5: Lordose lombale et canal vertébral

Chapitre 5


Lordose lombale et canal vertébral




LORDOSE LOMBALE


Le rachis lombal intact est constitué de cinq vertèbres lombales articulées les unes aux autres (figure 5.1). Antérieurement, les corps vertébraux sont séparés par les disques intervertébraux et soutenus par les ligaments longitudinaux antérieurs et postérieurs. Postérieurement, les processus articulaires forment les articulations zygapophysaires et les vertèbres successives sont soutenues par les ligaments surépineux, interépineux et intertransversaires ainsi que par le ligament jaune.



Les vertèbres lombales peuvent être positionnées pour former une colonne vertébrale rectiligne, bien que cette forme ne soit pas celle du rachis lombal intact en position debout. La raison en est que le sacrum sur lequel repose le rachis lombal est incliné vers l’avant ; sa surface supérieure est donc inclinée vers le bas et en avant. L’angle par rapport au plan horizontal du corps est en moyenne de 42° à 45° [13] sur des radios prises en décubitus dorsal. Il augmente d’environ 8° en position debout [1].


Un rachis lombal rectiligne articulé avec le sacrum serait par conséquent incliné en avant. Le rachis lombal intact doit s’incurver pour restaurer une position verticale et compenser l’inclinaison du sacrum (figure 5.1). Cette courbe porte le nom de lordose lombale.


La jonction entre le rachis lombal et le sacrum est obtenue par des articulations analogues à celles que l’on trouve entre les vertèbres lombales. Antérieurement, le corps de L5 forme une articulation intersomatique avec la première vertèbre sacrale. Le disque intervertébral de cette articulation porte le nom de disque lombosacral. Postérieurement, les processus articulaires inférieurs de L5 et les processus articulaires supérieurs du sacrum forment des articulations synoviales appelées soit articulations zygapophysaires de L5–S1, soit articulations zygapophysaires lombosacrales. Un ligament jaune est présent entre les lames de la vertèbre L5 et du sacrum. Un ligament interépineux relie les processus épineux de L5 et S1. Cependant, il n’existe aucun ligament surépineux au niveau de L5–S1 [4], ni de ligament intertransversaire, ce dernier étant remplacé par le ligament iliolombal.


La forme de la lordose lombale résulte de plusieurs facteurs. Le premier est la forme du disque intervertébral lombosacral. Ce disque diffère des autres disques lombaux intervertébraux par sa forme en coin. Sa hauteur postérieure est de 6 à 7 mm inférieure à sa hauteur antérieure [5]. Par conséquent, lorsque la vertèbre L5 s’articule avec le sacrum, sa surface ne repose pas parallèlement à la surface supérieure du sacrum. Elle reste inclinée en avant et en bas, mais moins fortement que la partie supérieure du sacrum. L’angle formé par la partie inférieure de L5 et la partie supérieure du sacrum varie de 6 à 29° d’un individu à l’autre, avec une valeur moyenne de 16° [5] (figure 5.2).



La forme de la vertèbre L5 est le second facteur qui génère la lordose lombale. Le corps vertébral de L5 est en forme de coin, tout comme le disque intervertébral. La hauteur de sa surface postérieure est de 3 mm inférieure à la hauteur de sa surface antérieure [6]. La surface supérieure de L5 est plus proche du plan horizontal que la surface supérieure du sacrum à cause de la forme en coin du corps de L5 et du disque lombosacral.


Le reste de la lordose lombale est complété par la simple inclinaison des vertèbres au-dessus de L5. Chaque vertèbre est inclinée légèrement en arrière par rapport à la vertèbre du dessous. Cette inclinaison a pour conséquence d’étirer les parties antérieures des anulus fibrosus et le ligament longitudinal antérieur. Postérieurement, les disques intervertébraux sont légèrement compressés ; les processus articulaires inférieurs glissent en arrière par rapport aux processus articulaires supérieurs de la vertèbre du dessous et peuvent buter contre le processus articulaire ou contre le pédicule en dessous. Ce dernier phénomène, qui est en rapport avec la capacité de charge des articulations zygapophysaires, est décrit plus en détail au chapitre 8.


