6 Fractures du col du fémur : réduction et ostéosynthèse
Définition de la lésion
Les fractures de l’extrémité proximale du fémur sont classées habituellement en : (1) fractures de la tête fémorale, (2) fractures du col fémoral et (3) fractures du massif trochantérien (incluant les fractures de la région subtrochantérienne).
Garden et al. ont publié en 1961 une étude portant sur les fractures du fémur proximal. Ils définissaient les fractures cervicales fémorales comme des fractures subcapitales. Elles étaient classées en fonction de l’orientation de la ligne de fracture par rapport aux travées osseuses de la tête fémorale et de la région trochantérienne1. Pour ces auteurs, il était important de faire la différence entre les fractures possédant elles-mêmes un caractère de stabilité et celles considérées comme instables 1,2. En tenant compte de la position et du déplacement du fragment, Garden et al. ont montré que les fractures instables étaient plus à risque de léser la vascularisation de la tête fémorale et d’entraîner ainsi une nécrose aseptique.
Classification
Il existe plusieurs classifications permettant de comprendre les fractures du col fémoral et de les relier à des facteurs pronostiques de nécrose aseptique, de pseudarthrose, de stabilité. Les classifications les plus connues sont celle de Garden (1964) et celle de Pauwels (1935)3,4.
Rappel historique
De nombreux auteurs ont classé les fractures du col fémoral en fonction du pronostic lié à cette fracture. La première classification des fractures du col du fémur a été publiée en 1823 par Cooper, qui divisait ces lésions en fractures intracapsulaires et fractures extracapsulaires5. Waldenström en 1924 et Cotton en 1927 ont classé ces fractures en fonction de leur déplacement ; la fracture était soit en abduction, soit en adduction6,7. En 1955, Watson-Jones a développé une classification fondée sur l’âge du patient. Il concluait qu’un type fracturaire se retrouvait en fonction d’un groupe d’âge donné8. Des systèmes de classification raisonnés et durables ont finalement été mis au point par Pauwels en 1935, Linton en 1941 et Garden en 19613,4,9,10.
Classification de Garden
En 1964, Garden et al. ont créé une classification des fractures du col du fémur divisée en quatre types fracturaires (de Garden I à Garden IV). La classification dépend de la position et du déplacement de la tête fémorale sur une radiographie de face (fig. 6-1). Dans leur système, le type I inclut des fractures incomplètes passant par le col du fémur avec un fragment proximal en valgus. Le type II comprend des fractures complètes passant par le col du fémur mais sans déplacement entre les fragments proximaux et distaux. Le type III inclut des fractures complètes passant par le col fémoral avec un déplacement en varus du fragment proximal intéressant moins de 50 % du diamètre du col du fémur. Le type IV comprend des fractures en déplacement en varus de plus de 50 % du col fémoral ou une dissociation complète des fragments proximaux et distaux.
Cette classification renseigne sur la probabilité de développer une nécrose aseptique de la tête fémorale. Les patients avec une fracture de type I ont une probabilité de nécrose inférieure à 5 %. Dans les types II, cette complication est inférieure à 10 %. Cependant, la probabilité de nécrose aseptique est supérieure à 50 % dans les fractures de type III et supérieure à 80 % dans les fractures de type IV. La classification de Garden reste la plus importante et la plus communément utilisée pour classer les fractures fémorales et déterminer ainsi les stratégies de traitement de ces lésions.
Classification de Pauwels
En 1935, Pauwels a publié un système de classification des fractures du col fémoral incluant trois types (de Pauwels I à Pauwels III). Ces fractures sont divisées en fonction de l’angle réalisé entre la fracture et la ligne horizontale sur une radiographie de face (fig. 6-2). Dans cette classification, les fractures de type I présentent un angle inférieur à 30° entre la ligne fracturaire et l’horizontale ; celles de type II ont un angle fracturaire compris entre 30 et 70° ; et celles de type III ont un angle de fracture supérieur à 70°.
Cette classification a un intérêt pronostique fondé sur le risque de pseudarthrose de la fracture en fonction de l’importance de la verticalité de la fracture. Les fractures de type I (de 0 à 30°) sont associées à un risque théorique de pseudarthrose inférieur à 5 %, les fractures de type II (de 30 à 70°) ont moins de 10 % de probabilité de pseudarthrose, et les fractures de type III (> 70°) ont un taux de pseudarthrose supérieur à 25 %.
