5: Psychosomatique des situations médicales à risque psychologique

Chapitre 5 Psychosomatique des situations médicales à risque psychologique




Vomissements incoercibles de la grossesse


Ce sujet suscite un intérêt d’intensité variable chez des professionnels médicaux d’horizons très divers : obstétriciens et sages-femmes bien sûr, endocrinologues, gastro-hépatologues, psychologues et psychiatres.


Les définitions et la prévalence sont également variables (d’un facteur 10 pour cette dernière !). Enfin, la pathogenèse et l’étiologie restent floues et discutées, laissant supposer une origine plurifactorielle.


On peut relever dès maintenant comme dénominateur commun, la sévérité de la symptomatologie, l’existence de thérapeutiques efficaces, et le malaise des soignants face à ces patientes.


Je me suis intéressée à ce sujet en raison d’une impression que j’ai pu, par la suite, partager avec d’autres obstétriciens et sages-femmes : celle que cette pathologie rencontrée relativement fréquemment dans les services de maternité il y a 20, 30 ans lorsque j’étais interne, avait disparu « au profit » de la menace d’accouchement prématuré, elle, de plus en plus fréquente. Et puis, on la rencontre à nouveau, il me semble plutôt chez les femmes immigrées.



Définitions







Symptomatologie


La symptomatologie est bruyante, éprouvante pour la femme et pour son entourage. Les vomissements durent toute la journée, sont subintrants entraînant angoisse et idées dépressives : les patientes ont l’impression qu’elles vont en mourir, ce qui les angoisse, bien sûr, et d’ailleurs elles sont tellement mal qu’elles ont envie d’en finir. « Je vomissais ma vie » me disait une consœur gynécologue. Elles ne se reconnaissent pas, sont déçues et blessées de ne pas être capables d’être enceintes normalement. Elles ne sont plus qu’un corps malade, source de douleur, court-circuitant ainsi toute capacité de penser. Certaines femmes demandent en hurlant qu’on leur « enlève » cette grossesse tellement cette maladie dont elles espéraient avec impatience, mais en vain, l’arrêt des symptômes à l’entrée du 4e mois est éprouvante et invalidante. On imagine que l’entourage et les équipes soignantes sont très impressionnés par ces comportements. D’ailleurs quelques IVG sont régulièrement dues à l’HG tant les effets collatéraux se comparent à ceux d’une chimiothérapie anticancéreuse.


Toute prise alimentaire étant difficile et souvent impossible, déclenchant un redoublement des vomissements, la perte de poids (supérieure à 5 % du poids avant grossesse) et la dénutrition sont inévitables, avec déshydratation, troubles électrolytiques (hypophosphorémie, hypokaliémie, hyponatrémie), cétonurie, alcalose métabolique, insuffisance rénale fonctionnelle, perturbation de la fonction hépatique. Les efforts de vomissements peuvent entraîner un syndrome de Mallory-Weiss (déchirure œsophagienne), et des hémorragies rétiniennes.


Enfin, le déficit provoqué en vitamine B1 peut amener à l’extrême à l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke.


L’hospitalisation est nécessaire pour perfuser la patiente, l’apaiser elle ainsi que son entourage. On en profite pour éliminer les classiques diagnostics différentiels, éternels pièges de la médecine, que sont : l’appendicite aiguë, la cholécystite aiguë, la méningite et la tumeur cérébrale (Pons et al., 2005), ainsi que l’occlusion intestinale et les hyperthyroïdies (Chaussade et al., 1995).



Cas cliniques




Bilana est pakistanaise, immigrée en France depuis 5 ans. Elle ne parle pas du tout français. Elle a déjà un petit garçon de 4 ans pendant la grossesse duquel elle a souffert de vomissements incoercibles, au point qu’elle hésitait à démarrer une deuxième grossesse. Son mari, lui, désirait ardemment un autre enfant.


Elle est enceinte de 6 mois quand nous faisons sa connaissance. Hospitalisée dans le service, elle est tellement déshydratée que l’on peine à trouver une veine pour la perfuser. Dès qu’on y parvient, avant même que les médicaments aient pu faire effet, elle va déjà mieux. C’est de ce constat que nous avons tiré l’image du cordon ombilical ; d’autant que Bilana est recroquevillée en position fœtale autour de son tuyau de perfusion, dans une chambre sombre.


Ce qui m’a frappée, c’est le comportement maternant du mari à son égard. Malgré la distance et l’absence de véhicule, il venait tous les jours, servait d’interprète et de lien avec l’équipe soignante, apportait à sa femme des petits plats de leur pays. D’ailleurs, son état clinique s’étant amélioré, cette patiente a englouti moins de 48 h après son arrivée une assiettée de poulet aux arachides malgré nos conseils prudents de réalimentation hydrique !


Profitant de la traduction du mari, nous l’avons interrogée sur sa mère qui lui manquait cruellement sans qu’on puisse déterminer une quelconque pathologie de leur relation.


Deux tentatives de sortie à domicile ont échoué, chacune au bout de 24 heures. La même symptomatologie a nécessité la même prise en charge, suivie de la même amélioration spectaculaire. L’hospitalisation a été maintenue jusqu’à l’accouchement.


Je n’étais pas sûre que ce couple aurait un troisième enfant. En fait, si.


