5: Ouverture à la concurrence et à la régulation du marché des jeux en ligne : le rôle de l’ARJEL

Chapitre 5 Ouverture à la concurrence et à la régulation du marché des jeux en ligne : le rôle de l’ARJEL



La loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard (JHA) en ligne encadre strictement ce secteur d’activité. Si cette loi se situe au carrefour de multiples enjeux juridiques, sociaux, économiques et technologiques, elle est le garant d’un objectif fondamental : créer une offre légale en la dotant de moyens nécessaires pour s’imposer face au développement de l’offre illégale, sans pour autant encourager le développement excessif du jeu. Cet objectif de régulation qualitative se décline de différentes manières.


La première priorité consiste à autoriser uniquement certaines formes de jeux et de paris. En d’autres termes, seuls sont autorisés les paris hippiques en la forme mutuelle, les paris sportifs mutuels et à cotes fixes, et pour les jeux de cercles exclusivement le poker. Les paris sportifs portent uniquement sur des compétitions et des types de résultats prévus par une liste arrêtée par l’ARJEL après avis des fédérations sportives concernées, ou à défaut du ministre chargé des sports.


La deuxième priorité consiste à installer une régulation forte et efficace. L’ARJEL, forte de son statut d’autorité administrative indépendante, est chargée de réguler le secteur. Elle a pour mission de délivrer des agréments aux opérateurs de jeux et paris en ligne. Toutefois, les opérateurs candidats à l’agrément doivent respecter un cahier des charges et démontrer leurs capacités à respecter les obligations légales et réglementaires. L’ARJEL contrôle ensuite le respect par les opérateurs ainsi agréés des obligations qui leur sont applicables. La troisième priorité rappelée dans l’article 3 de la loi, est de « prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ». La nouvelle réglementation a, pour ce faire, mis en place une série de dispositifs qui s’impose aux opérateurs agréés : interrogation obligatoire du fichier des interdits de jeu par les opérateurs agréés, préalablement à l’ouverture du compte joueur ; mise en place par ces derniers de modérateurs de jeux permettant de limiter les mises des joueurs et l’approvisionnement de leur compte joueur, affichage du solde de ce compte, mécanismes d’auto-exclusion temporaire ou définitive, à la demande du joueur ; présence obligatoire d’un message de mise en garde sur les publicités et les sites des opérateurs, ainsi que d’un numéro d’appel national d’assistance au joueur pathologique. La loi a prévu un financement de la prévention et de la prise en charge des joueurs dépendants à travers un prélèvement à destination de l’INPES, plafonné à 5 millions d’euros, le surplus étant reversé au régime général de l’assurance maladie. Dans cet ordre d’idée et à la demande du ministère du Budget, l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) et l’INPES ont ajouté un module spécifique sur les pratiques des JHA en France, au Baromètre Santé 2010 et dont les résultats ont été publiés en septembre 2011. L’article 27 de la loi prévoit par ailleurs que les opérateurs agréés soient tenus d’indiquer, dans un rapport annuel transmis à l’ARJEL, leurs actions menées en matière de jeu responsable et de lutte contre le jeu excessif. Comme la loi le lui permet, l’ARJEL a mis en place dès 2010 des commissions spécialisées, réunissant des experts extérieurs, et en charge d’étudier l’impact de l’ouverture de ce marché sur la demande, sur l’équilibre des filières et sur les moyens et instruments de régulation. La première d’entre elles, travaillant sur l’impact de l’ouverture du marché sur la demande, a procédé à une série d’auditions lui permettant de présenter au collège de l’ARJEL à l’été 2011 ses recommandations pour renforcer la protection du joueur vulnérable et la lutte contre l’addiction. Dans le cadre de la clause de revoyure, l’Autorité a émis un certain nombre de recommandations sur ces questions.


Il convient à ce stade d’indiquer que, de par l’article 34-IV, « l’Autorité de régulation des jeux en ligne évalue les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention du jeu excessif ou pathologique et peut leur adresser des recommandations à ce sujet. Elle peut, par une décision motivée, limiter les offres commerciales comportant une gratification financière des joueurs ». C’est précisément à l’aune de cette disposition que le collège de l’Autorité, conformément aux engagements pris par son Président dès la fin 2010, a adopté une délibération encadrant les gratifications commerciales pour les opérateurs agréés proposant des jeux de cercle (Décision n°2011-112).


En 2010, les opérateurs avaient en effet, distribué aux joueurs 61 millions euros de bonus, dont 36 millions pour le poker, 14 millions pour les paris sportifs et 11 millions pour l’hippisme. Le risque d’une dérive du montant de ces bonus pour le poker au regard de l’incitation au jeu pour les publics les plus vulnérables justifiait donc une telle mesure.


