Chapitre 6 Douleur ostéo-articulaire
La douleur est le motif de consultation et le symptôme observé au cours de la majorité des maladies rhumatismales [25]. En pratique, elle représente la seule préoccupation du malade au moment de la consultation [79].
Près de 46 % des sujets reconnaissent avoir souffert d’une douleur sévère à un moment de leur vie. Près de la moitié de ces épisodes douloureux était attribuée à une douleur d’épaule chronique et un tiers à des problèmes articulaires [20].
Ce symptôme est complexe et pluridimensionnel, déterminé non seulement par la douleur tissulaire et la nociception mais également par des croyances personnelles, des expériences douloureuses passées, des facteurs psychologiques, des émotions, la motivation et le milieu ambiant.
De ce fait, il nous faut analyser correctement les facteurs sociaux, psychologiques, physiologiques et médicaux qui contribuent à la cause et au comportement de la douleur, déterminer s’il s’agit d’une douleur par excès de nociception (d’origine inflammatoire, mécanique ou ischémique, par exemple), neuropathique ou idiopathique. Cette analyse doit être suivie du choix d’un traitement individualisé, centré sur le problème de chaque patient, afin de permettre son soulagement [56].
Physiopathologie de la douleur rhumatologique
Le système de la douleur est constitué de plusieurs niveaux [16, 35].
Nocicepteurs
Ce sont les terminaisons nerveuses libres des fibres afférentes primaires qui détectent et filtrent les stimuli douloureux.
Les structures somatiques profondes diffèrent par la quantité de nocicepteurs qu’elles contiennent. Certaines, comme le fascia cutané profond, le périoste, les capsules articulaires, les fascias musculaires, les gaines nerveuses et les vaisseaux sanguins en possèdent énormément, ce qui explique qu’elles soient hautement sensibles à la douleur. D’autres, comme les muscles, la membrane synoviale et la graisse sont moins sensibles ; enfin, le cartilage articulaire et l’os compact ne possèdent pas de nocicepteurs [6, 17, 24].
Fibres efférentes primaires (fibres A, δ et fibres C)
Elles transmettent l’influx nociceptif au système nerveux central. Les influx nerveux originaires des nocicepteurs cheminent par les nerfs périphériques jusqu’à la moelle épinière ou par les parois craniales jusqu’aux ganglions nerveux crâniens.
Corne dorsale de la moelle épinière
La synapse entre les fibres afférentes primaires et les neurones de la corne dorsale de la moelle épinière est un lieu important pour le traitement ultérieur et l’intégration de l’information issue des nocicepteurs. C’est à cet endroit que l’information est filtrée et peut être conduite aux centres supérieurs ou inhibée par les systèmes descendants.
Médiateurs biochimiques
Il existe de nombreux neurotransmetteurs et neuromodulateurs dans la corne dorsale de la moelle épinière. Ils proviennent des fibres afférentes primaires, des interneurones et du système de fibres descendantes. Ces médiateurs ont différentes fonctions, certains étant excitateurs et d’autres inhibiteurs. Les neuromédiateurs excitateurs sont des acides aminés (glutamate et aspartate), la substance P, la substance K, le peptide lié au gène de la calcitonine et le peptide intestinal vasoactif [11, 23, 61, 73, 88].
Voies ascendantes
Les voies ascendantes impliquées dans la transmission nociceptive englobent les faisceaux spino-thalamiques, les faisceaux spino-hypothalamiques et les faisceaux spino-réticulaires, et les faisceaux spino-ponto-amygdaliens.
Centres supérieurs
Sémiologie du symptôme « douleur »
Types de douleurs
La classification de la douleur est intéressante pour permettre son abord thérapeutique [10, 54, 91]. Dans beaucoup de situations, l’échec de son traitement est provoqué par l’absence d’identification des mécanismes physiopathologiques et des structures impliquées dans sa genèse [17].
Selon sa durée dans le temps, la douleur peut être classée en aiguë ou chronique.
La douleur aiguë est un signal biologique essentiel qui signale l’éventualité d’une lésion ou son extension. En général, elle est de courte durée, quelques heures ou parfois quelques jours, et s’accompagne d’une hyperactivité du système nerveux sympathique. Au niveau émotionnel, elle s’accompagne d’anxiété. Il s’agit d’une douleur biologiquement utile qui prévient de l’imminence d’une lésion. Par exemple, elle est engendrée entre autres lors d’arthrite infectieuse ou microcristalline et d’ostéonécrose aseptique [52, 63].
