Chapitre 6 Applications cliniques des augmentations du volume osseux à visée implantaire
Introduction (cas cliniques 1 et 2)
Les insuffisances osseuses des maxillaires sont à l’origine d’une restriction de la mise en place des implants. Les causes, les moyens de les éviter, leurs évolutions et les connaissances nécessaires pour leurs divers traitements, avec les pronostics escomptés et leurs complications, ont été exposés au long de cet ouvrage.
Cas clinique 1 Maintien de la dimension alvéolaire face à un obstacle anatomique
C’est une méthode simple, préventive d’une perte des tissus durs et mous, qui repousse la multiplication d’interventions chirurgicales en garantissant un résultat esthétique [8].
Fig. 6.6 Une cicatrisation en première intention est fondamentale pour obtenir une néoformation osseuse.
Remarque : dans le prolongement de ce résultat, des travaux évaluant cette méthodologie ont rapporté une quantité osseuse moyenne acquise de 68,45 % pour un intermédiaire de substitut osseux résiduel de 4,83 % [9].
Cas clinique 2 Dynamique de la cicatrisation postextractionnelle
Les parois alvéolaires sont raclées à la curette occasionnant un apport vasculaire abondant. Cette manipulation active un phénomène physiologique local au cours duquel les ressources cellulaires et les facteurs de croissance contribuent à une néoformation osseuse [10].
Fig. 6.11 La majorité des particules alloplastiques est perdue sans couverture de protection. Une cicatrisation en première intention avec fermeture du lambeau au-dessus du substitut osseux permet la formation d’os trabéculaire intra-alvéolaire [11].
Personne ne saurait contester la complexité des techniques réparatrices des maxillaires.
Cependant, pour éviter d’être prolixe et dans le souci d’aller à l’essentiel avec des concepts cohérents et fondés sur les cas cliniques abordés, nous avons adopté une classification simplifiée des procédures chirurgicales de greffes osseuses [1] :
La greffe alvéolaire et les corrections anatomiques font appel à des matériaux de greffe autogènes ou non autogènes sans pour autant mettre en avant la primauté de l’un de ces matériaux. De nombreuses techniques de greffes ont prouvé leur efficacité pour améliorer la qualité et la quantité osseuses nécessaires à l’insertion des implants [3].
Le comblement alvéolaire postextractionnel, non considéré comme une greffe et dont l’intérêt clinique est parfaitement démontré [4], préserve la crête alvéolaire des phénomènes de résorption par des solutions chirurgicales simples éliminant ainsi le recours aux greffes osseuses. Le mode de cicatrisation alvéolaire est quant à lui imprévisible et contrarie secondairement la mise en place d’un implant. La hauteur et l’épaisseur osseuse alvéolaire se résorbent dans la première année de l’avulsion d’une dent de 40 à 60 % en moyenne [5]. Les différents matériaux de comblement disponibles minimisent la perte osseuse alvéolaire facilitant l’insertion d’un implant ainsi que le résultat esthétique [6].
Une transformation de l’alvéole qui résulte du matériau de comblement adopté est régulièrement constatée à l’examen radiologique à la suite d’une telle procédure de préservation alvéolaire [7].
Modalités cliniques des greffes osseuses
Greffes alvéolaires
Préoccupation constante des chirurgiens plasticiens pour rétablir une harmonisation de l’arcade dentaire chez les jeunes patients atteints de malformations (fentes labio-maxillo-palatines par exemple) [13], la greffe alvéolaire est devenue un acte incontournable lors des reconstructions à visée implantaire [14]. L’objectif est de corriger l’épaisseur et la hauteur alvéolaires atrophiées afin de détourner les difficultés esthétiques et fonctionnelles indissociables d’une thérapeutique implantaire.
La pluralité des méthodes opératoires, telles que les greffes osseuses autogènes, les greffes par substituts osseux ou la régénération osseuse guidée, a été décrite pour traiter les déficits osseux alvéolaires. Elles sont considérées comme des techniques reconstructrices. À chaque étape opératoire, la qualité des tissus mous recouvrant la greffe alvéolaire doit être adaptée ou réaménagée pour éviter une exposition du site greffé et les complications qui en émanent [15]. Quelques auteurs soulignent la nécessité de renforcer par une greffe une paroi alvéolaire fragile. Cette prévision a démontré son efficacité quant au maintien ou à l’augmentation des tissus mous du futur site implantaire [16, 17].