C’est le côté maternant du mari qui est commun dans ma deuxième histoire. Il s’agit d’une jeune femme d’une trentaine d’années, Christine, infirmière en psychiatrie, enceinte de son premier enfant. Même tableau clinique, même réconfort du mari (le poulet aux cacahuètes en moins).



Christine a été hospitalisée dans notre service à 23 semaines, adressée par la maternité qui la suivait ; elle en est sortie pour accoucher à 39 semaines soit après environ 3 mois et demi d’hospitalisation. Cette patiente suivie en psychothérapie depuis 4 ans avait de bonnes capacités d’élaboration. Ses vomissements incoercibles étaient apparus très tôt, vers 4 semaines de grossesse. Elle a été hospitalisée quatre fois en 4 mois dans sa maternité avant de nous être adressée. Elle avait perdu 20 kg (mais pesait 100 kg au départ), apparaissait déprimée et présentait un syndrome de Mallory-Weiss (déchirure de l’œsophage due aux efforts de vomissement). La sérologie d’Helicobacter pylori était négative.


Dès l’entrée, le traitement a consisté en :



Comme dans l’histoire précédente, les tentatives de sortie définitive ont échoué. Seules, des permissions le week-end avec retour dans le service le dimanche soir ont permis que cette grossesse se poursuive dans un – très – relatif confort plus propice à la préparation du couple à l’accueil de leur nouveau-né. Tout en regrettant la séparation d’avec les siens, elle se dit « rassurée par l’hôpital où elle se sent autorisée à être malade ». Elle est soulagée lorsque c’est le médecin qui suspend l’autorisation de sortie pour le week-end. La patiente finit par dire se sentir plus chez elle dans le service qu’à la maison. Ce qui, dit en passant, n’était pas sans nous inquiéter, soumis que nous sommes, nous aussi en soins de suites, à l’obligation d’avoir des séjours de plus en plus courts…


Cette longue hospitalisation, donc, a été rythmée de pas moins de huit rechutes et on perçoit, à la relecture du dossier, l’interrogation et le découragement des soignants qui essaient de comprendre, de faire des liens. Il est noté, par exemple, qu’après quelques jours de calme, déperfusée, Christine vomit à nouveau « à la seule évocation du week-end chez ses beaux-parents », ou encore lors d’une séance de préparation à la naissance ayant pour thème l’accouchement.


Le compagnon, comme on l’a dit plus haut, est très soutenant, très présent, plein d’attentions pour sa femme, et participant activement aux séances d’haptonomie.


Il s’agit d’une grossesse désirée par le couple.


Elle est fille unique de parents divorcés ; elle entretient une relation étroite avec sa mère dont elle attend les visites, et souffre de la séparation quand elle repart. Cette mère qui dira un jour en entrant dans sa chambre : « Alors, quand est ce qu’on s’arrête de vomir ? », cette mère qui « l’a eue jeune, qui a fait ce qu’elle pouvait mais ça ne devait pas être facile ».


Dès que son état s’est amélioré, cette patiente a pu nous dire combien elle se sentait coupable vis-à-vis de son fœtus : elle savait, et surtout sa mère le lui avait dit, que si elle vomissait ainsi, c’est qu’elle ne voulait pas de ce bébé. Or, ce n’est pas du tout ce qu’elle ressentait… Elle avait donc l’impression que guérir ne dépendait que de sa volonté et elle n’y arrivait pas. Elle craignait que son état ne retentisse sur la santé mentale de son bébé.


C’est en haptonomie qu’elle se révèle très proche de son fœtus, et ce, dès la première séance, invitant tout de suite le père à prendre sa place. Ces moments sont très contrastés avec d’autres où l’angoisse et la culpabilité la submergent complètement, avec un aspect dépressif très prégnant.


À 7 mois de grossesse, on note que, malgré ses capacités d’élaboration, Christine a peu conscience de son ambivalence par rapport au bébé, à la violence qu’elle peut éprouver à son égard. Elle parle, par ailleurs, des patientes hospitalisées dans le service où elle travaille qui ont perpétré des infanticides…


Elle avait compris – ou voulu comprendre – que son obstétricien envisageait de déclencher son accouchement avant Noël, dès 37 semaines ; ce n’était pas le cas, et il lui fallait attendre au moins les 39 semaines. Cette « nouvelle », inattendue pour elle, a déclenché une réaction de grande violence à l’égard du fœtus, et beaucoup de culpabilité dans l’après-coup. Au moins a-t-on pu constater par la suite, que, tout en pleurant beaucoup, elle arrivait à exprimer sa haine, sa crainte que ce bébé ne vienne détruire l’équilibre conjugal.


À 8 mois de grossesse, tout se recentre sur la préparation à la naissance : l’haptonomie, le sevrage progressif en médicaments, la préparation classique. Christine vomit toujours de temps en temps jusqu’à l’accouchement…


Elle est revenue quelques mois après nous présenter son bébé et nous dire sa reconnaissance. Ils allaient bien tous les trois.



Étiopathogénie


Elle est bien peu claire ! Entre le « tout corps » et le « tout psy », on a envie de penser à une origine plurifactorielle qui ferait le lien entre toutes les hypothèses que je vais survoler pour vous.




