Chapitre 5. Qualité d’une psychothérapie
quelques repères
Selon la théorie qui guide ces entretiens ultérieurs, ils peuvent être menés de façon très différente. Si on suit un la théorie psychodynamique, on laisse venir, au fil des associations libres, les points qui se dégageront comme étant les plus importants dans le discours du patient. On travaille en permanence entre les propos manifestes et le contenu latent ou symbolique des propos. On recherche une symbolisation et un aspect métaphorique. Si l’on suit un système de lecture issu des théories cognitives, on s’attachera à retrouver des pensées dites dysfonctionnelles, des schémas de pensées irrationnelles, des fausses croyances. On essaiera de repérer dans quel contexte elles surviennent. On tentera de les relier à des pensées et à des émotions.
Une autre voie peut être choisie. Elle ne peut pas être tout à fait athéorique, mais elle tient compte des trois manières les plus courantes dont s’orientent les entretiens au fil de plusieurs consultations. Il faut cependant dire un mot de quelques écueils habituels, susceptibles de rendre complexe la gestion de plusieurs entretiens.
Écueils à éviter
Syndrome de Saint Sébastien
Un thème classique de la peinture de la Renaissance montre sur différents tableaux Saint SébastienSaint Sébastien percé de multiples flèches, en situation de martyr. Ce tableau symbolise une forme d’entretien fait de questions touchant trop de domaines, allant dans tous les sens. Il en est de même des entretiens qui abordent de multiples thèmes, tous paraissant relativement importants pour le patient. Il n’y a cependant aucun lien logique entre ces thèmes. Certains concernent des plaintes, d’autres des faits de la vie quotidienne, d’autres des difficultés de relations interpersonnelles. En ce contexte de syndrome de Saint Sébastien, le patient éprouve l’impression qu’on a parlé de tout et de rien. Le thérapeute peut être enseveli, voire tout à fait noyé, sous l’ensemble des données. Si l’on garde cette comparaison, une ou deux flèches sont utiles, une dizaine de flèches ne font que perdre le patient et son thérapeute.
Dosage des silences
Patient et thérapeute éprouvent une compréhension diamétralement opposée du silencesilence. Pour le patient, le silence est un vide, il est inquiétant ; il peut être ressenti comme une menace, un jugement, une évaluation. Pour le thérapeute, le silence permet une certaine « respiration psychique » pour le patient ; le silence autorise une réflexion, il permet aux deux protagonistes d’avancer dans la thérapie. Plusieurs patients sont tout à fait déstabilisés par le silence. Certains peuvent abandonner une thérapie en exprimant : « Mon thérapeute est resté trop silencieux, je ne savais pas quoi lui dire, il ne se passait rien… ».
Dans les premiers entretiens, le mode conversationnel doit être préféré. Il est parfois utile d’expliquer au fur et à mesure des entretiens que des silences peuvent survenir pour permettre une réflexion et un meilleur approfondissement des pensées et des émotions. Le patient peut alors comprendre l’intérêt et la valeur d’un silence qui lui semblait obscur ou menaçant. Plusieurs patients, après de nombreux entretiens, arrivent à dire qu’ils se sont sentis déstabilisés par le silence et le regard de leur interlocuteur.
Récit des faits de la vie quotidienne
Il s’agit d’entretiens qualifiés « d’entretiens de salon de théentretiens de salon de thé ». L’essentiel de l’entretien raconte toute une série de menus faits des jours précédents, des rencontres, des courses avec des amies, des discussions avec les profs, du bricolage, des sorties… Ces entretiens de salon de thé ont parfois une valeur d’écoute devant des patients très isolés et très solitaires. Dans d’autres cas, il s’agit d’une forme de remplissage, d’occupation du temps. Il est alors souvent nécessaire d’infléchir ce type d’entretien vers une thématique plus spécifique ou un questionnement psychique. Si cette réflexion n’est pas réalisée, le patient a le sentiment de discuter avec son thérapeute comme il discute avec sa voisine ou avec son groupe de dialogue sur l’ordinateur.
Ces écueils étant posés, les entretiens peuvent suivre trois grandes directions : le choix d’un thème, l’approfondissement d’un mode relationnel et l’émergence de l’imaginaire.
Choix d’un thème
Dans bien des cas, ce thèmethème peut être un stress ou un événement traumatique. Il est capital d’entendre l’importance d’un événement proposé par le sujet. Parfois, certains semblent anodins, dérisoires ou de l’ordre du banal : un changement dans la rue, des arbres abattus, des vignes arrachées, un animal de compagnie disparu. Répondre à cet événement par : « cela arrive… c’est normal » peut disqualifier le patient, et au-delà la thérapie. Le stress, par définition, représente une circonstance qui entraîne une tension psychique. Qu’il s’agisse d’une séparation familiale, d’un accident, d’un conflit professionnel, d’une dispute, tous ces événements sont à l’origine de pensées répétitives et d’émotions négatives comme l’anxiété ou l’angoisse. Le traumatisme va au-delà de l’événement de vie stressant ou difficile. Il est soudain, il est imprévu, il implique un danger, il entraîne une menace vitale, un risque de mort, un danger pour sa survie. Lorsque l’on approfondit un thème, on suit généralement des étapes progressives.
L’importance de ce thème pour l’individu peut s’expliquer soit par le bouleversement qu’il entraîne dans la vie du sujet − et ce bouleversement doit alors être approfondi −, soit par un phénomène de répétition que l’événement en cours met au jour en se révélant être une reprise, une redite d’un événement antérieur du passé. Ce phénomène d’écho peut renvoyer à des souvenirs douloureux ou traumatiques.