Chapitre 5 Maladies hématologiques
Le sang se compose de globules rouges, globules blancs, plaquettes et plasma. Le plasma est le composant liquide du sang qui contient du fibrinogène soluble, et dans lequel les autres composants sont en suspension. Le sérum est ce qui reste après la formation du caillot de fibrine.
L’hématopoïèse est la formation des cellules sanguines. La moelle osseuse est la seule source de cellules sanguines pendant l’enfance et la vie adulte. Les cellules souches pluripotentes sont à l’origine des lignées suivantes.
• Les cellules souches lymphoïdes se différencient en lymphocytes pré-T ou pré-B. Les pré-T deviendront des T suppresseurs, des T auxiliaires, des T cytotoxiques (NdT) ou des cellules tueuses naturelles (NK). Les pré-B deviendront des lymphocytes B et des plasmocytes.
• Les cellules progénitrices myéloïdes mixtes (CFUgemm, [GEMM pour granulocyte, érythrocyte, monocyte, mégakaryocyte]) génèrent des colonies qui deviendront des globules rouges, des plaquettes, des monocytes, des neutrophiles, des éosinophiles et des basophiles. La production est stimulée par des facteurs de croissance comme l’érythropoïétine pour les globules rouges, la thrombopoïétine pour les plaquettes, le G-CSF (granulocyte colony stimulating factor) pour les neutrophiles et l’interleukine-5 pour les éosinophiles. D’autres facteurs, par exemple le facteur de nécrose tumorale (TNF), inhibent l’hématopoïèse.
Anémie
La principale fonction physiologique de l’hémoglobine (Hb) est de transporter l’oxygène des poumons aux tissus. L’Hb est un tétramère composé de deux paires de chaînes polypeptidiques de globine : une paire de chaînes alpha et une paire de chaînes non alpha. Un groupe hème, composé d’une seule molécule de protoporphyrine IX contenant un seul ion ferreux (Fe2+), est lié de façon covalente à un site spécifique de chaque chaîne de globine. Le fer héminique constitue le site d’oxygénation et de désoxygénation de l’Hb.
L’anémie est une diminution du taux d’Hb dans le sang en dessous des normes établies en fonction de l’âge et du sexe de l’individu. Une réduction du taux d’Hb est généralement accompagnée par une diminution du nombre de globules rouges (GR) et de l’hématocrite (Ht), même si une augmentation du volume plasmatique (par exemple en cas de splénomégalie massive) peut provoquer une anémie alors que le nombre de GR et l’hématocrite restent normaux (anémie par dilution). Le tableau 5.1 indique les valeurs normales des paramètres sanguins, qui sont mesurés au moyen de compteurs de cellules automatisés dans le cadre des hémogrammes de routine.
Homme | Femme | |
---|---|---|
Hb (g/dl) | 13,5–17,5 | 11,5–16 |
Ht (hématocrite, l/l) | 0,4–0,54 | 0,37–0,47 |
Hématies (1012/l) | 4,5–6,0 | 3,9–5,0 |
VGM (fL) | 80–96 | |
TCMH (pg) | 27–32 | |
CCMH (g/dl) | 32–36 | |
IDR (%) | 11–15 | |
Leucocytes (109/l) | 4,0–11,0 | |
Plaquettes (109/l) | 150–400 | |
VS (mm/h) | < 20 | |
Réticulocytes | 0,5–2,5 % (50–100 × 109/l) |
CCMH : concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine ; Hb : hémoglobine ; IDR : indice de distribution des globules rouges ou index d’anisocytose (une augmentation indique une plus grande variation dans la taille des globules rouges, certains étant plus grands et d’autres plus petits) ; TCMH : teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine ; VGM : volume globulaire moyen des globules rouges ; VS : vitesse de sédimentation.
Classification des anémies (tableau 5.2)
Les causes d’anémie sont classées sur la base de la taille des globules rouges. Les compteurs de cellules fournissent une valeur pour le volume globulaire moyen (VGM) fondée sur le comptage de millions de cellules. Cette classification est utile parce que le type d’anémie suggère les causes sous-jacentes et les examens complémentaires. Quelle qu’en soit la cause, une anémie chronique, dans la plupart des cas, ne nécessite pas de transfusion sanguine, et le traitement approprié, à moins d’une anémie grave, est le traitement de la cause sous-jacente.
