Chapitre 50. Cardiopathies
Chapitre relu par and Ph. Pézard, M. le Dr
cardiologue pédiatre au CHU d’Angers
Point sur les cardiopathies chez l’enfant en 2010
CardiopathieDiagnosticprénatal (DPN)Qualité de vieAngoisseTransplantationFratrie (vécu de la)Travailde liaisonLes malformations cardiaques chez l’enfant regroupent des entités diverses, de gravité et de pronostic variables. La cardiologie pédiatrique a beaucoup progressé, tant au niveau du diagnostic prénatal (pour les cardiopathies congénitales) que du développement de nouvelles modalités de prise en charge (médicale, chirurgicale et par cathétérisme interventionnel). L’imagerie (échocardiographie, IRM) tient aujourd’hui une place très importante dans le diagnostic et le suivi des malformations cardiaques. La génétique des cardiopathies congénitales est, elle aussi, en plein essor.
Données épidémiologiques
Les malformations cardiaquesMalformationcardiaque congénitales sont les plus répandues (Chantepie, 2004; Durand et al., 2009; Vayssière, 2009). Leur fréquence est de 7 à 8 pour 1 000 naissances, soit 5 000 à 6 000 nouveaux cas par an en France (Hoffman, 1995; Baudet, 2004). Elles représentent une cause majeure de mortalité et de morbidité périnatale (Vayssière, 2009). Trois quarts des cardiopathies congénitales sont «isolées», le quart restant est dit «associé», c’est-à-dire accompagné d’au moins une autre malformation, quelle qu’en soit la nature (Viot, 2002).
Cardiopathies congénitales
Les cardiopathies congénitales peuvent être isolées (communication interventriculaire, communication interauriculaire, sténose aortique, sténose pulmonaire, hypoplasie du cœur gauche) ou s’intégrer à un syndrome complexe (DiGeorge, Beuren, Alagille, Noonan, Marfan, Duchenne de Boulogne, CHARGE…) (Viot, 2002).
Certaines cardiopathies congénitales sont dites «complexes» lorsque les bouleversements anatomiques sont tels qu’il est impossible d’envisager une réparation chirurgicale susceptible de conduire à la récupération d’un cœur comportant deux ventricules ou deux valves auriculoventriculaires natives (Fermont, 2002). Dans ces situations, tout espoir de guérison est exclu; les interventions proposées sont palliatives, éventuellement relayées plus tard par une transplantation (Fermont, 2002).
Une des plus fréquentes cardiopathies congénitales cyanogènes est la tétralogie de Fallot. Elle représente 5 à 8 % des cardiopathies congénitales (Friedli, 2004) et associe communication interventriculaire, sténose pulmonaire, chevauchement de l’aorte et hypertrophie du ventricule droit. Cliniquement, la tétralogie de Fallot s’exprime par une cyanose progressive, au cours des 6 premiers mois de vie, souvent accompagnée de crises hypoxiques (plus fréquentes après l’âge d’un an). Dans sa forme classique, elle ne s’accompagne d’aucun symptôme à la naissance, si ce n’est un souffle. Le diagnostic est suspecté à l’auscultation et confirmé à l’échographie. Son traitement comprend une réparation chirurgicale à cœur ouvert, réalisée précocement (à l’âge d’un ou deux ans, voire avant pour certains centres) (Friedli, 2004). Même si l’intervention chirurgicale a radicalement transformé le pronostic de cette cardiopathie, elle ne permet pas de guérison définitive. En effet, les lésions résiduelles et les troubles du rythme cardiaque peuvent être responsables de morbidité et de mortalité tardives. Un suivi médical des enfants est donc nécessaire tout au long de la vie.
Diagnostic prénatal des cardiopathies
Diagnosticprénatal (DPN)Les progrès dans le domaine du dépistage prénatal ont permis, depuis vingt-cinq ans, une augmentation importante du diagnostic des cardiopathies fœtales pendant la grossesse, et en conséquence, une meilleure prise en charge périnatale. Le diagnostic prénatal des cardiopathies congénitales s’est développé grâce aux compétences des échographistes «de première ligne», qui examinent systématiquement la morphologie fœtale au cours du deuxième trimestre de grossesse (Bonnet, 2009).