Bien que peu documentée, il est possible d’avancer que pour solutionner des situations cliniques complexes, une grande palette de méthodes, articulant greffes osseuses autogènes, biomatériaux et facteurs de croissance, fait partie des options techniques adoptées par les praticiens [18] (tableau 6.1).
Caractéristiques | Avantages |
Greffes interceptives | Réalisées avant la perte de la paroi alvéolaire quand cette dernière est fragilisée |
Greffes de comblement | Employées lorsque la paroi alvéolaire est amoindrie (fracture partielle lors d’une avulsion, déhiscence, fenestration, etc.) |
Greffes correctrices | Rétablissement de la paroi alvéolaire dans l’une ou plusieurs de ses dimensions (déficit vertical et/ou transversal) |
Syndromes combinés | Pas de parallélisme de traitement obligatoire. Se rapprocher de la situation clinique la plus commune pour un traitement visant à résoudre le préjudice esthétique et fonctionnel |
Greffes alvéolaires interceptives (cas cliniques 3 et 4)
Cas clinique 3 Mise en place d’implants face à une paroi alvéolaire fragilisée
Fig. 6.15 Un guide chirurgical, à appui dentaire, émanant du guide radiologique baryté situe la distribution des implants pour leur insertion [20].
Commentaire
De nombreux cas cliniques, dans lesquels les implants sont insérés simultanément à une régénération osseuse guidée pour écarter un événement indésirable comme une atteinte de la paroi alvéolaire associée à un préjudice esthétique, ont fourni des résultats probants confirmés radiographiquement par de nombreux auteurs [21].
Cas clinique 4 Avulsion, mise en place d’implants, rétablissement du site osseux alvéolaire
Une régénération osseuse guidée (membrane collagénique résorbable et matériau alloplastique) reste la thérapeutique préférentielle pour préserver la morphologie tissulaire. Cette technique, de manipulation aisée, est actuellement consensuelle [22].
Commentaire
La majorité des études relate un taux de succès des implants mis en place simultanément ou non à une régénération osseuse guidée de 95 %. Lorsqu’une méthode interceptive est indiquée, seul l’avantage clinique de placer immédiatement l’implant demeure non consensuel en raison du risque esthétique lié à une récession des tissus mous [24].
Greffes de comblement alvéolaire (cas cliniques 5 et 6)
Cas clinique 5 Greffe de comblement alvéolaire après traitement d’un carcinome épidermoïde étendu de la crête alvéolaire au plancher de la cavité buccale
Fig. 6.28 Situation clinique après exérèse d’un carcinome épidermoïde sans extension osseuse.
Une greffe cutanée couvre les pertes de substance [25]. La 43, perdue secondairement, laisse une lacune osseuse alvéolaire confirmée par l’examen tomodensitométrique. Cette situation compromet l’insertion d’un implant. L’équipe médicale en charge de ce malade n’oppose aucune contre-indication à une réhabilitation à visée implantaire.
Un diagnostic fondé sur une analyse des paramètres cliniques et radiologiques de cas similaires aboutit généralement à une prise en charge thérapeutique par régénération osseuse [26].
Fig. 6.30 Un matériau alloplastique est incorporé dans l’alvéole puis recouvert par une membrane plaquettaire.
Fig. 6.33 Une réentrée fait découvrir une reconstruction des parois alvéolaires avec un os néoformé ainsi qu’une persistance de particules alloplastiques entourées d’un tissu conjonctif ne compromettant pas la mise en place d’un implant [27].
Fig. 6.34 La régénération osseuse et un lambeau déplacé apicalement en deuxième temps chirurgical favorisent l’augmentation durable des tissus mous sans recours aux greffes gingivales [28].
Commentaire
Les cliniciens ne doivent pas négliger la connaissance des différentes techniques d’augmentation des tissus mous pour rétablir un espace biologique harmonieux autour des implants. Cet espace constitue une barrière protectrice face aux agressions mécaniques et/ou bactériennes [29].
Des études randomisées défendent l’hypothèse selon laquelle le potentiel de régénération osseuse est indépendant du substitut utilisé et du site alvéolaire traité (canine, prémolaire, etc.) [30].