La forme de la courbure ainsi obtenue en position debout est telle que la vertèbre L1 est amenée à reposer verticalement au-dessus du sacrum. La forme exacte de la lordose lombale au repos varie d’un individu à l’autre, et il est difficile de définir ce que l’on pourrait appeler une lordose lombale « normale ».



Amplitude


Divers paramètres ont été utilisés par différents experts pour quantifier la courbure de la lordose lombale, bien qu’ils nécessitent tous la mesure d’un ou de plusieurs angles formés par les corps vertébraux lombaux (figure 5.2). Certains ont utilisé l’angle formé par le plan de la surface supérieure de L1 et celui de la surface supérieure du sacrum [7,8] qui pourrait être appelé « angle lordotique de L1–S1 ». Fernand et Fox [9] ont mesuré les angles entre le sommet de L2 et celui du sacrum, ainsi que celui entre le sommet de L2 et la base de L5, qu’ils ont appelés respectivement : « angle lordotique lombosacral » et « angle lordotique lombolombal ». D’autres ont mesuré l’angle entre le sommet de L3 et le sacrum [10], ou l’angle formé entre les plans divisant le disque L1–L2 et le disque L5–S1 [11,12]. Par conséquent, les mesures obtenues lors de ces diverses études diffèrent quelque peu les unes des autres.


L’angle entre le sommet de L1 et le sommet du sacrum sur les radiographies prises en décubitus dorsal varie de 20° à plus de 60°, avec une valeur moyenne de 50° [7]. En position debout, ce même angle a été évalué à 67° (± 3°de déviation standard) chez les enfants, et à 74° (± 7° de déviation standard) chez les jeunes adultes [13]. L’angle entre le sommet de L2 et le sacrum varie de 16° à 80° et sa valeur moyenne est de 45° [9]. Une valeur supérieure à 68° est censée indiquer une courbure hyperlordotique [9]. Cependant, contrairement à la croyance populaire pour laquelle la lordose excessive est un facteur de risque de lombalgie, des études comparatives ont révélé qu’il n’y avait pas de corrélation entre la forme de la lordose lombale et la présence ou l’absence de symptômes rachidiens douloureux [7,10,12].



Stabilité


La plus grande vulnérabilité du rachis lombal provient de l’inclinaison du sacrum. À cause de la déclivité de la surface supérieure du sacrum, la vertèbre L5 et tout le rachis lombal tendent constamment à glisser antérieurement le long de ce plan incliné, sous l’influence du poids du tronc et à chaque fois que du poids supplémentaire est supporté par le rachis lombal. La vertèbre L4 tend aussi, mais de façon moindre, à glisser le long de la surface de L5. Cependant, le rachis lombal est adapté pour compenser ces tendances, et ces adaptations se retrouvent dans la structure des processus articulaires et des ligaments de L5, ainsi que des autres vertèbres lombales.


Comme il est décrit au chapitre 3, les articulations zygapophysaires lombales présentent un mécanisme de blocage osseux résistant au déplacement antérieur, dont le degré de résistance est déterminé par son orientation. Plus la facette articulaire est orientée vers l’arrière, plus sa résistance au déplacement antérieur est grande.


Les processus articulaires du sacrum sont orientés nettement vers l’arrière pour résister à la tendance au glissement vers l’avant de L5. L’orientation moyenne des articulations zygapophysaires de L5–S1 par rapport au plan sagittal est d’environ 45°, avec une majorité d’articulations zygapophysaires ayant cette orientation (voir figure 3.4). Seule une minorité d’articulations possèdent une plus ou moins grande orientation. Les articulations qui ont un angle plus grand, c’est-à-dire regardant plus en arrière, apportent une plus grande résistance au déplacement antérieur de L5, mais moins de résistance à la rotation axiale (mouvements de torsion) de L5. Les articulations dont l’angle est inférieur à 45° apportent moins de protection contre la rotation et contre le déplacement antérieur. L’angle de 45° est donc un compromis satisfaisant permettant aux articulations zygapophysaires lombosacrales de résister à la fois à la rotation et au déplacement antérieur.