Les hypothèses sociales et épidémiologiques


Dayan et al., dans leur ouvrage Psychopathologie de la périnatalité (1999), citent différents auteurs qui, entre 1968 et 1994, rapportent que l’HG serait l’apanage des humains (les vomissements incoercibles n’existent pas chez les animaux), des sociétés industrialisées et du milieu urbain. Elle serait déclenchée par le stress, le manque de soutien social, de mauvaises relations conjugales, en tout cas des relations de couple assez pauvres, marquées par un déni de la conflictualité.


Ces femmes auraient une personnalité de type hystérique, elles seraient immatures et dépendantes, profondément suggestibles (selon Marty). La relation à leur mère serait marquée par la soumission ou la domination, traits que l’on retrouve chez les femmes présentant une menace d’accouchement prématuré. Le symptôme vomissements pendant la grossesse pourrait refléter une ambivalence face à la grossesse, résonnant au niveau du corps avec celle liée à l’oralité, à l’acte de nourrissage.


Elles auraient fréquemment des troubles du comportement alimentaire, ou du moins, selon L. Karpel (2004), des « antécédents de problèmes autour de la sphère orale ». Cela reviendrait à dire que ne vomirait gravement pendant la grossesse qu’une femme qui aurait déjà vomi. Ce qui est contredit par certains témoignages postés sur Internet et l’étude de S. Staraci (2004–2005).


D’après C. Maggioni et S. Mimoun (2000), il s’agirait de femmes infantiles, fragiles psychologiquement, de milieu peu favorisé, peu cultivées, les autres ayant plutôt des crampes abdominales ou des contractions utérines (sans modification du col).


Quant à J. Bernuau (1995), hépatologue, il relève une plus grande fréquence chez les femmes émigrées, ce qui correspond à mon impression clinique et à celle de mes correspondants obstétriciens et sages-femmes, ainsi qu’à celle de S. Staraci qui trouvait huit patientes sur dix originaires de différents pays du continent africain. Ceci pose la question de l’aspect culturel. Par contre, l’étude faite à Béclère par L. Karpel (2004) trouve très peu d’étrangères dans son échantillon de 23 parturientes.


Enfin et surtout pendant ce XXe siècle apparaissent et se développent la psychanalyse et les dosages hormonaux, venant enrichir la palette déjà large des hypothèses.



L’hypothèse psychanalytique38


Celle-ci s’appuie sur plusieurs concepts théoriques :



le désir d’enfant et sa relation à l’inconscient : au cours de la grossesse, deux niveaux s’intriquent, l’un d’identification maternelle archaïque, l’autre de réalisation œdipienne. Pour certains psychanalystes, les vomissements gravidiques incoercibles seraient une tentative inconsciente d’expulsion du fœtus, une façon de signer symboliquement son désir d’avorter par voie orale. La reviviscence des représentations archaïques de fécondation orale, refoulées chez l’adulte, donne son sens au symptôme. Pour A. Freud (1955), le « choix » de ce symptôme se réfère à des conflits intrapsychiques dominés par l’oralité, au cœur de la relation première nourricière entre la mère et son nouveau-né ;


l’ambivalence du désir d’enfant, qui fait partie de la vie psychique normale des femmes enceintes (cf. (p. 20 et 114) : cette notion qui date des années 1960 signifie qu’au désir que l’enfant vive peut s’associer le désir inverse, qu’il ne vive pas. Aussi désiré soit-il, l’enfant du dedans peut s’imposer comme un rival narcissique et une femme aux assises narcissiques fragiles sera en difficulté face à sa propre violence fondamentale. Citons H. Deutsch (1987) pour qui les vomissements pathologiques de la grossesse ne peuvent trouver une origine psychologique que si « les tendances à l’expulsion orale sont accompagnées d’émotions inconscientes, et parfois même conscientes (ou sur le point de l’être), d’hostilité envers la grossesse ou envers le fœtus ». Ces émotions « peuvent prendre la forme d’une protestation irritée, d’une autopunition pour des sentiments hostiles, d’une peur ou de violents affects semblables ». Elle insiste sur l’ambivalence de ces mères souffrant d’HG qui sont très soulagées, consciemment, par la suite, que leur enfant ait pu naître en bonne santé ;


les concepts de transparence psychique (M. Bydlowski) et de séparation–individuation. S. Missonnier (2003b) pointe que la finalité fonctionnelle de la gestation psychique, contenance et interaction avec l’enfant à venir, n’est possible qu’au prix d’une renégociation du narcissisme primaire maternel, dont l’embryon est, au départ, le dépositaire.


Voici comment je comprends les choses. Certaines femmes, parce que lorsqu’elles étaient elles-mêmes bébé n’ont pas pu intégrer des soins maternels sécurisants prodigués par leur propre mère, parce qu’elles ont eu des expériences carentielles précoces, n’ont pas pu se constituer un bon objet interne. Ces femmes, lorsqu’elles sont enceintes, alors même qu’elles ont désiré parfois ardemment ce bébé, peuvent ressentir leur fœtus comme menaçant, persécuteur, car il est, au début de la grossesse, l’incarnation de cet objet interne.


L’excitation engendrée par la présence du fœtus atteint une telle intensité que le pare-excitation, barrière entre le dedans et le dehors, est débordé : l’excitation ne parvient pas à être métabolisée par l’appareil psychique et on assiste à l’émergence du trouble psychosomatique. Or, lors des vomissements, il y a aussi passage du dedans au dehors, une projection à l’extérieur de ce que ces futures mères n’arrivent pas à intérioriser : leur devenir de mère en gestation.