La douleur chronique se définit comme une douleur qui persiste depuis 3 à 6 mois, si bien que ses caractéristiques peuvent apparaître avant ou après cette période de temps. Elle peut être due au passage à la chronicité d’une douleur aiguë, à une maladie chronique ou à des douleurs aiguës qui récidivent avec le temps [58, 89, 93].
Une douleur aussi longue perd son rôle adaptatif et n’a plus d’intérêt biologique. Elle s’accompagne de signes végétatifs, d’une lassitude, d’altérations du sommeil, d’anorexie, d’amaigrissement, de diminution de la libido et de constipation. Sur le plan émotionnel, la dépression prédomine. Dans de nombreux cas, l’affection organique n’explique pas toute la douleur et peut même parfois avoir disparu. De nombreuses maladies rhumatologiques sont à l’origine de douleurs chroniques comme la polyarthrite chronique, l’arthrose, l’ostéoporose [50, 95].
D’un point de vue neuro-anatomique, on peut classer la pathogénie de la douleur en trois catégories [48, 55] :
Selon la topographie d’origine de la douleur, on peut parler de :
Manifestations douloureuses du tronc
Les lésions du diaphragme entraînent des douleurs référées. La partie centrale entraîne une douleur référée au niveau du cou et des épaules (innervation phrénique), la partie périphérique du diaphragme entraîne une douleur référée au niveau de la partie inférieure du thorax et des parois de l’abdomen (nerfs intercostaux T6 à T12).
La colonne vertébrale est très souvent le siège de douleurs viscérales projetées, provenant par exemple du cœur et de l’aorte thoracique et irradiant au niveau des premières vertèbres thoraciques ou provenant du pancréas, de l’estomac et de l’intestin grêle et irradiant aux dernières vertèbres thoraciques [59].
Types de douleurs en rhumatologie
Type arthrosique
La douleur est totalement dépendante des mouvements. Elle apparaît lorsque le patient réalise un mouvement, peut diminuer avec l’exercice pour réapparaître avec la fatigue et disparaître au repos. Dans les cas les plus graves, elle peut persister pendant le repos nocturne surtout lors des mouvements dans le lit [26, 33, 34, 57].
Type tumoral
La douleur est intense, sans rapport avec les mouvements. Elle n’est pas soulagée par le repos, comporte une composante nocturne et nécessite des analgésiques majeurs [14, 50].
Type radiculaire
La douleur présente une distribution métamérique. Elle peut apparaître seulement lorsque les mouvements soumettent la racine nerveuse à une traction compression et disparaître au repos [1, 86]. Dans certains cas, il existe une composante nocturne.
Type traumatique
Déchirure ligamentaire partielle : après une phase initiale pendant laquelle la douleur est aiguë et constante, la douleur se produit uniquement lors de mouvements qui distendent le ligament lésé. Elle est soulagée par le relâchement du ligament.
Déchirure chronique, rupture ligamentaire : pendant l’activité, les muscles se fatiguent et présentent des contractures qui entraînent une gêne douloureuse. Celle-ci disparaît avec le repos.
Fractures : elles engendrent une douleur spontanée, une douleur locale à la pression et à la mobilisation et une incapacité fonctionnelle.
Ostéopathie et douleur
Types de douleurs
Les messages douloureux sont transmis aux centres supérieurs par les éléments sensitifs des différents tissus par l’intermédiaire des voies extéroceptives.
Douleurs osseuses et synoviales
Elles s’observent essentiellement au cours des affections rhumatismales [2, 13, 29, 74, 80, 90] :
Douleurs capsulo-ligamentaires
La douleur est transmise par les terminaisons nerveuses libres lors de tractions ou de torsions.
Douleurs référées
La dissociation topographique [3] correspond à deux territoires anatomiques distincts dont l’innervation provient de rameaux nerveux distincts. La dissociation topographique entre la région de projection de la douleur et le siège du problème tissulaire s’explique par une concordance métamérique et un décalage anatomique entre [12, 22, 32, 53, 84] :