Chapitre 57. Surcharge pondérale et obésité
Données chiffrées et définitions
Données chiffrées
Surcharge pondéraleObésitéLa prévalence de l’obésité est en progression constante aux États-Unis, mais également en Europe et en France. La population pédiatrique française atteinte d’obésité est évaluée à 15 % (entre 10 et 18 %) de la population pédiatrique totale, avec des variations interrégionales. Elle a doublé en quinze ans. L’obésité massive – ou morbide – a, quant à elle, quadruplé.
Plus de 75 % des enfants et adolescents obèses le resteront à l’âge adulte.
Face à ce problème devenu un enjeu de santé publique, des équipes pédiatriques françaises ont élaboré, sous l’égide du ministère de la Santé et de la Haute Autorité de santé, des stratégies de prévention et de prise en charge multidisciplinaire, dans le but d’optimiser la prévention, le dépistage, et à présent la prise en charge de ces jeunes devenus obèses.
Définitions
L’obésité est un excès de masse grasse qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. Surcharge pondérale et obésité sont définies, tant chez l’adulte que chez l’enfant, par l’indice de masse corporelle (IMC), encore appelé Body Mass Index (BMI), correspondant au ratio du poids (exprimé en kilos) sur le carré de la taille (exprimée en mètre) (indice de Quetelet). C’est une mesure simple et reproductible.
L’obésité chez l’enfant se définit par un index de corpulence dépassant le 97e centile pour l’âge et le sexe, amenant à un IMC proche de 25 à l’âge adulte.
Chez l’adulte, l’obésité peut être classée en :
• obésité prémorbide : IMC > 35;
• obésité morbide : IMC > 40.
Bien que ces définitions ne soient pas utilisées chez l’enfant, la prolongation des courbes d’IMC permet de définir les mêmes seuils à l’adolescence, avec :
• l’obésité de grade 1, où l’indice de corpulence se situe au-dessus du 97e centile, mais en dessous de la courbe qui aboutit à un IMC de 30 à l’âge adulte (18 ans).
• l’obésité de grade 2, où l’indice de corpulence se situe au-dessus de cette courbe.
Parmi les obésités de grade 2, 5 à 10 % sont des obésités morbides ou compliquées (Must & Strauss, 1999).
Conséquences de l’obésité
Elles sont d’ordre organique, psychique et psychosocial.
Conséquences organiques
Elles peuvent exister dès l’enfance et sont dominées par :
• les complications métaboliques, avec tout particulièrement une élévation chronique de la sécrétion d’insuline secondaire à l’insulinorésistance, source d’intolérance aux hydrates de carbone, et leurs corollaires possibles : dyslipémie, insulinorésistance et syndrome métabolique, diabète de type 2, lésions artérielles précoces, élévation de la pression artérielle, myocardiopathie hypertrophique, stéatose hépatique non alcoolique, lithiases biliaires, hépatites…
• les complications respiratoires : apnées du sommeil;
• les complications orthopédiques : atteintes articulaires dégénératives (épiphysiolyse par exemple);
• les troubles pubertaires : hyperandrogénie ovarienne caractérisée par des ovaires polykystiques, avec hypofertilité ultérieure, oligorrhée ou aménorrhée, hirsutisme, acanthosis nigricans;
• la persistance de l’obésité à l’âge adulte.
Si une grande majorité d’enfants obèses deviennent des adultes obèses, le risque de persistance de l’obésité est plus élevé si l’âge de prise en charge est tardif et si les parents sont obèses.
À l’âge adulte, la persistance de l’obésité expose à un risque accru de diabète de type 2 (non insulinodépendant), d’hypertension artérielle, d’insuffisance cardiaque, d’athérosclérose, ainsi que de certains cancers.
Conséquences psychologiques et psychosociales
Le problème qui se pose d’emblée ici est celui de la causalité : l’obésité est-elle cause ou conséquence de la souffrance psychique?