L’absence d’enveloppe contre l’angoisse est testée de façon répétée, ce qui correspond bien à la répétition des vomissements. La répétition de l’expérience douloureuse vise à la maîtrise rétroactive de l’excitation et court-circuite l’élaboration.


Pour dépasser la projection du conflit au dehors, elles doivent s’appuyer sur un contenant externe, leur mère, ou toute personne ou cadre thérapeutique ayant une fonction maternelle substitutive, qui va leur permettre d’élaborer autour de cette grossesse, de ré-injecter du pensable au-dedans. C’est bien ce que nous a montré la clinique.


Je vous donne rendez-vous à l’item de la MAP (p. 78) où les mêmes théories vont servir à expliquer le manque de contenance utérine, cette fois dans la sphère génitale.



L’hypothèse hormonale et autres causes somatiques


L’hormonologie a ouvert de nouvelles perspectives physiopathologiques face aux théories psychologiques et sociales.


L’hypothèse de la cause hormonale des NVG banals du 1er trimestre se justifie par le fait qu’ils sont aggravés lors des grossesses molaires et des grossesses multiples pendant lesquelles les sécrétions hormonales sont majorées. Mais si l’on a longtemps pensé qu’il s’agissait des œstrogènes et de la progestérone, il semble de plus en plus certain que l’hCG (hormone gonadotrophine chorionique humaine) soit responsable par son action TSH-like, c’est-à-dire ressemblant à l’hormone qui stimule la thyroïde.


L’hCG est secrétée très tôt après la conception par le trophoblaste puis par le placenta. C’est sa fraction bêta que l’on dose dans les tests de grossesse ; sa fraction alpha est semblable à celle de la TSH d’où une similitude d’action possible.


Elle permet de maintenir le corps jaune et sa sécrétion d’estrogène et de progestérone, donc de maintenir la grossesse, puis de stimuler par le placenta la sécrétion, là encore, d’œstrogène et de progestérone.


Dans les cas d’hyperémèse gravidique, l’hCG en excès augmente la sécrétion des hormones thyroïdiennes, ce qui a pour effet d’effondrer la TSH par le rétrocontrôle, même si très peu des femmes atteintes ont une hyperthyroïdie symptomatique. La sévérité de l’HG est corrélée au taux d’hCG et au degré d’hyperthyroïdie.


Ces théories étiologiques n’expliquent pas tout : pourquoi certaines femmes enceintes ont-elles un taux plus élevé de certaines hormones ou encore une plus grande sensibilité, que ce soit aux hormones sexuelles, hCG ou thyroïdiennes qui les font vomir à ce point-là ?


Quelques auteurs rapportent aussi une dysmotilité gastrique et l’infection par Helicobacter pylori fréquemment associées aux vomissements gravidiques incoercibles sans que l’on sache au final ce qui revient à la poule ou à l’œuf. Mais au moins ces découvertes servent-elles à soigner plus efficacement ces patientes.



Traitements


L’hospitalisation est souvent nécessaire et utile à plusieurs niveaux : rassurer la femme et son entourage, mettre en place la perfusion pour la réhydratation et la rééquilibration électrolytique, administrer un traitement parentéral et initier une prise en charge psychothérapeutique ou autre.


Puis, dès que la symptomatologie s’améliore, une reprise progressive de l’alimentation est possible.


Un relatif isolement de l’environnement familial peut parfois être bénéfique également grâce à l’hospitalisation. Il y a encore peu de temps, la « vomisseuse » était enfermée dans sa chambre, dans le noir, sans visite, sans téléphone, sans télévision, soit le même traitement que pour les anorexies mentales. Cette méthode très coercitive, traduisant bien l’agressivité des soignants à l’égard de ces patientes, n’a pas fait la preuve de son efficacité, mais il est vrai qu’en début de prise en charge, l’absence de stimuli sensoriels comme affectifs est une aide certaine au traitement.


Aucun médicament n’a été recommandé officiellement ni homologué dans l’HG. Cependant, A. Debourg, psychiatre du service, dose un cocktail remarquablement efficace de neuroleptiques, anti-histaminiques (Donormyl®, Atarax® par exemple) et parfois bêtabloquants ou IPP (inhibiteurs de la pompe à protons, ex. : Mopral®) comme adjuvants. Les neuroleptiques utilisés sans encombre pendant la grossesse et efficaces dans cette indication sont Largactil®, Dogmatil® et Haldol®.


La manière dont ce traitement est administré, expliqué, entouré, accompagné, compte évidemment pour beaucoup. J. Dayan parle d’une réponse placebo (efficacité du traitement en dehors de l’action pharmacologique du médicament) parfois supérieure à 50 % dans les divers travaux.


Les Canadiens, très pragmatiques, font feu de tout bois : gingembre, acupuncture ou acupression, médicament à base de vitamine B6 et d’anti-histaminique ou vitamine B6 seule, phénothiazines (chlorpromazine, prométhazine) et même corticoïdes dans les formes réfractaires après le 1er trimestre.


Ils rapportent qu’éliminer Helicobacter pylori et traiter la dysmotilité gastrique ont des effets bénéfiques également.


Le Zophren®, anti-émétique puissant utilisé en prévention des effets de la chimiothérapie, antagoniste de certains récepteurs à la sérotonine est très efficace mais, même si aucun effet tératogène n’est noté chez l’animal, on manque de recul chez la femme enceinte.