Petites cellules (microcytes) Faible VGM (< 80 fL) | Cellules de taille normale VGM normal | Grandes cellules (macrocytes) VGM (> 96 fL) |
---|---|---|
Carence en fer | Perte sanguine aiguë | Mégaloblastique |
Anémie des maladies chroniques | Anémie des maladies chroniques | Carence en vitamine B12 |
Thalassémie | Carences combinées, par exemple en fer et folate | Carence en folate |
Anémie sidéroblastique | Infiltration/fibrose médullaire | Normoblastique |
Maladie endocrinienne | Alcool | |
Anémies hémolytiques | ↑ Réticulocytes, par exemple hémorragie, hémolyse | |
Maladie du foie Hypothyroïdie Médicament, par exemple azathioprine |
Anémie microcytaire
Une microcytose reflète généralement une diminution de la teneur en Hb des GR ; elle est souvent associée à une réduction de la teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) et de la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH), ce qui donne un aspect hypochrome au frottis sanguin. Les causes d’anémie microcytaire sont énumérées dans le tableau 5.2 : les thalassémies mineures α ou β (voir plus loin) sont associées à une microcytose habituellement sans anémie.
Carence en fer
Le fer est nécessaire pour la formation de l’hème et la carence en fer est la cause la plus fréquente d’anémie dans le monde. Le régime alimentaire quotidien moyen dans les pays développés contient 15 à 20 mg de fer, bien que normalement 10 % seulement soient absorbés, principalement dans le duodénum. L’absorption intestinale régule la teneur en fer de l’organisme ; elle augmente sous l’effet de l’acidité gastrique, en cas de carence en fer ou d’amplification de l’érythropoïèse. L’élimination du fer est fixée à 1 mg/jour ; elle se produit par la desquamation des cellules cutanées et muqueuses ainsi que par la sueur, l’urine et les selles. En raison de leurs règles, les femmes, avant la ménopause, sont souvent à la limite d’une carence en fer. On distingue deux formes de fer alimentaire.
• Le fer non héminique, contribution alimentaire principale, provient des céréales et des légumes. Le pH acide de l’estomac favorise sa dissolution et l’ion ferrique est réduit en ion ferreux par une ferriréductase de la bordure en brosse avant son transport à travers les cellules muqueuses.
• Le fer héminique est contenu dans l’hémoglobine et la myoglobine présentes dans la chair animale. Le fer héminique est mieux absorbé que le fer non héminique.
Dans le plasma, le fer est transporté par la transferrine, une protéine synthétisée dans le foie et normalement saturée en fer à environ un tiers de sa capacité (fig. 5.1). Le fer de l’organisme est présent surtout dans l’hémoglobine des précurseurs érythroïdes et des globules rouges, le reste étant stocké sous forme de ferritine et d’hémosidérine dans les hépatocytes, les muscles et les macrophages.
Causes de la carence en fer
Les causes de la carence en fer sont :
• les besoins accrus, par exemple lors de la croissance ou d’une grossesse ;
• une diminution de l’absorption, par exemple en cas de maladie de l’intestin grêle ou après une gastrectomie ;
• un apport alimentaire insuffisant, ce qui est rare dans les pays développés.
Examens
• Numération cellulaire et frottis. Les globules rouges sont microcytaires (VGM < 80 fL) et hypochromes (TCMH < 27 pg) et varient de taille (anisocytose) ainsi que de forme (poïkilocytose).
• La ferritine sérique, qui reflète l’état des réserves de fer, est basse. Cependant, la ferritine est un réactif de phase aiguë et, en cas de maladies inflammatoires ou malignes, elle peut être dans les normes, alors que le patient est carencé en fer.
• Le fer sérique est faible et la capacité totale de fixation du fer (CTFF) est élevée, avec en conséquence un degré de saturation de la transferrine (fer sérique divisé par CTFF) < 19 % (fig. 5.1).
• La quantité de récepteur soluble de la transferrine dans le sérum augmente en cas de carence en fer.
