Chapitre 56. Boulimie
BoulimieLa boulimie n’est réellement reconnue que depuis les années 1970. Il s’agit d’un trouble psychopathologique à incidences somatiques et non d’une maladie somatique. La boulimie correspond à une consommation exagérée d’aliments, avec perte du contrôle des prises, rapidement, sans rapport avec la sensation de faim. Elle est rarement rencontrée dans les services de pédiatrie, dans la mesure où il s’agit d’une pathologie touchant principalement les adultes jeunes.
Contrairement à l’anorexie, le pédopsychiatre de liaison est peu souvent sollicité à l’hôpital pédiatrique pour ce type de pathologie, excepté dans les formes mixtes (anorexie – boulimie).
Épidémiologie
La boulimie est fréquente dans les pays les plus développés. La prépondérance est féminine (5 à 7 filles pour 1 garçon). Sa prévalence de l’ordre de 1,5 % de la population féminine. Si l’on suit les critères stricts de fréquence et de durée des accès (DSM IV), le début électif des troubles est autour de 18–20 ans (moment important d’autonomisation à l’égard des parents). En revanche, les crises boulimiques sont beaucoup plus précoces (dès 14 ou 15 ans) et concerneraient presque 4 % des adolescents scolarisés (7 % des filles et 1 % des garçons). Il existe fréquemment des troubles addictifs dans les familles des patients (abus de substances, alcoolisme…).
Description clinique
Forme clinique caractéristique
C’est la forme compulsive normo-pondérale, évoluant par accès (de un ou deux par semaine à plusieurs par jour) avec vomissements autoprovoqués. Lors de la crise, il y a ingestion massive, impulsive, irrésistible avec perte de contrôle, d’une grande quantité de nourriture, richement calorique. Cette ingestion est rapide, sans discontinuité, sans goût. Elle s’effectue en dehors des repas, souvent à des moments de solitude, en cachette. Cet accès est stoppé par des vomissements autoprovoqués. Ces vomissements s’accompagnent de sentiments de honte et de dégoût de soi. Les sentiments de culpabilité sont intenses en fin de la crise.
Mais une fois la crise passée, l’oubli de l’état affectif et physique pénible qui a succédé à l’absorption est habituel.
Il existe différentes stratégies de contrôle du poids, motivées par la peur de grossir et des distorsions perceptives de l’image du corps : prises de médicaments (diurétiques, laxatifs, anorexigènes), lavements, hyperactivité excessive et période de jeûne.
Caractéristiques psychiques
Ces jeunes femmes présentent une peur de grossir. Les préoccupations tournent autour du poids et de l’image corporelle, ainsi qu’autour de la nourriture.
Il existe une absence d’intérêt pour la sexualité, ou au contraire une hypergénésie avec multiplicité des partenaires sexuels
Enfin, on retrouve fréquemment une dépendance exagérée aux parents et notamment à la mère, associée à une volonté d’indépendance dans certains secteurs de la vie quotidienne.
Manifestations fréquemment associées
De nombreuses manifestations psychiques sont fréquemment associées tels des troubles anxieux (30 à 75 % des cas). Il s’agit surtout de l’anxiété généralisée et de la phobie sociale.
La comorbidité avec la dépression est estimée entre 24 à 79 % des cas (Hudson, 1988), mais la plupart des études s’intéressent aux adultes et peu de données concernent spécifiquement les moins de 18 ans.
Il existe chez les jeunes boulimiques une propension aux passages à l’acte (tentatives de suicide, agressivité…), témoignant des grandes difficultés à mentaliser. Il est parfois noté des conduites pathologiques, telle la kleptomanie (bijoux, nourriture).
D’autres addictions sont fréquentes (automédications, alcoolisme, prises de toxiques…) ce qui à suggérer à certains auteurs que la boulimie s’inscrirait dans une pathologie de la dépendance et constituerait une véritable «toxicomanie alimentaire» (Alvin & Marcelli, 2005).
Des antécédents d’abus sexuels sont parfois retrouvés, mais certaines études (Corcos & Jeammet, 2002) ne retrouvent pas de taux supérieurs à la population générale (7 %).
Le diagnostic est souvent effectué tardivement, car ces jeunes femmes ressentent de grands sentiments de honte et masquent leurs troubles et leurs conduites.
A. Survenue récurrente de crises de boulimie. Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes :
– absorption en une période de temps limitée (par exemple moins de deux heures) d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient normalement en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances;
– sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple, sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange).
B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments; jeûne, exercice physique excessif.
C. Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous les deux, en moyenne, au moins deux fois par semaine pendant trois mois.
D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.
E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale.
Spécifier le type :
• type avec vomissements ou prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements;
• type sans vomissement ni prise de purgatifs : pendant l’épisode actuel de boulimie, le sujet a présenté d’autres comportements compensatoires inappropriés, tels que le jeûne ou l’exercice physique, mais n’a pas eu régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic est avant tout positif et souvent évident (lorsqu’il est démasqué ou avoué).
Aucune autre maladie ne prête à confusion, et il est inutile de multiplier les examens complémentaires. Ces accès boulimiques sont à différencier des fringales, grignotages et hyperphagies prandiales, ainsi que des hyperphagies dans le cadre maladies chroniques tels un diabète, un syndrome de Kluver-Bucy ou un épisode maniaque.
Formes cliniques
La forme normo-pondérale est la plus fréquente (70 % des cas). Les boulimies avec obésité représentent 30 %.
Rappelons que 50 % des anorexiques ont été, sont ou seront boulimiques à un moment donné. Ces formes mixtes rappellent les liens psychopathologiques entre les deux troubles (addictions). Enfin, il existe des formes masculines, considérées comme plus sévères, elles relèvent souvent de troubles de l’identité sexuée. Les formes graves à type d’état de mal boulimique sont exceptionnelles.

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