Les traitements psychiques me semblent impératifs. Plusieurs types peuvent être proposés :



Je pense que tout dépend des outils et des compétences dont dispose l’équipe, des désirs de la patiente, de ses capacités d’élaboration, d’expression en langue française, du matériel psychique qu’elle exprime.


Tous ces traitements, médicamenteux ou psychiques, ne « marcheront » pas si l’hospitalisation ne sert pas de contenant, d’utérus. Je dirai la même chose pour les MAP, d’ailleurs. C’est la fonction maternante de l’institution, giron réconfortant pour ces femmes en pleine régression. Il y a la chambre seule, calme, sombre, la perfusion qui joue le rôle de cordon ombilical, mais surtout il y a l’équipe de soignants.


L’équipe a un rôle de contenant majeur. Mais il se trouve que les soignant(e)s éprouvent un malaise devant ces femmes qui vomissent leurs tripes alors qu’elles sont enceintes, et ce malaise risque de diminuer l’effet thérapeutique de la prise en charge.


Je pense que ce malaise vient pour partie de l’ambiance qui règne dans la chambre de la « vomisseuse » comme on l’appelle élégamment : la femme, couchée en position fœtale, ou recroquevillée sur son haricot, baignant dans une odeur âcre, ne se prête en rien au bavardage, comme ce peut être le cas avec « la MAP » d’à côté. C’est une chambre dans laquelle on ne traîne pas. Il y a aussi l’impuissance, si contraire à la vocation de soignant, à soulager une symptomatologie bruyante, grave ; la mort se profile avec toute sa violence et renvoie à une peur archaïque qui reste refoulée.


Enfin, le reproche n’est pas loin, plus ou moins conscient, parfois verbalisé : « elle vomit son bébé », « mais enfin, vous n’êtes pas contente d’être enceinte ? ». C’est dans ces situations que l’équipe dans son entier doit jouer le rôle de contenant pour ces soignant(e)s qui, sinon, sont en grande difficulté. C’est une pathologie qui rend les soignant(e)s humbles ; ils doivent se serrer les coudes pour ne pas se décourager et offrir toute une palette de soins. C’est la cohérence de l’ensemble qui pourra améliorer la clinique et permettre une avancée psychique sur le chemin de la parentalité. C’est ensemble qu’ils auront une action contenante, de « bonne mère ».



Menace d’accouchement prématuré


On nomme familièrement « MAP » la menace d’accouchement prématuré.


Il s’agit d’un chapitre important parce qu’elle atteint une femme enceinte sur six, voire sur cinq (mais avec quelle définition ?), et représente la première cause d’hospitalisation pendant la grossesse ; et, si seulement 30 à 40 % des femmes ayant présenté une MAP accoucheront effectivement prématurément, l’accouchement prématuré (AP) est la première cause de mortalité et de morbidité néonatale, chère en conséquences physiques et psychiques chez l’enfant, et en conséquences psychologiques chez les parents.


Elle est chère dans tous les sens du terme, la MAP représentant avec sa conséquence redoutée d’accouchement prématuré un enjeu financier pour la santé publique. Ainsi, la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) se demande s’il y a un bénéfice à dépister précocement et jusqu’à 35 SA (par des examens cliniques mais aussi des échographies du col et une recherche de fibronectine) et à traiter ces MAP (repos avec arrêt de travail, hospitalisation ou visites à domicile, tocolyse voire cerclage du col) dont moins de la moitié se termineront par un accouchement prématuré. Par ailleurs, l’intérêt de ces traitements préventifs de l’AP est de plus en plus controversé.


Les Britanniques ont répondu à cette question : pour eux, la MAP n’existe pas, ils n’ont même pas de mot pour la dire. La meilleure approximation en est preterm labour.39 Il s’agit d’un diagnostic rétrospectif, c’est-à-dire confirmé dès lors que l’AP a eu lieu… Du coup, ils ne font pas de touchers vaginaux pour évaluer le col (ce qu’obstétriciens et sages-femmes français faisaient tous les mois encore récemment), ne dépistent pas une pathologie qui n’existe pas, et se contentent de traiter les nouveau-nés prématurés.


En France, des voix d’obstétriciens modernes commencent à s’élever pour dire la même chose, avançant qu’une femme qui doit accoucher prématurément le fera de toute façon quoi que l’on fasse, et que les progrès de la néonatalogie rendent le dépistage et le traitement de la MAP obsolètes. Et lorsque le discours n’est pas aussi radical, la tendance est très nettement à la diminution des durées d’hospitalisation, de traitement, de prise en charge.


Je ne suis personnellement pas d’accord avec cette conception et vais tenter de m’en expliquer.



Définitions



Menace d’accouchement prématuré


La MAP survient entre la 22e et la 36e semaine d’aménorrhée révolues et se caractérise par l’association de modifications cervicales et de contractions utérines (CU) régulières et douloureuses. En l’absence d’intervention médicale, elle conduira à l’AP. Il s’agit donc d’un diagnostic de probabilité.


Un col normal pendant la grossesse est long, postérieur, tonique et fermé.


Les mécanismes exacts à l’origine de l’accouchement sont à l’heure actuelle encore inconnus. Pourquoi les signes de maturité cervicale se produisent-ils plus tôt dans certains cas ? On l’ignore également.