Classification de l’AO
L’AO (Arbeitsgemeinschaft für Osteosynthesefragen, Suisse, 1958) a développé un système de classification simplifié des fractures du col du fémur, divisées en trois sous-types (de 31 B1 à 31 B3). Cette classification est déterminée par la gravité de la lésion en fonction de la complexité de la fracture, de la difficulté de traitement et du pronostic. Ces fractures sont finalement classées en fonction du site fracturaire (subcapital ou transcervical), en tenant compte de l’impaction et du déplacement de la tête fémorale. Dans le sous-type 1, la fracture est subcapitale avec une impaction et un faible déplacement ; le sous-type 2 intéresse les fractures transcervicales ; et le sous-type 3 inclut les fractures subcapitales et les fractures à grand déplacement sans impaction (fig. 6-3).
Classification de Linton
En 1941, Linton a présenté sa classification qui incluait trois types de fractures du col fémoral en fonction de l’angulation entre les travées médianes du col fémoral et les travées de la corticale médiale du fémur. L’angle normal sur la radiographie de face est de 160° (fig. 6-4). Linton considérait de plus le déplacement de l’axe central de la tête fémorale par rapport à l’axe central du col sur une vue radiographique de face, cet angle étant habituellement représenté par une ligne droite de 180°. Au final, les fractures sont divisées selon les catégories suivantes : (1) les fractures en adduction, avec un déplacement en varus et un angle entre l’axe fémoral médian et les travées de la corticale médiale du fémur inférieur à 160° ; (2) les fractures en abduction, avec un déplacement en valgus et un axe cervical médian parallèle aux travées de la corticale médiale du fémur ; et (3) les fractures intermédiaires, qui correspondent à un déplacement à mi-chemin entre les fractures en adduction et les fractures en abduction.
Diagnostic
Un examen clinique approfondi ainsi que des radiographies complémentaires sont demandés pour effectuer un diagnostic précis de fracture du col fémoral. Les signes cliniques caractéristiques de patients atteints de fracture du col fémoral sont : un raccourcissement et une rotation externe du membre lésé, une douleur à la mobilisation active et passive, et une incapacité de marcher ou de poser le pied par terre.
Bien que ces signes soient visibles chez la majorité des patients atteints d’une fracture du col fémoral, cette présentation clinique n’est pas toujours retrouvée. Ainsi, en cas de patient présentant une fracture incomplète en abduction, avec une impaction en valgus, ou une fracture de fatigue non déplacée, la présentation clinique peut être fruste, voire absente. L’interrogatoire et le recueil des antécédents doivent être complets. Il s’agit de rechercher les antécédents médicaux du patient qui pourraient orienter vers une fracture de type pathologique ou une fracture secondaire à une irradiation.
Radiographie conventionnelle
En cas de suspicion d’une fracture du col fémoral, on réalise trois incidences radiographiques standard : (1) une radiographie du bassin de face, (2) une radiographie de la hanche de face, et (3) un cliché de profil de la hanche lésée (cliché de Lauenstein). Ces trois clichés standard sont généralement suffisants pour permettre le diagnostic du type de fracture, estimer la stabilité de la fracture, en déduire les facteurs pronostiques et déterminer les stratégies individuelles de prise en charge thérapeutique de ces lésions. Chez les patients pour lesquels une fracture est difficile à mettre en évidence, il faut rechercher des changements des lignes trabéculaires et parfois recourir à des examens d’imagerie complémentaires. En cas de fracture pathologique, les métastases apparaissent sous la forme de plages d’ostéolyse ou d’ostéosclérose, habituellement visibles quand 30 à 50 % de l’os ont été résorbés.