• Un examen de la moelle osseuse n’est nécessaire que dans les cas compliqués ; il montre une hyperplasie érythroïde et l’absence de fer.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel porte sur les autres causes d’anémie microcytaire/hypochrome (voir tableau 5.2).
Soins
• Trouver et traiter la cause sous-jacente.
• Le fer par voie orale, par exemple du sulfate ferreux ou du gluconate ferreux (voir en fin de chapitre). Une réponse au traitement du fer est caractérisée par une augmentation du nombre de réticulocytes suivie de celle du taux d’Hb au rythme hebdomadaire d’environ 1 g/dl jusqu’à ce que la concentration d’Hb soit redevenue normale.
• Une perfusion intraveineuse de fer ou une injection intramusculaire profonde est rarement nécessaire ; elle n’est justifiée que lorsque les patients sont intolérants ou si la réponse au fer par voie orale est médiocre, par exemple en cas de malabsorption sévère.
Anémie des maladies chroniques
Cette anémie survient chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques, comme la maladie de Crohn et la polyarthrite rhumatoïde, d’infections chroniques, comme la tuberculose, un cancer ou une maladie rénale chronique. L’anémie est normochrome, normocytaire ou microcytaire. Les résultats de laboratoire caractéristiques sont un faible taux de fer sérique, une moindre capacité de fixation du fer sérique (fig. 5.1) et un taux sérique de ferritine augmenté ou normal. Les mécanismes exacts responsables de ces effets ne sont pas clairs ; l’offre de fer de la moelle osseuse aux érythroblastes en développement serait moindre ; la réponse à l’érythropoïétine à l’anémie serait inadéquate et la production hépatique d’hepcidine augmenterait. Ce petit peptide se lie à la protéine exportatrice du fer, la ferroportine, à la surface basolatérale des entérocytes duodénaux, provoquant ainsi son internalisation et sa dégradation. Le traitement de l’anémie des maladies chroniques est celui de la cause sous-jacente ; parfois, on recourt à l’érythropoïétine recombinante.
Anémie sidéroblastique
L’anémie sidéroblastique est un trouble rare de la synthèse de l’hème caractérisé par une anémie réfractaire, avec des cellules hypochromes dans le sang et des sidéroblastes en couronne dans la moelle osseuse. Les sidéroblastes en couronne sont des érythroblastes avec du fer déposé dans les mitochondries ; ils reflètent une diminution de l’utilisation du fer livré aux érythroblastes en développement. Cette anémie peut être héréditaire ou acquise (secondaire à une myélodysplasie, à l’excès d’alcool, au saturnisme, à l’isoniazide). Le traitement est de supprimer la cause ; dans certains cas, l’anémie répond à la pyridoxine (vitamine B6).
Anémie macrocytaire
La macrocytose est une augmentation anormale du volume moyen des globules rouges. Les anémies macrocytaires peuvent être réparties en types mégaloblastique et non mégaloblastique, selon l’aspect du myélogramme. En pratique, la macrocytose est habituellement étudiée sans le recours à un examen de la moelle osseuse. Les premiers examens sont les dosages de la vitamine B12 sérique et du folate érythrocytaire.
Anémie mégaloblastique
L’anémie mégaloblastique est caractérisée par la présence dans la moelle osseuse de globules rouges en développement, avec une maturation nucléaire retardée par rapport à celle du cytoplasme (mégaloblastes). Le mécanisme sous-jacent est une synthèse défectueuse de l’ADN, qui peut aussi affecter les globules blancs (les noyaux neutrophiles sont hypersegmentés ; ils peuvent avoir jusqu’à six lobes) et causer parfois une leucopénie. Les plaquettes peuvent également être touchées, avec en conséquence une thrombopénie. La cause la plus fréquente de l’anémie mégaloblastique est la déficience en vitamine B12 ou en folate, qui sont tous deux nécessaires à la synthèse de l’ADN (tableau 5.2).