En cas d’anomalie, la grossesse devient une «grossesse à risque». L’avis du cardiopédiatre est requis. Avec l’échographiste, ils établissent un diagnostic de cardiopathie et un pronostic. Ils conseillent également les parents et le dossier est présenté au staff du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal (CPDPN) où se retrouvent obstétriciens, échographistes, cardiopédiatres, pédiatres néonatalogistes, généticiens, psychologues et psychiatres. Diagnostics et pronostics sont discutés. L’éventualité d’une interruption médicale de grossesseGrossesseinterruption médicale de (IMG) est soulevée, lorsqu’il s’agit d’une cardiopathie d’une particulière gravité. Depuis près de quinze ans, il semble que le taux d’IMG pour motif de cardiopathie reste stable, autour de 15 % (Bonnet, 2009) à 25 % (Pézard et al., 2009) des cas détectés.
Le diagnostic prénatal des cardiopathies congénitales ne se limite plus à la description échographique des malformations; il est passé d’une méthode de dépistage à une véritable médecine cardiaque fœtale (Bonnet, 2009). L’intérêt de faire le diagnostic de la cardiopathie chez le fœtus réside dans le fait que les manifestations cliniques surviennent souvent quelques jours après la naissance (lors de la fermeture du canal artériel), quand le nouveau-né est sorti de la maternité; cela permet donc d’anticiper les actions thérapeutiques (Bonnet, 2009). La vigilance reste cependant de mise. Même si la détection prénatale des cardiopathies congénitales s’améliore, une urgence cardiologique néonatale sur deux ne serait pas repérée en anténatal (Durand, 2009).
Autres cardiopathies
Il existe d’autres cardiopathies, acquises, telles les myocardiopathies, primitives ou secondaires (chimiothérapie). Elles nécessitent fréquemment des traitements lourds avec éventuellement une greffe cardiaque.
Cardiopathies et génétique
La plupart des cardiopathies n’ont pas d’étiologie reconnue en dehors des anomalies chromosomiques, en particulier la trisomie 21. Le risque d’anomalie du caryotype est en effet proche de 10 % en cas de cardiopathie congénitale (Viot, 2002; Vayssière, 2009). Les cardiopathies congénitales représentent donc un motif fréquent de consultation pour les généticiens (conseil génétique). Les parents veulent en effet connaître le risque de récidive lors d’une grossesse ultérieure. L’estimation du risque de récurrence dépend du type de cardiopathie, mais aussi de son caractère isolé ou syndromique.
Les progrès récents permettent de mieux appréhender le déterminisme des cardiopathies congénitales et de mieux conseiller les parents d’enfants atteints. Néanmoins, de gros progrès restent à faire pour obtenir une meilleure compréhension des facteurs de prédisposition génétiques et environnementaux et pour affiner le conseil génétique (Robert-Gnansia et al., 2004).
Progrès dans la prise en charge des cardiopathies
Une bonne collaboration entre obstétriciens et cardiopédiatres et la programmation de l’accouchement dans une maternité de type 3, en cas de cardiopathie nécessitant une prise en charge immédiate à la naissance, sont très importantes. Le transfert «in utero» des cardiopathies graves en a amélioré la prise en charge périnatale.
La chirurgie des cardiopathies congénitales a beaucoup progressé ces dernières années. Les enfants atteints de cardiopathies sont opérés de plus en plus tôt, parfois dès la naissance (Brevière & Rey, 2005). L’intervention chirurgicale privilégie la correction complète de la cardiopathie, plutôt qu’une palliation suivie d’une correction définitive (Bernasconi & Beghetti, 2002). Les progrès en chirurgie cardiaque pédiatrique et des techniques de cathétérisme interventionnel, la meilleure maîtrise de la circulation extracorporelle et l’amélioration de la qualité des soins intensifs postopératoires ont permis de diminuer la morbidité et la mortalité liées aux cardiopathies.
Spécificités et particularités des pathologies cardiaques
Aux plans somatique et fonctionnel
Les répercussions des cardiopathies congénitales sont variables selon le type de cardiopathie, l’âge de l’enfant et la perception de la qualité de vie de l’enfant et de sa famille. Concernant le pronostic, le problème actuel de l’évolution des cardiopathies congénitales, même complexes, dépasse le seul pronostic vital pour rejoindre celui du résultat à long terme (Fermont, 2002).
