5
Radiodiagnostic : techniques d’imagerie ostéoarticulaire
Radiographie conventionnelle
La radiographie conventionnelle est la technique d’imagerie la plus couramment utilisée pour évaluer les atteintes osseuses et/ou articulaires, particulièrement en cas de traumatisme. Son principe repose sur l’atténuation d’un faisceau de rayons X. Les rayons X sont une forme de rayonnement électromagnétique (au même titre que les ondes radio, les infrarouges, la lumière visible ou les ultraviolets) à haute fréquence et constitué de photons dont la longueur d’onde varie entre 10− 8 et 10− 11 m.
Les propriétés fondamentales des rayons X sont les suivantes :
• ils sont absorbés par la matière en fonction de la masse atomique, c’est-à-dire qu’ils traversent les tissus mous (matière solide peu dense constituée d’éléments légers comme le carbone, l’oxygène et l’azote) mais sont absorbés par les structures dures (matière solide dense constituée d’éléments lourds) ;
• ils sont diffusés par la matière (rayonnement de fluorescence) ;
• ils impressionnent la plaque photographique (de nos jours, plutôt le capteur numérique) ;
Les principaux composants d’un système de radiographie sont : le tube à rayons X (produisant des photons par transitions électroniques), le collimateur, le système récepteur numérisé (c’est-à-dire le détecteur composé d’une plaque au phosphore photo-stimulable lue par un système laser, ou d’un capteur plan), et la console informatique de traitement des données (permettant le réglage des constantes de noircissement de l’image : contraste et luminosité).
Lors de la réalisation d’un cliché, le faisceau de rayons X est diaphragmé puis pénètre la région anatomique examinée. Les photons non absorbés par les tissus vont percuter le capteur numérique. L’intensité lumineuse de chaque pixel de l’image sera fonction du nombre de photons reçus. Plus ce nombre est important, plus le pixel sera noir (on parle de radiotransparence ou radioclarté). À l’inverse, plus ce nombre est faible, plus le pixel sera blanc (radiodensité).
Cette notion importante nous mène aux quatre densités de base en radiographie conventionnelle : os, tissu mou, graisse et air, du plus dense au plus transparent (figure 5.1). Une densité supplémentaire, plus dense que l’os, est fréquemment rencontrée en imagerie orthopédique et traumatologique : la densité métallique (figure 5.1). Ces densités radiologiques sont additives de manière arithmétique, c’est-à-dire qu’un tissu de densité égale mais deux fois plus épais sera deux fois plus blanc sur l’image. L’image obtenue est donc la résultante d’une projection 2D de l’ensemble des tissus traversés au sein d’un volume donné et correspond à la superposition de différentes densités liées chacune à un tissu. Le contraste de l’image dépendra par conséquent de l’épaisseur et du coefficient d’atténuation des tissus traversés.
Figure 5.1 Radiographies de l’épaule droite de face (A) et de profil (B) (incidence de Neer) présentant les 4 densités de base (os, tissu mou, graisse et air) en radiographie conventionnelle, ainsi qu’une densité supplémentaire (métallique) fréquemment rencontrée en imagerie ostéoarticulaire.
Pour qu’une structure (ou une lésion) soit nette en radiographie standard, il faut qu’elle ait une densité suffisamment différente de son environnement et que le faisceau de rayons X soit tangent à ses bords. Ce dernier principe explique pourquoi il faut réaliser systématiquement deux incidences orthogonales (c’est-à-dire à 90° l’une de l’autre) lorsque l’on évalue les os et/ou les articulations (figure 5.2).
Figure 5.2 Radiographies du genou droit de face (A) et de profil (B) montrant une lésion osseuse focale de la diaphyse proximale du tibia (fibrome non ossifiant).
Noter le changement d’aspect des contours lésionnels selon l’incidence des rayons (principe de tangence).
Généralement, des incidences de face et de profil sont obtenues ; occasionnellement, des incidences obliques ou « de stress » (permettant d’évaluer l’intégrité ligamentaire et la stabilité articulaire, figure 5.3) sont nécessaires. Ces différentes incidences (par région anatomique) ainsi que leur analyse respective sont décrites dans la partie IV de ce manuel. Par ailleurs, il faudrait dans la mesure du possible inclure deux articulations dans le champ d’examen.
Figure 5.3 Radiographies du poignet droit de face en position neutre (incidence postéroantérieure) (A) et en supination poing fermé (incidence antéropostérieure) (B) démontrant un diastasis scapholunaire sur l’incidence de stress (B) parlant en faveur d’une lésion ligamentaire sous-jacente.
Enfin, chez l’enfant, il est souvent nécessaire d’obtenir une radiographie du côté controlatéral (sain) afin de comparer.
La sémiologie radiologique ostéoarticulaire est trop vaste pour être détaillée dans ce chapitre et sera discutée dans les chapitres suivants en fonction de la spécialité, articulation par articulation.
La problématique de la dose d’irradiation engendrée par les techniques d’imagerie utilisant les rayons X sera discutée ci-après dans la partie CT. Le tableau 5.1 présente la dose effective moyenne par acte pour différents examens radiographiques ostéoarticulaires, en comparaison avec un cliché thoracique de face.