Carence en vitamine B12
en vitamine B12Les produits animaux (viande et produits laitiers) constituent la seule source alimentaire de vitamine B12 pour les humains. Le besoin journalier, qui est de 1 μg, est facilement couvert par une alimentation équilibrée occidentale, qui en fournit 50 à 30 μg par jour. La vitamine B12 est libérée des complexes protéiques des aliments par l’acide gastrique et la pepsine et se lie à une protéine porteuse provenant de la salive (de liaison « R »). La B12 est ensuite libérée par les enzymes pancréatiques et se lie au facteur intrinsèque, qui, avec les ions H+, est sécrété par les cellules pariétales gastriques. Ce complexe passe dans l’iléon terminal, où la vitamine B12 est absorbée et transportée vers les tissus par le transporteur protéique, la transcobalamine II. La vitamine B12 est stockée dans le foie, où les réserves sont suffisantes pour 2 ans ou plus. Environ 1 % d’une dose orale de vitamine B12 est absorbée « passivement » sans avoir besoin de facteur intrinsèque, principalement à travers le duodénum et l’iléon. Le tableau 5.3 énumère les causes de carence en vitamine B12.
Faible apport alimentaire Végétaliens Absorption réduite Estomac
Utilisation anormale Carence congénitale en transcobalamine II (rare) Oxyde nitreux (inactive B12) |
Anémie pernicieuse
L’anémie pernicieuse est une maladie auto-immune responsable d’une gastrite atrophique (infiltration de lymphocytes et plasmocytes dans le fundus) avec perte des cellules pariétales et achlorhydrie ; le facteur intrinsèque ne peut donc plus être produit et la vitamine B12 absorbée. Elle est la cause la plus fréquente de carence en vitamine B12 chez les adultes dans les pays occidentaux.
Examens en cas de carence en vitamine B12
• Numération cellulaire et frottis. L’anémie est macrocytaire (VGM souvent > 110 fL), les noyaux des neutrophiles sont hypersegmentés et, dans les cas graves, on constate une leucopénie et une thrombopénie.
• La vitamine B12 sérique est basse, souvent < 50 ng/l (normale > 160 ng/l).
• La teneur en folate des globules rouges peut être réduite parce que la vitamine B12 est nécessaire à la conversion du folate sérique en sa forme active intracellulaire.
• Autoanticorps sériques. Des anticorps contre les cellules pariétales (non spécifiques) sont présents dans 90 % des cas, et les anticorps dirigés contre le facteur intrinsèque (spécifiques pour le diagnostic) chez 50 % des patients atteints d’anémie pernicieuse.
• La bilirubine sérique peut être augmentée à la suite d’un excès de dégradation de l’hémoglobine, en raison d’une érythropoïèse défectueuse dans la moelle osseuse.
• Dans la plupart des cas, la cause ressort de l’anamnèse et la détection des autoanticorps. Un transit baryté pour l’examen de l’iléon terminal et des biopsies duodénales distales (pour la recherche d’une maladie cœliaque) peuvent être nécessaires chez certains patients.
• Un myélogramme montre une moelle osseuse hypercellulaire avec des changements mégaloblastiques. Dans les cas simples, il n’est pas nécessaire.
Diagnostic différentiel
Une carence en vitamine B12 doit être différenciée des autres causes d’anémie mégaloblastique, principalement la carence en folate, ce qui est rendu facile par les dosages de ces deux vitamines dans le sang. L’anémie pernicieuse doit être distinguée des autres causes de carence en vitamine B12 (tableau 5.3).
Carence en folate
Le folate est présent dans les légumes verts et les abats comme le foie et les reins. Il est absorbé dans l’intestin grêle. L’exigence quotidienne pour le folate est de 100 à 200 μg et un régime normal équilibré en contient 200 à 300 μg. Les réserves de l’organisme sont suffisantes pour environ 4 mois, mais une carence en folate peut se développer beaucoup plus rapidement chez les patients qui en ingèrent peu ou qui en utilisent davantage, par exemple les patients en soins intensifs. La principale cause de carence en folate est un apport insuffisant, éventuellement combiné avec une utilisation excessive ou avec une malabsorption (tableau 5.4).
