6 Blocs nerveux
Principes généraux
L’anesthésie locorégionale peut être extrêmement utile aux urgences. Elle permet d’obtenir d’une part une excellente analgésie en cas de traumatisme (par exemple bloc interdigital pour un écrasement de doigt ; bloc fémoral pour une fracture du fémur ; bloc sciatique pour une fracture de la cheville) et d’autre part une excellente anesthésie pour un certain nombre d’interventions (bloc interscalénique pour une luxation de l’épaule ; bloc à la cheville pour un parage ou une réparation d’une plaie du pied). L’anesthésie locorégionale est efficace et comporte peu de risques tant chez l’adulte que chez l’enfant.
Certains blocs peuvent être faits avec un certain taux de réussite sans utiliser la neurostimulation (par exemple bloc fémoral, bloc sciatique, bloc axillaire, bloc supraclaviculaire, bloc interscalénique), alors que d’autres nécessitent un neurostimulateur (par exemple, bloc infraclaviculaire). La plupart des blocs sont probablement mieux réussis avec des neurostimulateurs, mais cela fait souvent l’objet de débat. L’utilisation de l’échographie, en combinaison ou non avec l’électrostimulation, améliore la faisabilité et le succès de la plupart des blocs plexiques et tronculaires. Cela a été étudié et pousse à recommander l’échographie pour pratiquer l’anesthésie locorégionale aux urgences. Certaines études ont montré que le taux d’échec des blocs était passé de 20 à 30 % à 5 % en utilisant l’échographie. Le délai d’action et les complications sont également diminués.
Les blocs nerveux utilisent le principe d’administrer un anesthésique local au voisinage du ou des nerfs qui innervent une zone donnée du corps. Plusieurs techniques sont utilisables pour permettre d’injecter le produit au voisinage du nerf sans pénétrer dans celui-ci : la technique des paresthésies, la neurostimulation et l’échoguidage. Après avoir placé l’aiguille près du nerf, on peut injecter un grand volume d’anesthésique local (sans hyperpression) qui diffusera autour de celui-ci (ce qui peut être confirmé par l’échographie). Le succès d’un bloc est augmenté en utilisant de grands volumes. Des études récentes ont montré que de plus petits volumes pouvaient être utilisés grâce à l’échographie qui permet de placer le produit autour du nerf sous contrôle direct de la vue.
Les complications d’un bloc nerveux comprennent : réactions vasovagales, anaphylaxie, réactions allergiques, réactions toxiques et méthémoglobinémie, douleur et inflammation locale, ainsi que des complications qui dépendent du site d’injection. Ce sont les injections intraneurales, la rachianesthésie et les lésions médullaires après un bloc interscalénique, les paralysies des nerfs phrénique et laryngé récurrent, le pneumothorax et les injections vasculaires (blocs interscaléniques et supraclaviculaires). Fort heureusement, ces complications sont rares en respectant les procédures et en utilisant l’échographie.
Les précautions à prendre avant toute anesthésie locorégionale sont les suivantes.
Établir les antécédents du malade, en particulier les allergies aux produits allant être utilisés.
Obtention du consentement éclairé écrit, si possible.
Élimination des contre-indications (par exemple bloc interscalénique chez un patient insuffisant respiratoire).
Adapter le choix des produits, la dose et la procédure à l’état général et aux antécédents du malade.
Rechercher d’éventuels signes neurologiques avant l’anesthésie : tout nerf dans le territoire du bloc devrait être évalué. Rechercher le seuil de discrimination spatiale (normalement < 6 mm) des nerfs digitaux avant un bloc pour plaie de la main.
Si possible, le choix du bloc devrait être discuté avec le médecin qui prendra en charge le patient (pour qu’il sache les conséquences neurologiques) et la procédure doit être consignée.
La pharmacologie des anesthésiques locaux dépasse l’objectif de ce livre – les agents prêts à être injectés étant par ailleurs peu nombreux. Le choix doit être dicté par la clinique, la durée souhaitée d’anesthésie, les effets secondaires possibles et enfin la disponibilité des différents produits. Les molécules les plus utilisées sont la lidocaïne, la bupivacaïne, la mépivacaïne et la ropivacaïne, souvent additionnés d’adrénaline (1/100 000 ou moins). La lévobupivacaïne est une nouvelle molécule, composée exclusivement d’isomère S de bupivacaïne (la bupivacaïne est un mélange d’isomères S et D). L’isomère S possède une durée d’action plus longue et a moins d’effets secondaires que l’isomère D. Il est cependant plus cher.