La quatrième priorité concerne la protection des mineurs. Le principe est clairement établi : celui de l’interdiction de jeu pour les mineurs. Les opérateurs agréés ont l’obligation de contrôler systématiquement l’âge de leurs clients à chaque ouverture de compte joueur et d’afficher en permanence cette interdiction sur les pages de leurs sites. Ils ne doivent pas faire de publicité pour les jeux en ligne dans les publications et sites Internet dédiés aux mineurs, dans les salles de cinéma lors de diffusion de film qui leur sont destinés, et à la radio et à la télévision durant les périodes au cours desquelles sont programmées des émissions pour la jeunesse (Articles 7 à 9 de la loi). Cet encadrement de la publicité a par ailleurs été précisé par le CSA (Délibération n° 2011-09).


Enfin, pour renforcer son action en la matière, l’ARJEL a conclu en 2011 deux partenariats : avec l’INPES d’une part, permettant le recrutement d’une chargée d’études sur le jeu pathologique ; et avec l’association E-enfance d’autre part, pour la protection des mineurs sur Internet.


La cinquième priorité est la préservation de la sincérité des compétitions sportives. À cet effet, la loi a mis en place trois mécanismes. Tout d’abord, l’offre de paris est strictement limitée à une liste de catégories de compétitions et des types de résultats définis par l’ARJEL après avis des fédérations sportives concernées. De plus, la loi contient des dispositions préventives de conflits d’intérêts. Ainsi, les fédérations doivent intégrer, dans leurs codes de discipline, des règles spécifiques interdisant aux acteurs de la compétition sportive d’engager, directement ou par personnes interposées, des mises sur des paris reposant sur cette compétition et de divulguer des informations privilégiées, obtenues à l’occasion de leur profession ou de leurs fonctions et qui sont inconnues du public. De même, la loi impose aux organisateurs privés de compétitions sportives tels que définis à l’article L. 331-5 du Code du sport, d’édicter les obligations et interdictions relatives aux paris sportifs, imposées aux sportifs et équipes participant à leurs manifestations sportives. Enfin, la nouvelle législation confirme que l’activité de prestation de service de paris sportifs relève du droit d’exploitation prévu à l’article L. 333-1 du Code du sport et impose aux opérateurs agréés de paris en ligne de conclure avec l’organisateur de la manifestation, objet de paris, un contrat de concession du droit d’organiser des paris sportifs (le droit au pari). Ainsi, le contrat conclu doit contenir des obligations à la charge des opérateurs de paris en ligne en matière de détection et de prévention de la fraude, notamment les modalités d’échange d’informations avec l’organisateur de la manifestation sportive. Ces contrats sont un instrument essentiel de protection de la sincérité des compétitions sportives puisqu’ils responsabilisent l’organisateur et obligent l’opérateur de jeu ou pari en ligne à lui transmettre des informations (mises, cotes…) lui permettant de surveiller les manifestations.


Face au développement des paris sportifs en ligne, le sport apparaît exposé à des risques accrus en matière de fraude. Si le dispositif exposé permet de réguler le marché des paris français, il pourrait être utilement complété et devrait également assurer l’intégrité des compétitions sportives françaises, face au risque lié à des paris engagés depuis l’étranger. Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Santé et des Sports, puis Mme Chantal Jouanno ont confié à M. Jean-François Vilotte, Président de l’ARJEL, une mission de réflexion sur la préservation de l’intégrité et de la sincérité des compétitions sportives face au développement des paris sportifs en ligne. Le rapport qu’il a remis à l’issue de ses travaux, le 17 mars 2011, conclut à des préconisations opérationnelles conjuguant des actions de prévention, des moyens de détection des fraudes ainsi que l’adoption de moyens de répression dissuasifs.


La sixième priorité consiste à veiller à l’équilibre économique des filières. La septième priorité vise à lutter contre les sites illégaux. À cet effet, les sanctions pénales applicables aux opérateurs non agréés sont renforcées par la nouvelle loi. Les peines peuvent être de trois ans d’emprisonnement et de 90 euros d’amende. De même, l’amende encourue par quiconque aurait fait de la publicité en faveur d’un site illégal s’élève à 100 000 euros. Sur le plan civil, à défaut, le Président de l’autorité peut saisir le Président du TGI en la forme des référés aux fins d’ordonner l’arrêt de l’accès à ce site par les opérateurs et les fournisseurs d’accès Internet, ainsi que son déréférencement auprès des moteurs de recherche et annuaires. Le Président de l’ARJEL peut également saisir le ministre du Budget afin de bloquer les flux financiers en provenance et/ou à destination de l’opérateur poursuivi. Enfin, la dernière priorité de la loi est de lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent. Les opérateurs doivent justifier auprès de l’ARJEL de leurs capacités à assumer leurs obligations en matière de lutte contre les activités frauduleuses ou criminelles, en particulier le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. À ce titre, toutes les opérations d’encaissement et de paiement liées au jeu et paris proposés par les opérateurs doivent être réalisées sur ce compte.


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May 23, 2017 | Posted by in GÉNÉRAL | Comments Off on 5: Ouverture à la concurrence et à la régulation du marché des jeux en ligne : le rôle de l’ARJEL

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