Ingestion trop faible | Age avancé, pauvreté, alcoolisme (aussi mauvaise utilisation), anorexie |
Malabsorption | Maladie cœliaque, maladie de Crohn, sprue tropicale |
Utilisation excessive | Physiologique : grossesse, allaitement, prématurité |
Pathologique : anémie hémolytique chronique, maladies malignes et inflammatoires, dialyse rénale | |
Médicaments | Phénytoïne, triméthoprime, sulfasalazine, méthotrexate |
Soins
Prévention des anomalies du tube neural par l’acide folique. Pour éviter un premier cas d’anomalie du tube neural, les femmes qui planifient une grossesse devraient prendre des suppléments de folate (au moins 400 μg/jour) avant la conception et pendant la grossesse. Des doses plus élevées (5 mg par jour) sont recommandées pour les mères qui ont déjà un enfant atteint d’une malformation du tube neural.
Diagnostic différentiel
Un VGM augmenté avec une macrocytose visible sur le frottis sanguin peut accompagner un myélogramme normoblastique plutôt que mégaloblastique (tableau 5.5). La cause la plus commune de macrocytose est l’excès d’alcool. Le mécanisme par lequel les globules rouges augmentent de volume dans chacune de ces affections est incertain ; dans certains cas, on pense qu’un dépôt de lipides altérés, ou en quantité excessive, sur les membranes des globules rouges pourrait être en cause.
Physiologiques Grossesse Nouveau-nés Pathologiques Alcoolisme Maladie du foie Réticulocytose Hypothyroïdie Troubles hématologiques :
Agglutinines froides |
Anémie causée par insuffisance médullaire (anémie aplasique)
L’anémie aplasique est définie comme une pancytopénie (insuffisance de tous les éléments cellulaires du sang) avec hypocellularité (aplasie) de la moelle osseuse. C’est une affection rare mais grave qui peut être héréditaire, mais est le plus souvent acquise. Le nombre de cellules souches pluripotentes est réduit, et celles qui restent sont défectueuses ou sont la cible d’une réaction immunitaire, en sorte qu’elles sont incapables de repeupler la moelle osseuse. L’aplasie peut aussi ne toucher qu’une seule lignée cellulaire, par exemple celle des globules rouges.
Étiologie
L’anémie aplasique peut avoir diverses origines (tableau 5.6). De nombreux médicaments ont été mis en cause. Certains, comme les agents chimiothérapeutiques, ont un effet direct, prévisible et dépendant de la dose ; pour d’autres, comme le chloramphénicol, la phénytoïne et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le mécanisme est inconnu (idiosyncrasie).
Congénitales, par exemple anémie de Fanconi |
Acquise idiopathique (67 % des cas) |
Médicaments cytotoxiques, irradiation |
Réaction médicamenteuse idiosyncrasique, par exemple phénytoïne |
Produits chimiques : benzène, insecticides |
Infections, par exemple VIH, hépatite, tuberculose |
Hémoglobinurie nocturne paroxystique |
Divers, par exemple grossesse |
VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel porte sur les autres causes de pancytopénie (tableau 5.7). Une biopsie de la moelle osseuse est essentielle pour l’évaluation de la cellularité de la moelle osseuse.
Anémie aplasique (voir tableau 5.6) Médicaments Anémie mégaloblastique Infiltration médullaire ou remplacement : lymphome, leucémie aiguë, myélome, cancer secondaire, myélofibrose Hypersplénisme Lupus érythémateux disséminé Tuberculose disséminée Hémoglobinurie nocturne paroxystique Septicémie grave |
Soins
Le traitement comprend le retrait de l’agent en cause, des soins de soutien et certains traitements décrits ci-dessous. Les transfusions sanguines et les plaquettes sont utilisées avec prudence pour éviter une sensibilisation des candidats à une greffe de moelle osseuse. Les patients ayant une neutropénie sévère (polynucléaires neutrophiles < 500 cellules/μl) courent le risque d’infections graves bactériennes, mycotiques (par exemple Candida et Aspergillus) et virales (herpès). La fièvre chez un patient neutropénique est une urgence médicale (encadré 5.1– Urgence).