En se référant aux seules conséquences de l’obésité, quelques remarques s’imposent :
• l’adolescent obèse peut développer, de manière plus ou moins bruyante, une perception consciente ou des représentations inconscientes négatives de lui-même, source d’une baisse voire d’une perte, plus ou moins mentalisée, de l’estime de soi. Ce risque, qui va persister à l’âge adulte, reste toutefois en partie modulé par le contexte socio-économique, culturel et éducatif;
• une autre conséquence consiste, chez l’enfant, à ne pas se mêler au groupe des pairs qui souvent le rejette, et, chez l’adolescent, à parfois déplacer sa vie pulsionnelle vers l’oralité, avec, dans les deux tranches d’âge, des difficultés de séparation, d’individuation, et d’identification qui en découlent.
C’est ainsi que la synergie des deux problématiques, narcissique (baisse de l’estime de soi, difficultés d’individuation) et objectale (difficulté à s’identifier aux pairs), constitue un risque important de souffrance dite «psychosociale», avec le risque d’isolement voire d’exclusion que l’on connaît, isolement et exclusion qui, à leur tour, contribuent bien souvent à majorer les troubles des conduites alimentaires et donc l’obésité, mais aussi la survenue de conduites à risques (consommation de produits, conduites d’autosabotage, sexualité à risque…).
L’entrée dans la vie adulte (sociale, économique, affective, sexuelle) peut ainsi devenir problématique faute d’une attention particulière et de soins adaptés et ce, dès le plus jeune âge.
Si l’on considère l’obésité dans sa genèse, alors, causes et conséquences apparaissent étroitement mêlées. Les aspects psychopathologiques, culturels, socio-économiques et biologiques s’intriquent de manière telle qu’aucune cause ni conséquence univoque n’apparaît suffisante pour expliquer le problème. Chaque situation est donc singulière; chaque enfant et chaque famille à sa propre histoire.
Prise en charge actuelle de l’obésité chez l’enfant et l’adolescent en France
En France, la prise en charge de l’obésité de l’enfant et de l’adolescent est définie depuis septembre 2003 par les recommandations de la Haute Autorité de santé et par des guidelines de la littérature médicale pédiatrique.
Ces recommandations préconisent la mise en place de réseaux de prévention, de dépistage et prise en charge médico-sociale de l’obésité en pédiatrie en France, appelés «REPOP» (Réseau de prévention et prise en charge de l’obésité pédiatrique), qui fonctionnent aujourd’hui en Franche-Comté, Rhône-Alpes, Grand Lyon, Île-de-France, Toulouse – Midi-Pyrénées, et Aquitaine.
Le programme national «Nutrition-santé» 2006-2010 (PNNS 2) recommande en outre une organisation de la prise en charge de l’obésité de l’enfant autour de chaque CHU existant.
La prise en charge thérapeutique hiérarchisée de l’enfant et de l’adolescent obèse devrait comporter trois niveaux :
Niveau 1
Il concerne l’obésité de grade 1 et 2.
La prise en charge est ambulatoire, assurée en principe par le médecin traitant référent. Lorsqu’il n’y a pas d’organisation en réseau, les enfants sont orientés vers les services hospitaliers, dont la mission est en principe de traiter les situations d’échec du niveau 1 de prise en charge.
Niveau 2
Il concerne les échecs du niveau 1.
La prise en charge est ambulatoire, assurée en milieu hospitalier, avec des séances d’éducation physique, sportive et nutritionnelle ainsi que des consultations alternées avec le pédiatre et le diététicien.
Niveau 3
Il concerne l’obésité prémorbide, morbide et massive (IMC supérieur à 35) et les échecs du niveau 2.
La prise en charge n’y est pas formalisée. Elle dépend des régions, et des offres régionales de soins pour les jeunes obèses.
Approche psychogénétique
Apports des théories cognitives et comportementales
Théorie de l’externalité
Selon cette théorie (Schachter, 1968; Nisbett, 1968), les enfants obèses ne pourraient réguler normalement leurs prises alimentaires du fait d’une sensibilité accrue aux stimulations externes par rapport aux stimulations internes. C’est ainsi que la sensation de faim (stimulation interne) serait, pour ces sujets, moins prégnante que les effets des signaux alimentaires externes, comme par exemple la proposition de nourriture de la part de l’entourage familial ou social, la disponibilité des aliments, etc. Il s’agit donc là d’une théorie du conditionnement, et les perspectives thérapeutiques qui en découlent s’appuient principalement sur des notions rééducatives diététiques, ainsi que sur des notions de prévention de santé publique par le biais de campagnes spécifiques ou de régulation de la publicité.