Les modifications cervicales sont cliniquement : un col raccourci, ramolli, moins postérieur, ouvert à l’orifice externe seulement, ou sur toute sa longueur, voire y compris à l’orifice interne. À l’échographie, la longueur du col est réduite à 20 ou 30 mm, le seuil de 30 mm ayant une bonne valeur prédictive négative avec nombreux faux positifs, et inversement pour le seuil à 20 mm (Haute Autorité de santé40).


Les éléments de gravité sont : l’ampliation du segment inférieur de l’utérus, la présentation fœtale (céphalique ou siège) plongeante dans l’excavation et sollicitant le col ; à l’échographie, l’ouverture en entonnoir de l’orifice interne avec protrusion de la poche des eaux.


Les contractions utérines de la menace d’accouchement prématuré sont non dépressibles, douloureuses, surviennent au moins toutes les 10 minutes et durent au moins 30 secondes (Bérardi, 1995). Elles sont souvent le premier signe d’appel, mais un quart des femmes présentant une MAP n’en ont jamais ressenti, soit parce que la modification de leur col est due à un autre mécanisme, soit parce qu’elles n’ont pas su les reconnaître.


J’insiste sur l’association des CU et de la modification cervicale. C’est l’association qui a une valeur prédictive supérieure à 80 % (Bérardi, 1995). En effet, les contractions utérines seules, certes, inquiètent les femmes enceintes, mais sans modification de leur col, ce ne sont pas des menaces d’accouchement prématuré. Dans le service, nous les appelons des « mapounettes ». Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas en tenir compte ; bien sûr, il s’agit d’un symptôme à entendre, mais la conduite à tenir sur le plan obstétrical doit être bien différente. C’est peut-être le traitement à l’identique par les tocolytiques des MAP et des « mapounettes » qui, non seulement, a fait exploser les chiffres d’incidence, mais a jeté un doute sur l’entité nosologique de la MAP (Dayan, 1999c) : on finit par considérer comme MAP ce qui est traité par tocolytiques, et on traite par tocolytiques, parce qu’ils sont disponibles, des symptômes qu’une simple réassurance de la femme ou un traitement non médicamenteux suffirait à calmer… avec plus de temps que la rédaction d’une ordonnance, il est vrai ! Poser une main sur l’utérus plutôt que de brancher un monitoring des contractions est évidemment plus chronophage pour la sage-femme, mais c’est la main bienveillante de la professionnelle qui sera le mieux à même d’objectiver les contractions utérines… et de rassurer ! Pendant ce temps passé côte à côte, ou lors de la préparation à la naissance (cf. (p. 39), la femme pourra apprendre à distinguer les contractions normales du muscle utérin des contractions dangereuses, des douleurs ostéoligamentaires, des mouvements actifs de son bébé, ou de douleurs abdominales extra-utérines, intestinales par exemple.


La MAP repose donc sur des données cliniques et ne doit pas être confondue avec le risque d’accouchement prématuré qui repose, lui, sur des données épidémiologiques (Goffinet et al., 2005).



Risque d’accouchement prématuré


Certains facteurs de risque sont :



Le risque d’AP, qui concerne potentiellement toutes les femmes enceintes est évalué en début de grossesse par l’interrogatoire, l’anamnèse et l’examen clinique ; on distingue ainsi trois niveaux de risque :



Ce sont ces dernières qui nous intéressent tout particulièrement. On fait couramment l’amalgame entre les femmes asymptomatiques à haut risque d’accouchement prématuré et les MAP parce que les premières finissent par avoir aussi des signes cliniques de MAP ; mais la distinction me paraît intéressante à garder à l’esprit parce que pour une femme, il est très différent d’être à risque d’accoucher prématurément pour une raison qui n’est pas de son fait : attendre plusieurs bébés, avoir une malformation utérine ou un col béant parce que sa propre mère a pris du Distilbène® pendant sa grossesse par exemple. (On notera l’ironie de cette situation puisque le Distilbène® était essentiellement prescrit à l’époque comme traitement de la MAP. D’où aussi la prudence de mise pour tout médicament pendant la grossesse.)


Le ressenti, la culpabilité vont être bien différents quand les médecins n’ont pas de cause somatique à proposer, ou quand la béance du col de l’utérus est due à un « forçage » cervical lors d’IVG à répétition. Le regard des soignant(e)s sans doute aussi.


Ces distinctions étant faites sur le plan théorique, en pratique clinique, on a tendance à mettre dans le même sac étiologies et facteurs de risque et appeler MAP tout ce qui, sans prise en charge thérapeutique, pourrait aboutir à un accouchement prématuré. La majorité de ces femmes présentant une MAP accoucheront à terme, ce qui peut signifier deux choses : soit pour la plupart, on a fait un diagnostic par excès, le diagnostic de MAP étant un diagnostic de probabilité et on a joué la prudence, ou encore on a inclus les « mapounettes », soit le traitement a été efficace, prévenant la survenue de l’AP comme c’est sa mission.



Étiologies


Les causes des MAP sont-elles les mêmes que celles des AP ? Pas sûr. Elles se recouvrent sans doute, mais ne sont certainement pas exactement superposables. La difficulté restant de prédire quelles MAP sont une réelle menace d’AP avec une sensibilité et une spécificité correctes, le diagnostic de MAP étant un diagnostic de probabilité.


Pour les AP, un tiers est de cause identifiable :




Étiologies des menaces d’accouchement prématuré



Cause infectieuse


C’est elle qui arrive largement en tête des causes identifiées.