Les articulations zygapophysaires sont aussi orientées à environ 45° (voir figure 3.4) et résistent de ce fait au déplacement antérieur de la vertèbre L4. Au-dessus de L4, les inclinaisons des surfaces supérieures des corps vertébraux sont horizontales ou inclinées vers l’arrière, et les vertèbres lombales supérieures n’ont pas tendance à glisser en avant. Les articulations zygapophysaires des lombales supérieures ont donc moins besoin d’être orientées vers l’arrière, et leur orientation est progressivement inférieure à 45° (voir figure 3.4). La résistance requise pour résister au déplacement antérieur durant la flexion du rachis lombal est néanmoins assurée par les surfaces articulaires incurvées. Bien que leur orientation habituelle soit proche du plan sagittal, les extrémités antéromédiales des surfaces articulaires des articulations lombales supérieures sont orientées vers l’arrière et peuvent éventuellement résister au déplacement antérieur (voir chapitre 3).


Le second mécanisme est apporté par les ligaments du rachis lombal qui stabilisent la lordose lombale. À tous les niveaux, la tendance d’une vertèbre à glisser antérieurement sera opposée par l’anulus fibrosus de la vertèbre sous-jacente. Cependant, le mécanisme de blocage osseux des articulations zygapophysaires évite des tensions excessives sur les anulus fibrosus. L’impaction osseuse se produira avant que les disques intervertébraux soient lésés. Toutefois, les anulus fibrosus seront davantage sollicités en cas de défaillance du mécanisme des articulations zygapophysaires, à cause de leur orientation inadaptée, de maladies ou de lésions.


En reliant les processus transverses à l’ilium, la finesse des ligaments iliolombaux apporte un mécanisme supplémentaire en évitant à la vertèbre L5 de glisser vers l’avant. La tension supportée par les ligaments iliolombaux est évidente au regard de la taille des processus transverses de L5. Ces derniers diffèrent des processus transverses des autres vertèbres lombales. Ils sont épais et pyramidaux au lieu d’être fins et plats. En outre, ils possèdent une base élargie qui s’étend vers l’avant le long du pédicule, jusqu’au corps vertébral, au lieu de naître simplement de l’extrémité postérieure du pédicule. Cette modification structurelle s’explique par un modelage osseux répondant aux énormes forces transmises par l’intermédiaire des processus transverses de L5 et des ligaments iliolombaux.


Le ligament longitudinal antérieur de même que les fibres antérieures des anulus fibrosus jouent un rôle supplémentaire en stabilisant la lordose lombale. Si le rachis lombal s’incline en arrière, les extrémités antérieures des corps vertébraux chercheront à s’écarter, mais le ligament longitudinal antérieur et les fibres antérieures des anulus fibrosus résisteront à cette séparation. Finalement, un équilibre sera trouvé dans lequel toute force tendant à séparer les corps vertébraux sera parfaitement stabilisée par la tension des ligaments antérieurs. Toute augmentation de force sera compensée par une augmentation de tension ligamentaire. De cette manière, les ligaments antérieurs donnent de l’élasticité au rachis lombal incurvé. Ce mécanisme est équivalent à la flexibilité que l’on peut ressentir lorsqu’une longue tige en bois ou une règle en plastique posée sur une extrémité est pliée comme un arc.


L’élasticité représente un des avantages du rachis lombal incurvé qui est ainsi en grande partie protégé des forces de compressive et des chocs. La transmission d’une force compressive axiale sur un rachis lombal rectiligne se ferait en grande partie par l’intermédiaire des corps vertébraux et des disques intervertébraux. Le seul mécanisme de protection vertébrale proviendrait de la capacité amortissante des disques intervertébraux (voir chapitre 2). En revanche, sur un rachis lombal incurvé, les forces de compression sont transmises par l’intermédiaire des extrémités postérieures des disques intervertébraux, alors que les extrémités antérieures ont tendance à s’écarter. Autrement dit, la compression tend à augmenter la lordose lombale. Cette tendance mettra sous tension les ligaments antérieurs qui résisteront à leur tour à l’augmentation de la lordose. Une partie de l’énergie de la force compressive est redirigée de cette façon pour étirer les ligaments antérieurs, au lieu d’être transmise directement au corps vertébral suivant.

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Apr 24, 2017 | Posted by in RADIOLOGIE | Comments Off on 5: Lordose lombale et canal vertébral

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