme pour le rachis cervical, il existe des règles de prescription qui recommandent la réalisation de clichés de face et de profil du rachis thoracolombaire en contexte traumatique :
• chute d’une hauteur supérieure à 3 m ;
• AVP à grande vitesse > 80 km ;
• dorsolombalgie post-traumatique ;
L’IRM est rarement indiquée (déficit neurologique non expliqué par le couple radiographie/scanner).
Selon la classification de Magerl, on décrit trois types de fracture, de mécanisme différent et de gravité croissante :
• type A ou fractures par compression (fig. 6.6) : elles comportent une atteinte corporéale et discale, et respectent les arcs postérieurs. Le mur postérieur peut être atteint, avec recul intracanalaire d’un fragment rétropulsé ;
• type B ou fractures par distraction (fig. 6.7) : il peut s’agir d’un mécanisme d’hyperflexion ou d’hyperextension, se traduisant respectivement par un élargissement de la distance interépineuse ou un bâillement discal. Ce sont des lésions instables car elles associent une atteinte corporéodiscale et une interruption de la continuité transversale du système ostéoligamentaire postérieur ;
• type C ou fractures en rotation (fig. 6.8) : ce mécanisme de rotation axiale est suspecté devant un défaut d’alignement des épineuses de face ou une fracture-luxation unilatérale articulaire postérieure.
Lésions dégénératives rachidiennes
La rachialgie est un symptôme extrêmement banal dont la cause la plus fréquente est une atteinte dégénérative ou un trouble fonctionnel musculoligamentaire. On parle alors de rachialgie commune. Plus rarement, il s’agit d’une rachialgie symptomatique d’une fracture ou d’une affection inflammatoire, infectieuse ou tumorale. La prescription des examens d’imagerie obéit à des règles précises, afin de reconnaître les rachialgies symptomatiques et d’éviter les explorations inutiles (encadré 6.2).
Encadré 6.2 Quand suspecter une rachialgie ou une radiculalgie symptomatique et comment l’explorer ?
Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) (Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgie chronique, 2000), « L’évaluation initiale du patient vise à identifier les lombalgies dites symptomatiques avec :
• en faveur d’une fracture : une notion de traumatisme ou d’ostéoporose, une prise de corticoïdes, un âge supérieur à 60 ans ;
• en faveur d’une néoplasie : un âge supérieur à 50 ans, une perte de poids inexpliquée, un antécédent tumoral ou un échec du traitement symptomatique ;
• en faveur d’une infection : une fièvre, une douleur à recrudescence nocturne, un contexte d’immunodépression, d’infection urinaire, de prise de drogue intraveineuse, de prise prolongée de corticoïdes ;
• en faveur d’une pathologie inflammatoire : début progressif avant l’âge de 40 ans, forte raideur matinale, atteinte des articulations périphériques, iritis, signes d’appel cutanés, colite, écoulement urétral, antécédent familial de spondylarthropathie. »
Lésions dégénératives du rachis cervical
L’atteinte dégénérative du rachis cervical est très fréquente : elle atteint plus de la moitié des sujets âgés de plus de 50 ans et sa fréquence augmente avec l’âge. Elle n’a aucune traduction clinique dans la grande majorité des cas, et seul un faible pourcentage de patients atteints de cervicarthrose développera une symptomatologie. Il faut donc être prudent et ne pas imputer les troubles du patient aux anomalies radiologiques, surtout lorsqu’il s’agit d’une cervicalgie isolée. C’est pourquoi il n’y a pas lieu de réaliser des radiographies au cours des premières semaines d’évolution, car elles ne permettront pas d’élucider la cause de la douleur. Si la cervicalgie persiste après 4 semaines de traitement médical, les radiographies de face, de profil et de trois quarts peuvent être réalisées (encadré 6.3). Lorsqu’elles ne montrent que des signes d’arthrose, aucune autre exploration n’est nécessaire à ce stade.
Encadré 6.3 Sémiologie radiologique de la cervicarthrose (fig. 6.9)
• Effacement de la lordose physiologique remplacée par une raideur globale.
• Pincement discal (les disques les plus fréquemment atteints sont C5-C6 et C6-C7).
• Ostéophytes des plateaux vertébraux et des articulations uncovertébrales.
• Arthropathies dégénératives des articulations zygapophysaires.