Elle est la principale responsable des ruptures prématurées des membranes (RPM), elles-mêmes à l’origine de 30 % des AP. L’infection par voie ascendante est la plus fréquente. Les germes en cause sont de type Gardnerella, Trichomonas, staphylocoque doré, Chlamydia ; ils détériorent le collagène de la matrice directement par la libération de protéases et par le biais de l’inflammation qu’ils provoquent (Goffinet et al., 2005). Le prélèvement bactériologique vaginal (PV) est systématique dans le bilan étiologique de la MAP.


Mais on peut également voir des infections à membranes intactes (poche des eaux non rompue). La chorio-amniotite infraclinique est retrouvée a posteriori dans 30 % des accouchements prématurés. Elle pourrait être responsable des MAP inexpliquées (Bérardi, 1995). C’est sur cette notion que se fondent les obstétriciens, que j’ai appelés « modernes », pour dire que le traitement de la MAP est inutile et dangereux.


Dans ces situations, le dosage de la C-reactive protein est une aide au diagnostic à condition d’utiliser un seuil relativement élevé : 20 à 40 mg/L (Goffinet et al., 2005). Pour autant, la prescription d’antibiotiques par voie générale n’est pas recommandée (Kayem et al., 2005).


Toute infection, ne serait-ce que par la fièvre qu’elle provoque, peut être responsable de CU : appendicite, pyélonéphrite, infection bucco-dentaire (Jacquet, 2009). De plus, le fœtus et ses annexes peuvent être atteints par voie hématogène lors d’une bactériémie, c’est-à-dire par le passage dans le sang des bactéries venant de l’infection maternelle.


Les infections urinaires basses ou hautes, et même les bactériuries asymptomatiques sont de grandes pourvoyeuses de MAP Bérardi, 1995 ; (Kayem et al., 2005), d’où l’importance de rechercher les nitrites à la bandelette urinaire, systématiquement tous les mois, et de l’ECBU dans le bilan étiologique de MAP.




Facteurs favorisants non spécifiques


Ils sont étroitement mêlés aux étiologies. Ce sont :



des causes générales :






les conditions socio-économiques :


depuis Pinard en 1895 qui avait mis en évidence que les ouvrières de Paris accouchaient bien plus souvent prématurément que les bourgeoises, jusqu’à J. Lumley (1993)E. Papiernik (1995) avec le CRAP (coefficient de risque d’AP), et N. Mamelle (1997) avec le score de fatigue professionnelle, on sait que le risque d’AP est clairement corrélé au niveau socio-économique que nous appelons aujourd’hui avec Dayan le « risque psychosocial ». Il touche les femmes pauvres, peu éduquées, d’autant plus qu’elles sont isolées,

notons que l’activité professionnelle n’est pas en soi un facteur de risque car la femme au foyer a un risque d’AP légèrement supérieur à celui de la femme « active » (Dayan, 1999). Peut-être celle-là bénéficie-t-elle de moins d’égards car moins reconnue socialement pour son « activité » justement ? Le risque professionnel est lié à la pénibilité physique et au stress mental (4 % chez les cadres, 10 % chez les ouvrières).


les facteurs épidémiologiques :











le facteur immunologique : en effet, depuis 1990, des travaux ont démontré un lien entre l’existence d’anticorps antithyroïdiens et le risque d’AP, même chez des femmes en euthyroïdie, ce qui serait en faveur d’un dysfonctionnement immunitaire global (Thangaratinam, 2011).



Causes inconnues


Enfin, dans la moitié des cas, on ne trouve pas de cause (Bérardi, 1995).


Il se peut que nos connaissances ne nous permettent pas encore d’appréhender les causes médicales qui expliqueraient les symptômes. Une collègue pédiatre à qui je racontais mon travail d’écriture sur la MAP me mettait en garde de tout « psychologiser ». Elle-même avait vécu trois grossesses entièrement couchée au lit dans la plus grande culpabilité et sous le regard soupçonneux des soignants devant l’absence d’étiologie retrouvée. Bien plus tard, au cours d’une petite intervention chirurgicale, on s’est aperçu qu’elle avait une malformation utérine, cause très vraisemblable de ses trois MAP.


A contrario, comme le souligne Dayan (1999c), « certaines étiologies, en apparence organiques, n’ont pas d’explications satisfaisantes en dépit d’une valeur prédictive souvent forte : tendance à la récidive d’accouchement prématuré, PMA (procréation médicalement assistée) ». Berkowitz (1983) a montré que la fréquence des AP est deux fois plus élevée chez les femmes infertiles que dans le groupe contrôle. On peut penser que, dans ces cas où le désir de grossesse s’exprime avec tant de force et s’inscrit socialement au travers d’un traitement long et coûteux, l’ambivalence, pourtant légitime quel que soit le mode de procréation, soit autocensurée, et que le rejet du fœtus ressorte par le symptôme physique.


Ces situations si nombreuses de MAP sans causes organiques retrouvées ont excité la curiosité de nombreux chercheurs tentant de cerner des facteurs psychologiques qui, sans forcément induire une MAP à eux seuls, pourraient à tout le moins la favoriser.