Dans un même ordre d’idée, une étude récente (Wolf & Lemetayer, 2008), comparant le style d’attribution causale à différents événements de la vie quotidienne (se faire gronder, ne pas comprendre à l’école) d’un groupe d’enfants obèses par rapport à un groupe témoin, montre que les enfants obèses semblent plus que les autres enfants attribuer des causes externes aux événements positifs (par exemple, le fait d’avoir des copains relèvent plus de la chance que de leur fait). L’étude constate en revanche qu’en ce qui concerne les événements négatifs, tels par exemple les réprimandes parentales, les enfants obèses les attribuent davantage à leur propre fait qu’au fait de l’autre ou d’une cause extérieure à eux.
Théorie de la restriction alimentaire consciente
Selon cette théorie, l’excès alimentaire proviendrait d’un décalage majeur entre des exigences restrictives personnelles excessives de contrôle alimentaire, en particulier sous l’influence de normes sociales, et l’incapacité du sujet à s’y soumettre face à l’offre alimentaire à laquelle il se trouve soumis. Le sujet obèse «craquerait» ainsi régulièrement face à ce dilemme insurmontable pour lui. Dans cette perspective, ces sujets deviendraient ainsi plus sensibles aux stimuli extérieurs (offre alimentaire) du fait d’une autocensure trop sévère par rapport à leur poids d’équilibre naturel (Herman & Polivy, 1975).
Approches psychanalytiques
Les études psychanalytiques concernant l’obésité sont, comme le soulignait déjà J. de Ajuriaguerra dans les années 1970, peu nombreuses face à celles qui portent sur un sujet comme l’anorexie (Ajuriaguerra, 1974). Il convient toutefois, sans entrer d’emblée dans une approche spécifique de l’obésité, de bien comprendre la place de l’oralité dans le développement psychoaffectif de l’enfant.
Place de l’oralité dans le développement psychoaffectif de l’enfant
L’on sait depuis Freud (1905) que l’oralité condense les notions de besoin alimentaire, de plaisir autoérotique et de relation à l’objet (initialement maternel), et cela, dès les premiers mois de vie du nourrisson.
Les travaux d’Abraham (1924) et ceux de Klein (1957) ont ensuite permis de mettre en évidence le rôle de l’oralité dans le processus de différenciation entre le Moi et le non-Moi, en particulier lors du passage de la succion au fait de mordre, d’incorporer et de détruire l’objet pour en faire «son miel». Cette expérience à la fois corporelle, subjective et intersubjective apparaît fondamentale, dans la mesure où il s’agit de détruire en soi un objet libidinal (un objet d’amour) afin de s’en nourrir dans le but de s’autogratifier, et donc de s’investir soi-même. C’est à partir de cette expérience paradoxale que l’accès à l’ambivalence du Moi vis-à-vis de l’objet va se développer. Ici, les besoins alimentaires du nourrisson s’intriquent non seulement avec la reconnaissance, et donc la différenciation, de l’autre et de soi, mais aussi avec la reconnaissance et la différenciation de l’autre en soi.
M. Klein (1957), dans le sillage d’Abraham, a radicalisé les choses en individualisant un Moi précoce, clivant les parties gratifiantes de l’objet (procurant plaisir, satiété, etc.) que ce Moi s’attribue alors comme siennes, des parties non gratifiantes de cet objet (provoquant frustration et déplaisir) qu’il projette alors hors de lui. Ce clivage permet au bébé, dans un premier temps, de démarquer de manière radicale un intérieur positif d’un extérieur négatif, favorisant ainsi la délimitation du Moi et du non-Moi. Les bonnes expériences sont ainsi attribuées par le bébé à son Moi précoce (par introjection); les mauvaises expériences, quant à elles, se trouvent projetées vers un monde externe vécu comme mauvais (projection).