Encadré 5.1 – Urgence Évaluation et traitement d’une septicémie neutropénique suspecte
‣ Anamnèse et examen physique, y compris les muqueuses, l’oropharynx (muguet, érythème ?), les sites chirurgicaux et les lignes intraveineuses
‣ Sang : hémogramme complet et formule leucocytaire, protéine C réactive, électrolytes, urée, biochimie hépatique, coagulation du sang, cultures
‣ Radiologie : radiographie thoracique. Il faut envisager des examens supplémentaires en cas de signes de localisation, par exemple une tomodensitométrie (TDM) de l’abdomen et du bassin
‣ Microbiologie : microscopie et culture du sang (comme ci-dessus) et prélèvement à partir des lignes centrales, des crachats, de l’urine et des selles en cas de diarrhée
‣ Demandez l’aide d’experts en microbiologie et en oncologie
‣ Commencez une antibiothérapie empirique par voie intraveineuse, par exemple pipéracilline et aminoside, pour couvrir les organismes à Gram négatif et Pseudomonas
‣ En cas de détérioration clinique, de persistance de la fièvre ou de suspicion d’une infection par Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), il faut ajouter la vancomycine
‣ Le traitement ultérieur est ajusté sur la base des germes identifiés et de l’évolution clinique
‣ Passer aux antibiotiques oraux lorsque le patient reste apyrexique pendant 48 heures et les poursuivre pendant 10 à 14 jours
Chez les patients qui ne guérissent pas spontanément, les options thérapeutiques sont les suivantes.
• Une greffe de moelle provenant d’un frère ou d’une sœur ayant des HLA (human leucocyte antigen) identiques est le traitement de choix pour les patients de moins de 40 ans.
• Une thérapie immunosuppressive avec des globulines antilymphocytaires et de la ciclosporine est appliquée pour les patients âgés de plus de 40 ans chez lesquels une greffe de moelle est contre-indiquée en raison du risque élevé de réaction du greffon contre l’hôte.
Anémie hémolytique
Les anémies hémolytiques sont la conséquence d’une destruction accrue des globules rouges avec une réduction de leur durée de vie en circulation, qui est normalement de 120 jours. De manière compensatoire, l’activité médullaire augmente, ce qui se traduit par la libération prématurée de précurseurs érythrocytaires (réticulocytes, voir au début du chapitre).
La destruction des globules rouges peut être extravasculaire (au sein du système réticuloendothélial) ou intravasculaire (dans les vaisseaux sanguins). Dans la plupart des affections hémolytiques, la destruction des globules rouges est extravasculaire, et les cellules sont retirées de la circulation par les macrophages du système réticuloendothélial, en particulier dans la rate. Le tableau 5.8 énumère les causes de l’anémie hémolytique chez les adultes.
Héréditaires | Acquises |
---|---|
Défectuosité membranaire des hématies
| Immunitaires
– Hémoglobinurie nocturne paroxystique – Destruction mécanique : microangiopathique – Anémie hémolytique, valves cardiaques artificielles endommagées, hémoglobinurie de marche – Secondaire à une maladie systémique, par exemple insuffisance hépatique – Infections, par exemple paludisme – Médicaments/produits chimiques |
G6PD : glucose-6-phosphate déshydrogénase.
Lorsque les hématies sont dégradées dans la circulation, l’hémoglobine apparaît dans le plasma sous la forme oxydée, la méthémoglobine, qui se dissocie en globine et ferrihème. La liaison de celui-ci à l’albumine forme la méthémalbumine, qui peut être détectée dans le plasma (test de Schumm). L’hémoglobine libre se lie à l’haptoglobine plasmatique ; le complexe est rapidement éliminé par le foie, ce qui entraîne une réduction du taux plasmatique d’haptoglobine. L’hémoglobine non liée à l’haptoglobine traverse les glomérules rénaux et apparaît dans l’urine (hémoglobinurie). Certaines molécules sont cependant décomposées dans les cellules tubulaires rénales et se retrouvent dans les urines sous forme d’hémosidérine. La figure 5.2 montre la démarche diagnostique face à un cas suspect d’anémie hémolytique.