Malheureusement, les études qui ont été faites sont trop souvent rétrospectives, ce qui empêche de démêler si les facteurs psychologiques sont causes ou conséquences de la MAP : une femme menacée d’accouchement prématuré n’est pas sereine, elle est anxieuse, parfois même angoissée, le fœtus peut devenir persécuteur en l’empêchant de vivre normalement avant même que le processus de maturation menant à la préoccupation maternelle primaire ait pu s’initier, et la position couchée ajoute encore à la régression naturelle de la grossesse et à l’aspect dépendant.


Les nombreuses recherches ont d’autres défauts : faiblesse statistique des effectifs, validité ou spécificité des échelles pendant la grossesse non établies, confusion des différents facteurs de risque : médicaux, obstétricaux, sociaux, psychologiques, si souvent tous intriqués.


Cependant, Dayan et al. ont fait le tri de ces études, nous permettant de citer les facteurs de risque psychologiques, qu’il me semble important que les obstétriciens aient davantage à l’esprit afin de ne pas les oublier dans la prise en charge préventive et thérapeutique.



Facteurs de risque psychologiques



Stress


Chez la rate gestante soumise à un stress, la conséquence est, notamment, le raccourcissement de la durée de gestation (Roegiers, Molenat, 2011). En laboratoire, chez la femme (non gestante, je vous rassure), le stress entraîne des contractions utérines ; à l’inverse, cette fois chez la femme enceinte, la relaxation diminue le nombre de CU, d’où un intérêt thérapeutique des techniques dites corporelles.


Il existe plusieurs échelles mesurant le stress : échelle d’événements mineurs, majeurs, de tensions engendrées par les rôles sociaux comme celui de parent par exemple. La plupart des travaux récents convergent pour montrer l’existence du lien entre prématurité et événements de vie stressants, mais surtout ressentis subjectivement comme stressants par la patiente.


Ainsi, il y a plutôt moins d’AP dans les périodes très stressantes de guerre par exemple, quand les événements sont vécus en groupe dans une ambiance de cohésion sociale. Au contraire, un divorce sera un facteur de stress pouvant générer des contractions utérines et une MAP. La migration engendre un stress majeur.


Mimoun (2000) pose la question intéressante de savoir si le stress psychosocial induit le risque d’AP par le style de vie, le comportement ou au travers des effets des hormones du stress. On verra plus bas que F. Palacio-Espasa et N. Nanzer (2011) parlent de stress et de dépression, à la fois comme inducteurs de MAP et parfois d’AP, par le biais non seulement des hormones de stress mais aussi des conflits intimes non résolus.




Dépression anténatale


Les études ne trouvent pas de lien vraiment direct entre MAP et dépression, sauf dans la population socialement défavorisée chez qui les autres facteurs de risque sont intriqués : comportements à risque, isolement, mauvaise utilisation des circuits de soin, addictions, manque de considération pour son corps, retard à consulter.


J. Dayan et al. (1999c), cependant, dans une étude portant sur 400 femmes enceintes, retrouvent un taux double de MAP chez les femmes déprimées (EPDS), même en ajustant les variables comme la gémellité. Cependant, les données sociodémographiques n’étaient pas prises en compte.


Enfin, F. Palacio-Espasa (2011) et son équipe de Genève étudient actuellement des femmes traitées médicalement pour leurs contractions utérines par des tocolytiques. D’après les premiers résultats de cette étude encore non publiée, ils constatent 3 fois plus d’AP dans les situations de stress et de dépression chez la future mère. Les entretiens réalisés auprès de ces patientes révèlent des conflits intimes avec leur propre mère, une « dépression de type masochiste ». Cependant, le symptôme somatique rend le conflit psychique plus difficile à appréhender sur la scène thérapeutique que lors d’une « simple » dépression anténatale sans transformation somatique.



Attitude psychologique globale face à la grossesse


Que ce soit par la mesure de l’ « investissement de la grossesse » (De Muylder et al., 1992) ou l’ « attitude envers la grossesse » (Mamelle et al., 1997), les chercheurs trouvent un lien direct entre les difficultés psychologiques liées à la grossesse et le risque d’accouchement prématuré. Le questionnaire de cette étude n’étudie pas directement le désir de grossesse de la femme, mais plutôt le retentissement de la grossesse sur celle-ci : image du corps, sentiment de plénitude, recherche de maîtrise…


Une large étude prospective, portant sur 8 000 femmes enceintes et leur désir de grossesse (Laukaran et Van den Berg, 1980), conclut à l’absence de corrélation entre le désir de grossesse et le terme de l’accouchement, le poids de naissance, le déroulement de l’accouchement ; par contre, les auteurs observent plus de décès périnatals, d’infections, d’hémorragies du post-partum, plus de consultations pour anxiété et d’accidents chez les femmes qui ne désiraient pas leur grossesse.


A. Blau et al. (1963) rapportaient quant à eux plus de sentiments conscients d’hostilité et de rejet de la grossesse chez les mères des enfants prématurés, un matériel inconscient livré révélant davantage de fantasmes de destruction. Mais il semble que là l’enfant soit déjà né, et on verra dans les conséquences de la prématurité combien le trop petit, né trop tôt est disqualifiant pour la mère, les sentiments d’hostilité « au-delà de l’ambivalence normale » étant alors courants. Encore une fois, il faut se méfier de ne pas mélanger les causes et les conséquences de la prématurité.


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May 29, 2017 | Posted by in MÉDECINE INTERNE | Comments Off on 5: Psychosomatique des situations médicales à risque psychologique

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