Pontalis (1972) reprend ce mouvement d’introjection-projection en estimant que l’on peut même à l’extrême concevoir tout le fonctionnement de l’inconscient et jusqu’à la constitution de l’individu sur le mode du corps-bouche qui avale et qui vomit, qui détermine les limites du dehors et du dedans.
On mesure ici l’importance de la qualité des premières expériences alimentaires dans la constitution du Moi et de son fonctionnement.
À ce titre, Winnicott (1971) situe ces premières expériences orales à l’origine des capacités autoérotiques du bébé et donc de sa capacité à rejouer, dans le théâtre de son corps (succion non nutritive, jeux de motricité …), puis dans des jeux plus externalisés, les expériences de plaisir et de déplaisir, inéluctablement associées à ce qui est «avalé» (c’est-à-dire incorporé par la bouche puis introjecté dans la psyché) et ce qui est «vomi» (c’est-à-dire rejeté du corps puis projeté hors du Moi). Ne dit-on pas, à propos de l’expérience de la colère, qu’elle nous met «hors de nous»? Mais, pour que l’espace transitionnel – c’est-à-dire une aire de jeu – s’ouvre à l’enfant, il faut, en premier lieu, que la mère réussisse à lui donner l’illusion que son sein et que ses soins font un peu partie de lui et pas exclusivement d’elle. Cette capacité maternelle à illusionner son bébé se trouve ainsi au cœur du développement de l’axe autoérotisme – narcissismeNarcissisme primaire. La tâche de cette même mère consistera ensuite à désillusionner ce même bébé, progressivement, afin de le laisser peu à peu trouver lui-même, à travers le jeu (dont la fonction est de mettre en scène l’alternance des bonnes et des mauvaises expériences), l’espace d’illusion qu’il choisira de se créer pour lui-même, et plus tard de partager avec l’autre, notamment dans la sexualité. Pour Winnicott, c’est donc bien parce que le processus illusion-désillusion s’est déroulé de manière satisfaisante que le sevrage réel de la mère peut s’effectuer sans difficulté.
En pathologie
En ce qui concerne la pathologie de l’oralité, M. Soulé (1967) souligne que toute difficulté ressentie par le nourrisson (frustration trop longue, non-adéquation des soins maternels…) peut éventuellement se traduire par une intense activité orale susceptible de se fixer et de devenir, chez l’enfant plus grand, un véritable mode de régulation des tensions internes, sous la forme d’une régressionRégression à l’époque satisfaisante où la prise d’aliments réduisait toute tension ou toute angoisse.
À cet égard, des auteurs plus récents comme J. Slochower (1987) ou N. Dumet (Dumet et al., 1999) associent la fixation de pulsions orales particulièrement intenses à un sevrage traumatique.
Toujours dans le même registre, H. Bruch (1999) a proposé, a propos de l’obésité, l’hypothèse de la «confusion des affects» au cours de laquelle il existerait chez l’enfant une confusion entre ses besoins affectifs et ses besoins nutritionnels, du fait d’une difficulté du lien entre le parent nourricier et son bébé, difficulté au cours de laquelle la mère (au sens du référent maternel) répondrait à toute manifestation du bébé par la présentation de nourriture dans le but inconscient d’éviter des moments relationnels trop menaçants pour elle. Dans cette hypothèse, le besoin de nourriture, initialement sous-tendu par les pulsions d’autoconservation, viendrait en lieu et place du désir, en principe peu à peu convoqué par la libidinisation progressive du lien entre mère et bébé. L’une des conséquences serait une difficulté, de la part du bébé, à intérioriser un objet maternel suffisamment bon, propice à une activité autoérotique (succion non nutritive, investissement du corps, vie onirique, etc.) d’une qualité suffisante à l’investissement secondaire de sa propre activité de penser. Dans cette perspective, la part autoérotique de la fonction nutritive deviendrait qualitativement insuffisante au cours du développement psychoaffectif des sujets en proie à ces phénomènes addictifs, notamment alimentaires. Se nourrir, reviendrait ainsi chez eux à «se remplir». Il faudrait ainsi «se remplir» sans cesse, c’est-à-dire faire en sorte de ne jamais avoir à éprouver le moindre manque, du fait d’une capacité insuffisante à rejouer fantasmatiquement de manière gratifiante (fonction de restauration du jeu) des événements de la réalité externe susceptibles d’avoir blessé le narcissisme du sujet qui les a vécus.