Tableau 5.1
Doses effectives (en mSv) moyennes typiques pour différentes radiographies
Région anatomique | Dose effective moyenne (mSv) |
Colonne lombaire (2 incidences) | 1,5 |
Bassin (face) | 0,75 |
Hanche (2 incidences) | 0,5 |
Poignet (2 incidences) | 0,001 |
Thorax (face) | 0,05 |
Tableau 5.2
Nombres CT typiques (en unités Hounsfield, UH) pour différents tissus
Tissu | Nombre CT (UH) |
Air | − 1 000 |
Graisse | − 50–100 |
Eau | 0 |
Muscle/tissu mou | + 30–60 |
Produit de contraste | + 120–250 |
Os cortical | + 1 000 |
Fluoroscopie
La fluoroscopie, également appelée radioscopie, est une technique dont le principe de fonctionnement est relativement semblable à la radiographie conventionnelle mais qui a l’avantage de permettre la visualisation en temps réel de l’image radiologique sur l’écran.
Cependant, son utilisation reste limitée par la dose d’irradiation, qui dépend notamment du temps d’exposition (et est inversement proportionnelle au carré de la distance !).
Arthrographie
L’arthrographie correspond à l’injection intra-articulaire d’une solution contenant du produit de contraste radio-opaque (c’est-à-dire iodé, figure 5.4 ; l’injection concomitante d’air, arthrographie dite « en double contraste », est tombée en désuétude). Elle est généralement effectuée sous contrôle fluoroscopique et combinée à l’IRM (arthro-IRM, du gadolinium est alors ajouté à la solution injectée, figure 5.5) ou au CT (arthro-CT, figure 5.4) selon la présence de matériel métallique (engendrant d’importants artefacts en IRM) et en fonction des habitudes locales.
Figure 5.4 Arthrographie (A) de la hanche gauche couplée à une IRM (B : arthro-IRM pondérée en T1) et un CT (C : arthro-CT).
Notez l’aspect et le contraste différents des structures articulaires avec ces deux techniques d’imagerie, ainsi que les artefacts métalliques plus prononcés en IRM (phénomène de susceptibilité magnétique) qu’en CT.
Figure 5.5 Arthrographie (A) et arthro-IRM de l’épaule droite (B, C).
Vues axiale (B) et coronale oblique (C) en pondération T1 avec suppression du signal de la graisse démontrant le passage de produit de contraste au sein d’une fissure du labrum supérieur s’étendant au tendon du long chef du biceps, et correspondant à une lésion de type SLAP (Superior Labrum from Anterior to Posterior) 4.
Son principe repose sur la distension de la capsule articulaire et le moulage des structures intra-articulaires (ex : corps libre). Le contraste peut également s’immiscer au sein de lésions du cartilage articulaire, du fibrocartilage (labrum, ménisque) ou d’un ligament et les rendre ainsi mieux visibles (figure 5.5).
Figure 5.6 Échographie du tendon calcanéen.
Images sagittale (A) et axiales (B, C) démontrant le principe d’anisotropie. Noter le changement d’apparence (hypo-/anéchogénicité, perte de l’aspect fibrillaire) du tendon lorsque celui-ci est (B) ou n’est pas (C) orienté perpendiculairement au faisceau ultrasonore.
Les articulations les plus concernées sont l’épaule, la hanche et le poignet. Les principales indications de l’arthro-IRM (ou arthro-CT) sont résumées plus loin dans le tableau 5.4.
Échographie
L’échographie s’est considérablement développée au cours des 10 dernières années et est désormais couramment utilisée en imagerie musculo-squelettique.
Son principe repose sur l’interaction d’ondes ultrasonores émises par une sonde (émettrice et réceptrice) avec les différentes interfaces tissulaires du corps humain. Lorsque les ondes rencontrent une interface entre des tissus d’impédance acoustique différente, celles-ci sont réfléchies ou réfractées. Si l’interface est perpendiculaire au faisceau ultrasonore, les ondes sont réfléchies et détectées par la sonde, tandis que si l’interface est oblique, celles-ci ne sont pas détectées (principe d’anisotropie, figure 5.6). Les ondes réfléchies vers la sonde, caractérisées par leur intensité et le temps mis pour parcourir la distance, sont enregistrées et converties en images en temps réel (comme en fluoroscopie).
Lorsqu’une structure transmet bien les ultrasons, le faisceau est peu ou non réfléchi et l’image est sombre (hypoéchogène) ou noire (anéchogène). Les structures anéchogènes engendrent un « renforcement postérieur » (zone blanche sur l’image). Inversement, une structure qui atténue le faisceau sera claire (isoéchogène) ou blanche (hyperéchogène). Les structures hyperéchogènes peuvent engendrer un « cône d’ombre postérieur » (zone noire).
L’échographie est cependant suboptimale pour l’analyse des structures profondes, intra-articulaires ou de l’os spongieux (l’os cortical stoppe le faisceau ultrasonore mais peut être analysé, p.ex. en cas de fracture de « stress »), et limitée par sa faible résolution en contraste ainsi que sa dépendance de l’expérience de l’opérateur.
Chez l’enfant, l’échographie est utilisée de routine pour évaluer les pathologies de la hanche.