Cas clinique 6 Greffe de comblement suite à l’altération du 1/3 supérieur d’une paroi alvéolaire en région de 35
Fig. 6.36 L’étendue de l’incision dépend du volume à greffer.
Elle débute en distal de la 37 et se prolonge en mésial de la 33.
Fig. 6.40 À 6 mois, l’évaluation clinique indique une augmentation de la gencive kératinisée.
La réentrée confirme le rétablissement de la morphologie crestale.
Greffes correctrices alvéolaires
Insuffisances osseuses localisées (cas cliniques 7 à 10)
Cas clinique 7 Greffe correctrice alvéolaire par une technique modifiée de la régénération osseuse guidée
Fig. 6.41 Insuffisance osseuse transversale de la paroi alvéolaire vestibulaire en région de 35 et 36.
Commentaire
Cette forme d’insuffisance osseuse alvéolaire est conventionnellement traitée par l’apposition d’un bloc corticospongieux autogène. Afin de réduire le risque de morbidité d’un site de prélèvement et les inconvénients liés à deux sites opératoires [32] le site receveur est transformé de manière à privilégier une régénération osseuse guidée. Cet abord chirurgical modifié étend les applications cliniques de la régénération osseuse guidée écartant des techniques chirurgicales plus invasives.
Cas clinique 8 Traitement implantaire simultané à une greffe correctrice alvéolaire
Fig. 6.49 Un matériau alloplastique recouvre la surface exposée de l’implant et stabilise le caillot sanguin.
Des membranes plaquettaires recouvrent l’ensemble de la reconstruction. Leur parfaite adhésion ajoute, durant 5 à 10 jours, à l’équilibre de la cicatrisation tissulaire [33]. Les points de suture sont réalisés de telle manière qu’aucune tension labiale ne s’exerce sur le lambeau [34].
Commentaire
Une technique détournant la nécessité d’une membrane résorbable au profit d’une membrane plaquettaire et d’un substitut osseux serait quelquefois intéressante pour réduire les risques de complication face à un biotype parodontal fin. Cependant, le niveau de preuve sur ce point reste insuffisant en l’absence d’études randomisées à moyen et long terme [36].
Cas clinique 9 Augmentation localisée du volume de la crête alvéolaire : évolution de la méthode opératoire avec un bloc osseux autogène corticospongieux encastré
Fig. 6.52 Atrophie post-traumatique de la paroi vestibulaire alvéolaire en situation de 11.La coupe scanner d’acquisition et les reconstructions coronales obliques et curvilignes panaramiques montrent la nécessité de reconstruire le site par un bloc osseux autogène. La branche montante ou la symphyse mandibulaire est considérée dans ce cas clinique comme la référence pour augmenter une hauteur et une largeur de créte trés résorbées [37].
Le périoste est préalablement sectionné et le lambeau repositionné et suturé pour éviter le risque de sa rétraction partielle susceptible de compromettre la couverture du greffon au final de l’intervention [38].
Fig. 6.57 De façon systématique, la morphologie d’un site prélevé est reconstruite avec un substitut osseux avant sutures pour éviter des images radio-claires persistantes sur les examens radiographiques et d’éventuelles résorptions ultérieures [39].
Pour autant, cette méthode ne garantit pas la vitalité du tissu osseux prélevé. Seule la cellularité du bloc corticospongieux est effective [40].
Commentaire
La traction des muscles de la lèvre et la mobilité des joues exercent des tensions qui se répercutent sur les sutures occasionnant leurs ruptures et une exposition du site. Ces tensions sont majorées lorsque le vestibule est étroit [41]. Le clivage partiel du périoste va naturellement permettre de rabattre un lambeau en écartant toute tension pouvant le mobiliser avec pour avantages [42] :
Cas clinique 10 Augmentation du volume de la crête alvéolaire par un greffon autogène corticospongieux apposé
Fig. 6.64 Site de prélèvement en région parasymphysaire.
À la différence du cas clinique 9, le choix du site de prélèvement se porte sur la région parasymphysaire pour les raisons suivantes [43] :
Fig. 6.68 Ostéosynthèse du greffon et comblement des espaces libres par les particules corticales autologues.