Toujours dans cette optique, on perçoit que tout conflit psychique puisse induire d’intenses mouvements régressifs au stade oral du développement face au danger qu’impliquent certains événements (d’ordre œdipien, surmoïque, etc.), et ce d’autant plus que les satisfactions orales représentent le prototype de la jouissance la moins génératrice de conflits, voire la jouissance par laquelle l’enfant imagine, en outre, satisfaire sa mère (Schmit, 1985).
Dans cette perspective dynamique familiale, d’autres auteurs se sont penchés de manière très originale sur l’obésité en tant que réalisation inconsciente d’un «idéal hermaphrodite» ancrant le vécu corporel de l’enfant obèse dans le désir, partagé par lui et ses parents, de ressembler, sans changer réellement de sexe, à un enfant du sexe opposé (Chiland, 1975). C’est ainsi que l’apparition de formes féminines chez le garçon (seins, ventre, fesses…) ou d’une carrure masculine chez la fille pourrait procurer à l’enfant obèse l’illusion (mais, hélas, pas dans le jeu cette fois) d’un statut intermédiaire. Ce statut intermédiaire serait ainsi capable, d’une part, de satisfaire le souhait inconscient parental d’avoir un enfant du sexe opposé (mais au prix de l’individuation de l’enfant) et, d’autre part, d’éviter à cet enfant de se confronter trop directement à une assignation sexuelle qui l’engagerait inéluctablement dans un commerce avec l’autre sexué, en l’occurrence ses pairs; évitement qui bien sûr a un prix : celui du non-développement de ses relations interpersonnelles.
L’obésité deviendrait, dans toutes ces situations, non seulement le symptômeSymptôme par lequel l’enfant révèle les avatars de son développement psychoaffectif, mais également le symptôme par lequel il tente, plus ou moins consciemment, de se protéger d’un excès d’excitation, que celle-ci provienne de lui-même (angoisses, sentiment d’insécurité interne…) ou de l’extérieur (sollicitations interpersonnelles plus ou moins bienveillantes…). Un véritable cercle vicieux peut ainsi s’amorcer, faible estime de soi et crainte de l’autre alimentant tous deux le recours à l’oralité, alimentant à son tour à la fois la faiblesse de l’estime de soi et le maintien de l’autre hors de portée. Cette valeur défensive du «symptôme obésité» se révèle en particulier à partir de la période de latence, période normalement dévolue à la découverte du monde social, du commerce avec celui-ci, ainsi que du renforcement positif du narcissisme que ce commerce induit.
Dans un registre plus psychosomatique enfin, des auteurs comme Missonnier et Boige (2003) estiment que, tout comme l’enfant impose ses repères à l’adulte qu’il va devenir, le fœtus fait de même avec le nouveau-né. Pour ces auteurs, en effet, la relation orale commémore et met en équilibre la toute-puissance fœtale d’une succion sans limite, non liée au nourrissage et, par conséquent, à la butée de la réplétion. C’est ainsi que, pour le bébé, l’alternance de la vacuité et de la réplétion apparaît au départ comme une expérience inédite qu’il va devoir partager avec l’adulte qui le nourrit. Cet état de fait remet ainsi au centre de la réflexion les interactions alimentaires précoces, en tant qu’elles permettent ou non au nourrisson de s’approprier ses propres sensations intracorporelles (faim, soif, satiété, réplétion) et donc son propre sentiment d’exister. D’autres auteurs, comme H. Bruch (1978), considèrent qu’à l’origine des troubles de l’alimentation, se trouve une inadaptation fondamentale de la sensation de faim, allant en général de pair avec d’autres perturbations fonctionnelles qui toutes témoignent d’un conditionnement défectueux remontant aux premières années de la vie. Il s’agit donc d’une déficience fonctionnelle du besoin de manger. De cette «déficience fonctionnelle» résulte un phénomène de facilitation des prises alimentaires en réponse à des émotions négatives (anxiété, stress, tension psychique, sensation de vide…).

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