Le succès d’un bloc, le délai et la durée d’action dépendent de la molécule, du volume utilisé et de la précision de l’injection. Il est important de souligner que l’utilisation de lidocaïne ne réduit pas de manière systématique le délai d’action, qui est aussi dépendant de la diffusion, souvent la même pour la plupart des produits.
Bases de l’échographie en anesthésie locorégionale
Historiquement, l’anesthésie locorégionale dépendait uniquement des connaissances anatomiques et des repères, les repères osseux étant plus précis que les repères effectués sur les tissus mous. Ces techniques ont été améliorées par l’utilisation de la neurostimulation, mais restent dépendantes des repères utilisés.
Il n’est donc pas surprenant d’observer un taux d’échec élevé, de l’ordre de 20 %, en raison d’un mauvais positionnement de l’aiguille et/ou de l’anesthésique. La multiplication des tentatives de ponction et les échecs entraînent de la frustration chez les médecins ainsi qu’un inconfort certain et des douleurs chez les patients. L’échographie est un apport considérable car elle repose sur une technique de repérage non invasive et utilise un appareillage le plus souvent portable. Les urgentistes sont en outre le plus souvent déjà formés à l’échographie diagnostique.
Les avantages de l’échoguidage pour la réalisation d’anesthésies locorégionales sont les suivants.
Les nerfs sont le plus souvent visibles en coupe sous la forme de cercles, d’ovales ou de triangles. Ils ont une structure échographique hétérogène (nid d’abeille) à prédominance hypoéchogène (par exemple les blocs interscaléniques et supraclaviculaires) ou hyperéchogène (par exemple régions infraclaviculaire et poplitée).
L’échographie montre la position exacte du nerf, ce qui est particulièrement important chez les patients ayant des anomalies anatomiques. Si le nerf n’est pas vu spécifiquement, sa position peut être assez finement supposée en analysant les structures anatomiques alentour.
L’échographie donne une image en temps réel de la progression de l’aiguille, permettant des ajustements permanents, que ce soit avec une approche dans le plan ou hors plan.
L’échographie permet d’identifier les structures adjacentes dont la ponction doit être évitée, comme les vaisseaux ou la plèvre.
Elle permet de visualiser et d’ajuster la diffusion de l’anesthésique local au moment de l’injection, et dans le cas d’une diffusion incomplète, de repositionner l’aiguille. Il est recommandé de repositionner celle-ci au moins une fois au cours du bloc.
L’échographie augmente le succès des blocs ainsi que le délai et la durée d’action, comparativement aux techniques de neurostimulation.
Elle réduit potentiellement (mais cela n’a jamais été démontré) le nombre de tentatives de ponction et aussi les lésions nerveuses.
Dans la vraie vie des urgences, les images obtenues sont souvent différentes de ce qu’on peut observer dans les cours ou dans les livres. Cela n’a rien à voir avec vos compétences : les images des livres sont une sélection des meilleures images. Les quelques conseils qui suivent vous aideront à localiser les nerfs le plus facilement possible et à optimiser l’utilisation de votre matériel d’échographie.
Essayer d’adopter une démarche standardisée pour rechercher les repères échographiques. Les vaisseaux sont souvent faciles à identifier à l’échographie et on peut s’aider du Doppler. Les nerfs sont souvent en relation anatomique étroite avec les vaisseaux.
Placer la sonde sur la peau en s’aidant des repères anatomiques dont on ne peut par conséquent pas s’affranchir.
Repérer la profondeur de la cible – qui est moins variable que ce que l’on peut s’imaginer.
Si le nerf n’est pas identifié immédiatement, on peut jouer sur la fréquence de la sonde (basse fréquence = meilleure pénétration = moins de détails ; haute fréquence = moins bonne pénétration = plus de détails).
En général, un gain trop élevé peut rendre les nerfs difficiles à repérer dans un environnement « neigeux » à l’écran.
Utiliser les curseurs de réglages locaux (souvent un peu plus performants que le réglage général).
S’assurer que l’on travaille avec une profondeur suffisante.
Bouger la sonde d’avant en arrière sur le trajet supposé du nerf en ayant pour objectif de repérer la fameuse image en nid d’abeille. Changer l’angulation – certains nerfs sont mieux repérés si le faisceau est à 90° du nerf (anisotropie). Rechercher les structures adjacentes comme des branches nerveuses, visibles dans les plans musculaires, et bougeant légèrement avec le patient.
On peut aussi, si nécessaire, demander au patient de bouger le cou.
Certains préréglages de machine peuvent être utiles – apprendre à les utiliser.

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