Anémies hémolytiques héréditaires
Les anémies hémolytiques héréditaires sont dues à des défauts dans un ou plusieurs composants de l’érythrocyte mature :
Défectuosités membranaires
Sphérocytose héréditaire
C’est l’anémie hémolytique héréditaire la plus fréquente chez les Européens du nord ; elle est transmise de façon autosomique dominante. Un défaut dans la membrane des globules rouges provoque une augmentation de la perméabilité au sodium, les globules rouges deviennent sphériques, sont plus rigides et moins déformables que des globules rouges normaux ; ils sont détruits prématurément dans la rate. La cause la plus fréquente de la sphérocytose héréditaire est un déficit de la spectrine, une protéine entrant dans la structure membranaire des globules rouges.
Examens
• L’hémogramme montre une réticulocytose et une anémie, qui est généralement bénigne.
• Le frottis révèle l’aspect sphérique des érythrocytes (ce qui s’observe également dans l’anémie hémolytique auto-immune) et les réticulocytes.
Anomalies de l’hémoglobine
L’Hb adulte normale est constituée de l’hème et de deux chaînes polypeptidiques des globines, α et β. Les hémoglobinopathies peuvent être classés en deux sous-groupes, l’anomalie portant sur la production ou la structure des chaînes polypeptidiques (tableau 5.9).
Thalassémie
Dans l’Hb normale, la production de chaînes α et β est équilibrée (1 : 1). Les thalassémies sont causées par un ou plusieurs défauts géniques, aboutissant à une réduction de la production d’une ou de plusieurs chaînes de globine. La production déséquilibrée conduit à la précipitation des chaînes de globine dans les globules rouges ou leurs précurseurs. Il en résulte des dommages cellulaires, la mort de précurseurs érythrocytaires dans la moelle osseuse (érythropoïèse inefficace) et de l’hémolyse. Les thalassémies touchent les gens partout dans le monde. Il existe deux types principaux :
Thalassémie β
Dans la thalassémie β homozygote, la production faible ou nulle de la chaîne β conduit à un excès de chaînes α. Celles-ci se combinent avec les chaînes δ et γ, conduisant à une augmentation de l’Hb A2 et de l’Hb F. Il existe trois principales formes cliniques de thalassémie β.
• Thalassémie β mineure (trait). C’est l’état de porteur hétérozygote asymptomatique. L’anémie est légère ou absente, le VGM et la TCMH sont faibles. Les réserves de fer sont intactes et le taux de ferritine sérique est normal.
• Thalassémie β intermédiaire. Les patients ont une anémie modérée (Hb 7 à 10 g/dl) et n’ont pas besoin de transfusions sanguines régulières. Les manifestations cliniques sont une splénomégalie, des déformations osseuses, des ulcères de jambe et des calculs biliaires. La cause serait une combinaison de thalassémies homozygotes β et α.
• Thalassémie β majeure (thalassémie β homozygote). Une anémie sévère (anémie de Cooley) se manifeste dès la première année de vie avec un retard staturopondéral et des infections récurrentes. L’hypertrophie de la moelle osseuse inefficace entraîne des anomalies osseuses : le faciès thalassémique, avec un maxillaire élargi et les os frontaux et pariétaux proéminents. La reprise de l’hématopoïèse dans la rate et le foie (hématopoïèse extramédullaire), les sites principaux d’érythropoïèse durant la vie fœtale, conduit à une hépatosplénomégalie.
Thalassémie α
Les manifestations cliniques de cette maladie varient d’une anémie légère avec microcytose à un état grave incompatible avec la vie. Il y a quatre gènes de globine α par cellule. La gravité dépend de la suppression d’un, de deux, trois ou quatre de ces gènes, et donc de la production partielle ou complètement absente de la chaîne. Dans la forme la plus grave, la globine α (Hb Barts) est totalement absente, ce qui entraîne la mort du fœtus (anasarque fœtale).
Diagnostic prénatal des anomalies de l’hémoglobine
Une analyse de l’ADN pratiquée sur des échantillons de villosités choriales prélevés au cours du premier trimestre, ou un test sur le sang du cordon ombilical au cours du deuxième trimestre, permet la mise en évidence d’anomalies graves de l’hémoglobine chez un fœtus. En cas de résultat positif, il faut proposer l’interruption de la grossesse. Cet examen est indiqué si un test prénatal chez la mère a révélé une anomalie de l’hémoglobine et si le père est également affecté.