Pour l’enfant
Pour certaines cardiopathies, le pronostic vital est d’emblée engagé. Dans d’autres situations, l’évolution précoce peut être émaillée de défaillances et de complications somatiques multiples. Enfin dans d’autre cas, la question du pronostic se pose à long terme.
Quand une chirurgie est nécessaire dans le cadre d’une cardiopathie congénitale, elle est souvent réalisée précocement, dans les deux premières années de vie. Pour autant, même après «correction chirurgicale», des séquelles peuvent persister et peuvent entraîner une altération de la qualité de la vie, la nécessité d’un traitement médicamenteux, une adaptation du mode de vie et l’obligation de se soumettre à une surveillance médicale au long cours.
Tolérance physique
Les pathologies cardiaques de l’enfant sont variables en terme de gravité et de pronostic. Les particularités somatiques et fonctionnelles sont en lien avec le type et la sévérité de la cardiopathie présentée. Chez le nourrisson et le jeune enfant porteurs d’une cardiopathie, des troubles alimentaires à type d’anorexie et une hypotrophie sont fréquemment associés, en particulier dans les cardiopathies mal tolérées (Martinez, 2004b). Chez l’enfant plus grand, des malaises (pâleur, hypotension) voire des pertes de connaissance peuvent survenir, lors d’exercices physiques ou subitement. Cette mauvaise tolérance majore l’anxiété de l’enfant et de son entourage.
L’éloignement géographique (pour se rendre dans les centres spécialisés de cardiologie et de chirurgie pédiatrique) et la multiplication des hospitalisations entraînent des ruptures des relations intrafamiliales, souvent mal tolérées par l’enfant et ses parents.
Traitement médical et surveillance
Un certain nombre de cardiopathies nécessite un traitement médicamenteux (antihypertenseurs, digitaliques, diurétiques). Si l’observance thérapeutique pose généralement peu de problème durant l’enfance, la mauvaise compliance thérapeutique est fréquente à l’adolescence.
Une fois dépistées et traitées, les cardiopathies congénitales (mêmes opérées) nécessitent une surveillance particulière assurée par un spécialiste, en général un cardiologue pédiatre. Des complications (troubles du rythme, anomalie valvulaire) peuvent survenir de nombreuses années plus tard. Des examens complémentaires réguliers, parfois invasifs, peuvent être nécessaires. Si le suivi médical est facilement accepté par le petit enfant porteur d’une cardiopathie congénitale, il n’en est pas toujours de même pour l’enfant plus grand ou l’adolescent.
Mesures hygiénodiététiques
Un certain nombre de conseils hygiénodiététiques sont préconisés. Si le respect de ces mesures, comme la bonne observance thérapeutique, posent peu de difficultés durant l’enfance, c’est loin d’être le cas à l’adolescence. En effet, plusieurs adolescents vont, à certaines périodes, faire preuve d’une mauvaise observance, ou se mettre à fumer, tout en ayant été informés de la nocivité de ces conduites par rapport à leur pathologie.
Chez l’enfant malade cardiaque, trois problèmes dominent : l’apport sodé, l’obésité et l’artériosclérose (Martinez, 2004b). Une limitation de l’apport sodé peut être recommandée en cas de cardiopathie décompensée. Il existe alors des répercussions alimentaires pour l’enfant (mais qui souvent s’étendent à toute la famille!).
Enfin, dans certains cas, la prophylaxie de l’endocardite est une préoccupation essentielle. Elle impose une bonne hygiène dentaire et une antibiothérapie systématique lors de toutes interventions chirurgicales ou dentaires.
Traitement chirurgical
Certaines pathologies cardiaques nécessitent une intervention chirurgicale lourde, réalisée «à cœur ouvert». L’indication chirurgicale, souvent portée sans urgence extrême, est souvent préventive (pour éviter l’apparition d’une hypertension pulmonaire, par exemple). Le cardiopédiatre propose donc un acte chirurgical important à un enfant qui parfois va encore très bien, ce qui n’est pas simple à accepter (Martinez, 2004b). Certaines interventions sont palliatives ou partielles, imposant d’autres actes chirurgicaux, ultérieurement. Parfois encore, une transplantation cardiaque est envisagée; elle n’est pas sans retentissement psychologique pour l’enfant et ses parents (cf. chapitre 41).