Imagerie complémentaire
Quand on a une forte suspicion clinique d’une fracture du col fémoral mais que celle-ci n’est pas visible sur les radiographies standard, on peut avoir recours à une imagerie complémentaire. Il s’agit dans la plupart des cas d’une tomodensitométrie (TDM) du bassin, avec reconstruction 3D ; cet examen permet d’obtenir un diagnostic définitif. En cas de diagnostic retardé (15 % des patients), on observe une augmentation de la morbidité ; c’est pourquoi, chez les patients présentant une forte suspicion clinique de fracture du col fémoral mais avec des radiographies standard douteuses, la réalisation d’une TDM du bassin doit être considérée comme obligatoire.
D’autres examens comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la scintigraphie osseuse du bassin ou de la hanche lésée ne sont pas réalisés en première intention ; ils sont réservés à des cas particuliers. Ces deux méthodes sont des examens de routine utilisés dans la recherche de métastases ou d’autres pathologies en rapport avec une fragilité osseuse.
Options thérapeutiques
L’option thérapeutique de choix pour la prise en charge des fractures du col fémoral reste controversée. Son but est de restaurer la fonction de la hanche et de permettre au patient de retrouver une mobilisation rapide et précoce, de diminuer le risque de complications médicales et d’améliorer ses suites.
Les facteurs à prendre en considération dans la prise en charge de ces fractures du col du fémur sont : le type de fracture (en particulier si la fracture est déplacée ou non), l’âge chronologique et physiologique du patient, l’espérance de vie, son état de santé général, son niveau d’activité, sa qualité osseuse et ses comorbidités médicales. Les traitements chirurgicaux sont devenus le traitement de choix de la plupart des fractures du col fémoral, car ils ont permis une mobilisation précoce des patients, tout en diminuant les complications de décubitus. Il n’existe pas, cependant, de consensus clair sur le type de traitement, notamment chez les patients âgés. La décision de réaliser une ostéosynthèse, une hémiarthroplastie uni- ou bipolaire, ou une prothèse totale de hanche (PTH) est fondée sur l’état cognitif du patient, son âge, son mode de vie, son degré d’indépendance et d’activité, et sa qualité osseuse et articulaire.
Traitement conservateur
Le traitement conservateur des fractures intracapsulaires est limité. Ce traitement conservateur est parfois indiqué en cas de patient fragilisé, dément ou grabataire, ou atteint de pathologies importantes, pour lesquelles un traitement chirurgical serait à haut risque de mortalité, que ce risque soit lié à la chirurgie ou à l’anesthésie.
Dans certains cas, un traitement non chirurgical peut être une option chez des patients dont la fracture est impactée en valgus, non déplacée (classée Garden I ou Pauwels I). L’engrènement doit être visualisé sur les radiographies de face et de profil et l’alignement axial du col fémoral doit être intact. La prise en charge conservatrice de ces fractures commence par du repos avec immobilisation dans le lit tant que persistent les phénomènes douloureux. La mobilisation est graduelle et progressive, en commençant par la mise au fauteuil, la marche sans appui à l’aide de cannes ou de tout autre système d’aide à la marche, puis l’appui partiel du membre inférieur lésé. Après 6 à 8 semaines, l’appui complet peut être débuté. Les contrôles radiographiques doivent être réguliers, notamment au début de la prise en charge, après la reprise d’un appui partiel, et juste avant la reprise d’un appui complet. Dans la littérature, ces traitements conservateurs restent encore controversés. Raaymakers et al. ont rapporté des résultats satisfaisants après un traitement conservateur, mais ils ont aussi observé un taux élevé de déplacements secondaires, en particulier chez les patients âgés11,12. Ces auteurs ont montré une instabilité présente chez 41 % des patients de plus de 70 ans contre seulement 7 % des patients en bonne santé de moins de 70 ans. Shuquiang et al. ont aussi montré un déplacement chez 41 % des patients de leur série. Le taux de déplacement le plus important était observé dans la tranche d’âge de 60 à 80 ans13. Bentley, Hilleboe et al., et Jensen et Hogh ont rapporté des taux de déplacement ou de désengrènement allant de 10 à 27 % en cas de traitement conservateur14–16. Raaymakers et al. ont observé de plus une corrélation élevée entre l’instabilité secondaire et les comorbidités11. Verheyen et al. ont montré que la stabilité de la fracture était liée à différents facteurs intrinsèques et extrinsèques comme l’âge, les comorbidités, l’angle de Pauwels et la rétroversion17.

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