Drépanocytose
La drépanocytose est un ensemble d’affections liées à des mutations de la globine β (tableau 5.9). Le gène β de la drépanocytose est largement répandu dans toute l’Afrique (25 % sont porteurs du gène), l’Inde, le Moyen-Orient et les pays méditerranéens. Chez les sujets homozygotes (anémie falciforme), les deux gènes sont anormaux (Hb SS), alors qu’à l’état hétérozygote (trait drépanocytaire, Hb AS), un seul chromosome est porteur du gène anormal. La transmission du gène HbS d’un parent et de l’HbC de l’autre est à la base d’une drépanocytose Hb SC, plus bénigne que l’anémie falciforme, mais qui se complique plus souvent de thromboses.
À l’état désoxygéné, les molécules d’Hb S sont insolubles et polymérisent. Il en résulte une rigidité accrue des globules rouges, provoquant la déformation caractéristique en faucilles (fig. 5.3). Cette falciformation a comme conséquences :
• une destruction prématurée des globules rouges (hémolyse) ;
• une obstruction de la microcirculation (vaso-occlusion), conduisant à l’infarctus du tissu.
Figure 5.3 Cellules falciformes (flèche) et cellules cibles (cellules en forme de chapeau mexicain).
La falciformation est précipitée par l’hypoxie, la déshydratation, l’infection et le froid.
Anémie falciforme
Caractéristiques cliniques
Comme la production d’Hb F est normale, la maladie ne se manifeste en général qu’après d’âge d’environ 6 mois, au moment où l’Hb F a diminué pour atteindre le taux normal de l’adulte. La variabilité phénotypique est extrême, certains patients n’ayant peu ou aucun symptôme, alors que d’autres souffrent de crises récurrentes et ont une espérance de vie nettement réduite.
Vaso-occlusion
Au cours de la petite enfance, des douleurs aiguës dans les mains et les pieds (dactylite) sont dues à l’occlusion des petits vaisseaux et à une nécrose avasculaire de la moelle osseuse. Chez l’adulte, la douleur osseuse est le plus souvent localisée dans les os longs, les côtes, les vertèbres et le bassin. Les attaques peuvent être quotidiennes ou ne survenir qu’une fois par an.
Anémie
• séquestration splénique. La rate est gorgée de globules rouges, ce qui entraîne une chute grave de la teneur en Hb et une augmentation de volume rapide de la rate. Une séquestration hépatique est également possible ;
• une aplasie médullaire souvent due au parvovirus B19, qui détruit les précurseurs des érythro- cytes ;
• d’autres causes d’hémolyse, comme certains médicaments ou une infection aiguë.
Problèmes à long terme
La nécrose avasculaire a comme conséquence, chez les enfants, le raccourcissement et la déformation des os. Les autres complications de la vaso-occlusion sont l’atrophie splénique (ce qui prédispose à l’infection par le pneumocoque, les salmonelles et par Haemophilus), l’ischémie rétinienne, qui peut occasionner une rétinopathie proliférative et une perte visuelle, et un infarctus cérébral, cause de divers troubles neurologiques. Une échographie-Doppler transcrânienne mesure la vitesse moyenne du flux sanguin dans les grands vaisseaux intracrâniens et permet de dépister les patients à risque élevé d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de les faire bénéficier d’une transfusion prophylactique. Une séquestration de globules rouges dans les corps caverneux est cause de priapisme (érection douloureuse prolongée) puis d’impuissance. L’hémolyse chronique est associée à une formation accrue de calculs biliaires pigmentés. Les autres complications de la drépanocytose sont une maladie rénale chronique, des ulcères, une ostéomyélite, de l’hypertension pulmonaire et un syndrome thoracique aigu. Ce dernier est une urgence médicale, caractérisée par de la fièvre, de la toux, de la dyspnée et des infiltrats pulmonaires visibles à la radiographie du thorax. Il est causé par une infection, une embolie graisseuse à partir de la moelle osseuse nécrotique ou par un infarctus pulmonaire dû à la séquestration des cellules falciformes.