Enfin, si la cardiopathie n’est pas visible cliniquement, l’acte chirurgical laisse une cicatrice résiduelle importante, parfois difficile à accepter pour le jeune.
Qualité de vie
Qualité de vieLes pathologies cardiaques retentissent généralement sur la qualité de vie de l’enfant. Elles peuvent perturber l’intégration sociale et scolaire, l’intégration socioprofessionnelle ultérieure, voire parfois l’autonomie. Dans le cas de cardiopathies cyanogènes (non opérées), l’enfant reste souvent dyspnéique et cyanosé : une oxygénothérapie (intermittente ou nocturne) est parfois nécessaire mais difficile à accepter. L’enfant peut refuser et ce n’est que lorsque ses capacités physiques s’altèrent davantage qu’il finit par accepter les contraintes des traitements.
Pratique d’un sport
La pratique sportive peut être une source de risque, mais aussi une possibilité d’amélioration du fonctionnement cardiaque et d’épanouissement de l’enfant (Martinez, 2004a). Cette question de la pratique d’un sport est une préoccupation fréquente pour les parents d’enfants malades cardiaques (question parfois posée dès le diagnostic prénatal).
Nombreuses sont les cardiopathies congénitales compatibles avec la pratique d’activités sportives. Des adaptations sont bien sûr à envisager pour les cardiopathies opérées avec persistance d’anomalies (tétralogie de Fallot). Cependant, les contre-indications formelles au sport, sous-tendues par le risque de mort subite, seraient rares (Chantepie, 2004).
Pour les parents
Les parents vont tenter de s’adapter au mieux pour accompagner leur enfant atteint de cardiopathie. Ils vont s’organiser pour être auprès de leur enfant malade lors des hospitalisations, tout en continuant à s’occuper de leurs autres enfants. Ils gèrent le traitement médicamenteux quand il est nécessaire, accompagnent leur enfant lors des consultations. Ils tentent de favoriser l’épanouissement et l’autonomisation de leur enfant, malgré la maladie. Cet accompagnement n’est pas sans conséquence sur la vie de couple et sur la dynamique familiale (fratrie).
L’expérience clinique semble retrouver un nombre important de séparations conjugales dans ce contexte de maladie de l’enfant. Dans d’autres cas, il n’est pas rare que la naissance d’un nouvel enfant ne soit différée et n’intervienne qu’après la guérison (ou l’intervention chirurgicale) de l’enfant malade.
Hors du cadre familial
Les répercussions des cardiopathies dépassent le cadre familial. Il est en effet fréquent que les responsables de collectivités (halte-garderie, crèche, école, centre aéré, club sportif…) demandent un certificat médical pour accueillir un enfant porteur de cardiopathie et pour encadrer ses activités, essentiellement pour des raisons de responsabilités légales (Chantepie, 2004). La prise d’un traitement médicamenteux peut également poser des difficultés en collectivité.
En milieu scolaire, la mise en place d’un projet d’accueil individualisé (PAI) peut permettre de rassurer l’équipe enseignante et la famille, tout en limitant les interdictions abusives.
Au plan psychopathologique
La découverte d’une cardiopathie chez un enfant est une épreuve qui touche la famille dans son ensemble (enfant, parents, fratrie). L’annonce de la malformation, l’hospitalisation, la lourdeur des soins, l’angoisse liée à l’intervention chirurgicale, la peur de la mort et la fantasmatique associée au cœur sont autant d’éléments qui s’inscrivent dans l’histoire personnelle et familiale et retentissent de manière différente chez chacun, en fonction de son organisation psychique préalable, de ses moyens de défense et de ses expériences personnelles (Dussart et al., 2008).
Pour l’enfant
Comme toute maladie chronique, la pathologie cardiaque modifie les rapports que l’enfant entretient avec son propre corps et l’image qu’il s’en fait. Il n’existe cependant pas de troubles psychiques spécifiques de l’enfant atteint de cardiopathie.

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